Mercredi 3 octobre 2012, Manuel Valls, ministre de l'intérieur, est intervenu à trois reprises lors de la séance de questions d'actualité au gouvernement, à l'Assemblée nationale.
Michel Issindou, député PS Isère
Merci, Monsieur le Président. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’Intérieur. Un drame terrible s’est produit à Echirolles vendredi dernier. Kevin et Sofiane, âgés de 21 ans, ont été sauvagement assassinés par d’autres jeunes, pour une banale histoire de mauvais regard à la sortie du lycée. Ces deux jeunes, étudiant pour l’un, salarié pour l’autre, étaient exemplaires, dans un quartier de la ville parfaitement paisible. Je veux adresser, à notre nom collectif, toutes nos condoléances aux familles sous le choc. J’ai rencontré dimanche ces familles, j’ai pu constater la dignité et le calme dont elles font preuve, malgré la douleur immense. Le président de la République et vous-même, Monsieur le Ministre, êtes venus réconforter les familles dès le lundi soir. Vous avez bien fait. Votre visite, très appréciée, a montré à ce quartier effondré votre solidarité dans ce moment tragique. Ce crime purement gratuit interroge la société sur les causes profondes qui ont conduit des jeunes à cette violence extrême. Comment ne pas penser à la représentation quasi permanente de la violence dans les media et les réseaux sociaux ? Comment ne pas penser aux effets des déstructurations familiales ? La plupart des jeunes de ces quartiers, dits difficiles, ont des parcours tout à fait normaux en termes d’études et d’intégration dans la vie professionnelle. Pour les autres, il faut poursuivre inlassablement le travail de terrain mené par les communes, les travailleurs sociaux, les associations, pour que cette violence absurde, gratuite et impardonnable n’ait plus jamais cours. Il est aussi permis de penser qu’une police renforcée et de proximité, depuis longtemps demandée par les élus locaux, aurait peut-être pu éviter tout cela. Monsieur le Ministre, je sais que pour vous et le gouvernement, la sécurité est un droit fondamental, pouvez-vous nous dire où en est l’enquête qui permettra d’arrêter et de juger au plus vite et sévèrement les assassins ?
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés. Monsieur Michel ISSINDOU. Vous avez raison d’abord de souligner la dignité des familles de Kevin et de Sofiane. Je crois que cette dignité a ébloui d’une certaine manière le pays, elle était nécessaire, alors qu’il faut du calme et de l’apaisement après de tels évènements. C’est ce que le chef de l’Etat est venu dire à ces familles, pour leur dire à la fois la compassion de la Nation et en même temps la volonté de l’Etat d’agir avec la plus grande fermeté face à ce drame et face à cet assassinat. J’ai parlé de massacre parce que, effectivement, c’est le cas, ces deux garçons ont été véritablement assassinés dans un guet-apens. Cette violence est évidemment inacceptable. Pour cela, il y a des mesures concrètes et je les ai annoncées, et à Michel DESTOT et à Renzo SULLI, les maires de Grenoble et d’Echirolles. Donc, les quartiers de la Villeneuve de Grenoble et de la Villeneuve d’Echirolles, mais aussi les quartiers de Mistral et Teisseire à Grenoble seront dans la zone de sécurité prioritaire annoncée déjà cet été par le président de la République et qui concerne ces villes. Mais au-delà de ces zones de sécurité prioritaire, des effectifs supplémentaires, d’une coordination encore plus efficace, notamment avec les collectivités territoriales, c’est, vous l’avez dit très bien, à une véritable mobilisation de la société, de tous, comme ceux qui participaient hier à la marche blanche. Car, la réponse, elle ne peut pas être uniquement en matière de sécurité et de moyens. C’est à une prise de conscience, à un retour de l’autorité, à une responsabilisation des parents qui s’imposent pour lutter contre une violence qui tue et qui a tué d’abord des jeunes, des jeunes aux origines différentes, des jeunes Français et un quartier qui n’en peut plus de cette violence et qui réclame autorité, fermeté, justice et réussite, comme l’a dit le président de la République.
Guy Geoffroy, député
Monsieur le président ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre. Et si elle s’adresse à vous monsieur le Premier ministre c’est qu’elle concerne un certain nombre de ministères au sein de votre gouvernement. Elle concerne le ministère de l’Education nationale, elle concerne le ministère de l’Intérieur, celui de la Justice, celui en charge de la politique de la ville, celle en charge du Droit des Femmes et bien d’autres de vos ministres. Cette question, elle est récurrente, elle est grave, elle inquiète nos concitoyens, elle ne date pas d’hier, c’est celle de la violence au sein de l’école. Elle ne date pas d’hier et je n’aurais pas le mauvais gout d’en rendre responsable le gouvernement que vous dirigez. Comme j’en suis certain vous n’aurez pas la mauvaise manière d’en faire un recours de plus à votre ancienne… De l’héritage, comme si la violence datait de la période juste antérieure à celle de votre gouvernement. Et si vous aviez cette mauvaise manière, je pourrais comme beaucoup de mes collègues ici qui ont exercé dans les milieux enseignants, vous dire, combien auparavant sous les années JOSPIN en particulier, cela existait déjà. Monsieur le Premier ministre, la violence en milieu scolaire c’est celle des élèves entre eux, c'est celle des élèves en direction des enseignants qui ont la peur au ventre pour certains de rejoindre leur classe, c’est celle des parents en direction des enseignants. La violence en milieu scolaire c’est la mise en cause de l’autorité de l’école au sein de la société, et c’est la difficulté dans laquelle notre société se trouve de pouvoir assurer l’autorité au sein de l’école. L’autorité ce n’est pas l’autoritarisme c’est le respect des lois de la République. Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous dire, que comptez-vous faire pour que cesse enfin ce fléau de la violence à l’école.
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Guy GEOFFROY. J’apprécie évidemment la manière dont vous posez la question parce que vous le savez bien, et vous l’avez dit d’ailleurs, ces questions de violence sont au cœur de notre société, à l’intérieur et d’abord à l’extérieur de l’école. L’école n’étant que le réceptacle souvent de ces violences. Et croyez moi, sous l’autorité du Premier ministre le gouvernement est mobilisé contre ces phénomènes de violence. Parce que dans notre société, nous ne pouvons pas admettre que ceux qui sont dépositaires d’une autorité - le policier, le gendarme, le sapeur pompier, l’agent de service public - et d’abord l’enseignant, soit frappé, soit violenté, roué de coups, soit par des élèves, soit par des parents d’élève, et la mobilisation de Vincent PEILLON – que je tiens à excuser – est totale sur ce sujet là. Il vient d’ailleurs de nommer un délégué interministériel dont chacun connait la qualité à travers notamment les études de réclamations qu’il a eu l’occasion de mener. Mais je veux aller plus loin, et je le rappelais tout à l’heure, c’était une véritable mobilisation, elle concerne évidemment les services du ministère de l’Intérieur, la Justice, elle concerne toute la société pour mener cette lutte contre ce défi à l’autorité. Et puisque nous parlions tout à l’heure d’Echirolles, je veux dire combien j’ai été frappé il y a deux jours par la mobilisation des enseignants, des élèves, des parents d’élèves, du lycée Marie Curie, qui a mis l’excellence, la réussite éducative précisément pour lutter contre cette violence. Et pour lutter contre cette violence, monsieur le député, il faut une mobilisation mais il faut aussi des moyens. Et le président de la République faisant de l’école et de la jeunesse la grande priorité du quinquennat, il apporte sans aucun doute la réponse que nos compatriotes attendent.
Thierry Robert, Député Modem de la Réunion
Monsieur le président, mes chers collègues. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’Intérieur. Monsieur le Ministre, je vous sollicite au sujet d’une pratique qui consiste à contrôler systématiquement l’identité des Français en provenance de la France d’Outre-Mer lorsque ceux-ci débarquent dans les aéroports de la France hexagonale. Ils ont déjà fait l’objet d’un contrôle à l’embarquement, ce qui est normal. Pour quelle raison sont-ils à nouveau contrôlés à leur arrivée, alors qu’aucune escale n’a été effectuée ? Monsieur le Ministre, il apparait que les régions ultrapériphériques comme la Réunion font partie intégrante de l’Union européenne, mais pas de l’espace Schengen. Or, le travail de contrôle mené par la police aux frontières à l’entrée de certaines régions d’Outre-Mer, notamment la Réunion démontre une maitrise totale de l’immigration illégale. J’ai bien conscience, Monsieur le Ministre, que l’Etat ait la légitimité et le devoir de lutter contre l’immigration illégale en France. Mais cette pratique appliquée sur nos concitoyens de la Réunion et de certains territoires de la France d’Outre-Mer, qui sont autant Français que vous et moi, n’est pas simplement maladroite, elle est surtout perçue par nos compatriotes d’Outre-Mer comme discriminante. Monsieur le Ministre, je ne cherche pas à mettre à défaut vos services qui font un travail remarquable au quotidien, je veux seulement vous alerter sur cette anomalie. En effet, cette pratique ne doit pas obérer l’objectif d’une équité entre tous les territoires de la République française. C’est un symbole fort pour tous nos compatriotes de la France d’Outre-Mer. Monsieur le Ministre, ma question est donc la suivante : Que comptez-vous faire et dans quel délai pour que nos compatriotes de la Réunion et de toute la France d’Outre-Mer n’aient plus à subir ce double contrôle d’identité ? Je vous remercie.
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés. Monsieur le Député Thierry ROBERT. Je ne peux pas vous laisser dire, même si vous l’avez fait avec modération, je ne peux pas vous laisser parler de discrimination à l’égard des Réunionnais, ni en matière de contrôle d’identité, ni ailleurs. Le régime juridique des voyageurs en provenance ou en direction de la Réunion est clair et connu. Bien évidemment, le département de la Réunion, au même titre que la métropole, appartient – et nous le savons tous – au territoire de la République. En revanche – et vous le savez parfaitement – la Réunion n’appartient pas à l’espace Schengen. La police aux frontières accomplit donc pleinement sa mission en appliquant à la lettre le Code des frontières européen. C’est d’ailleurs souvent les élus de l’Outre-Mer qui ont demandé ce dispositif et que les départements de l’Outre-Mer ne soient pas dans l’espace Schengen. Notre objectif évidemment est de lutter, de limiter au maximum les contraintes imposées aux voyageurs. Dans le sens métropole – Réunion, les autorités de police ont pu fusionner les contrôles, il n’y a qu’un contrôle à l’embarquement. Mais cette solution ne peut être mise en place dans le sens Réunion – Paris, en raison de la taille et de la configuration des aéroports de Roissy et d’Orly. Je vous le répète, Monsieur le Député, le contrôle au débarquement à Paris des voyageurs provenant de l’Outre-Mer n’est que l’application du régime normal des contrôles aéroportuaires européens. Ce régime du double contrôle à l’embarquement et au débarquement s’applique à tous les voyageurs, cela doit se faire évidemment dans les règles des lois, du respect de chacun et nous y veillons. Mais nous avons besoin, là aussi, de maintenir une politique forte dans ce domaine-là pour lutter contre l’immigration clandestine. Nous y sommes attachés, avec Victorin LUREL, et cela se poursuivra.