01.12.2010 - Signature d'une convention avec la LICRA

1 décembre 2010

Intervention de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration lors de la signature d'une convention avec la LICRA, le mercredi 1er décembre 2010.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le président JAKUBOWICZ,
Mesdames et Messieurs,

Monsieur le Président, dès notre première rencontre, au mois de juillet dernier, nous sommes convenus de travailler ensemble. Il nous a paru naturel, normal, que le ministère de l'intérieur et la Licra conjuguent leurs efforts dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Encore faut-il imaginer un dispositif pour le faire, et c'est cette convention-cadre que nous signons aujourd'hui qui va nous le permettre.

-> J'en suis d'autant plus heureux que depuis le 15 novembre, j'exerce à nouveau, comme vous le savez, les fonctions de ministre chargé de l'Immigration.

Ceci me permet de vous faire part de cette conviction simple : la lutte contre le racisme et la politique d'intégration vont de pair. Bien sûr, le racisme et l'antisémitisme sont loin de concerner les seules personnes étrangères. De même, l'intégration pose des problèmes sociaux beaucoup plus larges que le racisme. Mais mieux on combat le racisme, et plus on a des chances d'intégrer ; et mieux on intègre, plus on fait reculer les discriminations, dont le racisme fait partie.

Il est donc heureux que la lutte contre le racisme soit au cœur des missions du même ministère, dont l'objet est, en réalité, d'assurer le respect réciproque entre l'Etat et les citoyens. Ce respect est indispensable à la cohésion sociale.

-> L'accord que nous signons aujourd'hui en est la parfaite illustration. Pourquoi une telle convention, alors qu'il existe sur le sujet du racisme et de l'antisémitisme un réservoir immense d'instances et de normes internationales, européennes, nationales ? Nous signons ce texte aujourd'hui avec le président JAKUBOWICZ, parce que comme toujours, au-delà des institutions et des textes, il y a la réalité, et parce que ce qui compte face à la complexité du réel, c'est la force de la volonté. Et c'est tout l'objet de cette convention, qui n'invente pas de nouvelles instances, de nouvelles catégories ou de nouvelles sanctions, mais qui permet de mieux agir sur toutes les situations de la vie à travers la politique de sécurité.

-> Nous partons d'un constat commun, c'est que le combat contre le racisme et l'antisémitisme doit se renforcer. Je pourrais citer des chiffres montrant que ces phénomènes reculent cette année  par rapport à 2009, en nombre de faits constatés, de janvier à octobre : 738 faits pour le racisme (-15%), 412 pour l'antisémitisme (-45%). Tout cela est vrai, mais il est pourtant évident que ce résultat n'est pas satisfaisant. D'abord parce qu'il ne s'agit que d'une amélioration très relative après la flambée de l'année 2009 et des évènements de Gaza. Mais aussi et surtout, plus profondément parce que nous savons que le racisme et l'antisémitisme se manifestent par bien des comportements, qui ne sont pas des faits constatés, mais qui sont inadmissibles, car ils sont des atteintes à la dignité d'homme de ceux qui en sont la cible.

-> Cet objectif simple explique la lettre de cette convention, qui est simple, elle aussi. Il s'agit, non pas d'inventer des dispositifs, mais de mettre en commun nos forces. Il s'agit de mettre le savoir-faire de la Licra en synergie avec celui des forces de sécurité.

Premier exemple : la formation. Les écoles de police et de gendarmerie comportent déjà des sessions de formation à la lutte contre le racisme. Désormais, tout au long des carrières, les forces de sécurité auront accès à des sessions de sensibilisation sur ce sujet, menées par la Licra, et c'est très bien ainsi car nos policiers et gendarmes ont vocation, toute leur vie, à affronter des situations de fortes tensions humaines.

Nous prenons aussi l'engagement de coopérer en matière de veille sur Internet contre le racisme, ce que nous faisons au ministère de l'intérieur avec la plate-forme spécifique dite « Pharos », que nous renforçons encore cette année. C'est une action mal connue mais essentielle, que la Licra mène aussi, et qui a beaucoup à gagner dans l'échange d'informations que nous mettons en place.

Troisième exemple : la lutte contre le racisme dans les stades - que nous menons de manière résolue avec la division nationale de lutte contre le hooliganisme. C'est d'ailleurs sur le terrain que j'ai pu constater moi-même que la Licra mène déjà des actions concrètes très intéressantes. Nous allons là aussi aller plus loin, ensemble.

Nous prenons également l'engagement de distribuer la documentation de la Licra dans les commissariats et gendarmeries. Nous nous engageons enfin, et c'est peut être le plus important, à établir sur tout le territoire des contacts permanents entre nos services, ainsi qu'échanger des statistiques au plan national sur les actes racistes et antisémites – et je remercie le service de protection de la population juive du CRIF de coopérer avec nous pour assurer cet échange d'informations, c'est très important. L'information, c'est le début de la lutte et de la prévention.

Et puis, cher président JAKUBOWICZ, nous allons aussi collaborer dans l'aide aux victimes, domaine où la Licra a aussi une grande expérience.

Les victimes doivent être notre priorité, et c'est l'occasion pour moi de rendre hommage à la délégation aux victimes du ministère de l'intérieur, présente partout sur le territoire avec ses 115 référents en région parisienne, ses 220 bureaux et missions répartis sur 82 départements. Ces référents, rompus aux situations humaines les plus difficiles, travailleront désormais main dans la main avec les représentants de la Licra.

Cette convention, Mesdames et Messieurs, est un élément important du plan national de lutte contre le racisme que la France doit présenter en 2011 à ses partenaires de la convention de Durban sur l'élimination des discriminations. Je serai, en tant que ministre de l'intérieur, le coordonnateur de ce plan au sein du gouvernement français.

-> Quelques mots sur l'esprit de cet exercice, qui ne s'écrit pas sur une page blanche, mais qui devra être ambitieux.

La lutte contre le racisme est, pour moi, le contraire du communautarisme. Je ne suis pas opposé bien sûr aux communautés, qui sont un élément fort de solidarité et d'identité, dans notre société où les réalités peuvent être difficiles. Mais je suis opposé résolument au communautarisme, qui s'oppose à la loi de la République.

Lutter contre le racisme, c'est donc pour moi, aussi, permettre une intégration harmonieuse  à notre société, quelles que soient les origines de chacun.

Je l'ai dit en mettant en place une politique d'immigration que j'ai voulue équilibrée, dès le printemps 2007, et que j'entends poursuivre. Il ne s'agit pas pour les personnes étrangères d'oublier leur passé ou de renier leur culture, mais il s'agit de se donner des chances de réussite dans notre société.

Je crois donc profondément à toutes les actions qui augmentent ces chances : c'est tout le sens de ce que j'ai mis en place entre 2007, avec le contrat d'accueil et d'intégration pour les primo-arrivants, qui a concerné 100 000 signataires en 2009, dont 60 000 bénéficiaires de bilans de compétence professionnelle, et plus de 21 000 inscrites en formation linguistique au français.

La lutte contre le racisme, c'est enfin, aussi, le soutien à la diversité : au sein même du ministère de l'intérieur, fonctionne un observatoire de la diversité depuis 2007, qui accompagne une politique active de ressources humaines, telles que le recrutement des Cadets de la République dans les quartiers sensibles, depuis 2004, qui accèdent au statut d'ADS et peuvent donc accéder aux concours. Les enquêtes toutes récentes de l'INED nous montrent que cette politique porte ses fruits, puisque plus d'un agent sur cinq, au ministère de l'intérieur, est issu de la diversité. Dans le même esprit, j'avais d'ailleurs également créé le label diversité, en 2009, pour les entreprises qui favorisent activement cette politique de ressources humaines ouverte à la diversité. Je veux poursuivre cette politique.

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Voilà, Mesdames et messieurs, quelques exemples de ce que représente pour moi la lutte contre le racisme : tout autant le combat contre les discriminations que nous allons mener avec la Licra, que des actions positives très volontaristes d'intégration et de promotion de la diversité. Nous aurons l'occasion d'en reparler au printemps 2011, avec la présentation de ce plan de lutte contre le racisme. Je vous remercie.