Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à l'occasion de la signature de la convention-cadre entre le ministère de l'intérieur et le conseil français du culte musulman pour la mise en œuvre d'un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France - Hôtel de Beauvau, jeudi 17 juin 2010.
– Seul le prononcé fait foi –
Monsieur le Président du Conseil français du culte musulman, cher Mohammed MOUSSAOUI,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil français du culte musulman,
Mesdames et Messieurs,
En vous recevant ce matin, au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, pour la signature de la convention-cadre relative à la mise en œuvre d'un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France, j'ai le sentiment que nous accomplissons, ensemble, un acte important, dans le prolongement de l'action conduite depuis 2003 avec la création du Conseil français du culte musulman.
Si le CFCM est désormais le visage incontesté des diverses composantes de l'islam de France auprès des pouvoirs publics, c'est grâce au discernement et à la détermination sans faille d'un certain nombre de personnes qui ont compris, avant les autres, la force des liens qui unissent la République aux musulmans de France.
Naturellement, une telle entreprise ne va pas sans susciter certaines difficultés, tant l'institution est jeune et les espoirs qu'elle porte sont nombreux. Attaché à un dialogue fécond, régulier et sincère, je tiens surtout à vous redire toute ma confiance, en vous et en votre président, Mohammed MOUSSAOUI.
I. Si les liens entre la République et les musulmans de France sont aujourd'hui étroits et confiants, ces derniers sont parfois, trop souvent, la cible d'agressions ou d'exactions que rien ne saurait justifier.
(1) Ces actes et ces menaces, par leur symbole autant que par leurs conséquences, heurtent de plein fouet les valeurs de notre pacte républicain.
Ils affectent dangereusement les conditions du « vivre-ensemble » auquel nous sommes profondément attachés.
Chaque fois qu'un citoyen, quelles que soient ses origines ou sa religion, est atteint pour ce qu'il est, ou pour ce en quoi il croit, c'est l'ensemble de la communauté nationale qui s'en trouve offensée. Je fais volontiers miens ces mots du Prix Nobel de la paix Elie WIESEL : « quand un homme ou une femme est persécuté en raison de sa race, de sa religion ou de ses opinions politiques, la place où il se trouve doit devenir, à ce moment précis, le centre de l'univers ».
Je pense à ces lieux de culte aux murs entachés d'inscriptions injurieuses, à ces stèles renversées ou ces tombes dégradées.
Je pense, aussi, à ces instants où nous nous sommes retrouvés, Monsieur le président MOUSSAOUI, en janvier dernier, aux côtés du président de la République à la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette, ou, début mai, au cimetière de Tarascon, en partageant la même stupéfaction face aux actes perpétrés au mieux par des inconscients, au pire par des voyous.
(2) Face à la bêtise et à la haine, la première réaction est naturellement à l'émotion.
Une émotion sincère et d'autant plus forte qu'elle est souvent teintée d'incompréhension, en particulier quand sont profanées, en octobre 2009 au cimetière de Montjoie-Saint-Martin, dans la Manche, huit tombes de soldats marocains tombés durant la Seconde guerre mondiale pour la libération de la France.
L'incompréhension cède même franchement le pas à la colère, comme lorsque l'on retrouve quelque 32 impacts de balles sur la façade d'une mosquée, celle d'Ar-Rahma à Istres, dans les Bouches-du-Rhône, qui fut la cible de tirs d'armes à feux dans la nuit du 24 au 25 avril.
(3) Dans ce contexte douloureux, je tiens à dire publiquement combien je vous sais gré, Monsieur le président, de votre indéfectible engagement.
Je tiens à saluer votre légitime inflexibilité quant à la dénonciation d'actes qui n'ont clairement pas leur place sur le territoire de la République, et votre sens des responsabilités.
Face aux menaces ou aux agressions dont les musulmans sont victimes, vous savez garder la mesure dans le discours comme dans les actes, et vous vous faites fort d'en appeler toujours au calme. Le Gouvernement, à travers moi, vous en est sincèrement reconnaissant, car c'est la cohésion de notre pacte social qui s'en trouve renforcée.
(4) Sachez, surtout, que face à la bêtise et à la haine, la République se mobilise.
Au-delà de la compassion et de la solidarité, cette réponse a un nom : c'est la détermination.
Croyez-le bien, nous sommes totalement et entièrement mobilisés pour que la communauté nationale ne souffre plus de telles offenses et je puis vous assurer de la volonté sans faille des services de police et de gendarmerie qui, sous mon autorité, s'engagent chaque jour, pour prévenir et réprimer ces faits.
Chaque fois que de tels actes se sont produits, j'ai, d'ailleurs, immédiatement donné les instructions les plus fermes aux services de sécurité afin que tout soit mis en œuvre pour identifier, interpeller et déférer à la justice ses auteurs. Nombre d'entre eux [143 personnes, au total, en 2009] ont ainsi été interpellés, poursuivis et, pour la plupart, sanctionnés. Si j'ai conscience que cela n'atténue que très partiellement la douleur des victimes, chacun doit bien être persuadé qu'il n'y a pas d'avenir dans la République pour ceux qui en bafouent les symboles ou en piétinent les règles.
II. Notre détermination à combattre sans relâche ces actes odieux nous amène, ce matin, à vouloir améliorer encore la mesure que nous en faisons.
(1) La convention-cadre que nous signons, aujourd'hui, poursuit un objectif clair : mettre en œuvre un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France.
Ce travail de recensement, d'analyse et de suivi, apparaît aujourd'hui indispensable pour renforcer l'efficacité du dispositif public de prévention et de répression de ces faits de violence et de délinquance.
Ne nous le cachons pas: les outils dont nous disposons jusqu'à présent pour mesurer les actes hostiles aux musulmans ne sont pas pleinement satisfaisants, puisque ces faits sont répertoriés dans un agrégat statistique plus global relatif aux actes de violence raciste.
(2) En tout état de cause, le bilan pour l'année 2009 et le premier trimestre 2010, même sous réserve des imprécisions que je viens d'évoquer, ne peut satisfaire personne.
Pour l'année 2009, ce sont ainsi 220 «actions» et 806 «menaces» qui ont été recensées, soit 1026 faits au total. Parmi ces actes, nous avons déploré en particulier 6 actions violentes dirigées contre des mosquées ou des lieux de culte musulmans, contre 2 en 2008.
Plus globalement, sur les 1 026 faits de violence raciste recensés l'année dernière, 314 concernaient tout particulièrement nos compatriotes musulmans, soit environ 30% de l'ensemble.
Le début de l'année 2010 a été marqué, quant à lui, par plusieurs profanations de cimetières ou de mosquées qui nous ont légitimement émus – pouvoirs publics comme responsables musulmans –, en particulier les évènements survenus à Istres et à Tarascon auxquels je faisais référence il y a un instant. Depuis le 1er janvier, ce sont ainsi 16 faits qui ont pu être répertoriés à ce titre.
(3) La convention que nous nous apprêtons à signer doit précisément nous permettre de disposer d'une vision tout à la fois exhaustive et partagée de ces actes dirigés contre les musulmans de France.
A travers elle, le Gouvernement et le CFCM s'obligent à des échanges statistiques à l'occasion de réunions régulières, organisées au moins une fois par trimestre, entre une délégation du CFCM et les services du ministère de l'intérieur – en particulier la délégation aux victimes [au sein de la DGPN] et le bureau central des cultes.
Je souhaite qu'une évaluation régulière de ces actions soit menée afin de garantir et, si nécessaire, d'améliorer, l'efficacité du dispositif. J'insiste tout particulièrement sur la qualité des partenariats qui devront voir le jour, au niveau local, entre les services de l'Etat et les conseils régionaux du culte musulman.
X
Mesdames, Messieurs,
Vous le constatez, notre détermination est entière : la France, qui se reconnaît dans les principes de liberté, d'égalité et de fraternité inscrits au fronton de ses écoles et de ses mairies, ne peut accepter de transiger sur le respect de ses valeurs. C'est une conviction profonde. C'est un devoir moral. C'est un principe d'action.
Je tiens à dire aux membres du conseil français du culte musulman et à son président, Mohammed MOUSSAOUI, que l'Etat, fort des idéaux auxquels nous sommes tous attachés, sera toujours à ses côtés pour dénoncer les extrémismes, d'où qu'ils viennent, et pour combattre toutes les formes de racisme et de xénophobie. Ce combat, nous le menons depuis longtemps et j'entends le poursuivre sans relâche, avec vous.
Permettez-moi alors, Monsieur le président MOUSSAOUI, de vous inviter à parapher cette convention à mes côtés, pour renforcer encore notre coopération.