14.09.2009 - Lancement de la police d'agglomération parisienne

14 septembre 2009

Intervention de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales à Paris, le lundi 14 septembre 2009.


Monsieur le préfet de Police,
Madame et Messieurs les préfets,
Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,

Au même titre que le 17 février 1800 ou que le 10 juillet 1964, ce 14 septembre 2009 restera comme une étape majeure dans l'histoire de la sécurité de l'agglomération parisienne.

C'est, en effet, aujourd'hui que nait officiellement une police d'agglomération unifiée à l'échelle de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

Je souhaite, ce matin, saluer le travail préparatoire très approfondi qui a été réalisé par le préfet de police, avec les préfets de départements et les responsables policiers depuis trois mois, et auquel les représentants du personnel ont été étroitement associés.
Les textes de cette réforme ont été approuvés à l'unanimité des instances paritaires, du niveau départemental jusqu'à l'échelon ministériel. Ce consensus témoigne d'un objectif partagé : assurer la sécurité partout et pour tous. 

I. Pourquoi une telle innovation ? Depuis plus de quarante ans, l'agglomération parisienne a connu de profondes transformations qui ont totalement redéfini les enjeux de sa sécurité.

L'agglomération parisienne connaît, aujourd'hui, trois spécificités :

Tout d'abord, la concentration spatiale.

En effet, si l'agglomération parisienne, c'est-à-dire Paris et les trois départements de la "petite couronne", ne représente que 6% du territoire francilien, elle compte cependant pour 80% des logements sociaux et pour 60% des emplois, expliquant là sa forte attractivité.

Deuxième réalité, qui découle justement de cette attractivité : une mobilité accrue des personnes au-delà de ses limites.

Avec le développement des réseaux de transports en Ile-de-France et le déplacement hors de Paris de nombreux équipements, pôles économiques et centres d'approvisionnement, ce sont chaque jour 300 000 parisiens qui sortent de l'agglomération et 900 000 personnes qui y entrent.

Troisième réalité : cette extension de l'agglomération va de pair avec une diversification, une mutation et, surtout, un agrandissement du bassin de délinquance.

Diversification, tout d'abord, puisqu'au cours des 7 premiers mois de 2009, moins de la moitié des personnes mises en cause à Paris par les services de police pour crimes ou délits résidaient dans la capitale. En revanche, plus de 20,5% vivent en "petite couronne" et 8,6 % en "grande couronne".

Mutation, ensuite, car la police judiciaire constate qu'un nombre croissant de phénomènes délinquants se déploient dans tout l'espace urbain : trafics et revente de stupéfiants, vols à main armée, vols violents à l'arrachée ou encore cambriolages.

Agrandissement du bassin de délinquance, enfin. En 1972, la délinquance parisienne intra-muros représentait 1,5 fois celle de la "petite couronne" et même 45% de la délinquance régionale. En 2008, la situation s'est totalement inversée : la délinquance de la "petite couronne" est 1,4 fois supérieure à celle de Paris intra-muros.

Face à cette délinquance plus mobile, plus spécialisée et plus étendue, quelle efficacité peut avoir une stratégie de sécurité qui :

- ne porterait que sur un quart ou un tiers du bassin de délinquance ?

- ferait l'impasse sur les relations entre le centre  et la couronne de l'agglomération ?

- et reposerait sur une collecte éparse d'informations et un travail de synthèse insuffisamment recoupé ?

Le morcellement administratif et judiciaire nuit à l'efficacité des services de police. Ce n'est donc pas un hasard si la plupart des grandes autres capitales y ont renoncé. Le cloisonnement n'existe pas, non plus, en matière de transports depuis l'instauration, en 2003, d'un service de police spécialisé disposant d'une capacité d'action à l'échelle de l'agglomération et opérant sous un commandement unifié.

Cet exemple réussi montre que pour garantir le droit à la sécurité partout et pour tous, nous devons agir avec pragmatisme, réactivité et audace.

II. C'est pourquoi, dans le cadre du Grand Paris imaginé et voulu par le Président de la République, le moment était venu de créer une police adaptée aux enjeux de l'agglomération parisienne. C'est, aujourd'hui, chose faite.

Le 18 mars 2009, à Gagny, le Président de la République avait demandé à mon prédécesseur que lui soit proposée "une réforme du commandement de la fonction de sécurité qui tienne compte de la logique d'agglomération".

Moins d'un mois après ma prise de fonctions, c'est ce que j'ai fait en présentant, lors du Conseil des ministres du 22 juillet dernier, un décret pour nous mettre en ordre de bataille face aux nouvelles formes de délinquance.

Concrètement, quels sont les avantages de cette réforme ?

Premier avantage : une chaîne de commandement unique pour garantir des décisions rapides et des mécanismes de responsabilité clairs.

Il revient, par conséquent, au préfet de police d'être l'autorité compétente de droit commun en matière de sécurité intérieure sur Paris et la "petite couronne".

C'est, en effet, à lui qu'il revient de diriger les 33 000 hommes et femmes, dont 13 000 en dehors de Paris, qui assurent la sécurité de 6,4 millions d'habitants, soit les deux tiers de la population d'Ile-de-France.

C'est aussi lui qui devient, parallèlement, le référent des autorités de l'État pour les enjeux de sécurité de l'agglomération parisienne.

Au quotidien, les préfets des départements de la "petite couronne" continueront de jouer un rôle essentiel en matière de sécurité. Ils assisteront très activement le préfet de police et demeureront les premiers interlocuteurs des partenaires institutionnels locaux que sont les conseillers généraux, les maires ou encore les associations.

Second avantage : une meilleure répartition des moyens humains, préventifs, dissuasifs et répressifs pour optimiser la présence policière sur la voie publique, aux heures et dans les lieux où la délinquance est la plus forte, tout en tenant compte des spécificités de chaque territoire et, en particulier, de la capitale.

(1) Le nouveau dispositif, qui entre en vigueur aujourd'hui, se compose, tout d'abord, de la direction de sécurité de proximité de l'agglomération parisienne.

Placée sous les ordres d'Alain Gardère, elle regroupe les 26 000 hommes et femmes des directions départementales de la sécurité publique des trois départements de la "petite couronne" et de la police urbaine de proximité de Paris.

Cette nouvelle structure va permettre plusieurs avancées opérationnelles majeures :

- tout d'abord, une meilleure fluidité de la remontée et des échanges d'information depuis le terrain pour toute l'agglomération, avec la création d'un centre d'information et de commandement au sein de l'état-major de la direction ;

- ensuite, une mutualisation des renforts projetables permettant un déploiement en temps réel des événements ;

- enfin, l'extension de l'habilitation d'officier de police judiciaire au ressort des 4 départements, ce qui va faciliter, au jour le jour, le travail des policiers affectées dans des circonscriptions situées aux abords de limites départementales. Le boulevard périphérique qui n'est pas une frontière pour les délinquants ne le sera plus pour les policiers.

(2) Deuxième pilier de la nouvelle police d'agglomération parisienne : la direction de la police judiciaire.

Si la police judicaire travaille déjà à l'échelle des 4 départements, l'harmonisation du périmètre d'action de l'ensemble des directions de la préfecture de police va favoriser la coopération dans les enquêtes, comme, par exemple, en matière de lutte contre les trafics enracinés de stupéfiants. Grâce au logiciel CORAIL, auquel participent tous les chargés de missions sécurité publique, il va être possible d'améliorer la détection des faits sériels et les rapprochements entre affaires. Enfin, cette réorganisation de la police judiciaire va permettre d'étendre le plan parisien de lutte contre la drogue à l'échelle de l'agglomération.

(3) Troisième pilier : la direction de l'ordre public et de la circulation.

Unique en son genre en France, en raison de la fréquence et de l'importance des événements qui se tiennent à Paris, cette direction devra désormais assurer la gestion des grands sites de l'Ile-de-France ainsi que les grands événements qui s'y déroulent, tels que le Stade de France, le salon du Bourget ou encore le parc des expositions de Villepinte.

De plus, la densité, la vulnérabilité et la complexité du réseau routier francilien ont justifié la création, en son sein, d'une police de la circulation et de la sécurité routière compétente pour tous les axes structurants de l'agglomération.

III. Qu'est-ce que j'attends de cette réforme ? Cette réorganisation doit se traduire, sur le terrain, par quatre améliorations.

Première priorité : faire baisser durablement la délinquance.

Sur les 12 derniers mois, j'observe que le bilan est contrasté : si on enregistre une baisse de -0,58% à Paris, de -1,89% en Seine-Saint-Denis, de -1,59% dans le Val-de-Marne, la tendance est à la hausse dans les Hauts-de-Seine avec +3%. Désormais, la délinquance doit s'orienter durablement à la baisse dans l'ensemble des départements.

Deuxième priorité : mieux prendre en compte les nouveaux phénomènes de délinquance.

Je pense aux trafics de stupéfiants, bien sûr. Je pense aussi aux phénomènes de bandes.

Leur nombre est connu : il en en existe plus de 200 sur le territoire français, dont 80% dans la région parisienne ce qui représente environ 5 000 personnes, dont une moitié de mineurs.

Structurées selon des logiques de territoires, elles sont la plupart du temps liées à divers trafics criminels en particulier le trafic de drogue ou le racket. Dans la seconde moitié de l'année 2008, près de 200 affrontements entre bandes ont été enregistrés, dont les trois quarts dans la région parisienne.

Je le dis clairement : la police d'agglomération doit tout mettre en œuvre pour démanteler ces bandes.

Je compte sur vous également pour combattre activement contre toutes les formes de délinquance itinérantes, et notamment pour mieux lutter contre les cambriolages.

A cet effet, j'ai signé, hier soir, une instruction qui permettra de créer des cellules anti-cambriolage. Dans l'agglomération parisienne, cette cellule sera placée naturellement sous l'autorité du préfet de police et permettra de renforcer votre action.

Troisième priorité : améliorer l'efficacité des forces de l'ordre dans le traitement des grands événements ou des problématiques d'ordre public.

La savoir-faire acquis par la préfecture de police doit permettre, en s'exerçant à l'échelle de l'agglomération de mieux gérer encore ces situations et en s'attachant, chaque fois que possible, à réduire les moyens mobilisés.

Quatrième et dernière priorité : faire évoluer les modes opératoires.

Grâce à la mutualisation accrue des moyens, à l'échange des bonnes pratiques mais aussi au développement de nouveaux modes d'intervention à l'échelle de l'agglomération, vous devez renforcer votre capacité de réaction en ayant désormais les moyens de vous concentrer dans les zones les plus sensibles ou les plus criminogènes chaque fois que la situation l'exige.

La vidéo-protection doit constituer un atout précieux et je vous demande de tout mettre en œuvre pour qu'elle se développe à Paris mais aussi dans toute l'agglomération parisienne.

X

Mesdames et Messieurs les Préfets,

Par la création de cette nouvelle police, nous vivons aujourd'hui une transformation majeure du paysage de la sécurité dans l'ensemble de l'agglomération parisienne.

Je tiens à remercier, tout particulièrement, le préfet de police, Michel Gaudin, pour l'action personnelle qui a été la sienne pour faire en sorte que la police d'agglomération puisse voir le jour dans les délais fixés par le président de la République.

Je veux aussi remercier les préfets des 3 départements de la "petite couronne", ainsi que les directeurs, chefs de service et l'ensemble des personnels de police qui ont pleinement compris l'importance et l'intérêt de cette réforme. Je veux, à cet égard, saluer la position prise en particulier par les représentants du personnel.

Cette réforme constitue une transformation de notre manière de lutter contre la délinquance.

A cet égard, vous êtes de véritables pionniers.

A la lumière des enseignements tirés dans l'agglomération parisienne, notre ambition est de développer la police d'agglomération dans d'autres parties du territoire national. Avec le directeur général de police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, nous y travaillons activement pour qu'elle voie le jour à compter de la fin de l'année dans 3 métropoles : Lille, Lyon et Marseille.

En 2010, nous examinerons si la police d'agglomération doit être étendue à d'autres métropoles.

La sécurité, au quotidien, des Franciliens est, pour nous, un devoir. Elle nous imposait de nous mettre en ordre de bataille afin d'agir à la fois préventivement, durablement et efficacement.

Forts de ce nouvel outil, vous serez, j'en suis convaincu, à la hauteur de ce défi. Je sais pouvoir, en effet, compter, chaque jour comme chaque nuit, sur votre mobilisation totale comme sur votre détermination sans faille pour faire reculer durablement la délinquance.

Je vous remercie.