12.05.2010 - Audition devant la mission d'information sénatoriale sur les conséquences de la tempête Xynthia

12 mai 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Sénat, Palais du Luxembourg


 - Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le président, cher Bruno RETAILLEAU,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Mesdames et Messieurs,

Dans le cadre de la mission sénatoriale d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, vous avez souhaité m'auditionner sur les actions que je mène en tant que ministre chargé, notamment, de la sécurité civile et des collectivités territoriales.

Je vous remercie, Monsieur le président, de votre invitation. En effet, j'attache la plus grande importance à cet échange avec vous, vous qui êtes au plus près de nos compatriotes et de leurs préoccupations. Le bilan de la tempête Xynthia, qui s'élève à 53 victimes, est lourd et inacceptable. Nous devons faire converger nos actions pour que de tels événements climatiques, qui, inévitablement, se reproduiront, n'entraînent plus, à l'avenir, les conséquences que nous déplorons aujourd'hui.

Vous avez reçu, au cours des dernières semaines, mon collègue, Jean-Louis BORLOO, ainsi que Chantal JOUANNO, Dominique BUSSEREAU et Benoist APPARU. Mon intervention vise donc à compléter les leurs sur les champs de compétence propres du ministère de l'intérieur :

la sécurité civile, tout d'abord, à travers la question des dispositifs d'alerte de l'organisation des secours ;
le soutien aux collectivités territoriales, ensuite, et plus spécifiquement le soutien financier exceptionnel que j'ai souhaité pour elles ;
le contrôle de légalité, enfin, et ce que j'attends des représentants de l'État en la matière.

I. La chaîne de sécurité civile a fait preuve, de bout en bout, d'une efficacité exemplaire.

(1) Grâce à une bonne anticipation, tous les secours nécessaires étaient déployés à temps sur les zones sinistrées.

Chacun s'accorde à le dire : les services de secours, et plus généralement la chaîne de sécurité civile, ont accompli leur mission de manière exemplaire ce qui m'a d'ailleurs conduit à leur rendre un hommage tout particulier, Place Beauvau, le 25 mars dernier.
Des mesures préparatoires ont été prises en amont de la catastrophe, dès l'annonce du passage en vigilance rouge par Météo-France :

activation du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises dans sa configuration élargie soit 30 personnes ;
audio conférence immédiate avec les services de l'Etat et les grands opérateurs de réseaux ;
mise en alerte immédiate des préfectures et des services d'incendie et de secours ;
Pré-positionnement des moyens de la sécurité civile au plus près des zones susceptibles d'être impactées : mouvement de 330 sapeurs-sauveteurs vers Poitiers et Angoulême dès l'après-midi du samedi 27, mise en alerte de 8 hélicoptères de la sécurité civile et envoi de moyens de pompage lourds de la réserve nationale.

Ainsi, dès le dimanche 28, tous les moyens nécessaires étaient engagés sur les sites impactés :

pour les moyens humains, ce ne sont pas mois de 1 800 personnels de secours de la sécurité civile  qui étaient mobilisés ;

pour les moyens aériens, 8 hélicoptères de la sécurité civile ont effectué 92 heures de vol et ont pu secourir 90 victimes, dont la moitié au cours de la nuit grâce au système de jumelles à vison nocturne. Compte tenu du maillage territorial de l'implantation des bases, ils ont été en mesure d'intervenir dans les 30 minutes. Ce dispositif a été renforcé par un hélicoptère de la gendarmerie et quatre des Armées;

pour les moyens de pompage, 60 pompes d'une capacité d'épuisement de 26 000 m3/h, soit l'intégralité des moyens de pompage lourd de la réserve nationale ont été déployée sur les zones sinistrées.

(2) La coordination des moyens aériens a connu quelques difficultés. Rapidement résolues, elles ont d'ores et déjà été prises en compte dans le schéma de réponse aux prochaines crises.

La multiplication des hélitreuillages, dès 6 heures du matin le dimanche 28 février, ne s'est pas accompagnée d'une coordination effective entre les deux départements, d'autant plus indispensable qu'ils relèvent de 2 zones de défense distinctes. Ainsi, il a fallu attendre le milieu de la matinée pour que soit réalisé un redéploiement des moyens aériens permettant d'assurer les opérations de secours au profit des deux départements.

Pour remédier à cette difficulté, une cellule de coordination aérienne à trois niveaux (national, zonal et théâtre d'opération départemental) sera désormais systématiquement mise en œuvre.

(3) Les réseaux de communication ont parfaitement fonctionné.

Le service départemental d'incendie et de secours de Charente-Maritime utilise depuis un an et demi le réseau de télécommunications numérique national ANTARES. Celui-ci a parfaitement fonctionné pendant la crise et a permis de pallier la saturation des lignes téléphoniques.

Le SDIS de Vendée, quant à lui, fonctionne encore sur un réseau analogique limité au département dans l'attente du passage imminent au réseau ANTARES. Ce réseau local n'a pas connu de difficulté technique notable pendant la crise. L'évolution vers ANTARES apportera au département les bénéfices opérationnels de l'interopérabilité avec les services de secours voisins et avec la coordination des moyens nationaux en renfort.

(4) La gestion de l'immédiat après-crise a été, elle aussi efficace puisque les demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle ont été traitées dans des délais beaucoup plus courts qu'à l'accoutumée.

4 départements, classés en vigilance rouge, ont été déclarés en l'état de catastrophe naturelle : Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne. L'arrêté a été publié au JO le 1er mars 2010.

62 communes des départements de la Gironde et de la Loire-Atlantique ont été reconnues à l'état de catastrophe naturelle au titre du phénomène de submersions  marines. L'arrêté a été publié au JO le 12 mars 2010.

Enfin, 3 millions d'euros de crédits d'extrême urgence ont été délégués aux préfets, dont 1,6 millions d'euros ont déjà été utilisés pour des secours personnalisés et pour des réquisitions d'entreprises locales dans le cadre des travaux de première urgence.

II. Dans les heures qui ont suivi la catastrophe, les collectivités territoriales ont rencontrés de nombreuses difficultés. Je me suis mobilisé pour qu'y soit apportée une réponse immédiate.

Le secrétaire d'Etat en charge de l'urbanisme est venu devant votre mission d'information expliquer l'action qui va être menée s'agissant des questions de relogement des sinistrés et du plan de renforcement/reconstruction des digues. Je ne reviendrai donc pas sur la mobilisation du fonds Barnier qui constitue un instrument clé de l'action de l'Etat face aux conséquences de cette tempête.

Puisque vous êtes déjà informés des solutions envisagées à long terme, laissez-moi revenir sur les mesures d'urgence que j'ai ordonnée dans les heures qui ont suivi la catastrophe. Je tiens d'ailleurs à saluer ici le courage, le professionnalisme et la réactivité des préfets et de leurs services qui ont relayé mes ordres sur le terrain.

(1) J'ai d'abord pensé, bien sûr, au relogement d'urgence des familles.

Le ministère de l'Intérieur gère à cet effet un fonds spécifique, le fonds d'aide au relogement d'urgence (FARU), destiné à apporter un financement aux communes qui prennent en charge, soit le relogement d'urgence de personnes occupant des locaux présentant un danger pour leur santé ou leur sécurité, soit la réalisation de travaux interdisant l'accès à ces locaux.

J'ai demandé aux préfets de Vendée et de Charente-Maritime d'évaluer les sommes nécessaires à ces opérations. Je m'apprête donc à leur déléguer 1,5 millions d'euros. De manière tout à fait exceptionnelle, la subvention atteindra 100% du coût enregistré par les communes et j'ai demandé un assouplissement maximal du dispositif, en ce qui concerne son éligibilité.

(2) J'ai ensuite prêté une attention particulière aux infrastructures fragilisées ou détruites par la tempête.

Une mission d'inspection interministérielle travaille actuellement au recensement exhaustif et à l'évaluation des dommages. Elle rendra son pré-rapport d'ici la fin de la semaine.

En première approximation, les préfets m'ont indiqué que les dégâts constatés par les collectivités territoriales dans les quatre départements les plus concernés s'élèvent à 117 millions d'euros pour un taux de subvention de l'Etat qui s'élève à 40 %.

J'ai demandé et obtenu auprès du ministre du budget que 25 millions d'euros soient d'ores et déjà ouverts sur ce programme, ce qui a été confirmé la semaine dernière lors du vote de la loi de finances rectificative. Je demande aux préfets de faire en sorte que ces subventions d'équipement (sur le modèle de la DGE) soient versées aux communes concernées dans les meilleurs délais.

(3) J'ai aussi veillé à ce qu'un dossier soit transmis dans les plus brefs délais au Fonds de Solidarité de l'Union Européenne (FSUE)

Lors de la tempête Klaus de 2009, la France avait bénéficié de ce fonds destiné à aider les pays-membres victimes d'une catastrophe naturelle de grande ampleur.

Une mission interministérielle d'évaluation des dégâts a été diligentée dans les jours qui ont suivi la catastrophe. Elle vient de rendre son rapport qui a été adressé à la Commission de Bruxelles en fin de semaine dernière. Cette dernière rendra sa décision à la fin du mois de juin.

Nous avons mis tous les moyens de notre côté mais, soyons lucides, à ce stade, il n'est pas certain que les dégâts constatés convergent avec les critères retenus par ce fonds, notamment quant au périmètre des zones dévastées.

(4) Enfin, de manière dérogatoire, j'ai sollicité et obtenu du ministre du Budget la possibilité d'un remboursement en année N de la TVA pour les dépenses des collectivités des départements et communes concernées par le périmètre « catastrophes naturelles ».

Pour 2010, cette dotation a été fixée la semaine dernière à 30,2 millions d'euros à l'occasion du vote du collectif budgétaire. Cela concerne également la Gironde, la Vienne, les Deux-Sèvres et la Loire-Atlantique. Le décret est en cours de signature.

III. Je souhaite que la tempête Xynthia soit l'occasion de mener collectivement plusieurs réformes structurelles. Certes, les phénomènes naturels de ce type demeureront imprévisibles mais nos efforts doivent nous permettre de nous prémunir contre leurs conséquences inacceptables.

(1) Je pense, d'abord, à l'amélioration du système d'alerte d'information météorologique

La tempête Xynthia a mis en évidence la nécessité d'intégrer au système d'alerte de vigilance météorologique la vigilance de submersion marine.

Les récentes avancées technologiques nous permettent désormais d'envisager une accélération du protocole piloté par Météo-France pour aboutir à la mise en place d'un nouveau système d'alerte et d'information opérationnel avant la fin 2011 dit « vague/submersion ».

Ce nouveau système nous permettra :

d'intégrer le phénomène couplé « vent violent + fortes vagues » au dispositif de vigilance météorologique ;

d'identifier les zones littorales les plus fragiles nécessitant la réalisation d'une topographie précise permettant d'élaborer des scénarios de vulnérabilité ;

de constituer une base de connaissances du phénomène intégrant des mesures de hauteur d'eau, des données sur la houle, mais aussi des statistiques précises sur les événements passés. Les cartographies ainsi élaborées auront bien entendu vocation à être accessibles grand public.

(2) Je pense, aussi, aux plans communaux de sauvegarde (PCS)

Ces plans, qui déterminent les mesures immédiates prises par les maires pour assurer la protection et la sauvegarde de leurs administrés relèvent des compétences du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

D'emblée, on remarque qu'en Charente-Maritime, sur les 21 communes soumises à l'obligation de réaliser un PCS, une seule l'avait effectivement établi. La situation est légèrement différente en Vendée où, les plans de prévention des risques naturels prescrits n'ayant pas été approuvés, aucune commune n'avait réglementairement l'obligation de réaliser un PCS.

Pour remédier à cette incohérence juridique inacceptable, et comme le délai entre la prescription du plan et son approbation peut excéder 2 ans, j'envisage de solliciter la modification de la législation actuelle pour rendre les PCS obligatoires dès la prescription du plan de prévention. D'ores et déjà, j'ai demandé aux préfets de départements de renforcer la persuasion auprès des maires pour la réalisation des PCS.

(3) Je veux rappeler, enfin, que j'ai toujours défendu un contrôle de légalité resserré sur les conséquences en matière de sécurité des personnes

Les questions du droit des sols et d'urbanisme sont traitées par le ministre d'Etat, chargé de l'Ecologie mais, comme vous le savez, les préfets jouent dans ce domaine un rôle majeur, particulièrement dans l'exercice du contrôle de légalité.

Je ne partage pas les analyses de certains représentants de l'Etat qui laisseraient entendre que les instructions ou les moyens feraient défaut pour mener à bien cette mission et je n'ai, pour ma part, donné aucune instruction, qu'elle soit écrite ou orale, tendant à laisser accroire aux représentants de l'Etat que le contrôle de légalité serait devenu une activité secondaire ou subsidiaire.

Tout au contraire, depuis mon arrivée au ministère de l'intérieur, j'ai adressé aux préfets 2 instructions sur le contrôle de légalité, respectivement le 23 juillet et le 1er septembre 2009. Cette dernière, qui compte 20 pages, est spécifique au contrôle de légalité en matière d'urbanisme. Elle rappelle notamment le caractère prioritaire de cette branche du contrôle et met en exergue l'impératif de sécurité publique à travers la prise en compte de la problématique des risques naturels et technologiques. Le contrôle des documents d'urbanisme et des décisions individuelles (permis de construire) y est également présenté comme « un axe prioritaire ».

J'ajoute enfin que dans les jours qui ont suivi la tempête Xynthia, j'ai adressé aux préfets, avec le ministre en charge de l'urbanisme, une instruction de rappel des outils juridiques à leur disposition.
Les autres mesures structurelles dans ce domaine réclament un vecteur législatif, en l'occurrence le Grenelle II : c'est pour cela que j'ai demandé à mes services de s'associer au le ministère de l'Ecologie pour aboutir, grâce à la loi, à limiter encore les risques de construction dans des zones dangereuses.

X

Quelques mots pour conclure ce propos avant de répondre, bien entendu, à vos questions :

En tant que ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales, je considère que le principal enseignement de cette catastrophe, outre l'optimisation toujours possible de la coordination des secours, est celui des conséquences à tirer concernant le rôle du représentant de l'Etat dans ses relations avec les collectivités territoriales.

En matière de sécurité des personnes, le dialogue nécessaire avec les élus ne doit plus conduire à s'enliser pendant des années dans des négociations ou à céder, souvent de guerre lasse, aux pressions inévitables qui s'exercent quant à la mise en œuvre de certains projets immobiliers des communes.

J'approuve et je soutiens donc la réforme législative en cours dans le cadre du Grenelle 2 qui vise à renforcer le rôle de protection des populations par le représentant de l'Etat. Il ne saurait être question de transiger dès lors qu'il existe un danger mortel pour la vie humaine.

Comme vous le savez, j'ai fait de la sécurité partout et pour tous ma ligne directrice d'action. Sachez que ce principe s'applique aussi tout entier aux conséquences de cette catastrophe.