Projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

18 septembre 2013

Allocution de Manuel Valls, ministre de l'Intérieur - mercredi 18 septembre 2013 - Sénat.


Seul le prononcé fait foi

Monsieur le président,

Monsieur le président de la commission des lois,

Monsieur le rapporteur,

Mesdames et messieurs les sénateurs,

Souvent, trop souvent, des voix se font entendre pour critiquer, mettre en cause, caricaturer les élus. Ils seraient « trop nombreux », « coûteraient trop cher ». « Ils n'agiraient pas assez », seraient « incapables d'entendre », de « comprendre les attentes des citoyens ». De les entendre et d'y répondre. Ce faux procès, ce procès injustifié que l'on fait aux élus de la République, je ne l'accepte pas. Et jamais, nous ne devons nous y résoudre. Ce qui implique nécessairement d'agir. Ensemble.

La démocratie n'existe pas sans ses élus. Elle n'existe pas sans ses parlementaires, sans ses élus locaux.

La démocratie, c'est ce lien de confiance, ce contrat qui unit, qui doit unir, à tous les niveaux, les citoyens à ceux et à celles qui ont la charge de les représenter et de veiller au destin de la collectivité.

La démocratie, c'est l'expression de la volonté du peuple.

Et les élus sont les porteurs de la volonté du peuple. Cette volonté dont parlait MIRABEAU et à laquelle on ne peut rien opposer de plus grand, de plus fort, de plus juste.

Notre démocratie, cette magnifique redécouverte de l'Antiquité par la modernité, s'est construite pas à pas. Elle a su s'imposer. Mais elle a su, aussi, évoluer, s'adapter.

J'ai l'honneur d'être devant vous, aujourd'hui, après son examen et son adoption par l'Assemblée nationale, pour vous présenter un projet de loi qui fera date. Oui, il fera date ! En mettant un terme aux possibilités de cumul entre les fonctions exécutives locales et le mandat de député ou de sénateur, il viendra profondément renouveler le fonctionnement de nos institutions et de nos pratiques politiques.

Ce projet de loi, est une véritable avancée démocratique. Et c'est le mérite - autant que le devoir - de la démocratie de toujours veiller à avancer, à améliorer son fonctionnement, à approfondir le lien qui existe entre les élus et les citoyens.

*

Un projet de loi qui renforce les élus

Ce lien peut prendre plusieurs formes. Il existe notamment dans les territoires, au travers des collectivités locales. Les élus locaux - et vous êtes nombreux à l'être ici -, j'ai l'occasion, dans mes fonctions, de les rencontrer très régulièrement sur le terrain. Je sais combien, quelle que soit leur sensibilité, ils sont dévoués, donnent de leur temps et de leur énergie au service de l'intérêt général.

Je les rencontre notamment dans des situations où il faut faire face aux difficultés, à l'adversité. Ce fut le cas, par exemple, en juin dernier, en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées, à la suite des inondations qui ont frappé ces deux départements. Dans les campagnes, dans les villages, dans les bourgs, alors que les équipes de secours étaient mobilisées, les élus locaux étaient là, au côté des populations, pour aider, parer au plus pressé.

Etre élu local, de sa commune, de son canton, de sa région, c'est être à l'écoute de la collectivité qui vous a accordé sa confiance. C'est gérer le quotidien tout en préparant l'avenir. Moi-même élu local depuis 25 ans, je sais le degré d'exigence que revêtent de telles missions.

Gérer le quotidien, c'est s'occuper des cantines scolaires, veiller à la tranquillité publique, répartir les créneaux sportifs ou encore résoudre des problèmes de voirie ou d'assainissement. Préparer l'avenir, c'est se mobiliser pour le développement économique, travailler à l'attractivité d'un territoire, le doter des équipements publics, scolaires, sanitaires, et des infrastructures adaptés. Et je veux rendre un hommage tout particulier aux maires des petites communes qui ont souvent sur leurs épaules le poids de lourdes responsabilités. Des responsabilités qu'ils assument la plupart du temps à titre bénévole ou presque, et en plus de leur activité professionnelle.

Je ne supporte pas cette démagogie qui vise nos élus locaux. De même, je n'admets pas les attaques qui visent le Parlement.

Faire la loi, contrôler l'action du gouvernement, évaluer les politiques publiques sont des missions essentielles pour notre démocratie ; notre démocratie qui s'appuie sur cet équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le travail parlementaire - que l'on appartienne à la majorité ou à l'opposition - implique investissement, rigueur, connaissance approfondie des enjeux.

Le Parlement, ce n'est pas que le lieu d'interpellation du pouvoir exécutif. C'est un lieu de réflexion, de discussion, de prise en compte des points de vue. De tous les points de vue. C'est le lieu de la construction patiente de nos lois. Des lois qui doivent tout prévoir, tout envisager. C'est le lieu de l'édification, de la concrétisation de la volonté générale.

La démocratie a besoin de ses élus, de tous ses élus. En dépit de la défiance, les Français le savent bien : ils ont besoin de leurs élus.

Et la démocratie, c'est la confiance : confiance dans les institutions ; confiance dans des élus présents, dévoués et qui respectent leurs engagements. Or, comment ignorer, fermer les yeux, sur cette crise de confiance qui touche nos concitoyens. Ils doutent de la capacité de la politique à avoir une emprise sur le destin. Ils doutent de la capacité de leurs élus à agir.

Cette crise de confiance, il nous appartient à tous d'y répondre. D'y répondre, en réformant nos institutions. C'est que nous faisons avec ce projet de loi, véritable révolution démocratique.

*

Un projet de loi qui renforce notre démocratie

J'en ai bien conscience : toute avancée, si elle est trop brusque, peut être déroutante. Mais cette avancée démocratique n'est en rien brutale. Ce n'est pas une surprise. Elle est la traduction du 48e engagement de campagne, d'un engagement fort, du président de la République. Elle a l'assentiment de nos concitoyens qui attendent cette réforme. Le Président de la République sortant s'était lui-même engagé dans cette voie. Nos concitoyens attendent des actes conformes à ce que Pierre MENDÈS-FRANCE appelait le « contrat de législature », gage d'une République moderne. Oui, c'est vers une République moderne que nous voulons aller. Une République qui décide d'en finir avec une spécificité française - le cumul - qui, avec le temps, est devenue une singularité.

Vous ne manquerez pas de rappeler que, comme d'autres, j'ai cumulé. Vous irez exhumer des textes, des citations, des propos tenus, des articles ... Rien n'enlèvera à la fierté que j'ai de porter aujourd'hui ce texte, de concrétiser l'engagement pris par François HOLLANDE devant les Français. Cet engagement, il est le fruit d'une réflexion à laquelle j'ai contribué modestement. En effet, j'avais été chargé par ma formation politique, en février 2011, d'un rapport sur la modernisation de nos institutions. J'ai fait 10 propositions ; et la première de ces propositions, c'était l'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire et d'un mandat au sein d'un exécutif local. Et cette proposition a été adoptée par les militants de ma formation politique.

Dans vos argumentaires, vous citerez sans doute le président de la République, peut-être le Premier ministre. Vous ne manquerez pas d'évoquer le cas de l'ancien président du Conseil général de la Corrèze et ses positions passées. Ce que François HOLLANDE souhaitait, à l'époque du débat au sein de sa formation politique, c'était que cette disposition du non cumul s'applique à tous, par la loi, et pas à un seul parti... C'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Cette avancée s'inscrit, par ailleurs, de manière cohérente, dans un mouvement d'ensemble mis en œuvre par le gouvernement, avec le soutien de la majorité. Il s'est traduit, ces derniers mois, par l'instauration de la parité pour l'élection des conseillers départementaux ; par l'extension du scrutin de liste pour les communes de plus de 1000 habitants ; par l'élection directe des conseillers intercommunaux ; par l'extension, enfin, du scrutin proportionnelle aux élections sénatoriales.

Etre fidèle à la République, à ses traditions, ce n'est pas regarder vers un passé fantasmé ; ce n'est pas s'arc-bouter sur des pratiques obsolètes. Encore qu'on cumulait moins sous la Troisième et la Quatrième Républiques... Non, être fidèle à la République, c'est regarder vers l'avenir, c'est sans cesse en adapter les institutions à la modernité. Il s'est même trouvé une majorité qualifiée en 2008, avec des députés de gauche, pour adopter en congrès la réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy.

C'est la tâche à laquelle, dans tous les domaines, je m'attelle depuis mon arrivée au ministère de l'Intérieur. Depuis plusieurs mois, nos institutions se sont réformées. Nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape.

J'ajoute que l'interdiction du cumul a été préparée par deux lois antérieures : les lois organiques du 30 décembre 1985 et du 5 avril 2000, portées par des majorités de gauche, qui ont limité les possibilités de cumul. De la limitation, nous devons passer à l'interdiction.

Cette avancée démocratique est aussi le prolongement logique de trente ans de lois de décentralisation qui ont affirmé et la place et le rôle des collectivités territoriales dans notre paysage institutionnel. Trente ans de lois de décentralisation, auxquelles différentes majorité ont contribué, et qui ont fait qu'être membre d'un exécutif local, c'est assumer des responsabilités de plus en plus complexes, de plus en plus prenantes.

Etre maire, être président, vice-président d'une assemblée départementale ou régionale c'est nécessairement se trouver, de manière continue, au contact de la collectivité dont on a la charge. Ce sont des missions qui mobilisent à plein temps.

De même, et plus encore depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le mandat national de député et de sénateur - et vous le savez très bien ! - est devenu plus exigeant encore.

Nous devons prendre acte de cette réalité, elle s'impose à nous : être parlementaire, être membre d'un exécutif local, ce sont des fonctions qui ne sont plus superposables. Le faire, c'est au mieux déléguer, le plus souvent à l'administration, au pire survoler ! Et l'on ne peut se satisfaire de cela. Les citoyens, de toute sensibilité politique, nous l'ont dit clairement.

Cette avancée, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est une avancée pour notre démocratie, pour notre Ve République.

Le mouvement a été amorcé par l'Assemblée nationale qui, en première lecture, a nettement adopté ce texte par 300 voix. Ce mouvement est inéluctable.

L'Assemblé nationale a d'ailleurs enrichi ce texte ; elle l'a parfois durci. Je pense à l'extension du principe de non cumul aux fonctions dérivées du mandat local, qu'il s'agisse des EPCI sans fiscalité propre, des syndicats mixtes, des établissements publics locaux, des sociétés d'économie mixte locales, des sociétés publiques locales ou encore des organes de gestion de la fonction publique territoriale.

*

Une occasion pour le Sénat

Avec le débat que nous ouvrons aujourd'hui, le Sénat a ainsi l'occasion de prendre toute sa part dans ce mouvement.

Le Sénat a l'occasion de poursuivre son œuvre décentralisatrice en dotant notre pays d'élus locaux à plein temps ; l'occasion aussi, d'affirmer à nouveau la place de la chambre haute dans les institutions de notre République.

Saisir cette occasion c'est faire preuve de courage ; c'est, j'en ai bien conscience, dépasser des réticences. C'est, aussi, éviter un certain nombre de pièges ; renoncer à certaines illusions.

La première de ces illusions serait de croire que nous pouvons encore repousser ce débat. Je l'ai dit, cette réforme est attendue par nos concitoyens. Pour beaucoup, nous n'avons que trop tardé. Je sais que certains parmi vous souhaiteraient que nous attendions encore. Cela n'est plus possible.

Ce texte, vous le connaissez ; vous avez pu y travailler. Il a été présenté en Conseil des ministres le 3 avril dernier ; il a été examiné par l'Assemblée nationale début juillet. Surtout, vous connaissez ce texte car le Sénat a déjà eu l'occasion de se prononcer sur son contenu - en tout cas sur une version proche.

En effet, le 28 octobre 2010, le Sénat décidait - déjà - de renvoyer en commission la proposition de loi organique de Jean-Pierre BEL, qui n'était alors pas président de votre assemblée. Comme le texte d'aujourd'hui, celui d'hier visait à interdire le cumul du mandat parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale. Comme aujourd'hui, certains estimaient déjà que le plus urgent était d'attendre ; au nom d'une prochaine étape de la décentralisation ; au nom d'un futur statut de l'élu, voire d'une réforme constitutionnelle... Et bien moi, je crois que cette réforme est justement une clé pour faire évoluer à terme nos institutions.

Vous me direz, comme certains l'ont dit hier, qu'il faut que tout change. Mais ce serait - la formule est connue - pour que rien ne change !

En 2010, dans sa motion de renvoi en commission, le doyen GELARD estimait que le Sénat, je le cite, devait « approfondir sa réflexion », sur un texte qu'il jugeait « intéressant ». Je crains que nous n'entendions les mêmes propos tout à l'heure. Et pourtant, le Sénat a approfondi sa réflexion. Il a eu le temps pour cela.

Comme toujours, vos travaux ont été placés sous le signe du sérieux, de l'approfondissement. Je pense notamment au rapport de vos collègues François-Noël BUFFET et Georges LABAZEE. Le titre qu'ils ont souhaité donner à leur travail résume d'ailleurs bien les enjeux dont nous aurons à parler au cours de nos débats : oui, les mandats locaux seront bien valorisés par le non cumul.

Lors de l'élaboration de ce projet de loi, nous avons débattu de la date de son application. Vous n'ignorez pas que des voix se sont exprimées pour une application dès la promulgation. J'ai personnellement souhaité, pour des raisons politiques et juridiques, que cette mise en œuvre n'intervienne qu'à compter de 2017, après le renouvellement de l'Assemblée nationale.

Des raisons juridiques d'abord : nous ne faisons que suivre la recommandation pertinente du Conseil d'Etat. La formule qui vous est proposée garantit l'exercice du droit de suffrage, assure la continuité du fonctionnement des assemblées et évite tout risque de rétroactivité. Une raison politique ensuite : il était essentiel de laisser à chacun le temps de réfléchir, de prévoir, de s'organiser.

Deuxième illusion dangereuse : l'idée d'un traitement différencié du Sénat. J'ai pris connaissance avec attention des amendements déposés, sur une majorité de bancs. Je sais que nous allons avoir ce débat ; que certains voudront exclure les sénateurs des règles de non cumul ; que d'autres, sur des bancs différents, proposeront divers seuils de population.

Je dois vous le dire d'emblée, le gouvernement non seulement s'opposera à ces amendements, mais il est totalement déterminé à préserver l'équilibre de ce texte jusqu'au bout. Je parlais d'illusion. Il est en effet illusoire de croire que le Sénat puisse s'exonérer d'un mouvement de fond ; qu'il puisse, seul, continuer de vivre sur des règles du passé. Cela ne serait pas compris de nos concitoyens ; cela serait également néfaste pour le Sénat lui-même. Je vous le dis sincèrement.

Nous le répèterons sans doute souvent dans nos débats : le Sénat représente les collectivités locales de la République. C'est la lettre de l'article 24 de notre constitution. C'est aussi l'un des fondements de notre République ; et j'y serai fidèle. Mais, et vous le savez parfaitement, représenter les collectivités territoriales, ce n'est pas nécessairement en diriger une. En droit, le Conseil constitutionnel a, me semble- t-il, déjà tranché cette question. Sa jurisprudence sur ce point est claire : la représentation des collectivités s'exerce par le collège électoral des sénateurs, composé « essentiellement » d'élus locaux ; pas par l'exercice d'un mandat ou d'une fonction.

Surtout, nous devons penser à la place du Sénat dans nos institutions. Le Sénat français, et je pense que vous êtes attachés à ce principe, n'est pas le Bundesrat allemand. Il n'est pas la seconde chambre d'un régime fédéral ; il est la chambre haute d'une République décentralisée. La différence est de taille : c'est sur cette idée que se fonde la conception républicaine du Sénat. C'est sur cette idée que le Sénat a pu, progressivement, exercer des prérogatives parlementaires proches de celles de l'Assemblée nationale. Différencier, pour la première fois dans l'histoire de la République, le régime des incompatibilités applicables aux députés et sénateurs, faire du seul Sénat une chambre d'élus locaux, ce serait battre en brèche ce principe. Ce serait remettre en cause le bicamérisme équilibré à la française. A terme, ce serait sans doute renoncer à la plénitude de la compétence législative du Sénat. Pour mémoire, je vous rappelle que le Bundesrat n'examine qu'environ un tiers des textes fédéraux. Je ne pense pas que cela soit votre ambition pour le Sénat ...

Troisième illusion : adopter le non cumul reviendrait à préparer la voie à des élus coupés des réalités, à ceux que certains se plaisent à appeler des « apparatchiks ».
Je n'aime pas ces mots ; ils dévalorisent la fonction d'élu et le choix des citoyens ou des élus qui élisent les sénateurs. Et puis, les apparatchiks, qu'est-ce que c'est ? Qu'on me le dise ! Est-ce un statut ? Existe-t-il une définition ? Quelle est la prochaine cible ? Les énarques, les fonctionnaires en général, les membres de cabinet, les « héritiers » ? Ce catalogue, c'est celui des populistes, celui que brandissent sans cesse les ennemis de la démocratie parlementaire, comme ils l'ont toujours fait. Ici, dans ce pays, on est libre se présenter, libre aussi d'élire qui on veut.

Là encore, la crainte doit être dissipée. Je ne crois pas que le sénateur - ou le député - de demain, celui qui n'exercera pas de fonction exécutive locale sera « hors sol », dépourvu de contacts avec ses concitoyens. La proximité est nécessaire aux élus, elle est le fondement de leur légitimité. Elle le restera ! A l'Assemblée comme au Sénat, par le mode d'élection. Et puis, 40% des sénateurs d'aujourd'hui ne seraient pas concernés par l'application de ce texte soit qu'ils n'exercent pas de mandat local, soit qu'ils sont conseiller municipal, départemental ou régional. Sont-ils pour autant de mauvais sénateurs ? Sont-ils inaptes à légiférer ? Sont-ils coupés du terrain ? De même les maires de grandes villes - je citerai Paris, je citerai Bordeaux, Toulouse ou Reims - qui ne sont pas parlementaires, sont-ils de mauvais élus locaux ?

*

Dès 2014, une démocratie réformée

Non, ces élus seront des élus à temps plein, proches de leurs électeurs, à leur écoute. Des élus, aussi, qui auront le temps ; le temps de légiférer pour les uns ; et pour les autres, le temps d'exercer un mandat local prenant, passionnant.

Ce temps ne suffira sans doute pas, et je sais qu'il faudra aussi adapter certaines règles, certaines pratiques. Le travail parlementaire sera naturellement bouleversé, et il faudra doter - et c'est de votre compétence, de votre responsabilité - les députés et sénateurs de moyens nouveaux, notamment pour le contrôle de l'exécutif. Il devra être possible de rémunérer des collaborateurs bien formés, capables d'assister les parlementaires dans ce contrôle. Pour les élus locaux, la question du statut de l'élu se posera nécessairement. Le président de la République l'a d'ailleurs dit lors de vos Etats généraux de la démocratie territoriale et cette idée a déjà été traduite dans la proposition de loi de Jean-pierre SUEUR et Jacqueline GOURAULT. Il faudra poursuivre dans cette voie, et sans doute l'approfondir.

Ces élus nouveaux, à temps plein, sont attendus par les Français ; et dès 2014. Car il ne fait aucun doute que cette réforme produira ses premiers effets politiques lors des prochaines élections locales. Déjà, dans nos villes, dans nos départements, on pose la question aux candidats : continuerez-vous à cumuler ? Ou nous accorderez-vous tout votre temps ? Quelle que soit la décision que prendra le Sénat, cette question deviendra habituelle, banale, et il vous sera impossible de l'éluder. Cette question, vous devrez, je le dis modestement, l'avoir à l'esprit lorsque vous vous prononcerez sur ce texte.

* *

Mesdames, messieurs les sénateurs,

J'aborde ce débat dans la sérénité et dans un esprit de respect ; respect du Sénat bien sûr, mais aussi respect des Français, et des engagements que nous avons pris devant eux.

Ce débat, je l'aborde également avec détermination. ; la détermination à porter une réforme que je crois moderne et historique.

La réforme est souvent déroutante a priori. Mais rien n'interdit, avec le temps, après réflexion, après mûre réflexion, de dépasser les réticences initiales.

Je connais les réticences, et je crois qu'il est temps de les dépasser. Ce débat est une belle occasion pour les dépasser et moderniser notre vie politique et nos institutions.