Jeudi 03 octobre 2013, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a répondu aux questions d'Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, sur le contrôle au faciès et ainsi qu’à Jacques Cornano du groupe socialiste Guadeloupe, sur la sécurité aux Antilles lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement au Sénat.
Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne
Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’Intérieur. Monsieur le ministre, le tribunal de grande instance de Paris a rendu hier sa décision dans l’affaire opposant à l’État et au ministère de l’Intérieur treize plaignants dénonçant des contrôles de police au faciès. Ils ont été déboutés. Il ne nous appartient bien sûr pas de commenter une décision de justice. Cela nous oblige-t-il pour autant à garder ici le silence ? Car ce qui est en cause en l’occurrence est bien l’article 78-2 du code de procédure pénale. Un article qui, en l’état, rend possible le contrôle au faciès. Vous déclariez il y a peu que – je vous cite – « le contrôle au faciès doit cesser, c’est du racisme ». Et force est de reconnaître que vous n’en êtes pas resté au stade des promesses. Le code de déontologie de la police a été modifié pour interdire, par exemple, le tutoiement. De même, toute personne s’estimant victime d’un comportement susceptible de mettre en cause des agents affectés dans un service de la police nationale peut désormais le faire directement savoir en ligne à l’Inspection générale de la police nationale. Ces mesures sont loin d’être vaines. Reste que la décision rendue hier nous rappelle qu’il est temps pour nous, législateurs, d’amender la loi. Vous le savez, Monsieur le ministre, je milite pour la délivrance de récépissé lors des contrôles d’identité. J’ai déposé, au nom du groupe écologiste, une PPL à cette fin il y a deux ans. Le défenseur des droits, dans son rapport sur la question, le préconise également. Nos syndicats de police s’y opposent, redoutant qu’une telle mesure bride leur liberté d’action. Les polices d’autres pays pourtant l’appliquent avec des résultats positifs. Pourquoi ne pas tenter une expérimentation dans des localités volontaires pour en tester l’efficacité ? À vrai dire, toute mesure concrète susceptible d’aider à limiter la multiplication des contrôles inutiles serait la bienvenue : port du matricule, minicaméra portable, formation de la police. Pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, quel calendrier vous envisagez pour la mise en place au moins de telles mesures même si le récépissé paraît à beaucoup – et notamment aux personnes contrôlées abusivement – comme le plus sûr moyen d’atteindre notre objectif ? Merci.
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Madame la sénatrice, la relation entre les forces de l’ordre et les citoyens, elle doit reposer, évidemment, sur de la confiance, sur de la considération, sur des respects. Moi, je veux rendre hommage, bien sûr, au travail des forces de l’ordre – policiers et gendarmes – qui accomplissent leur mission souvent dans des conditions difficiles et je constate d’ailleurs, contrairement à ce que l’on dit souvent, que nos concitoyens soutiennent de manière très importante, massive même, ces deux institutions. Pour autant, il faut retrouver aussi, au moins dans un certain nombre de territoires, de quartiers, les conditions de cette confiance. Nous n’avons pas fait le choix du récépissé. Vous avez raison, il y a des expérimentations à l’étranger. Mais nous avons considéré qu’elles n’étaient pas suffisamment efficaces et qu’elles pourraient aussi être considérées par les forces de l’ordre comme un élément de défiance. Mais nous avons décidé surtout d’engager des chantiers très importants, vous l’avez dit : la refonte du code de déontologie – cela n’avait pas été fait depuis 1986 – qui est désormais commun à la police et à la gendarmerie. Dans ce code de déontologie, il y a une grande partie qui est consacrée au contrôle d’identité et aux palpations. Sur les recommandations du défenseur des droits, le code est en train d’être examiné par le Conseil d’État et pourra être mis – je l’espère – très vite en œuvre. Un numéro d’identification – le matricule – sur les uniformes et les brassards des policiers et des gendarmes sera appliqué à partir de la fin de l’année. Les marchés d’habillement sont en cours. Et puis très important, nous avons procédé à une réforme très importante de l’Inspection générale de la police nationale en fondant l’IGPN avec l’Inspection générale des services de la préfecture de police de Paris, avec une plateforme Internet qui permet, depuis le début du mois de septembre, à tous les citoyens, avec un certain nombre de règles qui encadrent, bien sûr, cette procédure, de saisir la police des polices s’il y avait les problèmes que vous évoquez et qui existent bien évidemment. Voilà ! Pour le reste, c’est la loi. C’est la loi qui s’applique. S’il y a des discriminations, du racisme, des contrôles qui ne se font pas dans le cadre légal, l’IGPN, la loi sont là pour sanctionner ceux qui ne respecteraient pas les règles de la République. Moi, je pense que c’est le rôle du gouvernement, de la représentation parlementaire, bien sûr, c’est de faire confiance aux forces de l’ordre qui sont parmi les institutions les plus contrôlées, les plus surveillées de notre pays. Elles agissent encore une fois dans des conditions difficiles. Elles doivent construire en permanence cette relation de confiance avec la population et, dans le cadre des zones de sécurité prioritaires, avec mon collègue François LAMY, nous avons considéré que c’était une priorité la relation avec la population. Comme cela se fait souvent, les policiers et les gendarmes doivent aller devant la population. C’est comme ça que nous construirons cette relation de confiance et que nous apporterons aussi notre soutien aux forces de l’ordre.