27.11.2009 - Assemblée générale extraordinaire de l'association des maires de la Gironde

1 décembre 2009

Allocution de Monsieur Alain Marleix, Secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux Collectivités Territoriales - Bordeaux


Monsieur le préfet de région (Dominique Schmitt),
Monsieur le président, maire de Bruges (Bernard Seurot),
Monsieur le président, maire de Cestas (Pierre Ducout),
Madame et Messieurs les Députés (Chantal Bourragué, François Deluga, Philippe Plisson),
Madame et Messieurs les Sénateurs (Marie-Hélène Des Esgaulx, Alain Anziani, Gérard César, Xavier Pintat),
Mesdames et Messieurs les maires,

C’est pour moi très important d’être parmi vous aujourd’hui car j’estime qu’un Secrétaire d’Etat aux collectivités territoriales doit être à l’écoute des élus de terrain. Je remercie donc le président de votre association, Monsieur Bernard Seurot, le sénateur Gérard César ainsi que tous les membres du bureau de m’avoir invité.

Mon propos sera bien évidemment centré sur la réforme des collectivités territoriales qui sera prochainement débattue au Sénat. Je sais qu’elle suscite des interrogations et des craintes parmi vous. Je peux le comprendre, car je suis moi-même un élu local.

Avec mon ami Brice Hortefeux, nous avons déjà eu de nombreuses occasions de présenter les grandes lignes de ce projet ambitieux et majeur pour notre pays, notamment lors du congrès de l’association des maires de France la semaine dernière. Nous étions également présents aux côtés du Président de la République lorsqu’il a reçu 700 maires à l’Elysée, et où il a rappelé les enjeux de la réforme.

Malgré tout, je continue à entendre et lire dans les médias toute sorte de déclarations ambiguës, de jugements à l’emporte-pièce, voire de véritables contre-vérités.

- On a dit que nous voulions imposer des fusions de communes : c’est faux !
- On a dit que nous voulions imposer la création de métropoles : c’est faux !
- On a même dit que je voulais, moi qui suis conseiller général de Massiac, mettre fin au rôle de solidarité des départements vis-à-vis des communes rurales : c’est encore faux !

Non, le gouvernement ne prépare pas un plan diabolique de recentralisation ! Si cela continue, on nous accusera bientôt de vouloir rétablir la gabelle… Tout ceci n’est pas sérieux.

Je veux répéter ici que la réforme s’inspire des travaux du comité Balladur et de ceux de la mission sénatoriale pluraliste présidée par le Sénateur Belot. Elle a pour objectif de remédier à la complexité et aux  blocages démontrés par tous les rapports publiés ces années sur le sujet : rapports Mauroy, Richard, Pébereau, Fouquet, Lambert, Attali, Warsmann, Valletoux, Belot, Perben-Courtois.
L’élaboration de la réforme s’est accompagnée d’une large concertation avec les élus locaux, les parlementaires et les responsables politiques : des dizaines d’heures d’écoute et de dialogue. Alors c’est vrai, concertation ne veut pas dire approbation. Mais le dialogue s’intensifie.

Loin des caricatures, je vous propose de reprendre très simplement et sans détours l’ensemble des points qui concernent le bloc communal, étant entendu que l’esprit de débat et d’ouverture qui est le nôtre sera toujours valable au Parlement.

I. Tout d’abord la commune est confortée dans son rôle essentiel d’échelon de proximité généraliste.

1. La commune conserve les compétences qui sont actuellement les siennes.

Le projet ne prévoit aucun transfert de compétences d’office. Le conseil municipal ainsi que le maire conservent leurs attributions. A ce titre, la commune conservera le bénéfice de la clause de compétence générale.

Par ailleurs le texte du projet peut encore évoluer au Sénat, et va probablement évoluer. L’AMF a ainsi proposé de maintenir la majorité des deux-tiers actuellement requise pour procéder à un transfert de compétences à l’intercommunalité.

De la même manière, un transfert de compétences n’entraînerait pas un transfert automatique des pouvoirs de police correspondant, par exemple en matière de circulation. Nous sommes prêts à accepter ces modifications.

Le département, je veux insister fortement sur ce point, conservera son rôle de solidarité avec les communes, qui s’exerce notamment par l’octroi de subventions pour tel ou tel projet. C’est une compétence spécifique que la loi a attribuée au département.  Elle ne relève pas de la clause générale de compétence, mais est inscrite à l’article 23 de la loi du 2 mars 1982.

D’ailleurs, les régions et les départements se verront reconnaître une « capacité d’initiative » dans des situations et face à des demandes non prévues par le législateur, dès lors qu’elles sont justifiées par l’intérêt local, ou qu’elles relèvent d’une tradition ou d’une pratique bien ancrée.

Enfin la clarification des compétences ne signifie pas la fin des cofinancements dont les communes ou les EPCI ont besoin pour leurs équipements.
Je peux vous rassurer sur ce point.

2. Le projet prévoit ensuite un certain nombre d’avancées attendues par les élus

Il en est ainsi de l’abaissement du seuil d’élection au scrutin de liste à 500 habitants.

Cela permettra lors des élections municipales aux électeurs de se présenter sur un véritable projet communal et non pas sur des considérations de personnes. J’ajoute que cela favorisera la parité en faisant entrer 40 000 femmes supplémentaires dans les conseils municipaux, contrairement aux allégations mensongères que j’ai pu entendre ici ou là.

Le statut de l’élu sera également amélioré sur plusieurs points :
- comme le renforcement du droit à la formation des élus locaux avec l’instauration d’un plancher budgétaire indicatif ;
- l’attribution de l’honorariat après 12 ans de mandat contre 18 actuellement ;
- l’indemnité de fin de mandat étendue aux maires des communes de moins de 1 000 habitants ;
- ou encore le bénéfice du congé électif étendu aux candidats dans les communes de plus de 500 habitants contre 3 500 actuellement.

3. Enfin la possibilité de créer des communes nouvelles vise à remplacer la loi « Marcellin » qui s’est avérée inadaptée.

Je sais que cet aspect du projet n’est pas bien connu. Je veux vous dire d’emblée que la création d’une commune nouvelle ne se fera que sur la base du volontariat, comme pour la loi Marcellin. Le projet de loi ne prévoit aucune création obligatoire ou forcée.

Le projet est aussi une avancée par rapport au passé car il met en place un dispositif plus incitatif :
- les anciennes communes pourront subsister en tant que communes déléguées, avec un maire délégué, une mairie et éventuellement un conseil ;
- la commune nouvelle bénéficiera d’une dotation complémentaire égale à 5% de la dotation forfaitaire de la commune nouvelle, qui évoluera comme la DGF ;
- pendant trois ans, l’éventuelle éligibilité à la DGE et à la DDR est maintenue.

Outre le regroupement de communes contiguës par accord unanime des conseils municipaux, la création d’une commune nouvelle pourra également s’opérer par transformation d’un EPCI à fiscalité propre. Dans ce cas la dotation de compensation de l’ancien EPCI sera maintenue.

II. J’en viens maintenant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

1. Il est essentiel que les délégués communautaires acquièrent une légitimité démocratique en étant élus.

Les EPCI lèvent l’impôt. Ce seul argument suffit à justifier l’élection de leurs conseils. L’élection se fera dès 2014 par fléchage du type « Paris/Lyon/Marseille » sur les listes municipales.

Ainsi la légitimité première de l’élection municipale est maintenue, ainsi qu’un lien fort entre communes et EPCI.

Cela signifie que seront délégués au conseil communautaire le maire ainsi que le nombre de conseillers municipaux requis élus dans l’ordre des listes. Concrètement, prenons l’exemple d’une commune bénéficiant de 4 délégués dans une intercommunalité. La liste majoritaire obtient les trois quarts des sièges, et la liste minoritaire le dernier quart. Seront délégués trois conseillers de la majorité dans l’ordre de la liste, et la tête de liste minoritaire.

Je confirme bien entendu les déclarations du Premier ministre lors du congrès des maires sur les règles de fonctionnement des EPCI. Le gouvernement sera là aussi très ouvert.

En outre, le Gouvernement est soucieux de l’équilibre démographique et territorial au sein des EPCI : toutes les communes seront représentées, et aucune commune n’aura la majorité absolue des voix.

Comme l’a précisé le Premier ministre, si les communes s’accordent à l’unanimité sur la répartition des sièges, il ne sera pas utile de recourir au tableau figurant dans le projet de loi qui n’interviendrait qu’en dernier ressort. Je suis sûr que les débats au Parlement permettront de valider ce principe en trouvant un équilibre satisfaisant pour tous.

Toutes ces évolutions procèdent d’une concertation avec l’AdCF du président Daniel Delaveau, maire de Rennes, et très largement approuvées lors des congrès de cette association, à Montpellier et Chambéry.

2. Deuxièmement, le projet de loi prévoit un dispositif de rationalisation de la carte intercommunale.

A cet effet, le texte prévoit un dispositif temporaire incitatif dont les maîtres mots sont persuasion et concertation.

Les schémas départementaux de coopération intercommunale, établis en concertation avec les élus, devront être appliqués avant le 31 décembre 2013.

Le rôle de la commission départementale de coopération intercommunale sera central dans ce dispositif :
- elle disposera d’un pouvoir d’amendement sur le schéma départemental de la coopération intercommunale élaboré par le préfet et pourra également obtenir de celui-ci qu’il modifie ses projets de création, de fusion, de modification de périmètre d’un EPCI, élaborés dans le cadre du dispositif temporaire ;
- elle disposera aussi de la possibilité d’imposer sa proposition à une majorité des deux tiers. Là encore il s’agissait d’une proposition de l’AMF.

Les regroupements forcés ne sont pas souhaitables car chacun sait qu’ils ne fonctionnent pas bien.

Par ailleurs il faudra tenir compte de la géographie : il n’y aura pas de seuil démographique minimum pour constituer un EPCI.

3. Enfin, le projet de loi assure définitivement la sécurité juridique de la mutualisation au regard du droit communautaire. C’est un point important et c’était une demande forte de l’AMF.

III. Il faut proposer à nos grandes agglomérations un outil adapté de rayonnement international : la métropole

1. La métropole est une nouvelle catégorie d’établissement public de coopération intercommunale

Il avait été envisagé dans un premier temps de créer une nouvelle catégorie de collectivité territoriale. Ce ne sera pas le cas, les élus ont été entendus.

2. Ce dispositif s'adresse spécifiquement aux grandes agglomérations françaises dont la population est supérieure à 450 000 habitants

Pourquoi ce seuil ? Parce que ce statut s’adresse aux agglomérations à vocation européenne voire mondiale qui jouent un rôle essentiel dans le développement économique du pays.

Je veux dire clairement que la loi ne dresse pas de liste de villes concernées. La création d'une métropole est laissée à l'entière initiative :
- soit d’un regroupement de communes ex nihilo selon la majorité qualifiée de droit commun ;
- soit par délibération concordante du conseil communautaire d’un EPCI à fiscalité propre et de ses communes membres selon la même règle de majorité qualifiée.

3. Elles disposeront de compétences élargies

Là aussi je sais que vous attendez des éclaircissements. Le champ de compétences de la métropole est celui d’une communauté urbaine, auquel s’ajouteront les compétences en matière de voirie communale et d’urbanisme.

Les communes membres pourront aussi  transférer des compétences supplémentaires, sur la base du volontariat.

Les compétences élargies de la métropole viendront du département en matière de transport scolaire et de voirie départementale. Les métropoles pourront également obtenir le transfert des compétences en matière de collèges et d’action sociale de la part du département ou de lycées de la part de la région.

Région et département pourront également transférer à la métropole leurs compétences en matière économique. De la même manière, l’Etat pourra  transférer la gestion d’un grand équipement ou d’une grande infrastructure.

Pour répondre à une de vos questions, les communes membres conserveront des compétences importantes notamment en matière de police, d’état civil, d’action sociale, de crèche, d’école primaire, de santé, entre autres.

4. Pour les grandes villes qui n’atteindraient pas en 2014 le seuil des 450 000 habitants , la loi prévoit la possibilité de fédérer l’action de plusieurs EPCI d’une grande aire géographique (par exemple autour de Metz et Nancy) sous la forme d’un syndicat mixte. C’est ce qu’on appelle alors le « pôle métropolitain ».

Sur cette formule nous sommes aussi ouverts à toute évolution dans le débat parlementaire et nous travaillons en permanence sur ce dossier avec l’association des communautés urbaines de France et celle des grandes villes.

IV. Je voudrai terminer par quelques mots sur les finances locales

Je tiens en premier lieu à rappeler que malgré les contraintes financières, en 2010 l’effort financier de l’Etat en faveur des collectivités sera de 78,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 3,5%, et qu’au sein de cet effort global, l’enveloppe dite « normée » progressera comme l’inflation, soit +1,2%.

Au total ce sont plus de 97 milliards d’euros entre les dotations budgétaires et les transferts de fiscalité dont bénéficient les collectivités en 2010. Et ce dans un contexte budgétaire très difficile quand l’Etat a vu ses recettes fiscales baisser de 20%.

1. Comme vous le savez, la suppression de la taxe professionnelle est actuellement débattue au Sénat.

La suppression de cet impôt qui défavorise nos entreprises et incite à la délocalisation était souhaité par tous, quelles que soient les sensibilités.

Je précise aussi que la crise aurait inévitablement entraîné la baisse du produit de la taxe professionnelle de certaines collectivités territoriales, compte tenu de la fermeture définitive de certains établissements industriels. Avec la réforme, le gouvernement garantit à chaque collectivité le maintien de sa ressource en 2010 !

Le gouvernement a décidé de s’atteler à cette réforme en affirmant trois garanties pour les collectivités :
- 1. une compensation intégrale des pertes de ressources pour chaque collectivité territoriale ; le Premier ministre a d’ailleurs annoncé devant le congrès de l’AMF la création d’un fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) : les collectivités dont les ressources auront augmenté du seul fait de la réforme seront écrêtées à hauteur de ce surplus et ces ressources viendront abonder le fonds qui servira à compenser les pertes des collectivités dont les recettes auront diminué.
- 2. une compensation assurée pour l'essentiel par des transferts d'impôts, selon le principe constitutionnel d’autonomie financière ;
- 3. la répartition du produit des nouvelles impositions décidée en concertation avec le Parlement.

Ainsi l’Assemblée Nationale a profondément remanié le texte du Gouvernement en décidant notamment d’affecter une part de la cotisation complémentaire au bloc communal. Je ne peux que m’en réjouir, car cela rétablit un lien fort entre les entreprises et le niveau de collectivité en charge de l’aménagement économique.

Les débats se poursuivent au Sénat, dans le même esprit constructif que celui de l’Assemblée nationale.

Enfin quelle que soit l’architecture adoptée par le Parlement, elle fera l’objet de simulations destinées à en examiner les conséquences pour chaque collectivité. Comme François Fillon l’a annoncé au congrès de l’AMF, le gouvernement donne rendez-vous aux responsables locaux et au Parlement pour faire le point au cours de 2010, et le cas échéant des ajustements se feront en loi de finances rectificatives : c’est la « clause de revoyure ».

De la même manière, il y aura un nouveau rendez-vous en cas d’adoption d’une loi modifiant les compétences.

2. La réforme de la taxe professionnelle nous invite à lancer un débat sur la révision des valeurs locatives cadastrales.

Comme vous le savez, celles-ci sont le symbole de l’iniquité fiscale dans notre pays, puisqu’elles n’ont pas été révisées depuis 40 ans pour les particuliers et 50 ans pour les entreprises.

Là encore, c’est à un débat que nous invitons l’ensemble des responsables locaux, afin de réfléchir ensemble à la solution la plus juste et la plus équilibrée. Nous aurons l’occasion d’en parler bientôt.

***

J’espère que j’aurai pu répondre aujourd’hui à un certain nombre des questions que vous vous posez. Comme je vous l’ai déjà dit, le gouvernement reste ouvert au débat, à la concertation. L’expérience des élus locaux et des parlementaires doit être prise en compte pour améliorer le texte au Parlement.

Je sais que le gouvernement, les parlementaires, les élus locaux et l’ensemble des Français ont à cœur de mener à bien cette refondation de nos collectivités territoriales. Car elle est nécessaire pour aborder les défis du vingt-et-unième siècle. Elle ne se fera pas contre vous mais avec vous.

Je vous remercie.