02.07.2010 - Cérémonie au cimetière du quartier de Robertsau à Strasbourg

3 juillet 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - Strasbourg, vendredi 2 juillet 2010, 16h00.


- Seul le prononcé fait foi -

Mesdames et Messieurs,

Dans la nuit de lundi à mardi, le carré musulman de ce cimetière de la Robertsau, à Strasbourg, a été profané.

Profitant de la nuit, un ou plusieurs individus se sont introduits dans ce cimetière et ont spécifiquement ciblé le carré musulman.

Sur les 61 tombes de ce carré, 17 ont été renversées ou endommagées.

Face à ces actes, il y a d'abord le temps de l'émotion : de l'émotion pour les familles une deuxième fois éplorées, de l'émotion face à tant de lâcheté.

Après l'émotion, vient le temps de la mémoire et du respect. À la profanation, vous avez voulu opposer le recueillement. À la haine, vous avez répondu par l'apaisement. Face à l'ignominie, vous avez montré votre dignité.

L'émotion et le recueillement ne suffisent pas. Il y a aussi le temps de la détermination. Dès qu'un tel acte se produit, nous donnons immédiatement les ordres les plus stricts aux forces de police et de gendarmerie pour que ses auteurs soient identifiés, arrêtés et remis à la justice. Face à ces criminels, face à tous ceux qui offenseraient ainsi l'un ou l'autre des membres de la communauté nationale, nous ferons toujours preuve de la plus ferme résolution.

I. Si j'ai souhaité venir ici, c'est, avant tout, pour soutenir la communauté musulmane de France.

(1) Voir la sépulture d'un proche profanée est, en effet, une épreuve particulièrement douloureuse.

Une profanation fait surgir la violence et l'irrespect dans un lieu spécifiquement voué au recueillement et à la mémoire. Elle nie le travail de deuil effectué par les familles, ravive un chagrin que le temps commençait à adoucir, et rouvre la blessure provoquée par la disparition d'un proche.

(2) Encore trop souvent, les musulmans de France sont la cible d'agressions inadmissibles.

La profanation commise ici, à Strasbourg, porte à trois le nombre de violations de cimetières musulmans depuis deux mois.

Je pense, en effet, aux sept stèles de soldats musulmans morts pour la France lors de la première guerre mondiale qui ont été dégradées, le 7 mai dernier à Tarascon dont les auteurs ont pu être identifiés et interpelés dès le lendemain de la cérémonie de recueillement. Je pense, aussi, aux inscriptions racistes découvertes quelques jours plus tard, le 15 mai, sur trois tombes musulmanes du cimetière de Vienne, dans l'Isère.

Mais je pense, plus largement, à toutes les agressions, physiques ou verbales, qui touchent, chaque année, nos compatriotes musulmans : les 32 impacts de balles retrouvés le 25 avril sur la mosquée d'Istres et, plus globalement, les 314 faits de violence raciste hostiles aux musulmans recensés en 2009.

(3) Que les choses soient claires : les musulmans de France œuvrent pour un islam de paix. La République, en retour, se mobilise pour qu'ils puissent vivre leur foi paisiblement.

Je sais, Monsieur le président MOUSSAOUI, quel rôle vous jouez au quotidien pour apaiser les tensions et promouvoir le dialogue, la concertation et l'échange.

En retour, la République s'engage pour votre communauté :

je pense, bien sûr, au message du premier ministre à l'occasion de l'inauguration de la mosquée d'Argenteuil, soutenant cette « inscription sereine de l'islam dans le paysage national » et rappelant la valeur de notre « laïcité ouverte à tous les cultes » ;

je pense, aussi, à l'annonce que vous avez faite il y a quelques semaines, Monsieur le sénateur-maire, de la construction dans votre ville d'un cimetière public pour les défunts de confession musulmane compte tenu du cadre juridique propre à votre région ;

mais je pense, surtout, à la convention, Monsieur le président MOUSSAOUI, que nous avons signée place Beauvau, le 17 juin dernier, pour la mise en œuvre d'un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France. Par ce biais, nous allons, enfin, disposer d'une vision exhaustive et partagée des actes hostiles aux musulmans qui nous permettra de mieux les combattre.

II. En me rendant ici aux côtés de la communauté musulmane, je viens aussi, en réalité, au chevet de la France. En effet, dès qu'une religion est attaquée, dès qu'une confession est visée, c'est la France tout entière, République laïque et respectueuse, qui s'en trouve blessée.

(1) La communauté musulmane n'est pas la seule à être touchée. D'autres religions font trop souvent l'objet d'actes ou de comportements inacceptables.

Depuis le début de l'année, les cimetières alsaciens ont subi deux profanations importantes : le jour même du 65ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, une trentaine de tombes juives avaient été détériorées dans le cimetière de Cronenbourg. Le 28 mai dernier, à Guebwiller, une centaine de tombes chrétiennes de soldats allemands tombés dans les deux guerres mondiales ont, elles aussi, subi des dégradations.

Lorsque, comme aujourd'hui, la communauté musulmane est touchée, lorsque, comme le 28 janvier dernier, un cimetière juif est profané, lorsqu'une église catholique ou lorsqu'un temple protestant est visé, c'est la communauté nationale que l'on veut blesser.

Ces actes sont inadmissibles au regard de ce que nous voulons pour notre pays. Moralement, les Français les condamnent. Pénalement, la République les punit.

(2) De tels actes sont, en réalité, une violation des valeurs de la République laïque dans laquelle nous avons choisi de vivre.

Depuis plus d'un siècle, notre pays s'est construit un cadre, celui de la laïcité, dans lequel ceux qui croient au ciel comme ceux qui n'y croient pas s'épanouissent librement, dans un climat de respect mutuel.

Comme ministre chargé des cultes, il me revient donc de veiller à ce que les libertés de conscience et de culte soient une réalité pour chacun de nos concitoyens. La politique de la France est claire : soutenir toutes les communautés qui la composent autant que combattre les communautarismes qui cherchent à la faire éclater.

C'est la raison pour laquelle au-delà de ces occasions tragiques, chacune des religions présentes dans notre pays sait que j'entretiens avec elle des relations fréquentes et chaleureuses.

J'ai récemment reçu le bureau du conseil français du culte musulman, je m'entretiens régulièrement avec les autorités cultuelles et culturelles juives, et dans les prochains jours, je recevrai, une nouvelle fois, Monseigneur Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la conférence des évêques de France.

X

Mesdames et Messieurs les représentants de l'État, des collectivités et des cultes,
Le racisme est un repli sur soi.
Le racisme est une défaite de la pensée.
Le racisme est une négation des valeurs républicaines.

A ce poison, nous devons opposer, sans relâche, le dialogue, le respect et l'écoute.

C'est comme cela que nous construisons, chaque jour, une nation apaisée.

C'est comme cela, c'est-à-dire en retrouvant toutes les communautés réunies autour d'une même émotion, que nous donnons à notre République tout son sens.