Jeudi 23 mai 2013, Manuel Valls a répondu à André Reichardt sénateur du Bas-Rhin, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement au Sénat.
Merci, Monsieur le Président. Mesdames, Messieurs les Ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Manuel VALLS, ministre de l’Intérieur. Monsieur le Ministre, il y a quelques jours à peine, dans le cadre des "Questions crible sur le terrorisme", je vous interrogeais sur les mesures à prendre pour tenter de contrôler les flux Internet et les réseaux sociaux. A Strasbourg, nous venons d’être rattrapés par cette dangereuse réalité. Les lycées sont en effet l’objet d’une menace proférée depuis un cybercafé de la Cité ; le soir du 14 mai dernier, un internaute, anonyme bien entendu, a publié un long message intitulé "tout s’arrête bientôt" sur le forum d’un site Web dans lequel il annonce son intention ni plus ni moins que de commettre un massacre dans un établissement scolaire "à l’aide du semi-automatique de" son "oncle". Je cite. Si le dispositif de sécurisation des établissements scolaires concernés s’est heureusement mis en place rapidement – et je voudrais à cet égard en remercier notamment monsieur le Préfet de département, monsieur le procureur de la République et les forces de Police et de Gendarmerie concernées – il est clair que la menace ne doit pas être considérée comme évacuée, et que plusieurs questions se posent à cet égard. En premier lieu, même s’il ne faut surtout pas surenchérir dans de telles circonstances, il est indispensable de rassurer la population alsacienne et tout particulièrement les parents et les élèves des établissements scolaires concernés quant à une sortie prochaine de cette situation de crise. A ce jour, 2 pistes ont d’ores et déjà été exploitées par les enquêteurs, mais les personnes interpellées ont été mises hors de cause. Sans mettre en difficulté la nécessaire confidentialité de l’enquête, pouvez-vous nous donner, Monsieur le Ministre, quelques informations à cet égard ? Ensuite, plus de 500 policiers et gendarmes sont mobilisés au quotidien pour sécuriser les quelque 50 établissements de Strasbourg menacés. Je ne parle même pas du Bas-Rhin. Ce sont, bien entendu, autant d’effectifs qu’il manque sur d’autres champs, auxquels ces forces sont normalement affectées. Comment ces absences sont-elles compensées ? Enfin, les cybercafés, comme les cartes téléphoniques prépayées, constituent une zone de totale liberté, de non-droit qui permet dès lors tous les abus, dont celui-ci. N’y a-t-il pas lieu, Monsieur le Ministre, de renforcer les outils de veille électronique, notamment dans ces cybercafés, voire d’instaurer une obligation d’identification des usagers de ces lieux et outils ? Et pour être encore plus efficace dans le contrôle des flux Internet, ne faut-il pas doter nos services de Police judiciaire et de Renseignements des moyens humains supplémentaires particulièrement formés et aguerris pour contrôle (…) Des nouveaux moyens de communication. Tels sont, Monsieur le Ministre, les questions que m’inspire cet événement survenu dans mon département et auxquelles je vous remercie de bien vouloir répondre.
Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Monsieur le Sénateur Reichardt, nous reprenons en effet une discussion que nous avons eue et à l’occasion de la loi antiterroriste et encore, vous venez de l’évoquer, jeudi dernier, lors des « questions cribles » sur le terrorisme. D’une manière générale, nous devons être mobilisés parce que la menace est là, en France, en Europe et dans le monde, et les derniers événements de ces dernières heures en font la démonstration. Et après le président de la République et le Premier ministre, je veux assurer la solidarité du gouvernement à l’égard de nos amis britanniques qui ont subi cette attaque particulièrement terrible, horrifiante, qui pose beaucoup de questions sur la nature de la menace que nous connaissons et la nécessité d’une très grande mobilisation. Je veux à mon tour, Monsieur le Sénateur, saluer le travail, l’engagement des Forces de l’ordre dans l’affaire que vous évoquez. La menace postée sur un forum de jeux a été repéré rapidement, et un dispositif adapté de sécurisation des lycées a été mis en place immédiatement. Il sera maintenu le temps qu’il faudra. Ce sont 450 policiers et gendarmes qui assurent aujourd’hui la protection de ces établissements. L’enquête se poursuit et toutes les pistes sont exploitées. Là encore, l’engagement de la Police nationale est totale et la coordination, je crois, est de bonne qualité. Trois Services sont engagés, la Sûreté départementale chargée de l’investigation de proximité, la Police judiciaire bien sûr, et enfin l’Office central chargé de la lutte contre la délinquance liée aux nouvelles technologies. La détection de la menace et la lutte contre les rumeurs qui se répandent sur Internet passent enfin par un travail accru, avec des opérateurs et les réseaux sociaux. C’est par exemple ce que nous avons entrepris avec Twitter, suite à une recrudescence, ces derniers mois, de propos antisémites et homophobes. En matière de surveillance d’Internet, où nous avons eu ce débat, nous devons concilier les impératifs de sécurité et les grandes libertés constitutionnelles. C’est une tâche difficile, mais les Services ne manquent pas d’outils techniques ou de personnels spécialisés qui savent identifier les cyber-délinquants. Ca sera le cas évidemment pour la Direction centrale du Renseignement intérieur qui aura des moyens supplémentaires, notamment en matière de recrutement. Toutes les technologies doivent être exploitées. Dans le cas de Strasbourg, nous pouvons par exemple nous appuyer sur les images de la vidéosurveillance du cybercafé. En tout cas, Monsieur le Sénateur, les menaces de Strasbourg doivent être prises au sérieux. Leur auteur doit être identifié et qu’il s’agisse ou non d’un canular, il doit être sanctionné. C’est ce que nous faisons, nous appelons évidemment à cet objectif, sans céder à la panique, mais avec beaucoup de détermination.