17.05.2010 - Remise du rapport de M. Edouard COURTIAL, député, parlementaire en mission, sur les besoins de sécurité liés au vieillissement de la population

17 mai 2010

Discours de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Agnetz, Oise


– Seul le prononcé fait foi –

Monsieur le préfet,
Monsieur le député-maire,
Monsieur le président du Conseil général,
Monsieur le directeur général de la gendarmerie nationale,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d’être parmi vous, aujourd’hui, pour la remise de ce rapport « sur les besoins de sécurité liés au vieillissement de la population », que vient de présenter le député Edouard COURTIAL.
Je tiens, avant toute chose, à lui rendre hommage pour la qualité de ses travaux, ainsi que pour son implication forte et personnelle dans la mission qui lui a été confiée. Il a eu à cœur, dans un esprit de dialogue, de concertation autant que d’inventivité, d’imaginer les actions concrètes qui pourront, demain, améliorer la vie quotidienne d’un grand nombre de nos compatriotes.
Je tiens, aussi, à saluer et remercier les aînés ici présents, qui viennent de bénéficier d’une séance de sensibilisation aux gestes de la vie quotidienne, grâce à la prestation remarquable des militaires de la Gendarmerie.

I. Quel est le constat ? Si l’augmentation de l’espérance de vie est une très bonne nouvelle pour chacun de nous, elle constitue, en réalité, un nouveau défi pour les forces de sécurité.

(1) En effet, les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses et vivent de plus en plus longtemps ; elles sont donc logiquement de plus en plus vulnérables et exposées.
En 2000, 4,3 millions de nos concitoyens avaient plus de 75 ans ; aujourd’hui, ils sont 5,5 millions. En 2015, c’est-à-dire demain, ils dépasseront les 6 millions.
Cette réalité du vieillissement porte en elle une conséquence logique : avancer dans l’âge, c’est devenir plus vulnérable. Plus faibles physiquement voire plus isolés socialement que la moyenne de la population, nos aînés constituent alors, pour les délinquants, des proies plus faciles.
Les statistiques le démontrent, malheureusement. Alors qu’ils ne représentent que 20% de la population, les aînés sont victimes des deux tiers des vols avec ruse et de près d’un tiers des cambriolages d’habitations principales ou secondaires. Ils sont aussi victimes d’escroqueries, par exemple à la carte bancaire.
(2) Face à cette réalité, il n’y a pas de fatalité.

Je n’accepte pas et n’accepterai jamais que les personnes âgées, notamment lorsqu’elles habitent seules, aient à vivre dans la crainte permanente d’une agression ou d’un cambriolage. J’avance, en effet, avec un principe simple : c’est l’honneur d’une société que de protéger ses aînés.
(3) C’est la raison pour laquelle j’ai décidé, il y a déjà plusieurs mois, de renforcer le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dit LOPPSI, de nouvelles dispositions en faveur de la sécurité des personnes âgées.

    Sur ma proposition, l’Assemblée nationale a, ainsi, le 16 février dernier, durci les sanctions encourues par les auteurs d’infractions commises à l’encontre de personnes vulnérables, en particulier les vols et les violences commises à l’encontre de personnes âgées.
   
Jusqu’ici, par exemple, le vol d’une personne vulnérable, qu’il s’agisse d’une personne âgée ou d’une femme enceinte, n’était passible que de 5 années d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. C’est une évidence, cela ne suffisait pas. Grâce à la disposition adoptée par l’Assemblée nationale, un vol sur personne vulnérable sera désormais sanctionné par 7 années d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Si ce vol s’accompagne de violences ou se déroule à domicile, la peine sera portée à 10 années d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
L’Assemblée a aussi, sur la proposition d’Edouard COURTIAL, institué une peine complémentaire  pour les auteurs de vol avec violences commis sur une personne vulnérable : désormais, à leur sortie de prison, ils auront l’interdiction de paraître dans la commune où habite la personne vulnérable. 
Le Sénat est désormais, à son tour, saisi de ces dispositions. La commission des lois se prononcera dès le 2 juin. Et le texte sera discuté en séance publique dès la rentrée de septembre – contrairement aux fausses annonces de report, totalement infondées, que j’ai pu entendre ici ou là.
Ces mesures sont un premier signal fort que j’ai souhaité envoyer à la fois aux victimes, qui doivent savoir que nous mettons tout en œuvre pour les protéger et leur épargner le traumatisme d’un acte de délinquance, mais aussi aux auteurs de ces délits et de ces crimes. Que ces derniers sachent que l’on ne s’attaque pas impunément aux plus faibles et que les peines qui les attendent seront à la hauteur, de la veulerie de leurs actes !

II. Nous devons, aujourd’hui, aller plus loin. Sur la base du rapport d’Edouard COURTIAL, je vous l’annonce aujourd’hui, nous allons mettre en œuvre un véritable plan d’action en faveur de la sécurité des personnes âgées.

Concrètement, nous avons conçu ce nouveau plan opérationnel autour de quatre idées phares :

  •     la connaissance des besoins pour intervenir efficacement en faveur des seniors ;
  •     le partenariat entre tous les acteurs ;
  •     la prévention pour anticiper et réduire les risques ;
  •     enfin, la protection par l’action résolue des forces de l’ordre.

Ce plan va, surtout, permettre la mise en œuvre de quatre nouvelles mesures très concrètes que je vous annonce aujourd’hui :
(1)    Première mesure : l’« opération tranquillité seniors ».
Concrètement de quoi s’agit-il ?
L’objectif est de renforcer la sécurité des personnes âgées à travers deux séries d’actions pour mieux les protéger des délinquants.
Pour ce faire, il est prévu de conduire deux séries d’actions : la sensibilisation de différents acteurs d’une part, des actions de protection de proximité d’autre part.
Comment allons-nous procéder ?
Les personnes âgées prioritairement concernées cette année seront celles qui ont été recensées comme personne isolée ou vulnérable par les communes dans le cadre du plan « canicule ».
Toutefois toute personne âgée isolée pourra sur la base du volontariat se signaler aux services sociaux, aux services de police ou de gendarmerie. Cette démarche est particulièrement importante notamment à l’approche de la période estivale où l’isolement des personnes âgées s’accroît du fait des départs en congés des voisins ou des familles.

-> Les personnes âgées, isolées sont particulièrement exposées à des actes de malveillance d’où la nécessité d’engager des actions de sensibilisation.

Pour ce faire, il convient d’abord de sensibiliser les différents acteurs qui sont au contact quotidien de ces personnes. Je pense notamment aux services sociaux, aux associations d’aide à domicile, aux postiers. Ces actions de sensibilisation sur les risques quotidiens qu’encourent les personnes âgées seront de la responsabilité des services de police et de gendarmerie en étroite relation avec les collectivités territoriales. A ce titre les polices municipales doivent jouer également un rôle majeur.
Il convient, ensuite, de sensibiliser directement nos aînés à travers par exemple les réunions organisées par les clubs du 3e âge ou par des prises de contact sur les marchés. Les actions de sensibilisation doivent prioritairement concerner la lutte contre les escrocs à l’identité, les pickpockets ou bien entendu la lutte contre les cambriolages.

-> Les actions de protection de proximité prendront quatre formes.

Tout d’abord les services sociaux, les services publics (la Poste, EDF) ou les associations  au contact quotidien avec ce public pourront informer les services de police ou de gendarmerie de tous faits pouvant apparaître comme anormaux, de toute situation d’isolement marquée pouvant poser un problème de sécurité publique. Cette démarche sera rendue possible grâce aux contacts réguliers et préalables que doivent entretenir les services en charge de la sécurité et les services sociaux.

 En deuxième lieu, les services de police et de gendarmerie devront prendre des contacts individualisés sur la base de signalements particuliers, à partir des recensements communaux mentionnés précédemment ou à la suite d’une démarche volontaire de la personne.

Troisièmement, la police et la gendarmerie organiseront des patrouilles de surveillance auprès des domiciles de ces personnes lorsque des circonstances particulières en matière de sécurité le justifieront (exemple : multiplication d’agressions ou de cambriolages, signalement de la présence d’escrocs).
• Enfin, je souhaite que la prise de plainte au domicile des personnes âgées devienne la règle.

Ce dispositif sera mis en œuvre par les personnels en activité de police ou de gendarmerie. Je compte aussi mobiliser les réservistes ou encore les volontaires citoyens pour cette action d’envergure en faveur de nos aînés.

D’ici la fin du mois de mai, les préfets recevront les instructions nécessaires. J’insiste sur le caractère partenarial de cette démarche, d’où la nécessité d’une étroite concertation avec le monde associatif et les élus qui ont une très bonne connaissance de ce public et de ses difficultés.
Je souhaite que le dispositif puisse être opérationnel à compter du 1er juillet 2010.
Vous l’aurez compris : il ne s’agira pas de placer un policier ou un gendarme derrière chaque personne âgée ! Et chacun reste libre de demander à bénéficier de l’opération tranquillité seniors. Il s’agit, tout simplement, pour ceux qui le souhaitent, de bénéficier d’une vigilance accrue de la part des policiers et des gendarmes.
J’entends que cette action citoyenne puisse mobiliser tous les acteurs de l’Etat, des collectivités locales et du monde associatif. La protection de nos aînés est plus que jamais un enjeu de société et de solidarité entre les générations.
(2) Deuxième mesure : l’information et la sensibilisation aux gestes et attitudes qui permettront aux aînés de vivre plus en sécurité dans leur vie quotidienne.
Les réunions, comme celle qui était organisée aujourd’hui, seront multipliées sur l’ensemble du territoire. Ce travail d’information et de sensibilisation devra impliquer l’ensemble des acteurs publics et privés concernés.

Les forces de l’ordre prendront, ainsi, toute leur part dans ce travail : là où ces actions de sensibilisation sont insuffisantes, la police et la gendarmerie en organiseront. Je demande, par ailleurs, de mettre au point un nouveau guide pratique pour les personnes âgées, ainsi qu’un document récapitulatif simple, une affichette par exemple, qui pourra être disposée de manière visible dans leur foyer. Je souhaite que cela soit mis en œuvre dès le 1er juillet.
Je souhaite que les collectivités territoriales s’impliquent elles aussi car elles peuvent faire le lien entre les seniors les plus isolés et les services publics.
Les structures de santé, enfin, assurent, d’ores et déjà, la protection des personnes âgées les plus fragiles, qu’il s’agisse d’une assistance directe ou d’une protection télé-assistée au moyen de dispositifs techniques adaptés. Toutes les synergies possibles avec ces dispositifs existants seront étudiées.

(3) Troisième mesure nouvelle : le renforcement des sanctions contre les actes de délinquance les plus graves.

    Nous avons fait un premier pas à l’Assemblée nationale, mais je proposerai au Sénat de renforcer à nouveau la LOPPSI sur deux points.
    Je proposerai, d’abord, la création d’une circonstance aggravante pour le vol commis par une personne chargée d’une prestation de service à la personne ou d’une mission de sécurité privée. Il me paraît nécessaire, en effet, que les individus qui profitent de leur situation professionnelle au contact des personnes âgées pour les voler soient punis plus sévèrement.
    De même, je souhaite que, pour les délits d’abus financiers au préjudice des personnes âgées, le délai de prescription soit allongé, passant de 3 à 10 ans. Les individus qui commettent de tels délits doivent savoir que nous ne les lâcherons pas !
(4) Enfin, quatrième mesure très concrète : l’amélioration de l’encadrement juridique des activités de sécurité privée.
Le rôle des sociétés de sécurité privée en matière de protection des seniors est appelé à se développer considérablement dans les années à venir : vidéoprotection, conseil en équipement anti-effractions, intervention à domicile.

Il est donc normal de renforcer l’encadrement de leurs activités. Nous allons, d’abord, astreindre les dirigeants des entreprises concernées au dépôt d’une déclaration, dès lors qu’ils prévoient des prestations spécifiques pour les personnes âgées et vulnérables. Les salariés de ces entreprises devront, de la même manière, suivre une formation particulière lorsqu’ils interviennent auprès de ces personnes. Enfin, nous allons renforcer les contrôles sur ces entreprises.
Je tiens à ce que les différentes mesures que j’annonce aujourd’hui soient mises en œuvre dans les meilleurs délais :

  •     c’est pourquoi j’ai décidé que les mesures relevant directement de l’action des services soient mises en place dès le mois de juillet ;
  •     l’ensemble du plan fera l’objet d’indicateurs de suivi et d’évaluation.

    J’ajoute que le rapport que m’a remis Edouard COURTIAL est très riche : je souhaite que toutes les pistes de réflexion et d’action qu’il a proposées soient explorées. Le plan que j’annonce aujourd’hui en reprend la plupart et pourra être complété le moment venu.
Parce que leur expérience, leur mémoire, leur sagesse sont autant de richesses qu’il convient de préserver, la sécurité des seniors est plus que jamais, pour le Gouvernement, une priorité.

Une priorité que nous avons commencé à mettre en œuvre et que nous renforçons, aujourd’hui, grâce à ces nouvelles mesures concrètes qui protègeront davantage nos concitoyens les plus fragiles et les plus exposés.