06.09.2010 - Fêtes de Tishri

7 septembre 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales à l'occasion des Fêtes de Tishri - Paris, synagogue de la Victoire - lundi 6 septembre 2010.


- Seul le prononcé fait foi -
 
Monsieur le Grand Rabbin de France, cher Gilles BERNHEIM,
Monsieur le Président du Conseil représentatif des institutions juives de France, cher Richard PRASQUIER,
Monsieur le Président du Consistoire central, cher Joël MERGUI,
Monsieur le Président du Fonds social juif unifié, cher Pierre BESNAINOU,
Monsieur le Grand Rabbin de Paris, cher David MESSAS,
Messieurs les Grands Rabbins et Rabbins,

Monsieur l’ambassadeur,

Madame et Monsieur les ministres,
Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs les élus,

Messieurs les préfets,

Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Vous êtes sur le point d’entamer, dans quelques heures, l’an 5 771 de votre calendrier. Comme l’année dernière, c’est pour moi un grand plaisir de venir célébrer avec vous, dans cette belle synagogue de la rue de la Victoire, l’année nouvelle et l’arrivée d’un mois particulièrement riche pour votre communauté.

En effet, premier mois de votre année civile, tishri, est une période de fête autant que de recueillement :
    -  il y aura d’abord, de mercredi à vendredi soir, Roch ha-Chanah, le nouvel an. C’est, en réalité, une double fête : celle, d’abord, du « jour de sonnerie » au cours duquel retentit le chofar, symbole de la reconnaissance de la royauté de Dieu sur le monde et celle, ensuite, du « jour du jugement » ;
    -  ce jugement de Dieu sur le monde introduit 10 jours de pénitence qui culminent avec Yom Kippour, jour du grand pardon, moment particulièrement saint et solennel pour votre communauté ;
    -  enfin, quelques jours plus tard, viendra Souccot, la fête des cabanes, commémorant le séjour d’Israël au désert.

Pour tous les Juifs de France, c’est donc un mois particulièrement intense qui s’annonce. En famille, entre amis, entre fidèles, ces fêtes sont des moments de convivialité, de partage et d’échanges qui rappellent la force et le dynamisme de votre communauté.

Mais, plus largement, ce début d’année est placé, pour tous les juifs, sous le signe de l’espoir. Depuis la semaine dernière, en effet, sous l’égide du président américain et prix Nobel de la paix Barack OBAMA, les négociations ont repris sur la question israélo-palestinienne. À l’instar du quartette [ONU, Etats-Unis, Union européenne, Russie], la France souhaite que les différentes parties se saisissent de cette occasion pour relancer le processus de paix. Après plus de 60 ans d’une histoire mouvementée, Israël a plus que jamais le droit de vivre en paix.

I. Les juifs de France, eux aussi, doivent pouvoir vivre en paix. Comme ministre chargé des cultes, je suis déterminé à lutter contre tous les actes et violences à caractère antisémite.

(1) Trop souvent, en effet, votre communauté se trouve la cible d’individus qui bafouent les valeurs de notre République et cherchent à affaiblir notre modèle de laïcité à la française.

Je pense, naturellement, à plusieurs actes particulièrement indignes qui ont marqué ces derniers mois : la profanation de deux cimetières de la région de Strasbourg en février et en juillet dernier, la dégradation de la synagogue Etz Haïm de Melun le 22 juillet, ou encore le saccage, à coup d’inscriptions antisémites, du mémorial de la déportation de Marmande.

Mais je pense, plus globalement, aux 47 actions et 190 menaces recensées au premier trimestre à l’encontre de la communauté juive. C’est certes moins qu’à la même période en 2009 mais, je vous le dis, c’est encore beaucoup trop. Chaque violence est une violence de trop, qu’il faut combattre avec vigueur et détermination.

(2) Face à ces actes indignes et répugnants, l’État fait précisément preuve de la plus grande fermeté.

Quelle que soit la confession visée, pour chaque offense, pour chaque profanation et chaque dégradation, je donne toujours les consignes les plus fermes aux forces de l’ordre afin que les vandales soient rapidement arrêtés et livrés à la justice. Les libertés de conscience et de culte ne sont pas seulement fondamentales, elles sont véritablement fondatrices de notre modèle national. Quiconque y porte atteinte doit s’attendre à voir la puissance publique peser de tout son poids contre lui.

Pour que votre communauté puisse vivre paisiblement et joyeusement les différentes solennités de tishri, j’ai adressé aux préfets et au préfet de police de Paris des consignes de vigilance renforcée et de mobilisation accrue des services de police et de gendarmerie.

En outre, toute l’année, selon la dynamique impulsée en 2005 par Nicolas SARKOZY, nous portons une attention toute particulière à la sécurité des bâtiments de votre communauté. Je le dis devant vous, Monsieur le président du Fonds social juif unifié, en cinq ans, les conventions passées avec votre organisme, ont permis de sécuriser 487 bâtiments dont 145 écoles et crèches, 98 associations et centres communautaires et 234 synagogues.

Enfin, j’ai personnellement attiré l’attention de la garde des Sceaux afin que soient engagées des poursuites judiciaires dans plusieurs cas d’appel au boycott de produits cashers ou israéliens.

II. Mais nos relations ne se résument pas à des préoccupations de sécurité. En effet, poursuivant un dialogue entrepris il y a plus de deux siècles, nous avançons ensemble sur de nombreux projets.

(1) Très dynamiques, les organisations juives entretiennent des rapports réguliers et fructueux avec les pouvoirs publics.

-> Ces rapports s’enracinent dans une tradition de dialogue multiséculaire entre la France et la communauté juive.

Votre engagement dans la vie civile et politique de notre pays se confond, en réalité, avec la naissance de la République. Dès 1791, en effet, l’Assemblée constituante accorde la citoyenneté aux juifs de France.

En 1808, ensuite, sous l’Empire, Napoléon, soucieux de donner tout leur sens aux principes des Lumières et à la liberté religieuse, crée la toute première institution représentative juive du monde, les consistoires.

Pendant la seconde guerre mondiale, les différentes associations et organisations juives unissent leurs efforts : en 1944, à la suite d’un accord conclu en secret avec le consistoire central, naît le Conseil représentatif des institutions juives de France. Il deviendra, après la guerre, un acteur essentiel de la reconstruction communautaire.

Mais, au-delà des institutions, je pense aux hommes qui ont construit ce dialogue avec la France. Je pense, bien sûr, cher grand rabbin BERNHEIM, cher président MERGUI, à la longue lignée de vos prédécesseurs qui, de David SINTZHEIM à Alain de ROTHSCHILD ou Jean KAHN ont façonné le judaïsme en France. Je pense aussi à la figure du grand rabbin Jacob KAPLAN, deux fois croix de guerre, résistant, grand-croix de la légion d’honneur, membre de l’académie des sciences morales et politiques et grand artisan de la réconciliation entre juifs et chrétiens, lui qui créa, en 1948, l’amitié judéo-chrétienne. Ces hommes incarnent l’attachement indéfectible des juifs de France à la patrie. Leur exemple continue et doit continuer à influencer les bonnes relations que l’État entretient avec la communauté juive.

-> Aujourd’hui, je le constate, cet héritage est entre de bonnes mains. En effet, la communauté juive est particulièrement engagée dans la vie politique et civile de notre pays. Ainsi, et je m’en réjouis, l’activité déployée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le Fonds social juif unifié (FSJU), la fondation du judaïsme ou encore la fondation pour la mémoire de la Shoah, est le signe non seulement du dynamisme de votre communauté, mais aussi de l’équilibre qu’elle a su trouver entre sa foi et son ancrage dans la vie publique.

Outre ces différentes organisations, les pouvoirs publics peuvent compter, depuis maintenant plus de deux siècles, sur les consistoires pour régler les questions relatives à l’organisation du culte et à la représentation des juifs de France. Créés par décret impérial le 17 mars 1808, le consistoire central et les différents consistoires constituent la plus ancienne institution représentative juive du monde. Ils sont, surtout, des repères et des relais particulièrement efficaces, aussi bien pour les membres de votre communauté que pour les pouvoirs publics.

(2) Avec les consistoires, avec vous Monsieur le président MERGUI, nous mettons tout en œuvre pour faciliter l’exercice du culte.

-> Je pense d’abord, pour les étudiants, à la conciliation de leurs obligations scolaires avec le calendrier de vos fêtes religieuses.

J’ai, bien évidemment, transmis vos préoccupations aux ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et je suis certain que, dans le cadre fixé par la jurisprudence, tout sera fait pour nouer un dialogue constructif avec les autorités universitaires afin de parvenir aux aménagements nécessaires.

Il serait, en effet, particulièrement regrettable que nous nous privions d’éléments brillants par manque de souplesse.

-> Je pense, aussi, aux différents projets du consistoire soutenus par le ministère de l’intérieur.

Dans le cadre des principes juridiques qui gouvernent notre action, ce partenariat a déjà permis à la fondation du patrimoine juif de France de voir le jour au sein de la fondation du judaïsme.

Soyez sûrs, Monsieur le président, Monsieur le grand rabbin, que nous soutiendrons de la même manière le travail de valorisation du séminaire israélite de France que vous souhaitez entreprendre.

-> Je pense, enfin, aux avancées obtenues en matière d’abattage rituel.

Je me réjouis, d’abord, que ces avancées aient été obtenues en partenariat avec les représentants du culte musulman. C’est, à mes yeux, un signe fort du dialogue des religions rendu possible par notre modèle de laïcité.

Comme vous le savez, nous avions obtenu ensemble, à l’automne 2009, la publication d’un nouveau règlement européen relatif à l'abattage rituel qui assurait une stabilité pour la shehita.

Aujourd’hui, alors qu’un vote au Parlement européen pourrait remettre ce travail en question en imposant un étiquetage discriminant pour l’abattage rituel, nous restons particulièrement vigilants. Vous pouvez compter sur ma mobilisation et celle des députés français au Parlement européen pour que le projet n’aboutisse pas.

X

Tous ces projets dessinent les contours d’une communauté impliquée, vivante et dynamique.

Aussi, lorsque je vous souhaite de demeurer une force engagée dans la vie publique, je sais que j’ai toute les chances d’être exaucé.

Vous avez choisi la voie de l’équilibre entre votre appartenance religieuse et votre engagement dans la vie publique.

Sachez que, sur cette voie, vous pourrez toujours compter sur moi pour offrir à votre communauté la possibilité d’exercer son culte en toute sérénité et en toute sécurité. .

À titre personnel, mais aussi et surtout comme ministre des cultes, je vous souhaite d’excellentes fêtes de tishrit et vous adresse mes vœux les plus amicaux pour cette nouvelle année.