17.06.2010 - Débat sur l'optimisation des moyens des collectivités territoriales

17 juin 2010

Intervention de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, lors du débat sur l'optimisation des moyens des collectivités territoriales - Sénat, le 17 juin 2010.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation [M. Alain Lambert],
Messieurs les rapporteurs [Alain Lambert, Yves Detraigne, Jacques Mezard et Bruno Sido],
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

L'initiative de ce débat est particulièrement heureuse, puisqu'elle se situe quelques semaines après les conclusions de la conférence sur les déficits publics, quelques jours avant la deuxième lecture, par votre assemblée, du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, et enfin quelques jours avant le débat d'orientation budgétaire. Ce débat intervient également dans un contexte particulier pour nos finances publiques, qui nécessite un effort partagé dans la maîtrise de nos dépenses.

A l'évidence, la question de l'optimisation des moyens des collectivités territoriales est d'une actualité particulière et elle appelle un éventail de réponses concrètes. A cet égard, je vous remercie donc pour l'initiative de ce débat qui va permettre, j'en suis persuadé, de progresser dans ces pistes prometteuses.

J'ai délibérément parlé d'éventail de réponses concrètes, car les moyens des collectivités territoriales embrassent de multiples formes, qui appelleront des solutions spécifiques.

C'est pourquoi je souhaiterais d'abord évoquer avec vous la question des ressources, avant d'évoquer la mutualisation, sur laquelle le rapport de votre délégation apporte une précieuse contribution.

I. Une réflexion sur l'optimisation des moyens doit nécessairement aborder la question des ressources financières.

Je voudrais rappeler très brièvement les apports du groupe de travail mené par le député Gilles Carrez et le préfet Michel Thenault sur la maîtrise de la dépense locale. Ils ont formulé plusieurs conclusions marquantes :

  • hors décentralisation, les dépenses locales ont augmenté plus vite que le produit intérieur brut jusqu'au milieu des années 1990 et par la suite à un rythme plus proche du PIB.
  • Les disparités de dépense sont importantes au sein d'un même niveau de collectivité. Par exemple, le niveau de dépenses par habitant varie de 1 à 3 entre les 10% de communes les moins dépensières et les 10% les plus dépensières ;
  • Enfin, et surtout, il existe une forte corrélation entre le niveau de ressources d'une collectivité et sa dépense par habitant.
  • Ainsi, 62% des écarts de dépense entre 2 communes s'expliquent par des écarts de niveau de recettes, avant des écarts de charges ou des différences de choix politiques.

Il existe donc clairement des marges de réduction de la dépense locale, mais celles-ci ne vont pas sans certaines conditions.

C'est dans ce contexte que la conférence sur les déficits publics a acté plusieurs mesures majeures pour les prochaines années :

  • Tout d'abord, comme le préconise le rapport de gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale et du préfet Michel THENAULT, les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013 ;
  • Parallèlement, la péréquation sur les dotations de l'Etat sera renforcée ;
  • La dynamique des dépenses sociales dans les départements ruraux devra être traitée par un renforcement de la péréquation et sera examinée en priorité dans le cadre de la réforme de la dépendance ;
  • Un moratoire sera appliqué immédiatement sur les normes réglementaires concernant les collectivités locales, en dehors d'éventuelles normes internationales d'application obligatoire. Pour cela, le rôle de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) sera renforcé.

Clairement, ces mesures vont permettre, je le pense, de contribuer à l'optimisation des ressources, mais aussi de répondre à certaines contraintes de gestion des collectivités territoriales.

II. Mais il faut aller plus loin, et doter les collectivités territoriales d'outils performants de gestion mutualisée.

2.1. C'est toute l'ambition de votre rapport collectif sur la mutualisation des moyens des collectivités territoriales.

J'ai pris connaissance avec intérêt des propositions que vous formulez en matière de mutualisation de moyens et de services dans le cadre intercommunal ou au sein des conseils généraux.

Comme la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le Gouvernement souhaite agir en la matière.

  • Qu'il s'agisse d'élargir les possibilités de mutualisations « verticales », au sein du bloc communal, entre les EPCI et leurs communes membres ;
  • Qu'il s'agisse de favoriser, entre les départements et entre les régions, le recours à des mutualisations conventionnelles horizontales ;
  • Qu'il s'agisse d'élargir les mutualisations aux domaines services fonctionnels au-delà des compétences exercées ;
  • Qu'il s'agisse de sécuriser le développement des mutualisations au regard des exigences communautaires.

Le Gouvernement sera à vos côtés pour apporter aux collectivités territoriales les outils nécessaires. [Vous le voyez, cher Alain Lambert, nous sommes loin d'une attitude timorée en matière de mutualisation !].

Pour autant, je souhaiterais insister sur un point, relatif à la coopération intercommunale. Il me semble en effet nécessaire de clarifier ce que nous voulons sur la mutualisation intercommunale. Je note que le rapport relève que "la mutualisation doit compléter l'intercommunalité, elle ne doit ni la concurrencer, ni s'y substituer".

Cela plaide à mon avis, Messieurs les Sénateurs Yves Detraigne et Jacques Mezard, en faveur d'une mutualisation menée de préférence au niveau de la structure intercommunale.

2.2. Cette ambition partagée de progresser dans la mutualisation, nous allons la mettre en œuvre très concrètement.

Je voudrais tout d'abord vous préciser que le Premier ministre a souhaité lancer un travail concerté avec l'Assemblée des départements de France sur la question de la situation financière des départements. Parmi les thèmes de travail, un groupe de travail sera lancé sur la question des mutualisations, que Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, a particulièrement développée dans son rapport au Premier ministre.

Les pistes sont multiples : mutualisations de fonctions supports, entre départements et SDIS, entre SDIS eux-mêmes. La volonté du Premier ministre est de faciliter la mise en œuvre de ces préconisations. Je suis donc convaincu que nous trouverons, collectivement, des réponses concrètes au diagnostic posé par votre collègue Bruno SIDO sur la mutualisation des moyens des conseils généraux.

Nous allons aussi – et surtout – développer la mutualisation grâce aux apports de la réforme des collectivités territoriales. Vous le savez, plusieurs articles ont été introduits, et certains amendés, en vue de développer la mutualisation. Concrètement, nous avons poursuivi 3 objectifs :

  • sécuriser la mise à disposition de services ;
  • favoriser la gestion unifiée de services ;
  • organiser la mutualisation de moyens.

Ainsi, dans un premier temps, l'article 33 a pour objectif de régulariser, vis-à-vis du droit communautaire de la concurrence, les conventions de mise à dispositions de services entre les établissements publics de coopération intercommunale et leurs communes membres. Il a été proposé notamment d'encadrer les conditions de remboursement des frais de fonctionnement pour éviter qu'ils soient considérés comme la contrepartie d'une prestation de service.

Les articles 34 et 34 bis A définissent le cadre d'une mise en commun de services au profit des couples "commune-intercommunalité" et "département-région".

Tout d'abord, pour le couples "communes intercommunalités", le Gouvernement a souhaité, afin de garantir la sécurité juridique des initiatives locales et pour inciter à ces bonnes pratiques, créer expressément le régime de mutualisation de services hors champ de compétences transférées à l'intercommunalité.

Le service commun ainsi créé sera rattaché à l'intercommunalité. L'article 34 permet même, afin de générer des économies d'échelle, à une structure intercommunale d'acquérir des biens qui seront mis à la disposition des communes pour exercer des compétences qui n'ont pas été transférées.

D'autre part, en ce qui concerne le couple « département-région », l'article 34 bis A, d'origine parlementaire, l'autorise à se doter de services communs et à conclure des conventions pour "assurer en commun leurs missions de services publiques". Cette convention n'est pas soumise au droit commun de la concurrence car elle respecte les critères jurisprudentiels définis par la cour de justice de l'Union européenne en matière de marchés publics.

Vous le voyez, les modalités d'optimisation des moyens des collectivités territoriales seront mises en œuvre très rapidement.
Le rapport de votre délégation nous montre à quel point ces nouvelles voies devront être mises en œuvre rapidement.

C'est une exigence vis-à-vis de la trajectoire de nos finances publiques, c'est une exigence pour la qualité des services publics locaux, c'est une exigence pour le citoyen.

Je vous remercie.