Séance de questions d'actualité au Gouvernement au Sénat du 6 février 2014

Séance de questions d'actualité au Gouvernement au Sénat du 6 février 2014
Jeudi 6 février 2014, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a répondu aux questions des Sénateurs Philippe Esnol et Philippe Kaltenbach, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement au Sénat.

Jeudi 6 février 2014, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a répondu aux questions des Sénateurs Philippe Esnol et Philippe Kaltenbach, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement au Sénat.


Question de Philippe Esnol

Philippe Esnol, sénateur (RDSE) des Yvelines

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’Intérieur. Le 23 janvier dernier, dans un exercice de transparence auquel ne s’étaient pas livrés les gouvernements précédents, vous avez, Monsieur le Ministre, présenté les chiffres de la délinquance pour 2013. Nous avions pris l’habitude que la présentation annuelle de ces chiffres par vos derniers prédécesseurs fasse l’objet de manipulations si évidentes qu’elle en devenait ridicule. Nous saluons donc l’établissement de données réellement fondées sur les faits observés et enregistrés, établies en toute indépendance par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales et publiées en toute transparence, nous permettant ainsi d’avoir un débat rationnel sur le sujet. Cette méthode saine constitue déjà en elle-même un progrès notable. L’analyse de ces chiffres fait apparaître un premier bilan provisoire encourageant des politiques que vous avez initiées. Je pense aux 80 zones de sécurité prioritaires qui concentrent les moyens d’action dans les quartiers où l’insécurité est la plus grande et où ils sont par conséquent les plus nécessaires. Je pense aussi au plan anti-cambriolages lancé récemment et que vous nous aviez présenté lors d’un déplacement à Conflans-Saint-Honorine. Je pense encore à la réforme du renseignement qui modernise nos modalités de réponse aux menaces les plus radicales auxquelles est confronté notre pays. Parmi ces résultats positifs, je note par exemple la stabilisation des violences contre les personnes en particulier s’agissant des homicides à un niveau historiquement faible avec 682 faits commis même si c’est bien sûr toujours trop. Je note aussi que le travail obstiné des forces de l’ordre porte ses fruits. Pour ce qui concerne le démantèlement des trafics de stupéfiants avec plus de 900 trafiquants supplémentaires mis en cause ou encore pour ce qui concerne les violences urbaines qui, grâce aux ZSP, enregistrent un recul spectaculaire de plus de 29%. Le dispositif des ZSP démontre parfaitement, Monsieur le Ministre, que lorsqu’on fait le choix de donner la confiance et les moyens aux forces de l’ordre, plutôt que d’en réduire drastiquement le nombre comme l’avait fait le gouvernement précédent, celles-ci obtiennent des résultats probants. Bien entendu, si ces chiffres sont encourageants et témoignent davantage d’un renversement de tendance progressif que d’un coup d’arrêt à la hausse des problèmes de sécurité constats dans notre pays depuis des années. La lutte contre les bandes organisées dans le cadre de votre plan anti-cambriolages a déjà permis en fin d’année dernière le démantèlement d’une organisation criminelle géorgienne à l’origine de 2.000 cambriolages. Mais évidemment le redressement de la situation de la France en matière de cambriolages, de sécurité comme dans d’autres domaines ne pourra se faire qu’en appliquant ce sérieux et cette rigueur dans la durée. La question dès lors, Monsieur le Ministre, et à l’aune des évolutions constatées en 2013 : quelles sont les orientations prioritaires que vous souhaitez mettre en œuvre dans les mois qui viennent afin de poursuivre ce travail essentiel pour le bien-être de nos concitoyens de lutte contre la criminalité, de lutte contre la délinquance et de lutte contre l’insécurité ?

Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs. Monsieur le Sénateur Philippe Esnol, vous avez presque tout dit mais vous avez dit quelque chose de très important par ailleurs, les Français ont droit à la vérité et donc à la transparence pour ce qui concerne les chiffres de la sécurité. Et nous avons besoin d’un outil indépendant comme d’ailleurs des enquêtes de victimation qui donnent la réalité. Cette réalité, nous la connaissons, personne ne la nie, elle est faite de violences sur les personnes même si elles sont stabilisées. Elle est faite aussi d’une hausse spectaculaire des cambriolages depuis cinq ans puisqu’entre 2007 et 2012 ils ont augmenté de 18% et notamment de 44% pour ce qui concerne les résidences principales. Il ne s’agit pas de nier cette réalité, cette hausse s’est poursuivie en 2012 et en 2013. D’où le plan cambriolages contre les vols à main armée qui ont baissé notamment pour ce qui concerne les bijouteries et contre les cambriolages. Et en zone gendarmerie, là où ils font sans aucun doute les dégâts les plus considérables pas seulement mais chez nos concitoyens, ils sont depuis la mise en place de ce plan cambriolages grâce à l’action là en l’occurrence de la gendarmerie en baisse de 3%. Ca veut dire qu’il faut continuer et ça c’est la première grande priorité en lien avec la chancellerie puisque là aussi nous avons besoin de travailler ensemble comme nous le faisons dans tous les domaines. La deuxième grande priorité c’est de poursuivre le travail engagé dans les zones de sécurité prioritaire avec là également des résultats dans tous les domaines, lutte contre les incivilités, les violences urbaines, les cambriolages et la lutte contre les trafiquants et notamment le trafic de drogue, c’est l’élément essentiel. La troisième grande priorité c’est la lutte contre les avoirs criminels, il faut taper au portefeuille si vous me permettez cette expression parce que c’est là où nous serons efficaces avec l’engagement de la police judiciaire. Et le quatrième grand défi puisqu’il faut aller vite en terme de priorités dans les quelques secondes qui me restent c’est le défi de la cybercriminalité qui est sans aucun doute l’un des défis majeurs au niveau national, européen et international. Tout cela nécessite des moyens, nous les avons mis au service de la police et de la gendarmerie, une évolution de la technologie que nous offrons évidemment aux forces de l’ordre, une coopération de très grande qualité, nous le faisons dans les ZSP mais évidemment partout entre les procureurs et les préfets. Et puis dire la vérité aux Français, je termine par là, parce que je pense que sur ces questions, et vous l’avez fait, Monsieur le Sénateur, nous avons besoin de travailler ensemble et notamment avec les élus locaux, c’est ce que nous faisons dans toutes les villes et là les frontières droite/gauche s’effacent parce que la sécurité n’est ni de droite ni de gauche et elle permet de travailler sur l’essentiel, c’est-à-dire la demande de sécurité des Français.

Question de Philippe Kaltenbach

Philippe Kaltenbach, sénateur (PS) des Hauts-de-Seine

Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Intérieur. Elle vient en renfort de celle de notre collègue Philippe Esnol, puisqu'elle touche bien sûr à la sécurité, sécurité qui est un droit pour nos concitoyens et nous devons tout mettre en œuvre pour l'assurer. Elle est centrée sur un phénomène qui est inquiétant, l'augmentation depuis maintenant plusieurs années du nombre de cambriolages. Depuis 2008, on assiste en effet à une augmentation constante du nombre de cambriolages. Cela touche bien sûr les zones urbaines, mais pas seulement. Les zones rurales sont également concernées. Pour être précis, je crois qu'il faut également rappeler que les chiffres importants que nous avons atteint, près de 400.000 cambriolages en 2012, ont déjà été atteints par le passé au début des années 2000. Dans mon département, les Hauts-de-Seine, il y a eu, en 2012, 7.500 cambriolages contre 4.800 en 2008, et à l'échelle nationale, Monsieur le Ministre, vous l'avez rappelé, la hausse depuis cinq ans est de 18% et même de 44% si on prend les vols par effraction dans les résidences principales. Nous le savons, en 2013, ce phénomène a persisté avec une hausse encore soutenue. Il y a bien sûr à chaque fois un préjudice matériel, mais pas seulement. Le viol de l'intimité de son domicile crée chez les victimes un traumatisme important et inacceptable. De surcroît, ces cambriolages contribuent à la hausse du sentiment d'insécurité chez beaucoup de nos concitoyens. Il y a à peine trois mois lors d'une séance de questions cribles dans ce même hémicycle, je vous avais interrogé sur la réforme des statistiques de la délinquance qui ont malheureusement longtemps été manipulées par le précédent gouvernement à des fins de communication politique. Et d'ailleurs le rapport de l'inspecteur général Michel Rouzeau a bien sûr démontré cette manipulation. Je sais, Monsieur le Ministre, que vous vous êtes engagé à dire la vérité, à ne pas chercher des subterfuges pour manipuler les chiffres et je crois en effet que c'est ce que les Français attendent d'un gouvernement, qu'il dise la vérité, qu'il regarde la vérité en face, et qu'il prenne ensuite les mesures nécessaires et adaptées. Je sais aussi que depuis maintenant deux ans, vous êtes mobilisé, ainsi que le forces de sécurité pour lutter contre ces actes délictueux et ces cambriolages. Par exemple dans mon département, il y a quelques jours, le préfet et le procureur ont annoncé la création d'un groupe local de traitement de la délinquance pour concentrer l'effort sur les quatre communes les plus touchées. Alors ma question est simple, monsieur le ministre, pouvez-vous nous exposer les mesures prises par le gouvernement pour enrayer cette augmentation inquiétante des cambriolages et rassurer et nos concitoyens et leurs élus ? Je vous remercie.

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Monsieur le Sénateur Kaltenbach, vous avez raison de rappeler que l'ONDRP a démontré que les cambriolages étaient responsables d'un tiers de l'augmentation du sentiment d'insécurité entre 2007 et 2012. Et on le comprend aisément. Face à ce phénomène qui n'est pas qu'un phénomène français, qui est un phénomène européen mais qui touche tout particulièrement notre pays par ces caractéristiques géographiques, j'ai fixé aux policiers et aux gendarmes dont je veux saluer l'engagement, des objectifs pour cette année 2014, en partant de ce que nous avons fait aussi dans les zones de sécurité prioritaires, et en ayant une stratégie qui soit la pus efficace possible. Vous en avez rappelé d'ailleurs un certain nombre d'éléments qui se déclinent d'abord en fonction de la réalité départementale. C'est le cas bien sûr dans les Hauts-de-Seine. Quatre volets sont dans ce plan : une stratégie de police judiciaire ciblée sur les délinquants d'habitude et les filières, l'occupation renforcée de la voie publique, la protection des commerçants et la mobilisation de tous les acteurs concernés. Nous obtenons des résultats de différents ordres mais nous réussissons surtout à démanteler ces réseaux qui viennent de l'est de l'Europe, ou des Balkans. Je pourrais citer cette opération en Seine-et-Marne qui a permis d'arrêter une bande d'une quinzaine d'Albanais, 130 vols leur étaient imputés ; celle très spectaculaire de ce réseau très structuré, criminel, géorgien, qui était dans l'ouest de la France, à hauteur de 2.000 vols, 2.000 cambriolages. Et c'est ce type de mobilisation, en s'attaquant à ces filières, qui nous permettra progressivement d'obtenir des résultats et de contrarier cette tendance à la hausse. Elle a été inversée, je le disais tout à l'heure en répondant au sénateur Esnol, en zone gendarmerie à la fin de l'année, moins 1,2%. La hausse a été contenue en zone police, plus 2,6%. Cette dynamique est enclenchée. Elle nous invite, non pas à nous féliciter, mais à suivre le travail, parce que je suis convaincu, quand nous ferons baisser de manière significative les cambriolages, nous ferons baisser, même s'il y a d'autres phénomènes bien sûr, ce sentiment très fort d'insécurité notamment dans les territoires où on n'avait pas l'habitude de connaître ce type de phénomène mais aussi dans les zones urbaines. En tous cas, vous pouvez compter sur mon engagement. Et j'ai la conviction que ce travail est lié aussi à une coproduction entre l'ensemble des services de police mais aussi encore une fois avec des élus et avec les citoyens qui sont aussi mobilisés sur cette question tout à fait fondamentale.


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