Discours de M. Brice HORTEFEUX, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales lors de la présentation du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale. Séance publique de l'Assemblée nationale
Monsieur le Président de séance,
Messieurs les Présidents, chers Guy TEISSIER [pour la commission défense] et Jean-Luc WARSMANN [pour la commission des lois],
Monsieur le Rapporteur [pour la commission défense], cher Alain MOYNE-BRESSAND,
Monsieur le Rapporteur pour avis [pour la commission des lois], cher François VANNSON,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Quelques jours seulement après ma prise de fonctions, je suis honoré de pouvoir m'exprimer devant la représentation nationale.
Honoré, tout d'abord, car c'est la première fois qu'il m'est donné d'intervenir dans cet hémicycle comme ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Honoré, aussi, parce qu'il s'agit pour moi de vous présenter un projet de loi fondamental pour l'une des plus anciennes institutions de notre République, la gendarmerie nationale.
Fondamental, au regard du passé, car nous discutons aujourd'hui de la première loi consacrée à la gendarmerie depuis plus de 200 ans et du premier texte d'importance à lui être dédié depuis plus de 100 ans.
Fondamental aussi, au regard de l'avenir, car cette loi modernisera le cadre légal de son action pour le rendre plus conforme aux réalités du XXIe siècle.
Élu local d'une région rurale, j'ai pu mesurer, au contact des brigades territoriales, combien la proximité était au cœur de l'identité de la gendarmerie. Proximité avec les territoires, pour affirmer l'autorité et la présence de l'État en métropole comme outre-mer. Proximité, aussi bien sûr, avec nos concitoyens pour les protéger, les guider et les rassurer.
Le projet de loi qui est soumis à votre examen aujourd'hui et que mon prédécesseur, Michèle ALLIOT-MARIE a brillamment fait adopter par le Sénat en décembre dernier, vient accompagner et conforter cette évolution de la gendarmerie.
La réforme que je vous présente aujourd'hui n'est pas une réforme de l'institution militaire ou des rapports entre les Français et leur gendarmerie. C'est une réforme nécessaire, pragmatique et concrète, qui permettra d'améliorer l'efficacité de notre politique de sécurité et de conforter l'identité de la gendarmerie nationale.
I.Le cap qui m'a été fixé comme ministre de l'intérieur par le Président de la République et le Premier ministre est clair : assurer la sécurité de nos concitoyens, partout et pour tous.
Je ne peux, tout d'abord, que saluer les résultats nationaux satisfaisants obtenus depuis 2002. Ils démontrent les efforts déployés sur le terrain, au plus près de la délinquance. L'année dernière, celle-ci a, en effet, atteint son plus bas niveau depuis 11 ans, diminuant de 17% entre 2002 et 2008.
Pour autant, l'effort ne doit pas être relâché. En effet, nous devons rester extrêmement vigilants car la tendance de cette décrue de la délinquance subit un certain tassement. Si entre 2007 et 2008, la délinquance de proximité a diminué de -2,7%, la délinquance générale a, quant à elle, augmenté de +0,1%.
Le 28 mai dernier, en réunissant les principaux acteurs de la sécurité, de la chaîne pénale et de l'Éducation nationale, le chef de l'État a fixé les objectifs de la politique de sécurité intérieure.
Quels sont ces objectifs ?
II. Afin de remplir au mieux ces objectifs, le rapprochement de la police nationale et de la gendarmerie nationale constitue une avancée majeure.
Je veillerai à ce que ce rapprochement soit mis en œuvre dans un souci d'efficacité, un esprit de complémentarité et d'équilibre, et dans le respect de l'identité militaire des gendarmes.
Notre but est clair : il s'agit d'instaurer, pour une meilleure efficacité, l'autorité d'un seul ministre sur l'ensemble de nos forces de sécurité intérieure.
Pour cela, depuis 2002, la gendarmerie a été placée « pour emploi » sous l'autorité du ministre de l'intérieur pour l'exercice de ses missions en matière de sécurité intérieure.
Depuis mai 2007, les ministres de l'intérieur et de la défense définissaient conjointement les moyens budgétaires, en assurent le suivi et procèdent aux nominations.
La loi de finances pour 2009 a placé le programme « gendarmerie » dans la mission « sécurité », confiée au ministre de l'intérieur. Le moment est donc venu d'organiser le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
Je souhaite expliciter avec vous quelques points :
En revanche, ce projet de loi précise et clarifie le statut et les missions de la gendarmerie nationale :
Il la définit comme une force armée instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publiques. Je remarque que le terme de « force armée » n'est pas une simple formule : il est défini juridiquement par le code de la défense et le protocole additionnel aux conventions de Genève.
Il répartit clairement les attributions entre ministres de l'Intérieur et de la Défense ainsi que celles de l'autorité judiciaire. Ainsi, il souligne le rôle du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires de la gendarmerie, en rappelant que celle-ci participe « à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation ».
Le projet de loi réaffirme, de plus, qu'il n'y a aucune volonté, affichée ou latente, de « démilitariser » la gendarmerie, bien au contraire :
Vous le voyez, l'identité de la gendarmerie nationale est respectée. Et conformément à la volonté du Président de la République, il n'y aura pas de « fusion » avec la police nationale. Cette réforme ne remettra donc aucunement en cause la dualité de nos forces de sécurité.
Il n'est pas question de remettre en cause les missions confiées à la gendarmerie.
Il n'est pas, non plus, question de remettre en cause les principes de répartition territoriale des compétences de la police et de la gendarmerie, ce qui n'empêche pas policiers et gendarmes de se prêter main-forte, comme ils le font déjà, lorsque la situation l'exige.
Enfin, il n'est pas question de modifier le maillage territorial de la gendarmerie. Il sera maintenu mais doit s'adapter aux réalités de la délinquance et aux évolutions de la population. Je serai attentif à ce que ces adaptations s'effectuent dans un esprit de dialogue, en concertation avec les élus et sous l'autorité des préfets.
Par la complémentarité des forces, la mutualisation des moyens et la mise en commun des compétences et des technologies, l'enjeu de cette réforme est de consacrer plus de moyens pour l'opérationnel et donc la sécurité de nos concitoyens.
Beaucoup de projets ont déjà été conduits en commun :
Demain, le directeur général de la gendarmerie nationale sera l'un des directeurs de l'administration centrale du ministère de l'Intérieur. Il sera physiquement installé place Beauvau, à mes côtés.
A ce titre, il pourra bénéficier, avec ses collaborateurs, d'une nouvelle proximité avec le ministre et son cabinet, mais aussi avec l'ensemble des directions et services du ministère, à commencer par la direction générale de la police nationale.
Une chose est certaine : cette localisation permettra d'associer la gendarmerie beaucoup plus en amont aux décisions. En outre, cette localisation permettra d'améliorer une connaissance réciproque et créer ainsi les conditions d'une véritable cohésion des deux forces de sécurité de la République.
III. Les débats au Sénat puis au sein de vos commissions de la défense et des lois ont porté principalement sur deux domaines : la réquisition des forces armées et le rôle du préfet dans le commandement des forces armées.
Je remercie, tout d'abord, la commission de la défense et la commission des lois, ainsi que les rapporteurs, Messieurs Alain MOYNE-BRESSAND et François VANNSON pour leur travail remarquable.
Le premier sujet concerne l'emploi des forces de gendarmerie et l'aménagement de la règle de la réquisition des forces armées.
Une chose est certaine : la réquisition légale n'est plus un système adapté dans un dispositif de commandement unique sous l'autorité du ministre de l'intérieur, puisqu'il y a identité de rattachement organique et de commandement. Concrètement, une autorité n'a pas à requérir une force dont elle dispose légalement.
Historiquement, l'objet de la réquisition est de permettre à l'autorité civile d'obtenir la mise en œuvre de moyens dont elle ne dispose pas, en particulier les moyens des forces armées pour le maintien de l'ordre. C'est un héritage de la Révolution, transcrit dans le code de la Défense, qui prévoit qu' « aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». Je note qu'à la création de la gendarmerie nationale en 1791, ce principe ne lui était pas applicable. Ce n'est qu'en 1921, lorsque furent créés les pelotons de la garde mobile, que le régime de la réquisition fut institué en matière de maintien de l'ordre.
Dès lors que la gendarmerie est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, cette procédure n'a plus lieu d'être, quand bien même la gendarmerie reste une force militaire. Il ne serait pas cohérent que le ministre soit contraint de requérir une force dont il dispose.
Parce qu'il s'agit de conserver une logique d'ensemble après la suppression de la réquisition légale de la gendarmerie, le Gouvernement soutient les deux garanties adoptées par votre commission de la défense :
Je précise que l'emploi de ces moyens est, d'ores et déjà, exceptionnel et ne doit intervenir que lorsque les moyens ordinaires des forces de l'ordre ne sont plus assez efficaces. Un passage à un stade plus élevé, faisant appel à des moyens à caractère militaire spécifiques, doit être expressément autorisé.
Le Sénat souhaitait que cette procédure fût fixée par décret en Conseil d'État ; votre commission a préféré retenir le décret simple.
Le second sujet concerne le rôle du préfet de département à l'égard de la gendarmerie.
J'en suis convaincu : l'autorité unique du ministre de l'intérieur au plan national doit avoir sa correspondance au plan local, au niveau du préfet.
Le préfet doit pouvoir diriger l'action locale de l'État en matière de sécurité intérieure et définir le contenu des missions – hors missions judiciaires ou de défense militaire, bien sûr. Le texte issu des travaux de vos commissions est clair : « Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous l'autorité du préfet et lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières ».
Pour autant, ce n'est pas au préfet d'exercer le commandement des unités. C'est, en effet, la hiérarchie de la gendarmerie et, elle seule, qui détermine les moyens opérationnels d'organisation et d'exécution de la mission. Elle rend compte, ensuite, des résultats obtenus.
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je connais l'engagement exemplaire des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale. Ils agissent, chaque jour, chaque nuit, au service des Français avec compétence, courage et sens de l'honneur. Leurs missions sont sensibles, souvent dangereuses, toujours exigeantes.
C'est avec cette même exigence que je veillerai avec la plus grande vigilance à ce que le rapprochement de la gendarmerie nationale et de la police nationale soit synonyme d'efficacité, soit synonyme de complémentarité, soit synonyme d'équilibre. Et ce, dans un seul objectif : assurer, partout et pour tous, la sécurité de nos concitoyens.
Je vous remercie.