18.09.2009 - 178ème session régionale de l'Institut des hautes études de défense nationale

18 septembre 2009

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales à l'Hôtel de la préfecture, Clermont Ferrand,


Amiral,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de pouvoir, aujourd'hui, intervenir devant les auditeurs de la 178ème session régionale de l'Institut des hautes études de défense nationale.
    Depuis sa création, il y a près de 75 ans jusqu'à aujourd'hui, votre Institut s'est imposé comme l'un des hauts lieux de formation et de sensibilisation aux enjeux de la défense.
    Votre mission est « d'aider les cadres de la nation à se forger une perception de la défense, de développer une sensibilité à ses enjeux, de contribuer à l'acquisition de la culture de défense ».
Comme ministre en charge de la protection de nos concitoyens, je sais combien la sécurité constitue un combat exigeant, permanent mais passionnant.
Vous l'avez compris en choisissant d'explorer le thème de « la sécurité globale », notre mission est aujourd'hui indissociable des enjeux planétaires.
I.    Tout d'abord, pourquoi parle-t-on désormais de sécurité globale et qu'entend-on par là?
Un fait historique : depuis la fin de la guerre froide, un nouvel ordre mondial s'est installé. De nouvelles menaces se sont manifestées.
Il faut regarder la réalité en face : l'un des éléments déclencheurs a certainement été l'ampleur des attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le sentiment de vulnérabilité lié à l'incapacité des services de renseignements américains à anticiper un tel évènement.
D'autres facteurs entrent aussi en ligne de compte : l'apparition de nouveaux risques et menaces comme le terrorisme international ; les catastrophes naturelles ; les crises sanitaires internationales ; ou encore le crime organisé et ses réseaux exploitant les toutes dernières technologies.
Ces nouvelles menaces nous ont contraints à réagir. Il en résulte obligatoirement, en effet, la nécessité, pour les Etats occidentaux, de repenser leur sécurité et ce, dans une approche plus globale, qui dépasse le clivage traditionnel entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. C'était précisément ce à quoi nous invitait le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2008 à la demande du Président de la République.
Que cela signifie-t-il ? La sécurité globale, ce n'est pas une addition de concepts liés aux questions de sécurité intérieure, de justice, de défense et de relations internationales.
La sécurité globale, c'est la capacité à assurer à notre collectivité un niveau suffisant de prévention et de protection contre les risques et les menaces de toute nature, d'où qu'ils viennent. L'enjeu est bien d'assurer la sécurité partout et pour tous. Il ne doit y avoir ni territoire oublié, ni population négligée.
Concrètement, cela signifie que notre action en faveur d'une sécurité globale doit prendre en compte quatre domaines essentiels :
o    l'échelle des territoires, tout d'abord, qui peut considérablement varier ;
o    l'impact des flux, qu'ils soient humains, matériels ou immatériels ;
o    le renseignement, pour déceler, comprendre et cerner les « signaux faibles » des risques et menaces qui pèsent sur la collectivité ;
o    enfin, les évènements, naturels, accidentels ou provoqués, qu'il faut savoir anticiper, gérer et maîtriser avec toute l'efficacité attendue des pouvoirs publics.
II.    Quels sont, pour nous, les grands enjeux de cette sécurité globale ?
(1)    Je pense, bien sûr, en premier lieu, à la mondialisation et aux risques qu'elle comprend.
La globalisation économique permet une propagation de la criminalité organisée. Elle constitue une véritable aubaine pour le développement des réseaux criminels car elle facilite leur internationalisation.
    C'est aussi le développement plus facile de la contrefaçon, des opérations de blanchiment d'argent, du pillage des savoir-faire de valeur stratégique.
    La multiplication des conflits extérieurs constitue, de la même façon, une menace pour notre sécurité, compte tenu de la facilité avec laquelle ils peuvent être transposés sur notre territoire.
(2)    Je pense, aussi, aux évolutions technologiques dont nous savons que certains aspects sont aussi négatifs.
Elles ouvrent, en effet, de nouveaux champs d'insécurité car elles génèrent de nouvelles vulnérabilités.
Je pense, tout particulièrement, aux infrastructures critiques d'importance vitale qui peuvent devenir des cibles pour des organisations criminelles. Nous l'avons, encore récemment constaté avec la dégradation des lignes TGV par un groupe anarchiste.
    De même, le cyberespace est également un nouveau territoire à surveiller et à protéger méthodiquement. Nous le savons, la criminalité organisée sera de plus en plus présente sur internet. Nous le savons, notre vulnérabilité en la matière est élevée. Nous devons donc impérativement nous y adapter pour nous prémunir contre des cyber-attaques, qu'elles soient massives ou ciblées.
(3)    Je pense, enfin, aux vulnérabilités liées aux évolutions sociales et sociétales.
    La très forte mobilité individuelle conduit à une multiplication des flux de déplacement et de transport, nationaux ou internationaux. Elle expose donc à de nouveaux risques comme les enlèvements de touristes français à l'étranger, par exemple, ou les nouvelles formes de délinquance routière sur notre territoire.
    Les questions identitaires et d'appartenance sont aussi un vrai sujet de préoccupation, compte tenu des tensions qu'elles engendrent, lesquelles peuvent déboucher sur des violences ou sur des phénomènes de radicalisation, voire de terrorisme.
    Enfin, le vieillissement démographique donne lui-même naissance à de nouvelles vulnérabilités dans la mesure où les populations âgées deviennent des cibles privilégiées pour certains délinquants
III.    Comment relever ces enjeux de la sécurité globale ?
Cette stratégie repose sur trois piliers.
(1) Le premier pilier repose sur notre capacité à mobiliser l'ensemble des acteurs de la sécurité.
Les acteurs qui concourent à la sécurité sont nombreux.
Ces acteurs, ce sont, avant tout, les policiers et les gendarmes. Je veux tirer tout le parti opérationnel du rapprochement police-gendarmerie. La loi du 3 août 2009 sur la gendarmerie nationale a garanti le respect de l'identité des deux forces de sécurité intérieure et, tout particulièrement l'identité militaire de la gendarmerie. Il n'y a pas fusion, il y a rapprochement entre ces deux institutions.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire aux responsables territoriaux des deux forces que j'ai réunis le 2 septembre dernier, je ne veux pas que ce rapprochement soit synonyme de compétition ou de juxtaposition, mais qu'il s'inscrive dans une démarche de complémentarité optimale et d'efficacité opérationnelle maximale. La règle, c'est la complémentarité et l'efficacité et non pas la concurrence et la discordance.
Les services de police et de gendarmerie ne sont pas les seules forces engagées dans la lutte contre la délinquance. Bien d'autres acteurs concourent à la sécurité. Il est ainsi nécessaire de tenir compte de la présence et du rôle exercé par les polices municipales en développant notre coopération avec elles. De la même façon, il importe de redéfinir le positionnement des acteurs de la sécurité privée, tout en précisant les conditions nécessaires à une véritable coordination des activités avec celles des services de police et de gendarmerie.
Cette mobilisation concerne aussi tous les acteurs de la chaîne de prévention.
La prévention n'est pas une action subsidiaire, mais un moyen à part entière de lutte contre la délinquance. Il faut donc lui redonner toute son efficacité, conformément à la loi du 5 mars 2007. C'est précisément l'objet du plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes prévu pour la semaine prochaine. Il ne s'agit pas d'empiler de nouvelles procédures sur celles déjà existantes, mais de travailler à partir d'objectifs renouvelés, selon des modalités simples, opérationnelles et efficaces.
Cela passe, également, par le développement de « la prévention situationnelle » qui permet de prévenir plus efficacement les actes de malveillance. Cette forme de prévention sera renforcée dans quatre domaines : les établissements scolaires sensibles ; les opérations de rénovation urbaine et les ensembles d'habitations ; les transports en commun ; les habitations particulières, entreprises, chantiers ou zones d'activités vulnérables aux cambriolages et aux dégradations. Des référents-sûreté, policiers et gendarmes, ont été formés à cet effet. Je tiens, à ce propos, à souligner l'efficacité de la vidéo-protection en matière de prévention de la délinquance. Son impact est réel et je veux que ces dispositifs soient étendus au-delà de la voie publique, dans des locaux industriels et commerciaux particulièrement vulnérables, ou dans les quartiers sensibles, par exemple.
Enfin, mobiliser tous les acteurs, c'est aussi travailler de façon transversale, dans l'interministérialité.
Nous le faisons avec notre interlocuteur naturel, le ministère de la justice, mais également avec d'autres partenaires comme l'éducation nationale – je vais d'ailleurs signer, dans les prochains jours, une circulaire mixte avec Luc CHATEL, sur la sécurisation des établissements scolaires – ou comme le ministère du budget – un protocole passé avec Eric WOERTH précisera les modalités selon lesquelles 40 agents du fisc seront directement associés à la lutte anti-criminalité.
(2) Le second pilier de cette stratégie repose sur notre capacité à nous adapter aux réalités du terrain.
La police d'agglomération, que j'ai mise en place à Paris et en petite couronne lundi dernier, participe de cette logique qui consiste à adapter les services et leurs modes de fonctionnement aux bassins de délinquance. La nouvelle organisation va permettre de mener une stratégie d'intégration et de mutualisation de l'action policière à l'échelle de toute l'agglomération. J'arrêterai les modalités de déploiement de cette organisation à Lille, Lyon et Marseille, d'ici la fin de l'année et j'étudierai, courant 2010, l'opportunité d'y inclure d'autres conurbations.
Je pense aussi à la police des territoires. En effet, l'amélioration du service public de sécurité doit être effective à l'échelle du territoire national tout entier. Il s'agit, pour mieux s'adapter au phénomène délictuel, de mettre en œuvre une conception dynamique de la couverture territoriale.
Concrètement, la police des territoires permettra de contrôler à la fois l'espace et les flux, en s'appuyant sur le maillage des brigades de gendarmerie appelées à intervenir en dehors de leur périmètre d'action habituel. Comme pour la police d'agglomération, il faut dépasser certaines limites administratives qui brident l'action opérationnelle et gagner de nouvelles marges de manœuvre.
Au-delà des grandes agglomérations, les territoires sont divers, allant de la zone périurbaine à la ruralité la plus profonde. Les espaces à protéger comprennent ainsi des lieux de vie, des axes de passage ou des zones à plus faible densité résidentielle.
Mais, quelle que soit la caractéristique de la zone considérée, la population qui y vit ou qui y transite doit bénéficier d'une offre de sécurité équivalente à celle qu'elle peut trouver ailleurs.
(3) Le troisième pilier repose sur notre capacité à collecter l'information afin de mieux cibler nos actions.
On ne combat efficacement que ce que l'on connait précisément. Il est donc nécessaire d'avoir une connaissance aussi complète et objective que possible des situations à traiter. La réorganisation récente des services de renseignement, avec la création de la direction centrale du renseignement intérieur, d'une part, et de la sous-direction de l'information générale, placée au sein de la direction centrale de la sécurité publique, d'autre part, procède de ce souci de disposer d'un dispositif cohérent de recueil et d'analyse de l'information opérationnelle.
Ces services sont des observateurs vigilants, aptes à déceler les « signaux faibles », précurseurs ou annonciateurs de risques, qu'il s'agisse de simples menées subversives ou de menaces terroristes avérées. Ces services, et notamment ceux de l'information générale, sont directement impliqués dans la lutte contre le phénomène des bandes, au travers, notamment, de structures dédiées.
Par exemple, c'est précisément grâce au renseignement que nous pouvons, aujourd'hui, lutter plus efficacement contre les cambriolages. J'ai, en effet, décidé la création de cellules anti-cambriolages spécialisées pour adapter plus finement l'action des services. En temps réel, elles échangent les informations, tiennent à jour une cartographie détaillée, procèdent à des recoupements et proposent des actions ciblées.
Mesdames et Messieurs,
Pour faire face aux enjeux de la sécurité globale, nous devons être à la fois mobilisés, réactifs et imaginatifs.
Mobilisés, parce que sans les acteurs de la sécurité, rien ne peut être réalisé.
Réactifs, parce que les menaces évoluent et que nous devons donc constamment nous adapter.
Imaginatifs, parce que des voies nouvelles méritent constamment d'être explorées.
    « La sécurité, voilà ce qui fait penser » avait écrit Albert CAMUS dans Caligula.
Je sais que l'IHEDN est une belle école de la pensée.
Je compte donc sur chacun de vous pour éclairer notre action et nous aider à remplir une noble mission : assurer la sécurité de nos concitoyens.