01.10.2009 - Restitution nationale des états généraux de l'outre-mer

1 octobre 2009

Discours de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales au Secrétariat d'Etat à l'outre-mer,


Il est à noter que ce discours a été lu par Mme Penchard au nom du ministre de l'intérieur

Madame le Ministre, Chère Marie-Luce,
Monsieur le préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de prendre la parole devant vous, aujourd'hui, à l'occasion de cette restitution nationale des états généraux de l'outre-mer.

Je tiens à saluer chacun d'entre vous chaleureusement. Beaucoup ont fait, je le sais, un long déplacement pour présenter, aujourd'hui, les conclusions des différents ateliers. Organisés dans le cadre de ces états généraux, à l'initiative du Président de la République, ils ont eu lieu dans toute la France : départements et collectivités d'outre-mer comme en métropole.

Je note la diversité des hommes et des femmes qui composent l'assistance. Cette diversité reflète l'extraordinaire richesse humaine de notre outre-mer, richesse que l'on retrouve tout au long des débats et dans les conclusions.

I. Les états généraux de l'outre- mer ont été un exercice inédit de réflexion et de propositions qui a mobilisé en profondeur les acteurs ultramarins.

En nous invitant à participer aux états généraux de l'outre-mer, le Président de la République nous a engagés à réfléchir en profondeur au modèle de développement de l'outre-mer français.

Il attendait, nous attendions, avec Marie-Luce PENCHARD, beaucoup de ces échanges. Je dois dire que le résultat est, aujourd'hui, à la hauteur du défi qui nous était présenté.

Tous les ultramarins vivant outre-mer comme en métropole, et au-delà, l'ensemble de nos concitoyens ont été appelés à participer à cette grande consultation. Malgré le scepticisme exprimé parfois ici ou là lors du lancement des états généraux, ils ont répondu présents, donnant là une belle leçon de démocratie participative.

Bien au-delà des seuls responsables politiques, économiques ou sociaux, dont la participation était, bien entendu, indispensable, les contributions de la population ont été nombreuses. Pourquoi un tel intérêt ? Parce qu'il y avait, je crois, une urgente nécessité à débattre de sujets concrets qui touchent à la vie quotidienne de nos concitoyens d'outre-mer.

Dans chaque département d'outre-mer et dans chaque collectivité qui l'a souhaité, des débats publics se sont donc déroulés.

Chacun a pu intervenir et proposer sa vision des changements nécessaires. Certaines de ces réunions ont pu réunir jusqu'à plusieurs centaines de personnes, toutes animées du souhait de débattre et d'échanger.

Je ne peux passer sous silence le succès remarquable du site internet, qui a enregistré plus de
120 000 connexions.

Enfin, je souhaite souligner l'excellente participation des ultramarins de métropole et l'action enthousiaste, énergique et efficace de Patrick KARAM qui a organisé leur mobilisation.

L'Etat, avec les élus et les forces vives de l'outre-mer, avait mis en place les moyens pour que ce débat permette l'expression de tous, et en toute confiance.

J'observe néanmoins que ici ou là, certains ont refusé le dialogue qui leur était proposé. C'est leur décision. C'est leur choix. C'est leur responsabilité. Ils ont manqué une occasion historique de faire valoir leurs points de vue, de manière ouverte et démocratique. Dans notre République, c'est par le débat, c'est par la force de conviction et l'expression démocratique que l'on peut faire valoir ses idées.

Mesdames, Messieurs, vous avez fait, bien au contraire, le choix de la concertation et de la participation. Je vous en remercie car votre contribution sera précieuse pour construire, ensemble, cette nouvelle relation que nous appelons de nos vœux, entre la métropole et l'outre-mer, au sein de la Nation.

II. Au travers des conclusions des états généraux de l'outre- mer, c'est une nouvelle relation entre la métropole et l'outre-mer qui se bâtit.

Les conclusions des états généraux, territoire par territoire permettent, en effet, de donner, au-delà des spécificités de chacun, une vision d'ensemble, commune à tout l'outre-mer. Disons le clairement, cette synthèse fait apparaître des zones d'ombre, des faiblesses indéniables, mais surtout des atouts formidables et des opportunités qu'il nous faut exploiter pleinement.

Comment nier la crise qu'a traversée et que traverse sans doute encore aujourd'hui l'outre-mer : crise économique, bien sûr, mais aussi crise sociale, et, peut-être, crise de valeurs ?

Chacun garde à l'esprit les événements de ce début d'année, aux Antilles, en Guyane mais aussi, cet été, en Nouvelle Calédonie. Quelles que soient nos responsabilités, nationales ou locales, politiques, sociales ou économiques, nous n'avons pas été indifférents à l'ampleur du mal être qu'ils ont révélé.

J'ai à l'esprit les difficultés objectives traditionnellement avancées pour expliquer ce mal être :

o un environnement régional où règnent le plus souvent pauvreté et sous-développement ;

o l'éloignement de la métropole ;

o des retards en matière d'infrastructures, dans des domaines aussi essentiels que l'éducation ou les services publics de base.

Les conclusions de vos ateliers soulignent, aussi, les conséquences négatives d'une situation sociale très particulière où l'illettrisme, le chômage, les inégalités sont en décalage par rapport à la métropole. De même, vos contributions expliquent avec précision les déséquilibres dans le fonctionnement des marchés et de la concurrence, au cœur des préoccupations de nos concitoyens d'outre-mer parce qu'ils sont l'origine de la cherté de la vie.

Mais le travail mené tout au long des états généraux a mis également en valeur des atouts, nombreux, qui offrent autant d'opportunités de développement économique et social.

Je pense, avant tout, à cet environnement extraordinairement riche et préservé. Plus de 95% de la biodiversité de la France se trouve outre-mer. Ce capital naturel remarquable, il nous faut le valoriser et le préserver.

De même, la jeunesse de la population, qui suscite, certes, des besoins et des mesures spécifiques, est avant tout un moteur, une source d'énergie sans égale.

Par ailleurs, je veux vous dire combien j'ai trouvé intéressante la nouvelle approche de l'intégration régionale que l'on perçoit dans les contributions des états généraux. Loin de s'arrêter à la vision pessimiste que je décrivais tout à l'heure, l'insertion des "outre-mers" dans leur environnement régional est perçue aujourd'hui comme une condition essentielle de leur développement économique, social, et culturel. Sans remettre en cause le lien premier et essentiel avec la métropole, la coopération régionale devient une dimension majeure de leur avenir.

Ces états généraux de l'outre-mer expriment par de nombreuses propositions une formidable volonté de mouvement, de renouvellement et de changement.

(1) Parmi ces propositions, je retiendrai tout particulièrement celles qui visent à instaurer une économie plus stable, fondée plus sur les productions locales et ce que les spécialistes appellent le « développement endogène ». L'Etat accompagne cette évolution souhaitée par les forces vives de l'outre-mer, au travers notamment de la récente loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM. Cette « boîte à outils » est précieuse. C'est la raison pour laquelle, en lien étroit avec Marie-Luce PENCHARD, je m'attache à ce qu'elle soit rapidement et pleinement opérationnelle. J'entends accélérer la sortie de ses nombreux décrets d'application qui sont, pour certains, très attendus.

(2) Les états généraux ouvrent également des perspectives d'évolution importantes en matière de fonctionnement de l'économie, sur les conditions de concurrence dans les marchés d'outre-mer. Ce point est essentiel, il a été au cœur des revendications de nos compatriotes antillais et guyanais, notamment, pendant la crise de l'hiver.
Depuis lors, le Gouvernement a agi pour assurer une meilleure transparence et une meilleure connaissance des fondamentaux qui régissent ces marchés. Sur son initiative, par exemple, l'autorité de la concurrence vient récemment de rendre un avis sur la grande distribution dans les DOM qui pointe beaucoup d'anomalies, voire certains abus, auxquels il doit être mis fin rapidement.

(3) Parmi les propositions, je veux aussi souligner toutes celles qui visent à traiter les grands problèmes de société auxquels les départements et collectivités doivent faire face, comme l'illettrisme et l'échec scolaire, encore beaucoup trop présents, ou les retards par rapport à la métropole en matière de santé.

Comme ancien ministre du travail et des relations sociales, permettez-moi de souligner les propositions faites pour l'amélioration du dialogue social, question essentielle pour la stabilité et la paix publiques outre-mer. Le manque de dialogue parfois, les confrontations stériles souvent, sont nuisibles au fonctionnement de l'économie, à celui de la société et, au-delà, à l'image de l'outre-mer. On ne règle pas un conflit social en bloquant l'économie d'un territoire ! Ce sont des techniques d'un autre âge. Il est donc nécessaire de trouver les voies d'un dialogue entre les différentes forces sociales, plus apaisé et plus fructueux.

(4) Enfin, je suis particulièrement satisfait de constater le nombre significatif de propositions en matière culturelle. Elles témoignent d'une volonté de respecter le passé, tout en recherchant des modes d'expression modernes. Elles valorisent le remarquable héritage culturel de l'outre-mer et témoignent de la richesse de la création d'aujourd'hui, dans les domaines de la littérature, de la musique, des arts plastiques ou de la production audiovisuelle. La place donnée aux langues régionales et aux créoles en particulier, témoigne de la relation apaisée que la métropole et l'outre-mer peuvent désormais entretenir en la matière. Loin d'être une menace pour la langue française, l'usage des créoles peut se révéler, j'en suis persuadé, un allié et un soutien précieux pour lutter contre l'illettrisme.

III. Les états généraux de l'outre-mer nous invitent, ainsi, à rénover le partenariat entre l'Etat et les collectivités ultramarines

Le Président de la République en a fixé le cadre lors de son déplacement au mois de juin dernier, aux Antilles, au cours duquel j'ai eu l'honneur de l'accompagner : l'indépendance non, la possibilité de faire évoluer les institutions, oui.

« Le débat qui est ouvert est celui du juste degré d'autonomie. Celui de la responsabilité. Celui de l'équation unité - singularité » avait-il soutenu.

Il nous invite donc à évoluer, pour aller de l'avant, sans renier les acquis majeurs de la départementalisation mais en identifiant les limites du modèle pour les dépasser.

Il ne s'agit absolument pas de faire le procès de la loi de 1946, encore moins celui de ses pères fondateurs, qui ont donné le coup d'envoi d'une période de développement économique et social remarquable.

Il s'agit, en fait, de bâtir un modèle institutionnel nouveau, adapté à l'histoire ou aux spécificités de chaque département ou collectivité. Nous devons pour cela utiliser toutes les ressources et toute la souplesse de notre Constitution. Rien ne pourra se faire sans le consentement de la majorité des citoyens concernés.

Comme vous le savez, les conseils généraux et régionaux de Martinique et de Guyane, respectivement réunis en congrès, ont exprimé le vœu que leurs collectivités soient érigées en collectivité d'outre-mer de l'article 74 de notre constitution. A leur demande, les présidents de ces institutions seront reçus, la semaine prochaine, par le Président de la République, afin d'en évoquer les modalités.

Parallèlement à cette évolution nécessaire des collectivités territoriales, je suis convaincu que nous devons réformer profondément l'Etat territorial outre-mer, afin qu'il puisse jouer pleinement son rôle.

A la lecture des conclusions des états généraux, je suis frappé en effet, comme je l'avais été lors de mon déplacement aux Antilles avec le Président, par la « demande d'Etat » qu'expriment nos concitoyens ultramarins. Loin de contester l'Etat, ils demandent au contraire sa présence et une action résolue de sa part, comme garant de l'intérêt général au-delà des seuls intérêts privés, mais aussi comme protecteur des libertés et de l'ordre publics.

Sur ce plan, je veux être clair : en tant que ministre de l'intérieur, j'entends assurer en outre-mer, comme en métropole, la sécurité partout et pour tous. La sécurité est le premier droit de nos concitoyens, elle est le premier de mes devoirs. Je m'engage à prêter, dans ce domaine, une attention toute particulière à nos départements et collectivités d'outre-mer.

Plus généralement, on ne peut concevoir le développement des compétences déléguées aux collectivités locales sans concevoir le renforcement des pouvoirs du représentant de l'Etat, qui est leur interlocuteur naturel. En effet, je pense indispensable de doter les préfets, les hauts commissaires et les services placés sous leur autorité, de la capacité à répondre, avec efficacité et réactivité, aux demandes exprimées par nos concitoyens ultramarins et leurs élus. En la matière, je souhaite que l'on fasse preuve d'imagination et d'originalité en s'écartant des schémas d'organisation métropolitains si cela est nécessaire, tout en garantissant la qualité du service public rendu.

L'Etat outre-mer doit également refléter la diversité des hommes et des femmes de l'outre-mer, à tous les niveaux de la hiérarchie.

En la matière, le Président de la République a brisé bien des tabous, jusqu'à nommer une ministre de l'outre-mer qui est elle même ultramarine, chère Marie-Luce ! Il faut s'en inspirer pour permettre aux personnes originaires des départements et collectivités de faire carrière outre-mer de façon plus fréquente, y compris, naturellement, dans les emplois d'encadrement supérieur. Le principe de mobilité, qui est sain pour la gestion des ressources humaines, doit pouvoir être adapté aux réalités locales afin d'assurer une meilleure représentation des originaires.

Comme le Président, je suis convaincu, en effet, qu'on peut construire un Etat déconcentré qui soit davantage à l'image de la population locale.

Enfin, alors que je viens de présenter le projet de budget 2010 de mon ministère aux préfets, je ne saurais terminer ces propos sur le rôle de l'Etat, sans vous dire combien ce budget témoigne de l'action volontariste du Gouvernement pour mettre en œuvre les nouvelles orientations de sa politique en faveur de l'outre-mer. Doté de 1,989 milliards d'euros, il est en progression de 6% par rapport à 2009. C'est bien la preuve de l'engagement au profit du développement et du progrès de nos outre-mers.

X

Mesdames et messieurs,

Comme vous avez pu le constater ensemble au cours de cette journée, les conclusions remarquables issues des états généraux aboutissent à une vision de l'outre-mer réaliste mais positive, sans concession mais pleine d'espoir et de volonté. Elle permet d'envisager au sein de la communauté nationale une relation nouvelle entre la métropole et l'outre-mer, tout aussi fraternelle mais sans doute plus adulte et plus responsable.

Nous avons maintenant la lourde tâche de concrétiser la démarche de concertation que vous venez d'achever, dans le cadre du vaste programme de travail gouvernemental que validera sous l'égide du Président de la République le prochain conseil interministériel de l'outre-mer.