03.03.2010 - Réunion des préfets

3 mars 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Hôtel de Beauvau


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Messieurs les Directeurs généraux,
Madame et Messieurs les Directeurs,

Je ne peux commencer ce propos, aujourd'hui, sans évoquer la tempête qui a violemment frappé l'ouest de la France, et plus particulièrement la Vendée et la Charente-Maritime, dans la nuit de samedi à dimanche.

Je veux ici remercier les préfets, et sous leur autorité, les services départementaux d'incendie et de secours, les personnels de la sécurité civile et les forces de police et de gendarmerie, qui effectuent, avant même et surtout depuis la tempête, un travail formidable et courageux au service des sinistrés.

Devant cette catastrophe naturelle qui a fait autant de victimes, après le temps de l'émotion et de la compassion, après le temps de la solidarité, vient nécessairement celui des enseignements à tirer. Cette catastrophe naturelle doit vous inciter à redoubler d'efforts sur les préventions de risques naturels. Saisissez cette occasion malheureuse pour, chacun dans son département, faire un point complet des mesures de prévention de risques naturels et sensibilisez tous les acteurs. N'hésitez pas, lorsque vous l'estimez nécessaire, à déférer les permis de construire lorsque la sécurité est en jeu.

Malgré les éventuelles pressions de toutes natures, ne renoncez jamais à faire preuve de la plus grande intransigeance au service de la protection de nos concitoyens et de leurs biens. Si cette tempête restera dans les mémoires pour sa violence, elle doit aussi nous rappeler le devoir de vigilance extrême qu'est celui de l'Etat.

Je voudrais profiter de cette réunion pour vous adresser, à vous préfets ainsi qu'aux agents de ce ministère, un triple remerciement :

- un remerciement, tout d'abord, pour la gestion complexe et très prenante de la pandémie grippale pour laquelle chacun s'est mobilisé de façon pro-active, réactive et mesurée et où l'administration territoriale a montré sa capacité à s'adapter, à innover et à être opérationnelle ;

- un remerciement, ensuite, pour les résultats obtenus fin 2009 et début 2010 dans la lutte contre la délinquance. Il fallait impérativement redresser la barre : objectif fixé, objectif atteint.

- un remerciement, enfin, concernant la réforme territoriale pour la simple raison que nous n'en avons pas trop entendu parler, ce qui est gage, nous le savons tous, d'un dialogue social rondement mené.

Je souhaite, aujourd'hui, évoquer avec vous trois chantiers prioritaires pour les prochaines semaines et les prochains mois :

I. La nouvelle architecture de l'administration préfectorale désormais stabilisée ;
II. La poursuite de la lutte acharnée contre la délinquance ;
III. Et enfin, la simplification urgente des procédures applicables aux demandes de carte nationale d'identité et de passeport pour établir une nouvelle relation avec les usagers.

I. Mon premier message concerne la nouvelle architecture de l'administration préfectorale. Celle-ci vous conforte comme pivot de l'organisation de l'Etat au niveau régional comme au niveau départemental.

(1) Comme vient de le rappeler le Premier ministre, nous sortons d'une période de deux années et demi durant lesquelles les réflexions concernant l'Etat local ont été intenses et parfois sans tabou.

Toutes les hypothèses ont été - au moins dans un premier temps - envisagées, y compris la généralisation d'agences à représentation territoriale, qui auraient progressivement cantonné le préfet à ses missions d'ordre public et de sécurité.

Ce type de scénarios a été, très rapidement, écarté et le Gouvernement a tranché en faveur d'une centralité- non pas amoindrie mais renforcée- du préfet dans l'architecture de l'Etat local.

Le Premier ministre a souligné toute l'importance de la réforme de l'administration territoriale et ce qu'il en attendait. Je n'y reviens pas. En revanche, je veux insister sur la place du préfet dans cette nouvelle architecture.

Le décret du 16 février dernier relatif aux pouvoirs des préfets le confirme, avec, tout d'abord, une première évidence : vous restez les patrons incontestés des services de l'Etat, que ce soit au niveau régional ou au niveau départemental.

Ce principe traditionnel s'applique même à de nouveaux domaines : je pense en particulier à la gendarmerie nationale en tirant les conséquences de son intégration au ministère de l'intérieur. Ce principe prend, aussi, de nouvelles formes. Vous êtes, par exemple, désormais systématiquement consultés avant toute nomination d'un directeur ou d'un directeur adjoint de service déconcentré ainsi que pour les sous-préfets, les directeurs départementaux de la sécurité publique ou les commandants de groupement de gendarmerie.

De nouvelles missions vous sont reconnues, notamment en matière de mutualisation et de mise à disposition des moyens. Le décret pose également le principe que le préfet sera le délégué territorial de tout nouvel établissement public à échelon déconcentré.

Voilà autant de mesures qui consacrent le renforcement de la place des préfets au sein de l'Etat. C'est pour moi le point le plus marquant de la réforme.

(2) L'autre fait marquant est la reconnaissance de l'autorité du préfet de région sur les préfets de département.

Il faut aborder ce sujet avec des idées claires et sans a priori ou esprit de système.

->Première observation : il est naturel que le niveau régional, chargé du pilotage et de l'évaluation des politiques publiques, ait autorité sur le niveau départemental, chargé de la mise en œuvre de ces politiques. A défaut, le pilotage resterait une notion abstraite et sans effet.

Cette orientation est, d'ailleurs, un atout pour maintenir au niveau départemental des compétences que plusieurs ministères sectoriels ont la tentation de régionaliser pour en garder la maîtrise.
-> Deuxième observation : il était impératif que les contours de cette autorité renforcent, et non pas affaiblissent, l'Etat local que vous représentez. Je vous l'avais indiqué. Il aurait été malsain que, systématiquement, les élus s'adressent au préfet de région.

J'ai donc demandé et obtenu trois garanties fortes, qui figurent expressément dans le décret :

- Première garantie : le préfet de département continue à être responsable directement devant chacun des ministres. En conséquence, les recours hiérarchiques exercés par les particuliers continueront à être adressés au ministre concerné et les élus locaux seront invités à en faire de même. Cela évitera que le préfet de région devienne une instance d'appel des décisions du préfet de département.

- Deuxième garantie : l'exercice de l'autorité sur les préfets de département n'appartient qu'au préfet de région lui-même, qui ne peut la déléguer en aucune manière, en particulier à un directeur régional. En ce qui concerne l'exercice du nouveau pouvoir d'évocation, une circulaire est en préparation pour vous en donner le mode d'emploi souhaitable.
- Troisième garantie : toutes les matières qui étaient de la compétence exclusive du préfet de département le demeurent. En particulier, la directive nationale d'orientation des préfectures, qui sera prochainement diffusée, confortera et explicitera les différentes missions incombant ainsi à l'administration préfectorale, tout spécialement au niveau départemental : ordre public, sécurité, immigration, contrôle de légalité.

->Troisième observation : l'autorité du préfet de région sur les préfets de département n'a de sens que si elle est exercée avec discernement et dans un esprit de management collégial.

Au fond, vous devez considérer que le nouveau décret ne fait que codifier une pratique déjà largement établie dans les faits : le leadership du préfet de région, qui n'est en rien une nouveauté, trouve toute sa légitimité et son efficacité dans une association étroite des préfets de département, qui, sur de nombreux sujets, sont demandeurs.

En réalité, loin d'être un affaiblissement du préfet de département, cette réforme crée, d'abord, une exigence supplémentaire pour les préfets de région. Plus encore que jusqu'à présent, il lui faut créer les conditions au quotidien d'une gouvernance collégiale avec ses collègues préfets de département, tant sur les différentes politiques publiques que pour toutes les questions liées au fonctionnement des services. En particulier, je souhaite que chaque préfet de région regarde personnellement, au moins deux fois par an, la question des moyens dévolus aux préfectures de département et aux directions départementales interministérielles. Ce souci concret des moyens de fonctionnement du niveau départemental est un corolaire de l'autorité nouvelle reconnue au niveau régional.

J'attends donc des préfets de région - et je sais pouvoir compter sur eux - que ces nouvelles règles soient mises en œuvre, non pas en créant un niveau supplémentaire de décision, mais comme l'illustration d'une administration territoriale de l'Etat faisant preuve d'une totale cohésion et d'une pleine cohérence. C'est ce qu'attendent nos concitoyens.

(3) Enfin, le décret relatif aux préfets de zone, qui a été présenté, ce matin, en Conseil des ministres, vous invite à faire jouer la même complémentarité entre préfets de zone et préfets de département.

Ce texte consacre la zone comme un échelon de coordination opérationnelle, notamment en cas de crise, avec des outils nouveaux. Là encore, il ne s'agit pas de se substituer au préfet de département, qui conserve ses compétences et sa responsabilité ultime, notamment comme échelon responsable de la sécurité. Cela rend donc, là aussi, nécessaire une forte collégialité entre préfets, qui est l'une des conditions de l'efficacité.

Pour le reste, des réflexions sont en cours pour faire de la zone un échelon d'appui et un niveau de mutualisation et de mise à disposition des moyens, en particulier pour la police, la gendarmerie et la sécurité civile. Je vous tiendrai informés des décisions qui seront prises sur ce point à partir notamment des préconisations de l'inspection générale de l'administration.

En définitive, vous disposez désormais de tous les outils juridiques pour faire vivre la nouvelle organisation territoriale, dans laquelle je sais que vous saurez prendre toute votre place. Par ailleurs, le ministère continuera à plaider en interministériel pour que les procédures budgétaires et de ressources humaines des directions départementales soient simplifiées, car elles sont encore trop cloisonnées et imprégnées par une logique ministérielle. Vos récentes analyses dans la synthèse hebdomadaire de la semaine passée le confirment.

II. Mon deuxième message concerne la lutte contre la délinquance pour laquelle vous devez poursuivre votre action et amplifier encore davantage les bons résultats obtenus.

(1) Ces dernières semaines, je vous ai adressé plusieurs circulaires pour fixer les objectifs prioritaires de la politique de sécurité pour 2010 et pour vous indiquer les voies et moyens d'y parvenir.

Vous en connaissez les contenus, je ne reviendrai pas sur chacune d'elles en détail. Je veux, en revanche, insister sur quelques points concernant les objectifs et les moyens d'action mis à votre disposition.

Vous le savez, après une légère hausse de la délinquance au printemps et à l'été dernier, nous avons, grâce notamment à votre mobilisation, très vite renoué avec la baisse de la délinquance.

Mais il ne suffit pas de renouer avec les bons résultats, nous devons impérativement les pérenniser, les amplifier et les obtenir pour chaque forme de délinquance et sur chaque territoire.

Pour y parvenir, nous avons choisi la bonne méthode : pour chacune des formes de délinquance, nous fixons des objectifs, nous adoptons une stratégie ciblée, nous mettons en place des modes d'action innovants, nous évaluons les résultats et adaptons, le cas échéant, nos actions. C'est tout le sens des instructions que je vous ai adressées. Je voudrais, plus particulièrement, revenir sur trois de ces objectifs opérationnels qui doivent être au cœur de votre action en 2010.

-> Premier message opérationnel : vous devez, tout d'abord, poursuivre le combat acharné contre les cambriolages.

Souvenez-vous qu'en septembre 2009, sur les 12 mois glissants, le nombre des cambriolages des résidences principales avait quand même augmenté de + 13,82 %, et ce après une baisse historique entre 2002 et 2008 de - 31%. Il fallait, de toute urgence, inverser cette tendance. C'est ce que vous avez fait.

Dès le mois d'octobre, vous avez su vous mobiliser pour amorcer puis conforter une tendance à la baisse. Sur la période de 2002 à fin 2009, les cambriolages ont ainsi reculé de - 28 %, soit 642 000 appartements, maisons d'habitation ou locaux industriels et commerciaux épargnés. Vous devez continuer dans cette voie en privilégiant toujours une analyse fine du phénomène au plan local, en recourant systématiquement à la police technique et scientifique et en vous appuyant sur les nouvelles cellules anti-cambriolages qui ont déjà produit des résultats et dont vous devez conforter l'action.

-> Deuxième message opérationnel : vous devez poursuivre et amplifier encore davantage notre lutte contre les deals de proximité.

Sur le terrain, vous obtenez, nous obtenons des résultats. De très nombreuses et très belles prises l'ont illustré ces dernières semaines.

Parallèlement aux démantèlements des plus gros trafics, vous devez accentuer vos efforts pour combattre, et ce avec la même force, les deals de proximité qui empoisonnent la vie de nos jeunes, souvent aux abords ou dans les établissements scolaires. Je ne vais pas vous apprendre que les ravages de la drogue commencent par le petit trafic de rue. J'attends donc beaucoup de vous sur cette priorité absolue de notre politique de sécurité. Vous avez la responsabilité du management coordonné : c'est à vous de diriger les policiers et les gendarmes afin qu'ils organisent leurs actions autour d'une cartographie précise des territoires où s'exercent les trafics. Vous en êtes les responsables car vous êtes les représentants de l'Etat.

Concrètement, pour vous y aider, une nouvelle instruction, en cours de diffusion, conforte la mission des groupes d'intervention régionaux, dans la lutte contre les trafics de stupéfiants. Mais que les choses soient claires : la gouvernance régionale des GIR ne doit pas avoir pour effet d'écarter les préfets de département du processus d'animation des GIR, auquel ils doivent être étroitement associés.

-> Troisième message opérationnel : vous devez lutter, lutter et lutter encore contre les violences aux personnes.

C'est sans doute ce que nous avons le plus de difficultés à combattre. Je pense à la violence des jeunes, commise individuellement ou en bandes ; je pense aux violences intrafamiliales ou à celles infligées à des personnes vulnérables, comme les personnes âgées.

Malgré les efforts déployés en fin d'année et l'inversion de la tendance lors des trois derniers mois, le constat global reste insuffisant : ces violences aux personnes ont encore augmenté de +2,76 % en 2009 par rapport à 2008. Tous les moyens doivent donc être mobilisés pour infléchir cette tendance dans les plus brefs délais.

De nouveaux outils juridiques sont, pour cela, à votre disposition. Si le projet de loi LOPPSI renforce les sanctions encourues par ceux qui s'attaquent aux plus vulnérables, le Conseil constitutionnel a, pour sa part, validé, la semaine dernière [25 février] les 14 articles de la loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public promulguée aujourd'hui. Désormais :

- le fait de participer à une bande, même temporaire, avec l'intention de commettre des violences volontaires contre les personnes ou des atteintes aux biens sera puni d'un an de prison et 15 000 euros d'amende ;

- lorsque des violences sont commises par des personnes dissimulant volontairement leur visage, les sanctions seront plus lourdes encore ;

- les établissements scolaires et leurs personnels seront mieux protégés : l'intrusion injustifiée dans un établissement d'enseignement scolaire devient, en effet, un délit ;

- de la même manière, la lutte contre le hooliganisme est renforcée : les interdictions administratives de stade pourront être portées à six mois et l'usage de fumigènes dans les enceintes sportives devient un délit.

Vous devez, dès à présent, faire appliquer cette loi avec toute la fermeté requise. J'attends de vous un investissement total. Un plan de lutte contre les bandes, actuellement en cours de finalisation, viendra renforcer le dispositif. Il vous sera très prochainement communiqué. Nous allons mener la guerre à ces groupuscules qui sont néfastes à notre société et qui n'hésitent pas à s'attaquer gratuitement aux plus fragiles. A cet effet, seront notamment fixés des objectifs précis, par trimestre, de démantèlement car la seule manière de mesurer son efficacité après, c'est de se fixer des objectifs précis avant.

(2) En plus de ces nouveaux outils juridiques et opérationnels, j'ai voulu mettre à votre disposition un nouvel outil de pilotage. Il s'agit là d'une évolution importante qui doit nous permettre de franchir une nouvelle étape dans la conduite des politiques de sécurité.

Si l'état 4001 a le mérite d'exister depuis 1972, il avait, cependant, deux lacunes majeures : il ne distinguait pas les faits constatés de l'activité des services, et relevait les crimes et délits selon le lieu du dépôt de plainte et non celui de la commission des faits. Souvent imprécis, il rendait insuffisamment compte de l'efficacité et de la performance des services de police et des unités de gendarmerie dans la lutte contre la délinquance.
Certains d'entre vous m'avaient, d'ailleurs, fait part de ces lacunes. Les nouvelles formes de criminalité, les nouveaux modes opératoires ou, encore, les délinquances émergentes n'étaient jusqu'ici pas véritablement identifiables. Tout cela devait être corrigé. Tout cela a été corrigé.

Vous avez désormais un nouveau tableau de bord comme outil de pilotage, servez-vous en ! Vous devez vous l'approprier comme un instrument d'aide à la décision et d'évaluation des résultats dans vos départements, au plan quantitatif et au plan qualitatif.

Pour lutter contre la délinquance, vous avez, pour l'année 2010, une feuille de route claire et précise. Vous disposez même de nouveaux outils de pilotage qui vous permettront d'évaluer et d'adapter votre propre action. Il vous appartient, désormais, d'appliquer ces consignes et de relever ces défis avec célérité, et efficacité.

Un dernier mot sur les questions de sécurité à propos du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Ce rapprochement historique, comme je vous l'ai déjà indiqué, je veux qu'il s'inscrive dans une démarche de complémentarité optimale et d'efficacité opérationnelle maximale. J'ai bien dit complémentarité et efficacité, et non pas concurrence et discordance.

Il est donc totalement irresponsable, voire dangereux, que certains spécialistes de l'alarmisme colportent, ici ou là, les rumeurs et les polémiques les plus fantaisistes sur l'avenir de la gendarmerie ou sur la fermeture de telle ou telle circonscription de sécurité publique et mettent en émoi les maires. Je compte sur chacun de vous pour, en liaison étroite avec les directeurs départementaux de la police et de la gendarmerie mettre un terme à la propagation de rumeurs infondées.

Concernant la coopération dans le domaine opérationnel, un travail de réflexion a été engagé, avec les deux directeurs généraux, pour établir des mesures d'application immédiate. Leur teneur vous en a été précisée dans la note que vous avez reçue avec celle concernant les mutualisations logistiques. S'agissant de la mission d'information générale, et pour régler un certain nombre de difficultés, une instruction, établie en accord avec les deux directeurs généraux, vient de vous être adressée. Je vous demande, bien sûr, de veiller à ce qu'elle soit pleinement appliquée, avec, comme seul souci, de permettre que le préfet et les autorités gouvernementales disposent en permanence d'une information parfaitement fiable, synthétique et rassemblant toutes les données disponibles. Pas plus dans ce domaine que dans d'autres, je ne tolèrerai les déperditions d'énergie et les rivalités stériles.

III. Mon dernier message porte sur un sujet qui ne devrait pas en être un : l'amélioration des relations avec les usagers.

Je veux vous parler, aujourd'hui, de l'instruction des titres d'identité.

Comme l'actualité récente l'a montré, il en va non seulement de l'image des préfectures, du ministère, mais plus généralement de celle de l'Etat aux yeux de nos concitoyens. En la matière, nous devons, sans délai, changer la donne, changer l'approche de la relation avec les usagers, changer l'image de l'administration que nous projetons.

(1) Concernant la délivrance ou le renouvellement des cartes nationales d'identité et des passeports, vous avez tous eu connaissance des nombreuses tracasseries administratives rencontrées par certains de nos concitoyens.

-> La situation était jusqu'ici doublement anormale :

- anormale, tout d'abord, pour nos compatriotes nés à l'étranger, ou bien nés en France de deux parents nés à l'étranger. Pour eux, trop souvent, le mode de vérification de leur nationalité française était perçu comme une remise en question, par l'Etat, de leur nationalité française, parfois acquise depuis des décennies et dans la douleur ;

- anormale, ensuite, pour la grande majorité des demandeurs, a fortiori pour ceux qui font renouveler leurs titres d'identité, dans la mesure où certaines des pièces exigées n'étaient plus rattachables à des impératifs de lutte contre la fraude, et continuaient à être demandées par simple habitude. Le constat établi par l'inspection générale de l'administration, en février, est assez accablant : « la poursuite de contrôles tatillons et souvent irréguliers sur la justification de la nationalité de nos concitoyens dont la « malchance » est d'être né à l'étranger ou d'origine étrangère, est vexatoire et totalement inefficace (...) » et plus loin : « nos pratiques actuelles sont inopérantes pour lutter contre la fraude ».

Je vous le demande : est-il normal que cette femme de 87 ans, naturalisée française il y a plus de cinquante ans, se soit vue demander de produire les extraits de naissance de ses parents morts en déportation à Birkenau ?

Je me suis rendu compte que dans certains cas on demandait même un acte d'état civil au seul motif qu'il fallait vérifier si cette personne n'avait pas été déchue de sa nationalité. Or, des déchéances de nationalité, il en existe 5 ou 10 par an ! Comment peut-on en arriver à des telles aberrations ?

Dans cette situation, les responsabilités sont, sans aucun doute, partagées : un excès d'exigences réglementaires ; une absence de prise en compte de la problématique particulière des renouvellements de titres ; une insuffisance de discernement dans la mise en œuvre.
Il faut se mettre à la place de l'usager ! Il faut sortir de l'administration administrante ! On a trop longtemps mélangé nationalité et identité : sous prétexte qu'il faut lutter contre les fraudes à l'identité - ce qui est incontestable-, on a fini par exiger, à chaque renouvellement, des preuves de nationalité. Il fallait mettre un terme définitif à ces errements.

-> C'est pourquoi j'ai décidé, à efficacité inchangée de lutte contre la fraude, de simplifier de façon radicale la délivrance et le renouvellement des cartes nationales d'identité et des passeports.

La circulaire du 1er mars qui vous a été transmise hier repose sur 4 principes directeurs :

1) Premièrement, pour l'obtention d'un titre, la carte nationale d'identité et le passeport sont désormais interchangeables : un concitoyen qui possède l'un de ces documents doit avoir accès à l'autre de façon systématique, sans avoir à prouver une nouvelle fois son état civil ou sa nationalité ;

2) Ensuite, les démarches à accomplir en cas de renouvellement doivent être allégées par rapport à une première demande : par exemple, il n'est pas acceptable d'imposer à nos concitoyens de prouver, à chaque renouvellement de titre, qu'ils sont Français.

3) La présentation d'une CNI plastifiée ou d'un passeport biométrique ou électronique doit désormais suffire, en première demande ou en renouvellement, à obtenir un passeport ou une CNI : l'acte civil du demandeur et sa nationalité ayant déjà été établies, il n'y a plus lieu de recommencer.

Cela signifie qu'en pareil cas, il n'y a plus lieu de demander un acte d'état civil. Cela représente une simplification considérable pour tous les usagers, pour les communes mais également pour vos services, qui pourront ainsi mieux concentrer leurs efforts sur les dossiers réellement douteux, sur lesquels des diligences longues et complexes sont nécessaires ;

4) Enfin, lorsqu'elle est nécessaire, la vérification de la nationalité doit être strictement proportionnée et obéir à un ordre logique. Le service chargé de l'accueil ou de l'instruction doit commencer par demander les pièces les plus faciles à obtenir pour l'usager. A contrario, cela signifie que la saisine du greffier en chef du tribunal d'instance en vue de la délivrance d'un certificat de nationalité française [CNF], démarche extrêmement lourde pour l'usager, doit devenir une solution de tout dernier recours, et très exceptionnelle.

Ainsi, très concrètement, les demandeurs qui souhaitent renouveler leur CNI plastifiée ou leur passeport biométrique ou électronique ne doivent plus avoir à justifier de leur nationalité, ni à fournir un acte d'état civil.

(2) J'attends donc de vous quatre choses et vous devez vous impliquer personnellement. Il s'agit d'un sujet majeur, et vous n'avez pas droit à l'erreur. Il y a péril dans la demeure si la relation avec l'usager, sur ce sujet, ne change pas dès à présent.

- Tout d'abord, vous devez, sans aucun délai, porter à la connaissance des agents placés sous votre autorité, les instructions contenues dans la circulaire du 1er mars, en organisant une réunion spécifique des équipes concernées. Les directeurs de préfecture compétents seront, par ailleurs, réunis demain au ministère.

- En deuxième lieu, dans cette même optique, vous organiserez à très brève échéance une réunion à laquelle seront invités les services compétents des communes de votre département, qui assurent l'accueil des demandeurs et doivent par conséquent être parfaitement informés. Il convient aussi d'appeler l'attention des communes sur la nécessité d'adapter les formulaires et documents pour que ceux-ci prennent bien en compte les simplifications qui viennent d'être décidées. A défaut, la réforme ne sera pas appliquée sur tout le territoire.

- En troisième lieu, vous mettrez également en œuvre des actions locales de communication afin de faire connaître à la population les conséquences pratiques des mesures de simplification. Vous insisterez, en particulier, sur deux axes majeurs : la réduction drastique du nombre de pièces demandées et l'allègement, dans les cas bien précis où elle reste nécessaire, de la vérification de la nationalité française des demandeurs. Vous adresserez à mon cabinet les répercussions dans la presse locale de vos initiatives. Pendant la période de réserve, cette communication se fera par documents remis à la presse. Dès la fin de la période de réserve, il vous appartient de faire la communication la plus large et la plus adaptée.

- Enfin, vous devez aller vous-mêmes vérifier que ces directives sont strictement appliquées et, si des problèmes particuliers vous sont signalés, vous devez veiller à ce qu'ils soient réglés sans délai, conformément aux instructions que je viens de vous donner. Ce n'est pas un petit sujet. C'est devenu un problème qui, s'il n'est pas rapidement réglé, pourrait compromettre l'image de l'administration territoriale et de sa capacité à répondre aux attentes de nos concitoyens.

Je compte plus que jamais sur votre implication personnelle dans cette démarche pour que les demandes de simplification et d'équité exprimées par les Français ne soient pas déçues. Je serai très attentif à ce que les situations injustifiables qui m'ont été signalées en trop grand nombre ces dernières semaines ne se réitèrent pas.

Voici ce que je tenais à vous dire, aujourd'hui. Vous savez ce que vous devez faire. Il vous appartient désormais d'appliquer ces directives et d'atteindre ces objectifs.

Faites toujours preuve d'initiatives et de bon sens, mais n'hésitez jamais à vous remettre en question. Il faut agir, mais il faut aussi s'interroger, bouger, s'adapter. Vous êtes dans des combats permanents. Vous devez donc être des acteurs en mouvement. C'est cela être un préfet de la République.

Je compte sur vous, mais vous pouvez aussi compter sur moi. Ensemble, nous devons aller encore plus loin au service de la protection et de la vie quotidienne des Français.