03.11.2009 - Départ de Gendarmes pour l'Afghanistan

3 novembre 2009

Intervention de M. Brice Hortefeux Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Satory, mardi 3 novembre 2009, 12h05.


Madame le Préfet,
Monsieur le député,
Monsieur le représentant spécial,
Mon Général,
Mon Colonel,
Mesdames et Messieurs les officiers et sous-officiers,
Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi un grand honneur de m'exprimer devant vous aujourd'hui. Vous allez, dans quelques jours ou quelques semaines, gagner l'Afghanistan pour soutenir, former et accompagner sur le terrain les policiers afghans dans leur mission quotidienne.

C'est à la veille de votre départ que j'ai tenu à venir vous rencontrer car je crois que c'est aujourd'hui que ma visite a le plus de sens.

Vous vous apprêtez à accomplir votre devoir en participant à écrire l'histoire d'un peuple, d'un pays, d'une région toute entière.

Vous vous apprêtez à porter hors de nos frontières les valeurs qui font la France et les français.

Vous vous apprêtez, chacun de vous, à prendre part à la construction d'un Afghanistan nouveau.
C'est une cause juste. C'est une tâche immense. C'est un défi capital.

I. La situation en Afghanistan reste, aujourd'hui, préoccupante et l'engagement de la France est une nécessité.

- Vous le savez, la situation en Afghanistan est difficile et complexe.

Pendant plus de deux décennies, l'Afghanistan a souffert, pris en otage par un régime allié aux terroristes. Aujourd'hui, c'est l'espoir d'un nouvel avenir que nous bâtissons, aux côtés des afghans, l'espoir d'un Afghanistan libre, indépendant et démocratique.

Nous ne pouvons pas nous le cacher : les difficultés sont nombreuses. Chaque jour, de nouveaux épisodes de violences éclatent un peu partout dans le pays. La semaine dernière encore, en plein cœur de Kaboul, des kamikazes ont attaqué des employés de l'ONU, provoquant la mort de cinq d'entre eux. Ces actes odieux étaient présentés comme destinés à nuire à un second tour éventuel de scrutin électoral. Ils étaient, en tout état de cause, injustifiables, lâches et condamnables.

- Cependant, les raisons d'espérer que la situation s'améliore sont nombreuses :

Sur le plan politique, tout d'abord, l'élection présidentielle contrairement à nos espoirs, a ouvert une période d'incertitude. Le second tour, vous le savez, vient d'être annulé par la commission électorale. Nous gardons l'espoir que les forces politiques afghanes sauront se rassembler. La reconstruction du pays suppose que le gouvernement dispose d'une large assise. Nous appellerons donc tous les dirigeants politiques à faire preuve de sens des responsabilités.

En outre, nos Alliés, engagés militairement depuis le lancement de l'opération Enduring Freedom, au lendemain des attentats contre New-York, le 11 septembre 2001, ne relâchent pas leurs efforts et continuent inlassablement de lutter contre l'obscurantisme. Chaque victoire est une parcelle de reconquête.

Enfin, dans la région, le Pakistan a pris toute la mesure de l'intensité de la menace talibane et il est désormais pleinement impliqué dans cette lutte. Cela signifie une chose : c'est que les Talibans sont attaqués sur tous les fronts. Il leur est, chaque jour, plus difficile de se replier et de s'entrainer au Pakistan. Notre rôle est donc de renforcer notre aide au Pakistan tout en maintenant la pression du côté afghan. Ce n'est pas le moment de relâcher notre effort. Nous ne devons pas baisser les bras. Il nous faut continuer. Nous allons continuer.

- Il est de notre devoir de poursuivre notre engagement aux côtés des autorités afghanes.

Si la France est engagée sur l'un des théâtres les plus difficiles qui soient, c'est précisément parce qu'elle défend les valeurs auxquelles elle croit, auxquelles nous croyons tous, ici.

La France s'est depuis longtemps battue pour les libertés et pour la dignité des femmes et des hommes.

Notre action d'aujourd'hui s'inscrit dans ce prolongement des valeurs de la République.

C'est le combat pour une certaine idée de l'homme, c'est le combat pour sa dignité et pour ses droits.

Nous ne pouvons pas laisser les Afghans, seuls, face à la menace terroriste talibane. Il en va non seulement de l'avenir de l'Afghanistan et du Pakistan mais également de celui de notre pays et de l'Europe toute entière.

Chacun doit en avoir conscience : stabiliser aujourd'hui l'Afghanistan, c'est aider un peuple et une région toute entière à bâtir un avenir de paix, de stabilité et de tolérance.

Stabiliser aujourd'hui l'Afghanistan c'est, aussi, s'attaquer à la production et au trafic d'opium qui constitue la source de financements des Talibans et qui irrigue le fléau de la drogue dans nos sociétés.

Stabiliser aujourd'hui l'Afghanistan, c'est éviter que demain nos enfants, nos familles ne soient la cible d'actes terroristes, c'est empêcher que le cœur de notre société ne soit touché par des attentats comme par le passé.

II. Pour toutes ces raisons, la France et le ministère de l'intérieur s'engagent résolument.

- Nous aidons l'Afghanistan à se doter d'une police efficace, professionnelle, soucieuse de respecter certains fondamentaux.

La mission de la police afghane est d'assurer aux populations un environnement de sécurité, de bonne gouvernance et d'Etat de droit dans un contexte d'insécurité qui est en tout point comparable à un théâtre de guerre. Comme nous, nos alliés américains et européens sont désormais conscients qu'il s'agit là d'un enjeu essentiel pour affaiblir les sympathies et amoindrir les soutiens dont peuvent bénéficier les talibans dans une partie du pays.

C'est dans cette logique que le ministère de l'intérieur déploie, depuis 2003, ses experts dans ce pays, avec notamment la création du laboratoire de police scientifique à Kaboul.

Plus récemment, conformément aux priorités définies lors de la visite, en France, du ministre de l'intérieur afghan, en décembre 2008, une approche de coopération plus ambitieuse s'est construite autour de trois axes prioritaires en matière de sécurité intérieure :

  • la création d'une force de gendarmerie afghane, tout d'abord ;
  • l'extension de l'académie de police anti-drogue, ensuite ;
  • et, enfin, la création d'un service de protection des hautes personnalités, cruciale pour assurer la protection des responsables politiques au cours de la période électorale.

- Nous allons maintenant franchir un pas supplémentaire.

Conformément à la volonté du Président de la République, 150 d'entre vous s'apprêtent à partir pour l'Afghanistan.

Vous le savez, il ne s'agit pas de se substituer aux Afghans ou de mener nous-mêmes des opérations de police. Il s'agit de contribuer à la formation d'une police afghane et, ainsi, de l'aider à prendre toute sa place dans le long processus de stabilisation et de sécurisation du pays.

Vous allez contribuer à renforcer un maillon essentiel, à la charnière des efforts militaires et de la reconstruction civile : celui de la sécurité intérieure, sans lequel la stabilisation du pays sera impossible.

A travers votre déploiement, principalement dans les régions de Kapisa et Surobi, la France va développer désormais une approche intégrée portant à la fois sur le domaine militaire, la coopération civile et la sécurité intérieure.

Une chose est sure : plus les Afghans seront en mesure d'assurer eux-mêmes leur sécurité, moins notre assistance sera nécessaire. Vous comprenez là l'importance de votre mission.

- Quel sera le dispositif sur place ?

Vous serez placés sous le commandement opérationnel du chef d'Etat-major des Armées, dans le cadre de la force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) de l'OTAN. Dans ce cadre, vous aurez deux missions principales :

  • (1) tout d'abord, former des policiers afghans de l'afghan national civil order police (ANCOP), en liaison avec le commandement américain.

Concrètement, le premier cycle de formation commencera à Mazar-e-Sharif à compter de décembre prochain. Ce stage sera encadré par 30 gendarmes français. Déjà, depuis leur arrivée à Kaboul, le détachement précurseur des formateurs a participé à l'instruction de 400 policiers afghans.

  • (2) ensuite, assurer l'accompagnement et le tutorat des policiers de l'afghan uniformed police (AUP) sur le terrain afin de les encadrer et de les conseiller dans l'exercice de leurs missions quotidiennes.

Ce tutorat sera effectué par quatre équipes de gendarmes déployés dans les bases françaises de Nirjab, Tora et Tagab. Chaque équipe de tuteurs comptera 24 gendarmes, disposant de tous les moyens matériels vous permettant de travailler en sécurité. Votre hiérarchie et moi-même y veillons personnellement.

III - A la hauteur de votre engagement dans cette mission risquée, je vous assure de mon appui inébranlable à la fois pour vous et pour vos familles.

Votre statut militaire vous permet d'être naturellement engagés dans des opérations militaires comme celle qui se déroule aujourd'hui en Afghanistan.

- L'engagement en Afghanistan est une mission particulière, comme la gendarmerie nationale n'en avait pas connu depuis de nombreuses années. Cet engagement a donc nécessité une préparation exigeante, intense, mais ô combien indispensable.

Pour cette mission de formation et d'accompagnement de la police afghane, vous vous êtes, je le sais, entraînés durement depuis plusieurs mois. L'entraînement est indispensable à l'efficacité opérationnelle et je sais que vous vous y êtes investis sans compter.

Cette formation s'est faite à la fois dans vos unités, mais également en liaison avec l'armée de terre à l'occasion des séjours en camp, à Mourmelon et à Suippes. Pour la concrétiser, un exercice commun armée de terre/gendarmerie a eu lieu, en zone montagneuse et en ambiance aussi réaliste que possible, du 21 septembre au 1er octobre derniers. Il était conduit par le 27ème bataillon de chasseurs alpins, qui rentrait d'Afghanistan.

Au moment de votre arrivée sur le théâtre d'opérations, une dernière période d'entraînement aura lieu avant l'engagement opérationnel.

- Parce que votre sécurité est au cœur de mes préoccupations, j'ai également tenu à ce que tous les moyens nécessaires de protection soient mis en place.

Ne nous le cachons pas : cette mission n'est pas anodine. Elle comporte des risques. C'est évident. C'est pourquoi j'ai expressément demandé que tout soit mis en œuvre pour vous doter tous de matériels individuels et collectifs de protection. 12 VAB équipés par l'atelier mixte police-gendarmerie de Limoges ont notamment été mis à disposition par l'armée de terre.

- Enfin, je souhaite que soient assurés le soutien et l'accompagnement de la « base arrière ».

Vous partez pour six mois défendre nos valeurs en laissant ici des familles, des parents, des femmes et des enfants qui contribuent ainsi également à l'effort national. Je tiens, d'ailleurs, à saluer les épouses que je distingue parmi vous.
J'ai donc demandé à ce que vos familles et vos proches bénéficient d'un soutien permanent dans les difficultés qu'elles pourraient être amenées à traverser.

J'ai souhaité également qu'ils soient informés du déroulement de la mission, au-delà des contacts individuels qui pourront exister. C'est le rôle qui sera assigné aux officiers contact référents, un officier étant désigné au niveau de chaque région. Cet officier sera le point d'entrée unique des familles et sera en mesure de contacter les services de l'administration centrale pour apporter toute information ou aide utile.

Enfin, j'ai demandé au directeur général de la gendarmerie nationale de me tenir informé personnellement et très régulièrement de l'avancement de votre mission et des difficultés éventuelles que pourraient rencontrer vos familles durant votre déplacement, afin que des solutions soient trouvées.

Soyez assuré que c'est aujourd'hui, en Afghanistan, que se joue une part de la liberté du monde.

Vous avez ma totale confiance dans l'accomplissement de cette mission, toute mon affection et tout mon soutien.

En vous rendant sur place, vous participez à un formidable élan d'espoir pour libérer des millions d'hommes et de femmes ; vous protégez nos démocraties contre la violence aveugle et barbare du terrorisme ; vous contribuez, ainsi, à la stabilité d'une région et à la paix dans le monde.

Votre engagement vous distingue. Votre sens du devoir vous honore. La nation française peut être fière de ses gendarmes.

En ce jour solennel, je veux vous dire ma confiance inébranlable, mon soutien indéfectible et, aussi, ma profonde admiration pour l'engagement qui est le vôtre.