Manuel Valls, ministre de l'intérieur, a répondu à une question de la sénatrice Kalliopi Ango Ela sur les conditions d'obtention de la nationalité française par naturalisation, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement du jeudi 11 octobre 2012 au Sénat.
Kalliopi Ango Ela, sénatrice représentant les Français établis hors de France
Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Ministre, mes chers collègues, ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'Intérieur. La presse s'est fait écho, il y a une semaine environ, du souhait du gouvernement de revenir sur les critères pénalisants introduits par le précédent ministre de l'Intérieur en matière de naturalisation. Je salue évidemment la détermination affichée de la nouvelle majorité d'affirmer une volonté forte d'intégration par l'accès à la nationalité française.
Les éléments relayés par la presse font notamment état de la suppression du QCM de connaissances générales. Cette épreuve, dans tous les sens du terme, est souvent perçue comme humiliante par nos concitoyens aspirant à la nationalité française. Cependant, rien n'est dit sur l'obligation faite depuis le 1er janvier 2012 par tous les candidats à la nationalité française de présenter un document certifiant leur niveau de langue. Cette mesure prise par l'ancienne majorité leur impose en effet de fournir un diplôme ou une attestation certifiant qu'ils ont acquis le niveau B1 oral en langue française. Cette dernière attestation est délivrée par un organisme labellisé FLI, Français langue d'intégration, ou un organisme agréé par le ministère de l'Intérieur. A l'étranger, elle s'obtient auprès des alliances françaises ou des instituts français. Au-delà du coût que représente cette démarche, elle pose également des problèmes particuliers concernant les conjoints de Français résidant à l'étranger, a fortiori dans les pays francophones. Il est ainsi aberrant d'être obligé de produire un document certifiant notre niveau de langue lorsque l'on est originaire d'un Etat qui compte le français parmi ses langues nationales. Je ne peux m'empêcher d'illustrer mes propos avec l'exemple du Cameroun où je résidais depuis 25 ans avant de rejoindre les rangs du Sénat au mois de juillet dernier. De la même manière, comment réagirions-nous si un postulant français à la nationalité belge, sujet d'actualité, se voyait imposer de fournir la preuve de son niveau de langue française. S'il est évident que maîtriser la langue d'un pays constitue indéniablement un vecteur d'intégration, cela ne doit pas se transformer en parcours d'obstacles onéreux et humiliant.
Dès lors, monsieur le Ministre, je souhaite savoir quel est le sort réservé aux certificats de niveau de langue. Par ailleurs, les améliorations prévues quant au droit à la nationalité concerneront-elles l'acquisition par déclaration relative au conjoint de Français ou seront-elles cantonnées aux demandes de naturalisation et réintégration ? Enfin, pourriez-vous également nous éclairer sur le calendrier envisagé ? Je vous en remercie.
Manuel VALLS, ministre de l'intérieur
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Madame la sénatrice.
Ces deux dernières années, l'accès à la nationalité française a été entravé et empêché et cette politique a produit les résultats que nous connaissons aujourd'hui et que rappelait l'autre jour le Premier ministre : une baisse du nombre de naturalisations de 40% entre 2011 et mai 2012. Ces obstacles, qui n'ont jamais fait l'objet d'un débat, ont touché notamment les étrangers installés régulièrement et depuis longtemps en France, parfaitement insérés dans la société qui ont fait le choix de devenir Français. Notre volonté est de changer cette donne, de refaire de l'accès à la nationalité un moteur de l'intégration. Pour cela, nous travaillons à propos d'une circulaire qui devrait être adressée aux préfets dans quelques jours pour revenir sur les critères les plus discriminants.
Retenons quatre idées. La première, c'est que la méthode du questionnaire à choix multiples relatif à la connaissance de l'histoire et de la culture et de la société française sera abandonnée. Deuxièmement, concernant les tests, j'estime évidemment que la connaissance du français est évidemment un facteur d'intégration tout à fait essentiel. Le niveau exigé sera maintenu mais aujourd'hui ce n'est pas ce niveau qui peut être discriminant mais la façon dont il est évalué et la prise en compte des conditions spécifiques de certaines personnes. Enfin, nous allons également cibler les critères à l'origine de la majeure partie des refus comme le critère de l'insertion professionnelle. Et j'évoquerai également dans cette circulaire, et c'est le quatrième point, le traitement réservé aux jeunes de moins de 25 ans ayant effectué tout ou partie de leur scolarité en France ainsi que le cas des médecins étrangers.
Bref, Madame la sénatrice, je souhaite mener un travail ambitieux en matière de naturalisation, il ne s'agit pas d'engager des polémiques, il ne s'agit pas d'ouvrir un débat absurde sur la nationalité. Je me rappelle des mots à l'Assemblée nationale de Pierre Mazeaud qui nous avait conseillé il y a deux ans de ne pas ouvrir ce débat qui est néfaste, mais de faire en sorte que ceux qui veulent être Français le soient dans de bonnes conditions et que nous soyons fiers parce que c'est le message de la France d'accueillir de nouveaux Français.