Mardi 2 octobre 2012, Manuel Valls, ministre de l'intérieur, est intervenu à trois reprises lors de la séance de questions d'actualité au gouvernement, à l'Assemblée nationale.
Paul Giacobbi, député de Haute-Corse
Monsieur le Premier ministre, en accédant au pouvoir, votre gouvernement a trouvé une agglomération marseillaise et une Corse ravagées par la criminalité. Si, depuis le début de cette année, il y a eu en effet 20 meurtres dans les Bouches-du-Rhône, il y en a eu 13 en Corse pour une population six fois moindre, c'est-à-dire qu'il y en a eu quatre fois plus par habitant. Cette statistique est en partie imputable à une nouvelle phase sanglante dans la rivalité des bandes criminelles, mais elle n'est pas que cela. La criminalité finit par affecter les citoyens ordinaires, soit par dommages collatéraux, soit parce qu'elle est devenue en Corse un moyen relativement ordinaire de régler les conflits. Si nous ne doutons pas un instant de la volonté des pouvoirs publics d'agir face à cette situation et si les résultats obtenus sont loin d'être négligeables, y compris pour le taux d'élucidation des crimes, bien des choses doivent être réformées. Aujourd'hui, les affaires criminelles concernant la Corse sont réparties entre trois juridictions, l'une à Paris, l'autre à Marseille, la troisième sur place et, de ce fait, l'action publique manque d'une unité d'expression. Les forces de police et de gendarmerie agissent concrètement sur le terrain, mais certaines rivalités de corps et de strates semblent affecter et altérer parfois leur efficience. Il existait il y a quelques années un préfet délégué à la police en Corse ou un préfet de police en Corse, qui personnifiait l'unité des forces de l'ordre et contribuait à leur coordination effective. La suppression de ce poste a été une erreur, il importe de la réparer. Enfin, le gouvernement doit s'exprimer et s'exprimer sur place comme il l'a fait remarquablement à Marseille. Nous connaissons la capacité et la détermination des ministres de la Justice et de l'Intérieur ; ne serait-il pas opportun que l'un et l'autre viennent en Corse évaluer la situation, prendre les mesures qui s'imposent, assurer les services de police et de justice de leur soutien et les citoyens de ce que l'appartenance à la République ne serait être sur notre île un vain mot.
Manuel Valls
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député Paul Giacobbi. Vous m'interpellez sur la situation en matière de sécurité en Corse et, tout d'abord, je veux adresser un hommage au préfet de Corse représentant l'Etat sur le territoire et aux forces de l'ordre qui accomplissent sur l'île un travail difficile. Ils ont besoin du soutien de la représentation nationale. Vous avez raison, il faut adresser un message simple à la Corse, la République ne vous oublie pas et le gouvernement ne vous abandonne pas. Le dispositif proposé à Marseille sous l'autorité du Premier ministre ne peut pas être simplement transposé en Corse et vous avez raison de rappeler les exécutions qui ont eu lieu il y a encore quelques jours, le 12 septembre à Castirla, où trois hommes ont été exécutés. Mais la Corse a ses caractéristiques et la réponse du gouvernement, vous avez raison là aussi, doit être au plus près de la réalité du territoire et je me déplacerai bientôt avec la garde des Sceaux sur l'île pour traiter de ces questions-là, pour agir concrètement et il faut agir car, malgré le travail qui est celui des forces de l'ordre de police et de gendarmerie, il faut un lien plus étroit entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire au plus près du terrain. La Corse et les Corses sont Français, ils ont besoin de sécurité, la République doit y être présente.
Stéphane Demilly, député de la Somme
Merci Monsieur le Président. Monsieur le ministre de l'Intérieur, donner des leçons de morale n'a jamais été une preuve de vertu. Cette maxime de l'écrivain Todorov Tzvetan est, semble-t-il, plus que jamais d'actualité. Lors de la précédente législature, les socialistes et leurs alliés n'ont cessé de dénoncer - je les cite - la casse sans précédent des services publics et la désertion de l'Etat dans les territoires ruraux. Et il y a encore quelques semaines, rappelez-vous, pendant la campagne électorale des présidentielles et des législatives, cette accusation était devenue une sorte de slogan de campagne. Après de telles déclarations, les Français s'attendaient donc, en tout cas pour ceux qui vous ont fait confiance, à ce qu'il n'y ait plus de fermetures de services publics, et même, pour les plus crédules, à ce que la présence de l'Etat soit renforcée. Or, ce matin, en lisant la presse, nous apprenons, au détour d'une petite dépêche, que vous lancez, Monsieur le Ministre, une mission dont l'objet est - je cite - de formuler des propositions opérationnelles d'évolution des sous-préfectures à l'horizon du printemps 2013. Une jolie phrase, jolie phrase administrative qui n'augure rien de bon pour un certain nombre de territoires pour qui les sous-préfectures sont pourtant le premier échelon de proximité et d'autorité de l'Etat. Alors, pour en revenir à ma maxime, lorsque vous étiez dans l'opposition, vous nous donniez des leçons de morale, était-ce effectivement guidé par la seule vertu ou étaient-ce des carabistouilles électoralistes et démagogiques ? Nous le saurons dès que vous aurez répondu à la question simple qui appelle, me semble-t-il, une réponse extrêmement simple : maintenant que vous avez le pouvoir de faire, combien de tribunaux de grande instance allez-vous rouvrir, et combien de sous-préfectures envisagez-vous de fermer ?
Manuel Valls
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés. Monsieur le député. Vous qui, avec votre majorité, avez détruit des emplois dans l'Education nationale, vous qui, avec votre majorité, avez détruit des emplois dans les forces de l'ordre, police et gendarmerie, vous qui avez fermé les tribunaux, tel que vous venez de le rappeler, vous qui n'avez eu de cesse d'affaiblir l'Etat et les services publics, vous venez nous faire un procès ici, à propos des sous-préfectures. Nous souhaitons tout simplement, comme le comité interministériel l'a indiqué hier avec le Premier ministre, rénover l'action publique ; et parce que, précisément, il faut le temps de l'analyse et de la concertation, il y a à la fois la mission nécessaire pour que, précisément, on puisse me faire un certain nombre de propositions, et pour que les préfets, eux-mêmes, puissent travailler sur la carte des arrondissements et les sous-préfectures, avec un seul objectif, faire en sorte que cette action publique, que l'action de l'Etat soit efficace, et que nos citoyens, et notamment les territoires qui se sentent délaissés soient davantage protégés. Nous nous engageons à protéger ces territoires que vous avez abandonnés, qu'ils soient ruraux, semi-urbains ou urbains, alors que vous, vous les avez délaissés.
Jacques Bompard, député du Vaucluse
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les ministres, un de nos collègues de la Seine-et-Marne, Monsieur Jean-François Copé, a publiquement dénoncé le racisme anti-blancs existant dans certains quartiers. Ces propos font écho à l'ouvrage " Raison de plus ! " publié cette année par Madame Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, dans lequel on trouve quelques lignes courageuses et lucides sur cette forme de racisme. Ce constat n'est donc pas l'apanage d'une formation politique ou d'un courant de pensée, il couvre l'ensemble des l'échiquier politique, il est également reconnu par des études sociologiques tel que l'INED qui dit que 10% des Français de souche ont subi au moins une expérience de racisme. Quelques exemples. C'est un couple qui visite un appartement dans une cité HLM et qui se fait traiter de sales français, avant de découvrir, au moment du départ, un pneu de sa voiture crevé. Ce sont là des retraités qui, le jour d'une élection, n'osent pas aller voter, car au bas de leur immeuble une bande leur interdit de sortir. Pour prendre un exemple qui a eu lieu ce week-end dans ma circonscription, ce sont deux jeunes sportifs qui ont été agressés en passant à la frontière d'une cité parce qu'ils avaient le tort de ne pas appartenir à la même communauté que leurs agresseurs. Ce racisme anti-français peut également prendre la forme d'une discrimination que l'on pourrait qualifier d'antioccidentale et qui vise des personnes intégrées. Ainsi, dans une cité, c'est une femme d'origine marocaine, dont les enfants sont insultés, interdits de jeu, avec les autres enfants de la cité. Son crime : elle est divorcée, porte le pantalon, refuse le voile. Sur son passage on la traité de prostituée. Dans une école où la quasi-totalité des élèves sont étrangers ou d'origine étrangère, les enfants issus de couples mixtes sont moqués, traités de mangeurs de cochon. De toute évidence il semble que le gouvernement n'a pas mesuré l'ampleur de ce phénomène et ne veut pas...
Manuel Valls
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député. L'article 225.1 du code pénal sanctionne toutes distinctions en raison des origines, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. La loi est la même pour tous et ne distinguera jamais les victimes du racisme. Pour nous il n'y a pas de racisme anti-noirs, il n'y a pas de racisme anti-maghrébins, il n'y a pas de racisme anti-blancs, il y a uniquement le racisme, le racisme, qu'il faut combattre sans cesse. Et soutenir l'inverse, en distinguant parmi les victimes, introduire une distinction entre celles qui en sont dignes ou non, est précisément nier ce qu'est la France et ce qu'est la République, et c'est ce qu'avait rappelé la porte-parole du gouvernement, Madame Vallaud-Belkacem, dans son livre, que vous devriez relire. C'est violer les lois et, Monsieur le député, face au racisme qui est une réalité, face à la réalité dans nos quartiers, face au communautarisme qui ne cesse de monter, face aux discours de haine, à ceux et à celles qui jettent les uns contre les autres, les Français entre eux, les étrangers contre les Français, il y a trois mots, d'abord la laïcité, parce que c'est ce qui nous rassemble et qui permet d'avancer dans ce pays. Le deuxième mot, et il ne vous appartient pas, c'est la République, partout, dans les quartiers, dans les villages, et ce gouvernement veut plus que jamais réhabiliter les valeurs de la République. Et il y a un troisième mot, Monsieur le député, et cette majorité le porte, c'est la France, parce qu'elle ne vous appartient pas, elle appartient à ceux qui défendent son idéal, celui de la République et celui des valeurs.
Test OW pour indexation Solr. Merci de ne pas supprimer.