15.07.2009 - Réunion des préfets

15 juillet 2009

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, lors de la réunion des préfets le mercredi 15 juillet 2009 à Paris 15°


Monsieur le ministre,
Madame le ministre,
Monsieur le secrétaire général,
Messieurs les directeurs généraux et directeurs,
Mesdames et messieurs les préfets,

J'ai déjà eu l'occasion, dans des fonctions antérieures, de m'exprimer devant vous. Je vous avais adressé des directives comme ministre délégué aux collectivités territoriales, puis comme ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
C'est, aujourd'hui, comme ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales que j'ai le plaisir de m'adresser à vous, en mettant l'accent sur la sécurité de nos concitoyens et sur l'administration territoriale de notre République.

En cette période d'incertitudes et de bouleversements profonds, vous devez être en première ligne pour assurer et assumer l'action de l'Etat, mais aussi pour répondre aux préoccupations exprimées par nos concitoyens.

Qu'attendent, aujourd'hui, nos concitoyens de l'Etat ?
I. Qu'il leur permette de vivre en sécurité ;
II. Qu'il sache anticiper, prévenir et gérer les crises ;
III. Qu'il soit, sur tout le territoire, en mesure de répondre concrètement à leurs attentes.

Sécurité, réactivité, efficacité. Voici, par conséquent, vos trois missions.
I. Le cap qui nous a été fixé par le Président de la République est clair : d'abord, assurer la sécurité partout et pour tous. Si la sécurité est le premier droit de nos concitoyens, elle constitue le premier de nos devoirs. Elle est donc, pour chacun de nous, une obligation de résultat.
Le Président de la République l'a rappelé avec force devant les acteurs de la sécurité intérieure le 28 mai dernier : la sécurité des personnes et des biens doit rester la première priorité de notre action.
Grâce à votre action résolue ainsi qu'à celle des forces de police et de gendarmerie, des progrès importants ont été obtenus depuis 2002 : - 15% de baisse de la délinquance générale, -34% pour la délinquance de proximité. Toutefois, sans anticiper sur la communication de l'observatoire national de la délinquance qui aura lieu demain, le 16 juillet, il ne s'agit pas de se cacher la vérité : la délinquance a cessé de baisser au 1er semestre 2009.

Certains résultats nettement insuffisants m'interpellent : après plusieurs années de baisse, les cambriolages et les vols avec violence ont augmenté de presque 7% sur 6 mois ; les violences non crapuleuses – c'est-à-dire commises en dehors de tout vol mais qui touchent nos concitoyens dans leur vie quotidienne, voire dans l'intimité de leur foyer – ont également augmenté, d'environ 4%.
Cette tendance à la hausse n'est pas acceptable.

Naturellement, il faut analyser ces chiffres avec soin. Je connais les imperfections de notre outil statistique : il existe certains faits dont la hausse est souhaitable, parce qu'elle traduit une activité plus soutenue des services ou une moindre réticence des victimes à porter plainte ; l'approche chiffrée est un élément important d'évaluation, mais l'approche comptable ne doit pas constituer l'alpha et l'oméga de l'évaluation des forces de sécurité intérieure.

Mais je le dis clairement : nous devons battre en brèche la thèse trompeuse selon laquelle nous aurions atteint un niveau incompressible de délinquance. Au contraire, les chiffres récents prouvent que nous sommes confrontés à une transformation de la délinquance, notamment parce que la protection accrue des biens engendre une vulnérabilité accrue des personnes, et parce que des insuffisances de notre société et certains comportements individuels favorisent de nouvelles formes de violence.

Pour affronter ces nouvelles réalités, vous devez avoir en permanence le souci d'adapter notre dispositif à l'ampleur et aux formes nouvelles de délinquance.

(1) Cela suppose, en premier lieu, une mobilisation accrue de votre part dans la lutte contre la délinquance.
Dans les jours qui viennent, vous devrez, si vous ne l'avez pas déjà fait, analyser les tendances qui se dégagent dans votre département sur les six premiers mois de l'année, et bâtir, pour chacune des formes de délinquance qui sont en développement, un plan d'action avec les différents acteurs concernés.

Dans cette lutte, vous devez mobiliser au mieux l'intégralité des forces placées sous votre autorité. Vous avez désormais la possibilité de disposer, plus encore qu'auparavant, des forces de police et de gendarmerie nationales. Vous devez tirer pleinement profit de la complémentarité de ces deux forces. La loi portant dispositions sur la gendarmerie nationale devrait être définitivement votée la semaine prochaine. Le texte précise que « dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités [sont] placés sous l'autorité du préfet et lui [rendent] compte de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières ». Ce rapprochement entre la police nationale et la gendarmerie nationale a pour premier objectif une meilleure réponse opérationnelle.

Il ne s'agit pas de remettre en cause les identités, les cultures professionnelles ou les organisations de chacun. Mais certains problèmes ne peuvent trouver de solution que par une action coordonnée renforcée, que ce soit pour élaborer des plans d'action ou pour agir sur le terrain. Pour cela, vous devrez vous inspirer notamment de l'exemple des groupements d'intervention régionaux (GIR), qui ont largement prouvé leur efficacité depuis leur création en 2002.

Vous devez également faire preuve d'imagination, d'audace et d'initiative. Vous ne devez pas hésiter à sortir des schémas traditionnels d'organisation lorsque ceux-ci montrent leurs limites. Face à une criminalité mouvante et évolutive, vous avez non seulement un devoir de vigilance et de réactivité, mais vous avez également un devoir d'anticipation, d'innovation et de mobilisation.
Je vous le dis sans détour : vous serez jugés sur les résultats de votre action. Je n'hésiterai pas à convoquer celles et ceux d'entre vous dont les résultats seraient durablement insuffisants, afin d'en comprendre les raisons objectives et de trouver ensemble les mesures correctrices. Je ferai de même avec ceux qui, à l'inverse, obtiendront d'excellents résultats, car je considère que les bonnes pratiques sont insuffisamment reconnues, partagées et valorisées.

La fermeté que je vous demande doit être mise en œuvre avec intelligence et discernement. Je n'en attends pas moins de représentants de l'Etat.
Vous devrez tout particulièrement veiller au respect des libertés individuelles et des règles de déontologie. Notre action n'est crédible que si elle juste et légitime.

(2) Vous devrez, aussi, vous attaquer plus particulièrement aux violences aux personnes et aux phénomènes de bandes

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Je ne tolérerai pas qu'existent dans notre pays des zones oubliées ou des territoires négligés. Je n'accepterai pas que des groupes de caïds minables s'en prennent lâchement à la population, à des victimes faciles, ou défient l'autorité de l'Etat en attaquant des forces de sécurité et de secours. La sécurité est un droit, c'est même la première des libertés, et c'est à l'Etat qu'il revient de la garantir à tout citoyen.
Pour cela, des outils existent, vous devez donc les utiliser et leur faire produire des résultats tangibles :

► Conformément à la circulaire du 8 juin 2009, vous devez constituer dans votre département un « état-major de la sécurité » et réunir, chaque mois, les forces et acteurs concernés pour définir et mettre en œuvre votre stratégie en matière de sécurité. Cela suppose une association étroite du Parquet, dont vous devez nécessairement obtenir la participation et l'implication. Soyez attentifs à la place particulière faite au procureur de la République et aux relations permanentes que vous devez avoir avec lui, étant donné ses attributions. Votre seul objectif doit être les résultats à atteindre.
► S'agissant du phénomène de violences urbaines, vous devez valoriser le renseignement, qui permet d'avoir une meilleure connaissance des bandes et de ceux qui les composent.
► Dans les 34 départements les plus touchés par les violences urbaines, des groupes « cités », à vocation judiciaire, existent depuis le mois de juin, et les services départementaux se sont dotés de structures de renseignement spécialisées.

Les GIR doivent aussi participer à cette lutte en s'attaquant, ce qui est leur vocation première, à l'économie souterraine. Au cours des 5 premiers mois de 2009, les affaires de stupéfiants ont représenté 44% de leur activité, contre 29% en 2008. Je souhaite que vous vous intéressiez de près à ce type de délinquance organisée, qui frappe plus particulièrement notre jeunesse et qui est à la base de nombreux autres phénomènes de délinquance.

Vous ne devez pas, bien entendu, oublier le principal : les victimes. Chaque victime de plus est un échec. Chacune d'entre elles nous interpelle légitimement sur ce que nous aurions pu ou dû faire. C'est la raison pour laquelle vous devez impérativement veiller à la qualité de l'accueil et de l'écoute qui leur est accordée. N'oubliez jamais que les fonctionnaires et militaires placés sous votre autorité sont la vitrine de l'Etat, n'oubliez jamais que votre action passe par la considération, pas uniquement par la sécurisation.

(3) Parallèlement à ces mesures immédiates, vous devez, enfin, mettre en place une politique de prévention plus ambitieuse. Elle seule permettra une baisse durable de la délinquance.

Pour le Président de la République et pour le Gouvernement, la prévention n'est pas une action subsidiaire ; au contraire, elle fait partie intégrante de l'action des services de police et de gendarmerie, même si d'autres acteurs interviennent dans ce champ. La loi du 5 mars 2007 en a fixé le cadre. Elle doit être appliquée. Au plan départemental, il vous revient d'être les véritables chefs d'orchestre de la prévention.

Or, la situation actuelle appelle un constat sévère :

  •  les instruments de prévention ont été progressivement perdus de vue : 22 contrats locaux de sécurité signés en 2006 et 2007, contre seulement 6 en 2008, et 7 depuis le début 2009 ;
  •  de nombreuses dispositions de la loi du 5 mars 2007 sont bien souvent restée lettre morte.

J'ai demandé à l'inspection générale de l'administration un bilan afin de connaître précisément votre engagement dans ce domaine. Cette étude permettra d'établir un diagnostic complet, d'en retenir les points forts, et d'en améliorer les points faibles.

Le moment venu, vous vous impliquerez personnellement dans l'exécution du plan national de prévention en cours de préparation et qui sera mis en œuvre dès la rentrée.
Vous l'avez compris, j'apprécierai votre action sur ces deux volets complémentaires et indissociables : vos résultats en matière de lutte contre la délinquance ; votre engagement en faveur de la prévention. Ce ne sera pas l'un sans l'autre, ce doit être l'un avec l'autre.

II. L'attente des Français à l'égard des préfets s'exprime également face aux crises de toute nature : vous devez non seulement savoir gérer les situations d'urgence, mais vous devez également les anticiper.

Le ministère de l'Intérieur a la responsabilité de la gestion de crise, tant en matière d'anticipation et de préparation, avec le secrétariat général et la DPSN [direction de la planification de sécurité nationale], qu'en matière d'action, avec la direction de la sécurité civile. Le ministère est également responsable de la mise en œuvre de la réponse globale du Gouvernement en cas de crise majeure. Pour cela, je dispose d'un nouvel outil : le centre interministériel de crise [CIC], qui regroupe tous les ministères concernés et sera installé place Beauvau.

Je ne m'étendrai donc pas longtemps sur la nécessité d'être vigilants et réactifs face aux événements de grande ampleur, prévus ou imprévus, qui peuvent nécessiter le passage en gestion de crise.
Je souhaite, aujourd'hui, insister davantage sur le dossier majeur pour lequel j'attends évidemment votre mobilisation prioritaire, à savoir celui de la pandémie grippale.
La situation actuelle est contrastée :

► Tout d'abord, le passage en phase 6 décidé par l'OMS à la mi-juin atteste que le monde est bel et bien confronté à une pandémie grippale, la première du XXIème, liée à l'émergence d'un nouveau virus, auquel l'espèce humaine n'a probablement jamais fait face.

► Pour autant, à ce jour : la France compte, depuis le début de la pandémie, environ 500 cas avérés, principalement importés, et aucun décès lié à cette maladie en France, ce qui est notamment le résultat de votre mobilisation ainsi que de l'efficacité des mesures protectrices instaurées dans notre pays. Je veux d'ailleurs rendre ici hommage aux membres du corps préfectoral et aux fonctionnaires qui ont géré, de façon exemplaire, la situation sanitaire dans un centre de vacances à Megève : ils ont su réagir de façon rapide, efficace et ils ont su informer la population de façon objective, sans provoquer de réaction irrationnelle.

► Dans le même temps, il nous faut redoubler de vigilance et nous projeter d'ores et déjà dans une démarche d'anticipation de scenarii défavorables. En effet, qu'il s'agisse d'une circulation virale se renforçant dès l'été ou, plus probablement, d'une vague qui prendrait de la vigueur à l'automne, il apparaît presque inévitable qu'une pandémie liée à ce nouveau virus s'installe en France.
Si tel devait être le cas, les conséquences pourraient être considérables : outre son impact sanitaire, une pandémie provoquerait des difficultés aiguës dans certains secteurs d'activité d'importance vitale ou d'autres services essentiels au fonctionnement de la société et de l'Etat, et donc une désorganisation de la vie sociale et économique. En tout état de cause, nous devons nous préparer à une gestion de crise sur la durée.

Vous le savez, les pouvoirs publics ont fait preuve de réactivité. La France a déjà acquis un milliard de masques anti-projections, 723 millions de masques de protection et 33 millions de traitements antiviraux. A présent que les questions relatives au choix et à l'acquisition du vaccin sont en voie d'être stabilisées, il devient prioritaire de porter l'attention sur l'organisation concrète des questions relatives à l'acheminement et la diffusion des vaccins, des masques de protection et des médicaments antiviraux, sans oublier les moyens humains et matériels nécessaires à ces opérations.
Lundi, le Président de la République m'a confié la responsabilité de coordonner, en étroite collaboration avec la ministre de la santé, Roselyne BACHELOT, la lutte contre cette pandémie. Cet après-midi même, j'ai présidé une réunion du Centre interministériel de crise [CIC] à Beauvau pour donner corps à cette nouvelle impulsion. Dès le 23 juillet, un changement important va intervenir en matière de traitement. Les malades seront dirigés vers la médecine libérale. Vous recevrez de nouvelles instructions dès demain sur ce point.
Dans les jours prochains, vous recevrez également des instructions qui vous guideront pour l'organisation matérielle et logistique des vaccinations, mais aussi pour la sécurisation du transport vers les lieux de stockage et de diffusion.

Je vous demande, malgré la période estivale, de veiller à la mise en œuvre scrupuleuse de ces instructions. Si ce n'est pas encore le cas, vous devrez sans délai vous assurer de l'établissement et de l'actualisation des plans de continuité des services de l'Etat et des services publics. Par ailleurs, votre rôle consistera aussi à sensibiliser et mobiliser les élus de votre département, et au premier rang les maires, pour qu'ils réalisent ou mettent à jour les plans de continuité de l'activité [PCA] de leurs collectivités, car les communes et les départements en particulier gèrent des services dont la désorganisation pourrait avoir des conséquences dramatiques : je pense aux services publics de proximité, aux crèches, aux établissements pour personnes âgées, etc. Tous éléments utiles à l'intention des maires et des opérateurs publics et privés dans vos départements vous seront adressés dans les jours qui viennent. Ce sera à vous, ensuite, de relayer ce message.
III. Enfin, les Français attendent un Etat territorial resserré, simplifié et efficace. Cela suppose que vous vous investissiez pleinement dans la mise en œuvre de la réforme territoriale, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2010. C'est à vous qu'il revient d'incarner la réponse à ce besoin d'Etat.

Je vous le dis d'emblée : je ne partage pas du tout la vision pessimiste selon laquelle la réforme de l'Etat territorial porterait en germes un affaiblissement du préfet, notamment celui de département.
 
Bien au contraire, je fais deux constats :

(1) Le rôle interministériel du préfet et son pouvoir de direction sur les services territoriaux sont renforcés par les évolutions en cours.

J'en veux pour preuve que, désormais, vous serez force de proposition pour la nomination de vos directeurs départementaux, ce qui est une nouveauté considérable. De même, vous serez ès qualités délégué territorial de l'ensemble des agences ou établissements publics de l'Etat dans le département ou la région. Ce sont des changements majeurs, dont vous devez tirer pleinement parti.

(2) Le corps préfectoral bénéficie d'une image très positive. En particulier, la réactivité exceptionnelle dont vous avez su faire preuve face à la crise économique et votre contribution à la mise en œuvre du plan de relance sont unanimement reconnues. Votre rôle, votre action, votre capacité à agir et à faire prévaloir l'intérêt général dépendent certes des textes mais ils dépendent aussi et peut-être plus encore de votre action de rassembleur, de facilitateur, de médiateur et d'animateur.

Ce n'est pas un hasard si, dans un contexte aussi difficile, 57 de vos collègues préfets ou sous-préfets occupent en ce moment des fonctions de responsabilité dans les cabinets ministériels. Mon cabinet compte deux fois plus de membres du corps préfectoral que celui de mon prédécesseur.
Dès mon premier Conseil des ministres en tant que ministre de l'Intérieur, j'ai eu l'honneur de présenter le décret qui a augmenté le nombre de postes départementaux ouvrant droit à la hors classe. C'était attendu depuis longtemps. Aujourd'hui, c'est fait.

Concernant votre rôle au sein de la nouvelle organisation de l'Etat territorial qui entrera en vigueur au 1er janvier 2010, je veux prendre un engagement, avant de vous donner 3 axes d'action.
Mon engagement, c'est de faire respecter le statut constitutionnel, législatif et réglementaire du préfet. L'article 72 de la Constitution vous reconnaît avec force – je cite – « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».
Certes, nous le savons bien, la réforme territoriale qui se dessine est le fruit d'arbitrages interministériels ; elle n'est pas, au plan juridique ou institutionnel, totalement conforme aux propositions de réforme que vous aviez formulées ou à la conception défendue initialement par le ministère de l'intérieur. Il faut en prendre acte. Il nous revient, ensemble, de lui donner tout son sens.
Pour le reste, à chacun des arbitrages à venir, que ce soit sur l'architecture budgétaire ou sur les règles relatives à la gestion du personnel, je veillerai à ce que vos attributions juridiques soient en adéquation avec les responsabilités qui vous sont confiées et avec les résultats qui sont attendus de vous. En effet, la responsabilité sur les résultats n'a de sens que si elle s'accompagne d'une latitude suffisante sur les moyens de les atteindre. Or, les échanges que vous venez d'avoir avec les principaux responsables du ministère des finances montrent que nous avons encore – sur l'immobilier, sur la comptabilité, sur les achats – des progrès à réaliser ensemble.
En tant que représentant de l'Etat dans la région ou le département, que ce soit en métropole ou outre-mer, je vous demande de prendre en compte 3 impératifs :

  1. Tout d'abord, vous ne devez pas hésiter à vous affirmer comme les véritables patrons de l'Etat territorial. Votre rôle est bel et bien de nature interministérielle. Cela est naturellement valable pour la sécurité intérieure, la sécurité civile et la préparation aux situations de crise ; c'est également le cas pour les autres politiques publiques.
  2.  Ensuite, vous avez le devoir de faire réussir la réforme territoriale de l'Etat, pour que les Français attendent, non pas un retrait de l'Etat, mais un resserrement de celui-ci dans un but d'efficacité accrue.

A vous de veiller à ce que cette nouvelle organisation n'aboutisse pas à l'addition des corporatismes ou à de nouvelles féodalités, mais qu'au contraire, elle apporte une réelle valeur ajoutée pour nos concitoyens. Par delà les textes et les structures, il vous appartient, tout spécialement au niveau départemental, de donner sa réelle portée à cette réforme et pour ce faire, de l'expliquer, de l'expliquer encore, de faire travailler ensemble les nouvelles directions et fixer des objectifs précis à cette nouvelle administration territoriale afin de répondre aux attentes de la population de nos territoires.
► Cela doit notamment vous conduire, jusqu'à la fin 2009, à un suivi rapproché des travaux de préfiguration des futures directions régionales et des futures directions départementales interministérielles.

A ce titre, vous devez exiger de vos chefs de service déconcentrés qu'ils s'impliquent dans le dialogue social et dans la concertation avec les agents, qui sont souvent inquiets en raison d'un manque d'information ou d'écoute. C'est leur premier devoir. Il est également de votre responsabilité, à vous préfets, de vous assurer que les dialogues de gestion et les engagements de service entre le niveau régional et le niveau départemental sont bien conduits, sous votre égide, dans les délais impartis.

Je l'ai constaté, le discours sur la reforme de l'Etat est bien trop souvent défensif, réactif, voire lénifiant. On prétend rassurer les agents en leur expliquant que « rien ne changera pour eux » alors qu'ils comprennent bien que des évolutions sont en cours et surtout qu'elles sont nécessaires et inévitables.

Ils attendent un discours fort et mobilisateur sur le sens de leurs métiers, sur leurs nouvelles missions, sur le nouveau contexte dans lequel leur activité s'exerce.
Je vous demande d'être les porte-parole de cette mobilisation, y compris à l'égard de vos sous-préfets, que je réunirai à Paris à la mi-octobre.

► Dans le même temps, vous devez me faire remonter les difficultés que vous ressentirez afin que je puisse relayer vos préoccupations et contribuer à un meilleur pilotage national de la réforme. Vous pourrez en faire de même à l'attention de mes autres collègues du Gouvernement, lorsqu'il s'agira de sujets intéressant principalement leur ministère.

(3) Enfin, plus largement, je vous demande de continuer à faire vivre les fondamentaux du métier de préfet.

► Le premier d'entre eux est bien sûr la permanence de l'Etat, que vous devez assurer, avec votre équipe, 24 heures sur 24 et 365 jours par an. J'ai été très surpris d'apprendre que, le premier week-end après ma prise de fonctions, il a été particulièrement difficile de joindre un membre du corps préfectoral de permanence dans une préfecture. Ceci n'est pas acceptable. Je ne doute pas qu'il s'agissait là d'un cas exceptionnel et isolé, mais je vous demande de resserrer le dispositif de permanence, en liaison avec le reste de votre équipe préfectorale, pour que cela ne se reproduise plus. Soyez particulièrement attentifs les week-ends, lorsque s'opèrent des changements de postes ou des congés. Le contexte actuel nous en fait une obligation impérieuse.

► Le deuxième principe concerne votre fonction d'autorité, de décision, de coordination – parfois au-delà de ce que les textes juridiques peuvent décrire. Plus que tout autre haut fonctionnaire, vous devez incarner l'unité de la parole et de l'action de l'Etat territorial, à laquelle les Français sont extrêmement attachés et qui est un impératif dans notre République décentralisée.
Cette autorité sans faiblesse, cette application à la fois ferme et humaine de la loi, cette poursuite obstinée de l'intérêt général, cette capacité à assumer et à communiquer sont la marque de fabrique du corps préfectoral et doivent le rester.

Soyez créatifs, soyez inventifs, sachez chaque fois que nécessaire vous abstraire des schémas établis. Allez au contact de nos concitoyens, en particulier de ceux qui sont le plus en difficulté. Votre seule limite est le respect des valeurs de notre République et de la politique du Gouvernement.
 Vous devez, enfin, ne pas avoir peur de communiquer. Vous devez expliquer sans relâche les mesures prises et mettre en exergue leur impact pour le territoire dont vous avez la responsabilité.

Vous l'avez compris, que ce soit en matière de sécurité ou de pilotage de l'action de l'Etat, j'ai pour vous une ambition et j'attends de vous des résultats.
S'il m'appartient de défendre et de promouvoir vos prérogatives et de vous protéger en cas de besoin, il vous revient d'exercer dans toute leur plénitude vos missions, au service de nos concitoyens.
L'heure n'est donc pas aux états d'âme, elle est à l'action, déterminée, coordonnée et équilibrée. Plus que jamais, la cohésion de notre société dépend de l'efficacité de notre Etat territorial.

N'oubliez, en effet, jamais une chose : les institutions, seules, n'existent pas. Comme l'écrivait Georges POMPIDOU, elles ne sont « que ce que les hommes en font ».
Efficacité, réactivité, sécurité et autorité. Voilà votre feuille de route.