Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales lors du forum de la gestion des villes et des collectivités territoriales
Madame et Messieurs les ministres,
Monsieur le député-maire,
Monsieur le sénateur-maire,
Monsieur le président,
Monsieur le directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous, aujourd'hui, pour ce déjeuner du forum de la gestion des villes et des collectivités territoriales qui promeut, depuis maintenant 26 ans, l'échange entre les acteurs des territoires.
- Le sujet qui nous réunit - territoires et croissance verte - est, plus que jamais, d'actualité, à l'heure où le monde affronte une crise économique et écologique qui remet en cause nos modes de production et de consommation.
Je note, d'ailleurs, que vous n'avez pas choisi la tour Eiffel par hasard pour accueillir un tel débat : j'ai lu, en effet, récemment, que la tour Eiffel envisageait une conversion écologique en se dotant de panneaux solaires !
De surcroît, nous pourrons peut-être aussi admirer d'ici, dans quelques années, les toits végétaux de Paris que plusieurs élus de la capitale, toutes tendances politiques confondues, nous promettent !
- L'écologie des villes est une problématique majeure. En passant de 15% de la population mondiale, en 1950, à 50%, en 2000, - voire 80% en 2050 si la tendance se poursuit - le fait urbain dans son ensemble soulève des défis écologiques considérables, que ce soit en termes de traitement de déchets, de pollution atmosphérique ou encore de transports.
Ne nous y trompons pas : le déficit important en espaces verts publics, par exemple, dont souffrent certaines métropoles, constitue une pénalisation sociale autant qu'un handicap économique. L'écologie est bien un défi dans la compétition que se livrent les grandes métropoles pour attirer et retenir des investisseurs et des cadres.
- Face à ces défis, et en particulier le défi écologique, il est indispensable de donner à nos grandes agglomérations les moyens d'y répondre. Cela passe, entre autres, par un cadre institutionnel plus adapté qu'aujourd'hui. C'est pourquoi le Gouvernement proposera, dans les semaines à venir, un nouveau statut de « métropole ». Ce sera l'un des axes de la réforme des collectivités territoriales que je soumettrai dans quelques semaines au Parlement et dont je voudrais vous dire plus aujourd'hui.
En effet, comme ministre en charge des collectivités territoriales, je veux saisir l'occasion d'être parmi vous pour évoquer ce rendez-vous majeur.
I. Cette réforme est partie d'un constat simple : l'organisation territoriale de la France est imparfaite. Le statu quo n'est plus possible.
- Ce constat n'a, certes, rien d'original.
Les rapports s'empilent dans les ministères pour partager cette vérité, qui n'est ni de droite ni de gauche, ni du centre : l'immense majorité des élus locaux en ont assez de la complexité de notre système administratif !
- Cela, nos concitoyens l'ont bien compris.
Dans un sondage récent, 83% des Français interrogés estiment que notre organisation administrative est trop compliquée, 75% jugent la répartition des responsabilités plutôt confuse, et 71% d'entre eux estiment qu'une réforme du mode d'organisation des différentes collectivités locales est nécessaire.
Comment leur donner tort ? Nous autres, responsables publics, rivalisons de métaphores culinaires (du millefeuille à la lasagne) pour décrire cet empilement de structures administratives qui s'est installé au fil du temps dans notre pays : communes, intercommunalités à fiscalité propre, syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple, syndicats mixtes, pays, départements, régions, Etat et Europe !
- Ce constat n'est pas une mise en accusation de telle ou telle majorité politique.
Il n'est pas non plus une critique adressée par l'Etat aux collectivités territoriales. Il n'est pas, enfin, le procès de tel ou tel niveau de collectivité. Il n'y a pas, d'un côté, les bonnes collectivités locales et de l'autre, les mauvaises. Elles ont toutes leurs histoires et entretiennent une relation singulière aux Français et à l'imaginaire républicain.
II. Concrètement, que propose le Gouvernement ? Une réforme qui repose sur une triple ambition : simplifier, démocratiser et adapter notre organisation territoriale.
- Simplifier tout d'abord.
(1) Avec la création du conseiller territorial.
Celui-ci remplacera les conseillers généraux et régionaux. Nous avons, aujourd'hui, environ 4 000 conseillers généraux et 2 000 conseillers régionaux dans notre pays. Nous proposons de diviser par deux leur nombre : au lieu de 6 000, ils seront 3 000. Ces conseillers territoriaux seront deux fois moins nombreux mais deux fois plus influents car ils siègeront à la fois au conseil général de leur département d'élection et au conseil régional.
Concernant le mode de scrutin, nous proposerons que ces nouveaux élus soient à la fois ancrés dans nos territoires, puisque 80% d'entre eux seront élus au scrutin majoritaire à un tour, et représentatifs de l'ensemble des sensibilités, puisque 20% d'entre eux seront élus à la proportionnelle. Ce qui nous anime, c'est le respect. Respect des territoires, tout d'abord, puisque nos concitoyens veulent des élus ancrés localement. Respect des sensibilités, ensuite, puisque nos concitoyens veulent une meilleure représentation de notre diversité.
A travers cette innovation, quelle est la stratégie du Gouvernement ? Elle est simple : faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour clarifier, de manière pragmatique, au plus près des réalités du terrain, les compétences et les interventions des départements et des régions. Il s'agit de renforcer la complémentarité de ces deux collectivités et de faire émerger un véritable couple départements-région. C'est une réforme considérable pour notre pays. C'est une réforme simple, pragmatique et ambitieuse, loin des querelles stériles et sans fin sur la suppression des départements ou la fusion des deux collectivités.
(2) Simplifier, c'est également achever et rationaliser la couverture intercommunale du pays à horizon 2014.
L'intercommunalité a désormais atteint le stade de la maturité, dix ans après la loi « Chevènement » de 1999. Il faut désormais franchir une nouvelle étape. Cela passe par la couverture intégrale du territoire, par la rationalisation des périmètres des structures intercommunales, par la suppression des structures devenues superflues. Je pense aux pays qui doivent se rapprocher des intercommunalités ou des innombrables syndicats intercommunaux dont les périmètres chevauchent bien souvent ceux des intercommunalités et qui parfois, constituent même des « coquilles vides ». Ce chantier doit être mené dans la concertation, au plus près du terrain. Mais il faut qu'il aboutisse dans un délai raisonnable. C'est pourquoi le Gouvernement propose comme horizon la fin de l'année 2013.
- Démocratiser ensuite.
Je n'en donnerai ici que deux exemples :
(1) L'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires au sein des intercommunalités. C'est devenu une exigence démocratique au vu des compétences exercées et des budgets gérés par les structures intercommunales.
(2) L'abaissement du seuil de population pour l'élection des conseillers municipaux au scrutin de liste à 500 au lieu de 3500 habitants actuellement.
Ces deux réformes vont considérablement modifier notre paysage institutionnel local et renforcer la démocratielocale.
- Nous adapter, enfin, aux défis de notre temps
Ce sera le cas, entre autres, avec :
(1)La création des métropoles qui répond au défi urbain.
Je l'ai mentionné tout à l'heure. La poursuite de politiques publiques de plus en plus intégrées nécessite une adaptation du cadre institutionnel de nos grandes agglomérations. Le Gouvernement s'appuiera sur le succès de l'intercommunalité en proposant un nouveau statut intercommunal pour les agglomérations de plus de 450 000 habitants avec des compétences renforcées, entre autres, dans le domaine économique, de l'urbanisme, des transports ou du logement. Il proposera également une formule souple, le pôle métropolitain, afin de permettre à plusieurs collectivités de porter un projet de métropole en développant des coopérations renforcées dans des domaines jugés d'intérêt commun.
(2) La réforme de la taxe professionnelle qui répond au défi de la compétitivité de nos entreprises et de nos territoires.
Elle a bien sûr un impact sur les ressources des collectivités territoriales.
Aussi, le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés. Le Gouvernement respectera le principe d'une compensation globale et individuelle des collectivités locales.
Cette suppression se fera en deux temps. En 2010, les entreprises basculeront dans le nouveau régime mais ce sera une « année neutre » pour les collectivités territoriales. C'est dans un second temps, en 2011, que la suppression de la taxe professionnelle prendra effet pour les collectivités. Elles bénéficieront alors de nouvelles ressources de compensation.
J'ajoute que rien n'est figé. Le Gouvernement est très ouvert sur la question de la répartition et laissera le parlement décider in fine, conformément aux choix du Président de la République.
III. Comment allons-nous agir, avec quelle méthode et quel calendrier ?
- Ma méthode est, avant tout, celle du dialogue et de la concertation.
Dès mon arrivée place Beauvau, j'ai décidé de consulter l'ensemble des associations nationales d'élus - vous le savez bien, cher Jacques [PELISSARD, président de l'AMF], je vous ai rencontré plusieurs fois à ce sujet et j'étais encore, le 17 septembre dernier, au comité directeur de l'AMF pour vous présenter les grands axes de la réforme. Nous avons également consulté les parlementaires et l'ensemble des partis politiques, en particulier sur le mode de scrutin. Avec Alain MARLEIX, nous avons pris le temps nécessaire pour écouter chacun et n'oublier personne.
- Ma méthode, c'est, aussi, celle de la détermination et de l'action.
Le calendrier est clair. Les textes seront présentés au conseil des ministres à la fin octobre. Ils pourront être discutés à la commission des lois du Sénat en novembre, puis en séance publique dès le mois de décembre.
Je me réjouis que les sénateurs comme les députés soient forces de propositions. Le débat parlementaire s'engagera donc cet hiver et se poursuivra au premier semestre 2010 devant chaque assemblée.
Concrètement, le Gouvernement proposera que la première élection du conseiller territorial n'intervienne pas durant ce mandat présidentiel, mais en 2014. Ce choix nous conduira donc à proposer de réduire les mandats des conseillers régionaux élus en mars 2010 de 6 à 4 ans et ceux des conseillers généraux qui seront élus en 2011 de 6 à 3 ans.
En mars 2014, les citoyens exprimeront, le même jour, de manière claire et cohérente, deux votes : celui pour désigner des majorités communales et intercommunales et celui qui désignera les conseillers territoriaux qui siègeront à la fois au sein des conseils généraux et régionaux. Pour l'électeur, les choses seront simples, cohérentes et transparentes.
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Cette réforme doit être soutenue, car elle est primordiale. En effet, j'en suis convaincu, nous n'avons pas le choix. Nous devons nous adapter. Nous devons simplifier. Nous devons rationaliser.
L'Etat a su le faire, en imaginant et en mettant en œuvre un audit interne et une réforme essentielle : la révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée après l'élection de Nicolas SARKOZY.
C'est, aujourd'hui, au tour des collectivités territoriales de relever ce défi. En étant en contact permanent avec les élus locaux, le forum de la gestion des villes pourra participer pleinement à cette ambition de modernisation.