20.10.2009 - Séminaire des sous-préfets

20 octobre 2009

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales lors du séminaire des sous-préfets - Paris - Cap15


Monsieur le secrétaire général,
Messieurs les directeurs généraux et directeurs,
Mesdames et messieurs les sous-préfets,

Depuis ma prise de fonctions comme ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, j'ai réuni à deux reprises les préfets, afin de les mobiliser sur les objectifs prioritaires fixés par le Président de la République et par le Gouvernement, au premier rang desquels figure la baisse de la délinquance.

Grâce à l'initiative du Secrétaire général, qui m'a soumis dès ma prise de fonctions le principe d'un séminaire des sous-préfets, j'ai aujourd'hui l'occasion de m'adresser à vous dans cette formation qui n'avait pas été réunie depuis 2006.

J'ai voulu, par conséquent, saisir cette opportunité pour vous adresser deux messages et vous rappeler cinq priorités d'action.

I. Premier message : vous bénéficiez de la totale confiance des autorités de l'État, des collectivités territoriales et des acteurs de la société civile

En disant cela, j'ai bien conscience de m'adresser à un corps extrêmement diversifié, en raison, tout d'abord, de vos fonctions : directeur de cabinet ou directeur des services du cabinet, sous-préfet d'arrondissement, secrétaire général, sous-préfet chargé de mission ou encore secrétaire général pour les affaires régionales. Ces fonctions sont, d'ailleurs, exercées dans des contextes très différents. J'en profite pour saluer la quarantaine de sous-préfets qui sert actuellement outre-mer.

Mais précisément, la force du corps préfectoral est de réussir à maintenir, en dépit de cette diversité de fonctions - que vous êtes appelés à exercer tour à tour durant votre carrière - une identité professionnelle unanimement reconnue et sans équivalent.

Comme ministre mais aussi comme élu local, je peux apporter un témoignage direct des atouts irremplaçables qui sont les vôtres et que j'apprécie depuis de nombreuses années.

Tout d'abord, vous êtes les seuls hauts fonctionnaires à réunir à un tel degré trois qualités qui sont habituellement séparées :

• une capacité de synthèse pluridisciplinaire, qui permet d'intégrer tous les aspects d'un problème : économiques, sociaux, politiques, environnementaux ;

• une connaissance parfaite des rouages administratifs, qui fait de l'interministérialité une richesse, et non un obstacle ;

• une capacité à prendre des décisions adaptées au terrain et au contexte local, et à les assumer.

Ensuite, dans l'exercice de vos différentes missions, dont le point commun est d'être placées sous l'autorité d'un préfet qui en assume in fine la responsabilité, vous êtes au cœur de la promotion de cette grande valeur qu'est l'intérêt général.

Tous les ministères cherchent à mobiliser les préfets et les sous-préfets afin de « territorialiser » leurs politiques publiques.

Ce sens de l'intérêt général est aussi reconnu et respecté par les collectivités locales. Je ne compte plus le nombre de lettres d'élus demandant que « leur » sous-préfet partant soit remplacé dans les plus brefs délais : c'est une preuve, parmi d'autres, de la plus-value que représente un sous-préfet pour tous les acteurs locaux.

Outre vos qualités individuelles, que je viens de souligner, votre force collective réside également dans l'ouverture et la diversité du corps préfectoral, qui ressemble chaque année davantage à la société française.

Parmi les corps de hauts fonctionnaires, le vôtre est celui dans lequel l'origine sociale et géographique est la plus proche des moyennes nationales. Quant au taux de féminisation, même s'il reste des réels progrès à accomplir, il vient de franchir la barre des 20% - ce qui constitue un maximum historique - à comparer à un taux de 10,6% en 2000.

Pour les recrutements à venir, je veillerai à ce que la diversité des nouveaux recrutements, et notamment leur féminisation, soient poursuivies, à l'instar du recrutement cette année, parmi vous, d'une proviseure de lycée, d'un officier de sapeur-pompier ou encore de deux inspecteurs du travail. Je veillerai également à la juste représentation de nos compatriotes d'outre-mer, conformément aux orientations du Président de la République.

II. Mon second message concerne l'avenir proche : vous devez continuer à évoluer et à vous adapter pour répondre au formidable besoin d'État manifesté par nos concitoyens.

Je n'ai pas besoin de revenir sur les évolutions sociales - ou plutôt sociétales - qui sont à l'œuvre et sur lesquelles vous réfléchissez ensemble depuis ce matin. Je voudrais plutôt insister sur leur interprétation globale et sur les conséquences qu'il faut en tirer.

J'en ai la conviction profonde : les nombreuses évolutions à l'œuvre dans la société française ne signifient pas « moins d'État » mais sont, au contraire, un appel à plus et à « mieux d'État ». Pour vous qui êtes l'incarnation de l'État de proximité, cette exigence crée un devoir impérieux d'adaptation aux attentes des Français et aux besoins de notre société.

L'actualité récente démontre le besoin d'État - et plus précisément même de l'État territorial - sur tous les grands enjeux de notre pays :

• la régulation du champ économique et social, avec notamment la reconversion économique des territoires, l'accompagnement social qu'il implique ou la mise en œuvre du plan de relance ;
• la promotion du développement durable, avec la déclinaison territoriale du « Grenelle de l'environnement » ;
• la politique de la ville ;
• le développement des territoires ruraux ;
• l'accès aux services au public ;
• le maintien de la cohésion sociale outre-mer.

On pourrait encore citer de nombreux exemples. Dans tous les cas, les Français et leurs élus locaux souhaitent l'unité de la parole et de l'action de l'État, à tous les niveaux de l'administration déconcentrée.

J'appelle chacun de vous à incarner pleinement cet État de proximité, quelle que soit votre fonction actuelle :

• les directeurs de cabinet, comme animateurs des politiques de sécurité dans toutes leurs dimensions ;
• les secrétaires généraux, adjoints des préfets, comme managers des services de la préfecture, organisateurs d'un dialogue social nourri et animateurs des politiques et des mutualisations interministérielles ; n'oubliez pas non plus votre fonction de sous-préfet de l'arrondissement chef-lieu qui est également la vôtre ;
• les sous-préfets chargés de mission comme fers de lance de la présence forte de l'État lorsqu'une problématique lourde le nécessite, comme, par exemple, en matière de politique de la ville, de reconversion industrielle ou de présence en zone de montagne ;
• les SGAR, auprès du préfet de région, comme animateurs de la collégialité régionale pour les politiques de l'Etat et de l'Union européenne mais aussi pour la gestion et la mutualisation interministérielles des moyens.

L'enjeu est sans doute encore plus fort pour les sous-préfets d'arrondissement. J'ai la conviction que le maillage territorial, sans exclure des ajustements ponctuels, est indispensable à notre République. Pérennité du maillage territorial ne peut être pour autant synonyme d'immobilisme : il vous faut en effet, collectivement, forger et diffuser une nouvelle légitimité pour le sous-préfet d'arrondissement.

Je vous invite donc à concevoir une sous-préfecture d'un type nouveau, qui ne sera plus organisée sur le modèle d'une préfecture en modèle réduit. La sous-préfecture doit évoluer pour devenir une administration de mission, tournée vers le développement local et venant en appui à l'action de proximité menée par le sous-préfet.

Ce que j'attends du sous-préfet d'arrondissement, c'est qu'il développe ses interventions en matière d'ingénierie territoriale, c'est-à-dire sa capacité à conduire un projet local, à y faire adhérer tous les acteurs concernés et à le mener à son terme. Dans sa relation avec les élus, il doit répondre en priorité à leur demande de conseil et à une exigence accrue de fiabilité et de réactivité.

Ce rôle d' « assemblier » et de créateur de consensus est également indispensable pour la mise en œuvre de toutes les politiques partenariales.

III. Je voudrais, enfin, vous confirmer mes attentes à l'égard du corps préfectoral dans cinq domaines qui sont autant de priorités, à la fois immédiates et durables.

(1) Comme je l'ai indiqué aux préfets, la baisse de la délinquance demeure la toute première de mes priorités et les résultats de votre mobilisation devront être visibles dès le quatrième trimestre 2009, qui devra donc être meilleur que le quatrième trimestre 2008.

Que vous soyez directeur de cabinet ou sous-préfet d'arrondissement, il vous appartient - naturellement sous l'autorité de votre préfet - de contribuer à la qualité du diagnostic local sur la délinquance et de proposer des mesures innovantes et efficaces. En outre, soyez réactif et très présent sur le terrain.

Pour cela, à l'échelle du département ou de votre arrondissement, des réunions de travail par bassin de délinquance sont nécessaires pour avoir une approche dynamique et territoriale des problématiques de sécurité et pour mener une action qui corresponde aussi exactement que possible aux spécificités des territoires et aux attentes de nos concitoyens. Par delà les résultats immédiats, il vous faut construire les conditions d'un recul durable de l'insécurité.

Vous devez, également, développer et mettre en évidence l'action de l'État en matière de prévention de la délinquance, qui est un volet à part entière de la politique de sécurité. J'en rappelle les enjeux majeurs :

• la prévention situationnelle, en particulier dans les collèges, les lycées, les zones ANRU et les transports ;
• la prévention de la délinquance des mineurs et la responsabilisation des familles, ce qui passe par un travail renforcé pour repérer les cas problématiques et les traiter ;

• la lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaires, qui doivent vous mobiliser partout sur le territoire, et notamment dans les départements et collectivités d'outre-mer où ces phénomènes sont massifs et très préoccupants.

Dans ces domaines, la loi a renforcé les prérogatives des maires, qui ont un rôle fondamental à jouer. Il vous revient - directeurs de cabinet, sous-préfets d'arrondissement, ou sous-préfets chargés de mission - d'animer les services de l'État pour qu'un appui soit fourni aux maires dans le cadre de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance réactivés. Vous devez également apporter aux élus les conseils nécessaires sur les objectifs et sur la méthode, qui doit faire une large part à l'expérimentation et l'évaluation.

Parmi les mesures de prévention, je vous demande de privilégier spécifiquement le déploiement de la vidéo-protection. Ce sujet doit être au cœur de vos contacts avec les maires en matière de sécurité. Vous devez favoriser le développement de la vidéo-protection sur la voie publique, mais également encourager son utilisation, lorsque cela est nécessaire, dans les parties communes des immeubles, les commerces ou d'autres endroits où un risque fort est mis en évidence.

(2) La deuxième priorité concerne la sécurité routière. En ce domaine aussi, il vous faut agir dans l'immédiat et dans la durée. Le mauvais bilan du mois de septembre confirme la tendance à l'augmentation du nombre de tués sur les routes constatée depuis plusieurs mois. Cette hausse de la mortalité routière frappe particulièrement les conducteurs de deux-roues motorisés, qui représentent 27% des tués pour seulement 1% du trafic.

Sans revenir sur les directives précises qui ont été adressées dernièrement aux préfets et qui ont pour objectif de faire à nouveau reculer le nombre de tués et de blessés sur nos routes, je vous demande un investissement actif et personnel dans l'analyse de l'accidentologie locale, qui doit vous conduire à proposer des mesures efficaces et adaptées au terrain.

Je pense notamment au choix de la localisation la plus pertinente pour les contrôles routiers qu'il vous est demandé d'intensifier la nuit, le week-end à la sortie de discothèques ou bien encore de façon ciblée sur les deux-roues. Vous ne devez pas hésitez à aller sur le terrain et recueillir l'avis des maires sur les mesures à prendre ou les comportements dangereux à réprimer.

(3) La gestion des crises constitue le troisième thème que je souhaitais aborder devant vous. L'aptitude à gérer les crises est une des images de marque du corps préfectoral. La préparation à la pandémie grippale en est une nouvelle illustration à une échelle inégalée depuis longtemps

Grâce à vos capacités d'initiative et d'adaptation à un exercice radicalement nouveau, les 1 080 centres de vaccination désignés vont pouvoir ouvrir dans quelques semaines et accueillir nos concitoyens au cours des 4 prochains mois.

Plus généralement, je veux saluer le travail considérable que vous avez accompli ces derniers mois, particulièrement durant la période estivale. Grâce à votre efficacité, nous avons pu reprendre de l'avance dans notre préparation contre la pandémie, ce qui n'allait pas de soi. De l'avis de toutes les autorités de l'État, cela est dû en particulier à la mobilisation exemplaire du corps préfectoral.

Par conséquent, après la préparation du dispositif, nos concitoyens attendent de nous une gestion efficace du fonctionnement des centres de vaccination. Ils attendent aussi, comme vous l'avez fait jusqu'à présent, une communication transparente, cohérente et qui mette en valeur les mesures prises pour gérer au mieux la pandémie.

Mais ce savoir-faire en matière de gestion des crises peut avoir à s'exercer en de bien d'autres circonstances. A vous de capitaliser, de conforter et de professionnaliser encore vos expériences multiples en la matière.

(4) La réforme des collectivités territoriales est une autre des grandes priorités fixées par le Président de la République et par le Premier ministre. Je ne reprendrai pas tous les axes de cette réforme de très grande ampleur, qui sont largement médiatisés, qui vous ont été présentés grâce à des fiches techniques envoyées aux préfets et qui sera présentée demain en conseil des ministres.

J'aimerais simplement souligner devant vous un des éléments de la réforme, à savoir l'achèvement de la couverture intercommunale du territoire national d'ici 2013. Dans le projet actuel, il est prévu qu'un « schéma départemental de coopération intercommunale » soit élaboré par le préfet avant fin 2011, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale qui disposera d'un pouvoir d'amendement à la majorité qualifiée. Sur la base de ce schéma, des pouvoirs temporaires valables jusqu'à la fin 2013 seront accordés aux préfets pour créer, étendre ou fusionner des EPCI à fiscalité propre ainsi que pour dissoudre ou fusionner des syndicats. Le moment venu, vous aurez donc une responsabilité majeure dans la nouvelle carte administrative de notre pays.

La mise en œuvre de cette réforme va, une nouvelle fois, démontrer le rôle irremplaçable des sous-préfets dans la relation avec les élus locaux et dans l'évolution nécessaire de l'organisation de nos territoires.

(5) Enfin, je vous demande de réussir la réforme territoriale de l'État et d'en présenter les avantages aux partenaires de l'État local.

Je fixe trois objectifs prioritaires pour vous sur ce thème :

• en interne à la préfecture ou à la sous-préfecture, vous devez faire adhérer les personnels à la réforme en lui donnant tout son sens et en démontrant la valeur ajoutée qu'elle peut apporter dans votre département ; cela passe aussi par un dialogue social nourri avec les organisations représentatives du personnel. Au final, c'est votre capacité managériale qui se trouve ainsi mise à contribution. Je vous demande d'ailleurs de considérer cette dimension managériale comme cruciale car, dans un contexte où les préfectures et les sous-préfectures sont soumises, comme tous les services de l'État, à d'inévitables contraintes budgétaires, vous devez impérativement tirer le meilleur parti des ressources humaines placées sous votre responsabilité.
• indispensable en interne, votre capacité à mobiliser et à fédérer doit également se déployer au plan interministériel. Que ce soit au niveau régional, départemental ou au niveau de l'arrondissement, le nombre de services de l'État va diminuer en nombre et certains d'entre eux, comme les unités territoriales, ne seront que sous votre autorité fonctionnelle. Il faut donc développer votre capacité à animer une équipe de chefs de services déconcentrés en allant au-delà des schémas hiérarchiques traditionnels, ce qui suppose un savoir-faire et un savoir-être particuliers ;

• enfin, il vous faut communiquer davantage auprès des élus et de la population pour présenter la nouvelle organisation de l'État et en démontrer les avantages. En effet, rien ne serait pire que de laisser accréditer la thèse d'un « retrait de l'État». C'est au contraire à chacune et à chacun d'entre vous d'incarner la présence de l'État local et d'expliquer que la réforme peut et doit se traduire par une qualité de service et une efficacité accrues pour nos concitoyens.

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Ma conclusion tiendra en trois points :

• premièrement, vous avez toute ma confiance et celles des autorités de l'État. Je sais également que l'écrasante majorité d'entre vous sont perçus comme des partenaires précieux par les collectivités territoriales et que votre image auprès des Français est excellente. C'est un atout précieux, c'est aussi l'obligation de répondre aux attentes de nos concitoyens.

• deuxièmement, vous devez continuer à adapter vos missions aux évolutions de la société. Cette capacité d'adaptation est, depuis plus de deux siècles maintenant, la marque de fabrique du corps préfectoral. C'est vous qui créez chaque jour l'identité professionnelle des sous-préfets, qui devra inclure de plus en plus des capacités managériales, de communication et d'anticipation. Diversité et, par voie de conséquence, richesse du recrutement, professionnalisation accrue, expériences professionnelles variées, capitalisation des expériences et des savoir-faire sont autant de facteurs de réussite de cette adaptation permanente.

• Enfin, comme je l'ai dit sans détour aux préfets sous l'autorité desquels vous servez, j'attends de vous des résultats tangibles sur chacune des priorités du Gouvernement. Soyez, dans votre préfecture ou dans votre sous-préfecture, une force d'action et de proposition. N'hésitez pas à sortir, chaque fois que nécessaire, des schémas préétablis afin de rechercher l'efficacité de l'action de l'État au niveau local au service de nos concitoyens.

Être aujourd'hui sous-préfet, c'est exercer une mission exigeante. C'est aussi une opportunité sans égale pour servir nos concitoyens au confluent des évolutions et des contradictions de notre société. Notre société a besoin de confiance, de volontarisme mais aussi de réformes.

Soyez les ambassadeurs et les acteurs de cette nouvelle République des territoires qu'ensemble nous sommes en train de construire.

Je vous remercie.