13.12.2009 - Prix de la lutte contre le racisme et contre l'antisémitisme

14 décembre 2009

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, lors de la remise du « prix de la lutte contre le racisme et contre l'antisémitisme » à Monsieur Brice HORTEFEUX par l'Union des patrons et des professionnels juifs de France (UPJF), à Paris, le dimanche 13 décembre 2009.


Monsieur le Grand Rabbin,
Monsieur le président du consistoire central,
Monsieur le président du CRIF,
Monsieur le Président de l'Union des patrons et professionnels juifs de France,
Monsieur le Président délégué,
Mesdames et Messieurs les membres du bureau,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

J'éprouve une grande joie et une vive émotion d'être ici, ce soir, parmi vous.

Si j'avais eu l'honneur de m'exprimer, le 15 septembre dernier, à l'occasion de la cérémonie de vœux organisée par le Consistoire central, à quelques jours de Roch ha-Chanah, je suis, aujourd'hui, ici, pour clôturer votre journée de travail et de réflexion, et recevoir votre « prix de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme ».

Un prix qui, je vous le dis, non seulement me touche, mais, qui plus est, m'honore.

Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président Richard PORTUGUAIS, pour vos propos attentionnés et pour l'hommage que vous venez de rendre à l'action du Président de la République et du Gouvernement.

Je remercie aussi le Président délégué, Claude BAROUCH, dont chacun, ici, connaît l'engagement au sein de l'Union des patrons et professionnels juifs de France (UPJF). Cette Union qui, depuis maintenant 12 ans, réunit plus d'un millier de dirigeants d'entreprises, d'entrepreneurs et de professionnels de tous horizons qui jouent un rôle actif dans la vie économique et sociale de notre pays.

Ce dialogue permanent, je me suis engagé à l'entretenir avec les juifs de France, dans toute la diversité de leurs instances.

Permettez-moi, à cet effet, de saluer tout particulièrement la présence parmi vous, ce soir, du président du Conseil représentatif des institutions juives de France, Richard PRASQUIER, qui est, pour moi, un interlocuteur majeur depuis plusieurs années et que j'ai plaisir à consulter dans chacune de mes fonctions ministérielles. Son énergie, son talent et sa ténacité enrichissent, à chaque fois, nos échanges et raffermissent nos liens.

De même, permettez-moi de saluer le président du Consistoire central, depuis trois ans maintenant, Joël MERGUI, qui apporte toujours des réflexions pertinentes à nos débats.

A tous, comme ministre de l'intérieur chargé des cultes mais aussi comme citoyen, je suis venu dire la fermeté des mes convictions.

Je crois en une France multiple et tolérante ; je crois en une société riche de sa diversité et de ses croyances, une société d'hommes et de femmes qui, quelle que soit leur foi ou leur philosophie, doivent savoir vivre ensemble dans le respect et la considération de chacun.

I.    Ma présence parmi vous ce soir témoigne, avant toute chose, de l'attachement des pouvoirs publics à la lutte contre toute forme de rejet.

-> Les communautés existent et je ne crains pas, comme ministre de la République, de dire mon attachement aux communautés.

D'abord parce que je suis convaincu que dans la France apaisée que j'appelle de mes vœux, nous n'avons pas à choisir entre la laïcité et la communauté.

Chacun d'entre nous peut légitimement vouloir bâtir son histoire propre, garder en mémoire ses racines, honorer ses ancêtres, se sentir proche de telle ou telle communauté et se réjouir de la retrouver lors des fêtes comme celle de la Lumière qui débute ce soir, ou se réconforter à ses côtés dans les épreuves que lui réserve la vie. C'est naturel, c'est légitime, et c'est très bien ainsi.

-> Pour autant, je n'accepterai pas que l'on réduise les femmes et les hommes de ce pays à leur seule appartenance à telle ou telle communauté. Les communautés oui, le communautarisme, non.

La communauté, c'est le partage des valeurs. Le communautarisme, c'est le repli sur soi et c'est le refus de la communauté des citoyens.

Je ne veux pas d'une France où chacun vivrait replié dans son identité propre sans s'ouvrir à l'autre. Dans la République que nous aimons, chacun d'entre nous, quelles que soient ses racines et ses convictions, appartient aussi à une communauté plus grande encore, la communauté des citoyens.

Notre République est une et indivisible, mais elle est également vivante, faite de chair, de cœur et de couleurs, c'est une République multiple, riche de sa diversité, fière de ses racines et ouverte sur le vaste monde, tout à la fois consciente de la singularité de son histoire et convaincue de l'universalité de son message.

-> Le respect des communautés et le refus du communautarisme sont le reflet d'une conviction : nous devons vivre dans une République garante d'une laïcité positive et ouverte.

La laïcité, ce n'est pas le reniement des religions.

La laïcité, c'est la liberté de croire ou de ne pas croire, c'est la garantie donnée à chacun de pouvoir pratiquer le culte de son choix, c'est l'égalité en droits de tous les citoyens.

-> Comme garant de cette laïcité positive et ouverte, je partage pleinement votre combat pour la tolérance.

Je ne me lasserai jamais de le répéter : l'antisémitisme est un poison de notre République. Il est la négation même des valeurs qui la fondent.

L'antisémitisme est une forme de haine. Et il faut lutter sans relâche contre la haine, qui est un ressort puissant dans l'histoire de l'humanité. Parce que ses conséquences ne sont pas maîtrisables, parce qu'elle peut abolir tout jugement.

Chaque fois qu'un citoyen est atteint dans son être, ses convictions ou sa religion, c'est l'ensemble de la communauté nationale qui s'en trouve offensée. Je fais mienne cette phrase très juste d'Elie WIESEL : « Quand un homme ou une femme est persécuté en raison de sa race, de sa religion ou de ses opinions politiques, la place où il se trouve doit devenir, à ce moment précis, le centre de l'univers ».

Sachez, dès lors, que les pouvoirs publics, forts des idéaux auxquels nous sommes tous attachés, seront toujours à vos côtés pour combattre toutes les formes de racisme, de xénophobie et d'antisémitisme. Ce combat, nous le menons depuis longtemps, et nous le poursuivrons sans relâche.

II.    Dans cette lutte contre la haine, l'intolérance et le rejet de l'autre, concrètement, où en sommes-nous ?

->  Dès 2002, lorsque Nicolas SARKOZY est devenu ministre de l'intérieur, il a fait un choix fondamental : celui de ne pas nier les réalités.

Il a alors décidé que les violences antisémites seraient recensées de manière très précise et, surtout, que la police nationale se rapprocherait du service de protection de la communauté juive (SPCJ) pour les établir en commun. Ce n'est pas un acte anodin, jamais auparavant, une telle démarche n'avait été entreprise. L'objectif était clair : ne laisser aucun acte impuni ou non signalé.

Cette transparence des chiffres, Nicolas SARKOZY y a tenu. Car nous n'avons pas peur de la vérité, nous n'avons pas peur des réalités. L'essentiel est de pouvoir établir, ensemble, un diagnostic chiffré précis, lucide et réaliste, afin de pouvoir agir et réagir au mieux. Il ne doit pas y avoir, d'une part, la vérité de l'Etat et, de l'autre, le vécu d'une communauté.

Par les relations privilégiées qui se sont instaurées, et la concertation permanente qui s'est ainsi nouée, nous avons désormais une vision précise et entière des crimes et délits à caractère antisémite qui empoisonnent notre société.

-> Concrètement, quels sont ces chiffres aujourd'hui ?

Permettez-moi, d'abord, de dresser l'amer constat des violences à caractère raciste et xénophobe avant de faire le point sur les violences antisémites.

S'agissant des violences racistes et xénophobes, nous avons recensé, au premier semestre 2009, 127 « actions » dont les deux tiers sont, malheureusement, des atteintes aux personnes ; et 467 « menaces et actes d'intimidation », comme des dégradations de bâtiments, des inscriptions insultantes ou des agressions verbales.

Les régions les plus touchées sont l'Ile-de-France, le Nord-Pas-de-Calais ou le Rhône-Alpes.

Ce matin encore, à Castres, des inscriptions xénophobes ont été découvertes sur la mosquée de la ville ; deux oreilles de porc ont été agrafées sur le battant de la porte d'entrée ; deux pieds de porc ont été scotchés sur la poignée de l'autre battant, avec au-dessus une croix gammée. Les empreintes ont été immédiatement relevées sur place par la police, et une enquête est en cours pour retrouver au plus vite les coupables.
Ces violences sont inadmissibles, inacceptables et nous ne les tolèrerons pas.

Les violences antisémites sont, elles aussi, malheureusement, bien trop nombreuses.

Sur les 9 premiers mois de l'année, ce sont 704 faits qui ont été recensés : 123 « actions » et 581 menaces, qu'il s'agisse d'agressions verbales, de dégradations de bâtiments ou d'inscriptions antisémites.

C'est donc bien une hausse de la violence à caractère antisémite que ces chiffres dévoilent, par rapport à la même période de l'année 2008 notamment en fonction de la situation internationale, et même si, elle reste stable par rapport à l'année 2004.

J'observe qu'au troisième trimestre de cette année, on dénombre 29 « actions » antisémites au lieu de 34 sur la même période de 2008. C'est une baisse, mais ce n'est pas suffisant. Comment se réjouir, de ces « – 5 » agressions ? Je ne me satisfais évidemment pas de cette évolution statistique qui, certes, va dans la bonne direction, mais qui reste très insuffisante. Surtout, au-delà des chiffres bruts, je pense, avant tout, à la souffrance des personnes.

Ce qui compte hélas, c'est que la moitié de ces faits soient des violences sur des personnes, parfois même sur des mineurs.
Ce qui compte c'est qu'on ait osé dégrader, à Mont-de-Marsan, en juillet dernier, deux monuments dédiés aux enfants juifs.

Ce qui compte c'est qu'il y ait eu à 74 reprises des menaces, des intimidations, parfois encore contre des mineurs, des enfants.

C'est un fait : les juifs de France sont encore trop souvent la cible d'agressions ou d'exactions que rien ne saurait justifier.

Comment accepter que, le 29 septembre dernier dans le Val de Marne, une personne, pour le seul fait qu'elle portait une kippa, ait été menacée et agressée au couteau ?

Comment tolérer que des individus dégradent une école israélite en en brisant les vitres et en déversant de l'alcool à brûler, comme ce fut le cas le 25 août, en Seine-Saint-Denis ?

Jusqu'ou peut aller la folie furieuse de ces inconscients ?

Imagine-t-on, un instant, le sentiment de ces enfants qui le lendemain, en arrivant à leur école, découvrent les bâtiments saccagés, imagine-t-on un instant, la peur qu'ils doivent ressentir, l'incompréhension, l'interrogation d'une quelconque différence ? Cet acte inqualifiable ne peut que blesser au cœur le pays tout entier.

De simples mots peuvent marquer une vie, n'oublions pas que les mots peuvent aussi être des délits.

A chaque fois, l'Etat doit être présent, pleinement mobilisé pour identifier les agresseurs et les réprimer avec toute la sévérité et la célérité qu'ils méritent.

->  Chaque fois qu'un citoyen, quelles que soient ses origines ou sa religion, est atteint pour ce qu'il est ou pour ce en quoi il croit, c'est l'ensemble de la communauté nationale qui s'en trouve offensée.

C'est une conviction profonde.

C'est un principe d'action de l'Etat.

Chaque fois que des actes racistes se sont produits, j'ai immédiatement donné les instructions les plus fermes aux services de police et de gendarmerie placés sous mon autorité afin que tout soit mis en œuvre pour en identifier et interpeller les auteurs et que ces derniers soient déférés à la justice.

Je le dis avec force : le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme n'ont pas leur place en France. La République les combat et la République les combattra toujours, car il n'y a pas de place dans notre pays pour les extrémismes, d'où qu'ils viennent.

La France que nous aimons, celle qui se reconnaît dans les principes de liberté, d'égalité et de fraternité inscrits au fronton de ses écoles ou de ses mairies, n'acceptera jamais de transiger sur le respect de ses valeurs.  

III.    Ce combat, à la place qui est aujourd'hui la mienne, je le mène activement grâce à des actions concrètes et des propositions nouvelles.

->  Des actions concrètes, tout d'abord.

(1) C'était une promesse à laquelle le ministre de l'intérieur, Nicolas SARKOZY, s'était engagé en 2004 : celle d'un programme de subventions pour la sécurisation des lieux de culte et des structures culturelles de la communauté juive et portant sur 5 ans.

Le ministère de l'intérieur a, ainsi, travaillé en étroite collaboration avec le fonds social juif unifié (FSJU) afin de mettre en œuvre cette décision. Je veux, d'ailleurs, saluer le rôle déterminant qu'ont joué tour à tour David de ROTHSCHILD et Pierre BESNAINOU, les présidents successifs du FSJU pour la réussite de ce programme.

Concrètement, le service de protection de la communauté juive (SPCJ) assure, pour le compte du FSJU, le suivi de la réalisation des travaux et le pilotage des engagements financiers, avec la direction des libertés publiques et des affaires juridiques et la direction générale des collectivités locales.

Au total, les conventions signées année après année, ont permis l'investissement de 15 millions d'euros dans ce programme de travaux.

Je m'en réjouis, en quatre ans, elle a d'ores et déjà permis de sécuriser 349 bâtiments, dont 107 écoles et crèches, 81 associations et centres communautaires et près de 161 synagogues, notamment au travers de l'installation d'alarmes et de systèmes de vidéo-protection.

(2) Vous savez aussi que vous pouvez compter sur les services de police et de gendarmerie pour assurer le bon déroulement des fêtes juives. C'est, pour l'Etat, un devoir que les rassemblements de la communauté, qu'il s'agisse de Roch Hachana, de Kippour, de Hanouccah, ou encore de Pessah, puissent se tenir dans la sérénité.

(3) J'attache également une très grande importance à ce que les policiers et gendarmes bénéficient d'une formation qui leur permettent de mieux appréhender la réalité et la gravité des actes antisémites.

C'est la raison pour laquelle j'envisage d'étendre, ailleurs, la formation des policiers de la Préfecture de Police, gardiens, gradés comme commissaires, au Mémorial de la Shoah.

-> Si ces actions initiées par le ministère de l'intérieur produisent des résultats, je veux, aujourd'hui, aller encore plus loin.

En effet, je crois qu'il serait utile qu'un haut fonctionnaire puisse, au sein du ministère de l'intérieur, s'assurer de la coordination de nos actions.

C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de nommer, dans les prochains jours, un préfet-coordonateur de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

Il sera, pour vous, un interlocuteur permanent et privilégié.

Il bénéficiera d'une autorité suffisante sur les acteurs de la sécurité pour, en lien permanent avec le préfet de police, le directeur général de la gendarmerie nationale et le directeur général de la police nationale, préparer les décisions qui s'imposent, chaque fois que nécessaire, pour prévenir et réprimer ces actes inadmissibles.

Il sera, enfin, un relais entre vous et moi pour faciliter notre échange fructueux.

->  Ces rencontres, ces échanges appellent, de ma part, une réflexion : la richesse de nos croyances, de nos convictions, de nos traditions, aussi, est trop précieuse pour être ignorée, malmenée, injuriée.

Je crois très profondément au dialogue, pour comprendre qui sont les autres. Le grand rabbin, Gilles BERNHEIM, a su trouver les mots, tout récemment en parlant du débat sur l'identité nationale : « si Caïn a tué son frère Abel, c'est parce qu'ils n'ont pu discuter ensemble ». Tout est dit dans cette simple phrase. C'est pourquoi j'ai la conviction, qu'aujourd'hui, plus que jamais, dans une société souvent tétanisée par les questions d'identité, les juifs doivent faire savoir qui ils sont, quelle est leur foi, leur conviction, leur vision de la vie, leur désir profond de paix.

X

Ces quelques mots sont l'expression profonde et sincère du respect, de l'estime et de la reconnaissance de la République envers les Juifs de France, qui ont tant œuvré pour elle.

La préservation de la paix sociale et du respect d'autrui, l'attachement à la tolérance et aux liens de solidarité qui doivent unir nos concitoyens, ce sont précisément les valeurs que nous avons en partage et qui guident, au quotidien, mon action dans le cadre des responsabilités ministérielles qui m'ont été confiées.

Ma présence parmi vous ce soir, ainsi que le prix que vous avez choisi de me décerner, se veulent donc le témoignage des liens forts, étroits, vivants qui unissent aujourd'hui – et je m'en réjouis – la République à ses citoyens, qu'elles que soient leurs origines, leurs croyances ou leurs opinions.

Aujourd'hui, j'ai la faiblesse de voir dans la distinction que vous me remettez la marque de votre confiance et de votre amitié, qui me sont particulièrement chères.

La République doit être plus que jamais une école de tolérance et de dignité. C'est un combat de tous les jours et, soyez-en certains, j'y veillerai avec force, conviction et humanité.