Allocution de Manuel Valls, ministre de l'Intérieur - lundi 02 septembre 2013.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le préfet de police,
Monsieur le directeur général de la police nationale,
Madame la directrice de l’inspection générale de la police nationale,
Messieurs les directeurs centraux,
Messieurs les directeurs des services actifs de la préfecture de police,
Mesdames, messieurs,
Être policier est un métier passionnant au service de la collectivité, au service de son pays. Mais c’est un métier qui a aussi sa part de difficultés. Je n’ignore rien des risques inhérents aux différentes missions. Je n’ignore rien, également, des tensions qui marquent certaines de leurs interventions, même les plus banales. Je n’ignore rien, enfin, de la violence verbale, physique, à laquelle ils sont parfois exposés, et de cette « haine du flic » qu’ils peuvent rencontrer dans certains quartiers.
S’en prendre à un policier, à un gendarme, contester son autorité, sont des actes très graves auxquels jamais je ne pourrai m’habituer. Mon ambition, celle du président de la République, est de rétablir pleinement l’autorité républicaine dans ce pays. L’autorité républicaine qui est garante de l’ordre républicain sans lequel notre projet de société ne serait pas viable. Et il n’y a pas d’ordre sans respect des forces de l’ordre.
Face aux risques qu’ils affrontent quotidiennement, les policiers doivent être protégés. Aussi, dès ma prise de fonction, ai-je souhaité améliorer le régime de protection administrative des fonctionnaires de police. Ce chantier est scrupuleusement mis en œuvre, pas à pas.
J’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises, mais je veux le répéter, ici, devant vous, car je crois que l’essentiel est là : pour être pleinement respectées, les forces de l’ordre doivent être respectueuses. Respectueuses de nos concitoyens, respectueuses des lois et règlements, respectueuses de la déontologie.
Être dépositaire de l’autorité publique n’est pas une responsabilité anodine. C’est être détenteur, aux yeux de la population, de la force régalienne et républicaine. La population attend beaucoup de ses policiers et de ses gendarmes ; elle attend notamment que leur comportement soit exemplaire en toute circonstance. Et l’exemplarité est un gage de légitimité mais aussi d’efficacité. Je veux, tout comme vous, une police moderne, innovante, efficace, en phase avec la société qu’elle a la charge de protéger.
C’est pourquoi j’ai voulu réaffirmer l’importance, au cœur de l’action du policier, de la relation police – population et de la déontologie. J’en ai fait un élément structurant de mes instructions aux forces de sécurité, policiers comme gendarmes, et de mes déplacements sur le terrain.
Le code de déontologie, créé par Pierre JOXE, il y a près de trente ans, a été rénové et enrichi. Il comprendra désormais tout un chapitre consacré aux relations entre la police et la population. Son application sera étendue à la gendarmerie. Après avoir donné lieu à des concertations et discussions approfondies avec la parité syndicale, comme avec nos partenaires extérieurs, il est désormais soumis à l’avis du Conseil d’État. L’objectif est une publication fin septembre ou début octobre.
Pour la première fois, il contiendra des principes juridiques encadrant la palpation de sécurité pratiquée au cours des contrôles d’identité. Si elle reste à mes yeux justifiée dans de nombreux cas pour garantir la sécurité des policiers comme des tiers, elle ne doit pas être systématique. Autant que possible, en raison de la configuration des lieux ou des évènements, elle doit être pratiquée à l’écart du regard d’autrui. Mal conduite ou injustifiée, elle peut entraîner des sentiments inutiles de vexation ou d’humiliation.
Plus généralement, les contrôles d’identité demeurent une action de police judiciaire indispensable, mais qui ne peut être banalisée. Ils sont utiles en cas de suspicion de délit flagrant, ou pour lutter contre certains phénomènes de délinquance. Mais ils ne doivent pas être systématisés ou conduits lorsqu’ils ne sont pas nécessaires, au risque d’alimenter d’inutiles ressentiments.
Et si je le dis devant les agents de l’IGPN et les directeurs de services actifs, c’est qu’il vous revient à tous de veiller à ces équilibres, à la promotion du discernement et à l’animation d’une politique de formation, d’encadrement et de contrôle qui confortent en permanence les bonnes pratiques.
D’autre part, comme vous le savez, le numéro d’identification sera apposé sur l’uniforme des policiers et des gendarmes avant la fin de l’année : les marchés d’habillement ont été passés. Je crois beaucoup à cette mesure qui permettra aux forces de l’ordre d’aborder les citoyens dans le cadre d’une relation plus apaisée car plus personnalisée.
Enfin, les retours disponibles sur les caméras piétons expérimentées dans les ZSP sont positifs et contribuent, par l’objectivation des comportements, à la modération des tensions, dans l’intérêt des policiers eux-mêmes. Je souhaite que l’IGPN conduise une évaluation approfondie de cette mesure au cours des prochain mois, afin de déterminer si son extension progressive est souhaitable, et à quel rythme.
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Si j’ai voulu vous réunir aujourd’hui, c’est parce que nous franchissons une nouvelle étape. Une étape importante : la création d’une nouvelle inspection générale de la police nationale. Cette réforme, je l’ai voulue personnellement.
Je parle bien de création et de nouveauté. En effet, l’inspection générale qui nait aujourd’hui n’est pas la juxtaposition des anciennes IGPN et IGS. Elle n’est pas issue d’une simple mesure de réorganisation structurelle. Elle est bien plus que cela.
La mission de contrôle interne de l’inspection – contrôle de l’intégrité des policiers, du respect de la loi et de la déontologie, mais aussi contrôle des procédures, des organisations, des méthodes – est une mission fondamentale. Elle garantit un socle de valeurs mais aussi le bon fonctionnement, l’efficacité de la police nationale.
Pour dire les choses autrement, l’inspection a une vocation d’exemplarité pour toute l’institution.
Vous tous qui êtes amenés à accompagner, à évaluer, à enquêter dans votre propre administration, avez le devoir - encore plus que vos collègues – de défendre la haute conception que nous devons avoir de la police nationale.
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La nouvelle IGPN est emblématique de ce que doit être la police aujourd’hui : efficace, transparente et ouverte, et proche de la population.
L’efficacité, tout d’abord. C’est une nécessité que la réforme de l’inspection a parfaitement intégrée.
Dans un rapport d’audit de 2010, la Cour des comptes a dressé le constat d'une absence de coordination entre l’IGPN, l’IGS et les services de contrôle internes aux directions. Elle y a vu une source d’inégalité dans le traitement des plaintes et un manque de lisibilité de la fonction disciplinaire.
Aujourd’hui morcelé, à géométrie variable entre l’agglomération parisienne et la province, le contrôle interne doit reposer sur des procédures uniformisées pour l’ensemble du territoire. C’est la condition de son objectivité, de sa légitimité.
Il était donc nécessaire que l’inspection ne soit plus qu’une. L’IGS a par conséquent été intégrée à l’IGPN. Désormais, sur tout le territoire et pour toute la police nationale, une entité unique pilote l’activité d’enquête, d’audit et de contrôle interne de l’institution. Elle se place au service du préfet de police comme du directeur général de la police nationale.
Je veux que les choses soient claires : ceci n’entraînera ni l’affaiblissement du contrôle en région parisienne, ni la fragilisation de la préfecture de police, dont les spécificités doivent être prises en compte.
Bien entendu, cette structure unifiée n’a pas vocation à traiter tous les dossiers mettant en cause des policiers, ou à contrôler tous les services. Les directions d'emploi, dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir hiérarchique, doivent construire ou pérenniser un contrôle interne de premier niveau.
Pour autant, l’inspection se voit confier une mission de pilotage du contrôle interne pour l’ensemble de l’institution. Ceci lui permettra de bénéficier d’une vision globale du fonctionnement des services et du comportement déontologique et professionnel des policiers.
Dans le cadre de cette mission de pilotage, elle harmonisera les pratiques d’inspection et les procédures d’enquête. C’est la garantie d’une véritable équité dans le traitement des manquements relevés à l’encontre des policiers, et d’une réelle objectivité dans la conduite du contrôle interne.
Afin d’asseoir cette logique, le maillage territorial de l’IGPN devait être renforcé : l’inspection devient forte de sept implantations géographiques. Aux trois délégations interrégionales déjà existantes, à Marseille, Lyon et Bordeaux, viennent s'ajouter celles de Lille, de Rennes, et, en 2014, de Metz. La délégation parisienne englobe le ressort de compétence de l’ancienne IGS et les départements de grande couronne.
Évolution de l’organisation, mais aussi évolution des missions. L’IGPN se doit, en effet, d’être plus encore aux côtés des services pour leur permettre d’être plus performants. Cette attribution est donc consolidée.
Ainsi, les fonctions d'inspection et d'audit, qui sont unifiées, feront l’objet d’un pilotage rigoureux. Une cartographie des risques « métier » unique pour l’ensemble de la police pourra être élaborée grâce à l’harmonisation des pratiques.
Autre exemple, avec la création d’une mission nouvelle : le conseil. La capacité d’expertise de l’IGPN pourra être sollicitée dans le cadre de missions ponctuelles de soutien et de conseil aux services.
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Deuxième aspect important de la réforme : la transparence et l’ouverture.
Comme vous le savez, je suis très attaché au principe de transparence. Il doit guider l’action de la police nationale en toute circonstance. C’est une question de légitimité, et c’est aussi un impératif démocratique.
C’est pour cela que j’ai voulu une refonte ambitieuse des statistiques de la délinquance et le renforcement de l’indépendance de l’ONDRP. Pour que nos concitoyens connaissent la réalité des chiffres. C’est un prérequis indispensable pour établir une relation de confiance.
La police nationale fait déjà l’objet de nombreux contrôles externes : de la justice, des parlementaires, du Défenseur des droits, du contrôleur général des lieux de privation de liberté, des instances internationales, … difficile donc de parler d’opacité…
Malgré cela, on reproche souvent à la police nationale de se satisfaire d’une forme d’endogamie, le contrôle des policiers étant assuré par des policiers. C’est oublier que la déontologie repose d'abord sur un contrôle par les pairs, car le jugement le plus éclairé est sans doute émis par celui qui pose la question fondamentale : « est-il digne de faire partie des nôtres ? ».
La transparence et l’ouverture correspondent à des attentes fortes de la part de nos concitoyens. L’IGPN n’a rien à cacher. La police nationale n’a rien à cacher. La réforme a donc prévu la création, au sein même de l’IGPN, d’un comité d’orientation du contrôle interne composé pour moitié d’acteurs externes à la police : le défenseur des droits, un magistrat, un professeur des universités, un élu, un avocat, un journaliste, un dirigeant associatif.
Informé de l’ensemble de l’activité de l’inspection, ce comité pourra se saisir des sujets portant sur les pratiques policières, le bon fonctionnement des services, le rapport police-population, et de toute thématique qu'il estimera liée au contrôle de la police nationale. Il pourra, par ailleurs, formuler auprès de la direction générale de la police nationale les analyses et autres propositions qu'il estimera nécessaire au renforcement des bonnes pratiques professionnelles et à la promotion des valeurs déontologiques.
Je souhaite que l’on prenne bien la mesure de cette évolution tout à fait novatrice. C’est un acte d’ouverture sans précédent dans la police nationale.
Il ne doit pas être compris comme une marque de défiance vis-à-vis de la police. Il s’agit, au contraire, de renforcer l’expertise des femmes et des hommes de l’inspection générale, pour le bénéfice de l’ensemble de l’institution. Cette volonté de consolider les compétences, de professionnaliser, a également prévalu pour ce qui concerne l’audit, les études et le conseil. L’évaluation du fonctionnement et de la performance des services seront renforcées grâce à l’ouverture à des experts non policiers.
Un consultant viendra renforcer les missions d’inspection et d’audit, un autre les missions de conseil. Un sociologue et un chercheur seront recrutés au sein du cabinet des études et de la méthodologie. Enfin, le coordonnateur des enquêtes aura à ses côtés un magistrat administratif qui l’assistera pour ce qui relève des enquêtes administratives.
Ainsi, le contrôle interne ne fonctionnera plus en vase clos. En faisant le choix de la transparence et de l’ouverture, l’IGPN acquiert une dimension pluridisciplinaire, source de richesse pour elle-même, mais aussi pour toute la police nationale.
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Je l’évoquais précédemment : la restauration du lien police – population doit être pour nous tous une priorité. La restauration de ce lien constitue donc le troisième axe fort de la réforme.
Confiance et possibilité de contrôle sont intimement liées. Pour avoir pleinement confiance dans leur police, les citoyens doivent avoir la possibilité de saisir les services qui sont chargés de la contrôler ; ils doivent avoir la possibilité de signaler les manquements à la déontologie policière dont ils auraient été témoins ou victimes.
Cette possibilité de saisir directement la « police des polices » n’était valable qu’auprès de l’IGS. Elle sera désormais étendue à l’ensemble de l’inspection, à toute personne, quel que soit son lieu de résidence. Il s’agit là de garantir une égalité de service à tous les citoyens sur l’ensemble du territoire national. C’est aussi la garantie d’un traitement réactif des signalements des usagers. A l’instar de la pratique parisienne, les délégations territoriales de l’IGPN pourront désormais accueillir physiquement les usagers qui le souhaitent.
Par ailleurs, dans la continuité de la généralisation de la pré-plainte en ligne, l'IGPN est désormais dotée d'une plateforme internet d'accueil et de signalement accessible via le site du ministère de l’Intérieur.
Cette plateforme constitue une véritable avancée en matière de relation avec la population. Elle est la marque d’un service public moderne, inventif. Les signalements seront traités par une cellule d'enquête. Elle pourra soit transmettre les éléments reçus aux services de police concernés en leur demandant des explications, soit, dans les cas les plus graves, prendre rendez-vous avec les usagers concernés pour un dépôt de plainte. Un suivi individuel est également mis en place, afin que les déclarants connaissent systématiquement les suites données à leurs signalements.
Ce nouvel outil ne doit pas inquiéter. Il n'est ni un vecteur de délation, ni un défouloir. Les signalements anonymes ne seront pas pris en compte, et les déclarations délibérément malveillantes seront portées à la connaissance de l'autorité judiciaire.
En outre, le fonctionnement de la plate-forme et ses résultats feront, en toute transparence, l'objet de bilans réguliers partagés avec les organisations syndicales de la police nationale.
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Mesdames, messieurs,
Une institution qui admet qu'elle peut connaître des dysfonctionnements, qui cherche à les identifier et à y remédier, est une institution qui ne peut qu’en sortir grandie.
En souscrivant à une exigence d’exemplarité, de respect de la déontologie, la police nationale, se renforce ; elle se grandit. Elle assoit aussi sa légitimité et son efficacité.
Dans cette perspective, la mission de contrôle interne doit être irréprochable. Efficace, ouverte et transparente, proche de nos concitoyens, la nouvelle inspection générale dispose de tous les atouts pour cela.
Je tiens à remercier la directrice de l’IGPN, Marie-France Monéger, première femme à occuper ce poste prestigieux, policière de haut rang à la grande réputation d’intégrité, très respectée dans les rangs de la police nationale. Vous avez porté, madame la directrice, une ambition forte pour votre service comme pour l’ensemble de l’institution, et je vous en suis particulièrement reconnaissant.
J’adresse également mes remerciements aux deux directeurs adjoints, les inspecteurs généraux Jérôme Léonnet et Philippe Caron, dont le grand professionnalisme, que chacun s’accorde à reconnaitre, aura été décisif dans la conception et la mise en œuvre de la réforme.
J’adresse enfin à chacun des 236 agents de l’IGPN ma plus sincère gratitude. Je sais qu’il n’est pas facile de voir son environnement de travail évoluer. Je mesure, en particulier, l'attachement des personnels de l’IGS à la préfecture de police. Chacun a pu voir qu'une place lui est réservée dans la nouvelle structure, avec le souci de promouvoir la mission d’inspection et de contrôle dans son ensemble.
Il vous appartient, maintenant, de faire vivre cette réforme. Une tâche passionnante vous attend. Soyez en être fier. Tout comme vous pouvez être fier d’appartenir à une maison prestigieuse, dont les missions sont essentielles pour la police nationale.
Je ne doute pas qu’au-delà des spécialités de chacun et de la diversité des services d’origine, l’IGPN saura faire adhérer l’ensemble de ses personnels à une culture commune, fondée sur des valeurs partagées. Le nouveau logo que je m’apprête à dévoiler en sera d’ailleurs le premier symbole.
Encore une fois, merci à vous toutes et à vous tous pour le travail accompli, pour votre professionnalisme, et pour votre enthousiasme qui donnera à cette réforme toute son ampleur.