Intervention de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, lors de la cérémonie d'obsèques du lieutenant Nicolas Debarge - Préfecture de Seine-et-Marne, jeudi 9 septembre 2010.
– Seul le prononcé fait foi –
Nous sommes réunis, aujourd'hui, pour rendre un dernier et solennel hommage au lieutenant Nicolas Debarge.
Dimanche dernier, à l'aube, à Melun, quai du Maréchal Joffre, un homme roulant à vive allure, et a priori en état d'ébriété, a perdu le contrôle de son véhicule et percuté une voiture. Pour une raison inconnue, le conducteur s'est alors jeté dans la Seine.
Des policiers de la BAC présents non loin de l'accident et en opération de police ont assisté à la scène. L'un d'eux, Nicolas Debarge, n'a pas hésité à immédiatement plonger pour porter secours à l'automobiliste en détresse. Par ce geste spontané, il a accompli un acte ultime de courage et de dévouement, un acte héroïque.
Il y a perdu la vie.
Parce qu'il n'est jamais banal de risquer sa vie, encore moins de la risquer tous les jours, et moins encore de la sacrifier pour un autre, son engagement restera, à jamais, gravé dans nos mémoires. Je m'incline avec gravité devant lui.
Mes premières pensées se portent tout naturellement vers sa compagne, Tiphaine ; ses parents ; son frère, Julien et toute sa famille. Dans ces circonstances terribles, je veux les assurer de mon soutien sincère et entier, et de toute mon affection.
Je veux dire tout particulièrement à son père également policier, le brigadier-chef, Jean-Marc Debarge, qui a su transmettre sa passion de la police à son fils, toute ma solidarité et toute ma sympathie : Nicolas Debarge est allé au bout de son engagement. Vous pouvez être fier de lui. Vous lui avez non seulement transmis des valeurs, exemplaires, mais aussi une foi, formidable de force, en autrui.
Je me tourne, à présent, vers ses camarades, présents et témoins de ce drame : ceux de la BAC, Richard Pigeonneau, Sébastien Alonso, Michaël Dupre, Grégory Gloux, ceux de la brigade de roulement et ceux du "service du quart". Chacun de nous peut imaginer votre peine immense, votre impuissance, et le traumatisme que vous avez subi.
A tous les collègues du lieutenant Nicolas Debarge, à sa hiérarchie et aux représentants des personnels, je veux dire ma très profonde tristesse, ma vive émotion, ma solidarité indéfectible et celle de la Nation toute entière.
C'est le troisième décès de policiers en mission en moins d'un an, en Seine-et-Marne.
Nous nous souvenons tous du commandant Jean-Serge Nérin, assassiné dans une fusillade avec des militants de l'ETA, et du commandant Patrice Point, écrasé alors qu'il tentait d'arrêter des cambrioleurs. Il s'agit là d'une situation tout à fait exceptionnelle et d'un fait probablement sans aucun précédent pour la Sécurité Publique.
Son décès démontre tragiquement que les policiers, tout comme les gendarmes, ne doutent jamais du sens de leur engagement au service de nos concitoyens. Avec sa disparition, ce sont désormais 15 policiers et gendarmes qui sont décédés en mission depuis le début de l'année 2010.
A seulement 18 ans, il avait choisi d'intégrer l'école de police d'Oissel (76). A 25 ans, il était ainsi gardien de la paix depuis maintenant 5 ans à Melun, affecté à la BAC de nuit depuis juillet 2008.
Il ne comptait pas moins déjà de 12 lettres de félicitations à la suite d'actes de courage, toutes décernées pour des interpellations en flagrant délit de délinquants et de criminels. Je ne citerai que la dernière félicitation, en date du 2 décembre dernier. N'écoutant que son courage, il avait, en effet, maîtrisé un braqueur qui venait de commettre un vol à main armée à l'encontre d'un commerce, à Le Mée-sur-Seine.
Toutes ces témoignages de confiance et de respect de sa hiérarchie illustrent combien Nicolas Debarge était, depuis plusieurs années, un exemple pour tous.
Au service des autres, toujours volontaire pour secourir toutes les détresses, Nicolas Debarge avait fait le choix, en plus de son métier de policier déjà prenant, d'exercer, durant ses repos, les missions de sapeur-pompier volontaire.
Il avait intégré, le 15 janvier 2009, le centre de secours de Savigny-le-Temple. Volontaire, téméraire, incroyablement enthousiaste et animé d'un souci constant de se perfectionner, il avait suivi des formations, l'une relative au secours à personne, l'autre pour parer les incendies. Aux dires de tous, il démontrait, chaque jour, des qualités rares de persévérance, de dynamisme, et surtout d'altruisme ; des qualités qui lui avait permis de devenir rapidement l'un des éléments moteur du centre de secours.
Soucieux de transmettre ce qu'il avait appris, il participait à l'encadrement de la section de jeunes sapeurs pompiers de Savigny-le-Temple, en y consacrant tous ses mercredis après-midi et certains jours de week-end. Il était devenu plus qu'un guide, un modèle pour les plus jeunes stagiaires.
Beaucoup le savent ici, Nicolas Debarge savait transmettre les valeurs des sapeurs-pompiers de France et sa passion ; une passion qu'il a, je le sais, communiquée à son frère, Julien, qui, a intégré un an après son aîné, le même centre de secours.
Tous ceux qui l'ont connu et côtoyé n'ont eu à son égard, dans nos échanges, que des mots empreints d'une considération, profonde. Ils m'ont décrit l'énergie, intarissable, l'intégrité, inaltérable, la droiture et la joie de vivre de cet homme pétri d'idéaux, capable de trouver le temps, entre ses multiples activités, pour remettre en état un véhicule de collection, tout en entretenant sa passion pour les modèles miniatures de voitures ; un homme ceinture noire de judo, qui alliait les entraînements intensifs de « grappeling » [sport de combat] avec ses collègues et amis de la BAC de nuit et participait à des compétitions internationales de paintball. Un homme complet, un homme heureux, un homme entier.
La citation à l'Ordre de la Nation, mais aussi les insignes de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur, la médaille d'honneur de la police nationale à titre posthume, ainsi que la médaille d'or pour acte de courage et de dévouement, que je viens de décerner à Nicolas Debarge sont la marque de la reconnaissance de l'Etat.
Monsieur et Madame Debarge,
Monsieur Julien Debarge,
Mademoiselle Tiphaine Cochelin,
Je m'incline respectueusement devant votre douleur.
Et je tiens à vous le dire : la Nation tout entière partage votre peine.