Conférence de presse du vendredi 18 janvier 2013.
Seul le prononcé fait foi.
Mesdames et messieurs,
En cette période de nouvelle année, je tiens à présenter, à chacune et chacun d'entre vous, mes vœux les plus chaleureux. Des vœux de santé, d'épanouissement, de bonheur personnel et ... collectif.
Il y a huit mois, les Français ont choisi le changement. Depuis, dans un contexte de crise sans précédent - crise économique, crise sociale, crise d'autorité - beaucoup, sous la conduite du président de la République et du Premier ministre, a été fait pour le redressement de notre pays. Redressement de ses comptes publics, de son économie, de son industrie, de son école. Redressement, également, de l'autorité de l'Etat qui doit protéger nos concitoyens.
Tout ne se fera pas en un jour, car réformer prend nécessairement du temps. Je ne doute pas que l'année 2013 sera décisive. Elle nous permettra de mettre en œuvre les orientations qui permettront à notre pays de mieux affronter les défis de son temps.
A nouvelle année, exercice nouveau : pour la première fois, l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), présidé désormais par Stefan LOLLIVIER, a exposé, en toute autonomie, dans ses propres locaux, les statistiques de la délinquance pour l'année écoulée. Ce n'est pas qu'un symbole : l'indépendance, c'est pouvoir s'exprimer seul, librement. La méthode statistique et la publication officielle des chiffres sont ses prérogatives.
En tant ministre de l'Intérieur, il me revient de commenter et d'analyser ce bilan séparément ; de préciser les conclusions que j'en tire pour la conduite des forces de police et de gendarmerie ; de fixer des objectifs pour l'année à venir.
Evaluer et retracer la délinquance de manière transparente, indépendante est une exigence démocratique. Les Français doivent connaître la réalité des chiffres, la vérité. Les responsables publics doivent la connaître. Pour agir. Vous aussi. Pour en rendre compte. Pour la commenter. Pour en débattre.
Dès ma prise de fonctions, j'ai dit ma méthode : ni stigmatisation, ni angélisme, ni course effrénée au chiffre.
Ces dernières années ont connu un paradoxe : survalorisation politique du chiffre, faibles précautions pour le fiabiliser. La recherche de l'amélioration statistique à tout prix a conduit à des dévoiements, à des arrangements, à des manipulations. L'activité du service public a été pour une part détournée au profit d'une politique de l'affichage.
Alors que la réalité du métier de policier et de gendarme est de combattre, sur le terrain, toutes les formes de délinquance ; c'est agir au plus près des attentes des habitants pour que leur vie quotidienne change, durablement.
Ministre de l'Intérieur, j'ai en charge la protection des Français. Et leurs attentes sont grandes, notamment pour les populations les plus fragiles. C'est ma seule priorité !
Certes, je serai amené à commenter devant vous quelques chiffres !
Mais ce que je souhaite, avant tout, c'est parler de méthode, d'objectifs, et de résultats. Car il faut redonner aux statistiques de la délinquance leur véritable vocation : garantir la transparence du débat public et être un outil au service de l'efficacité de l'action des policiers et des gendarmes.
Certains, cédant à des polémiques inutiles, prétendent, depuis plusieurs mois, que je chercherais à « casser le thermomètre » pour masquer de prétendus « mauvais résultats ». C'est tout le contraire.
Je ne veux rien cacher, rien dissimuler. Et je le dis avec force : j'assume la réalité de la délinquance. Je veux la regarder en face. Je veux la révéler dans sa diversité, sa compexité et son ampleur. C'est le seul moyen de la combattre efficacement.
Par conséquent, aujourd'hui, je pose définitivement l'acte de décès de cette politique qui a parfois consisté à travestir la réalité !
La fiabilité de la comparaison des séries statistiques est en question. C'était déjà le cas en novembre et en décembre, c'est confirmé pour l'ensemble du bilan 2012. Cet état de fait entraîne la publication séparée des chiffres entre police et gendarmerie, et une publication partielle de certains agrégats pour la gendarmerie.
Il appartient à l'ONDRP d'examiner cette situation atypique et anormale. J'ai missionné l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection générale de la police nationale et l'Inspection générale de la gendarmerie afin qu'elles apportent leur concours. L'Inspection générale de l'INSEE sera associée à cette démarche.
A ce stade on ne peut écarter un effet technique dû au déploiement, dans les services de gendarmerie, d'un nouvel outil d'enregistrement des plaintes : le système PULSAR. La police nationale, qui a pris ces dernières années du retard en la matière, n'aura terminé le déploiement complet de son nouvel outil d'enregistrement des plaintes qu'au premier semestre 2014.
Cette situation exceptionnelle complique singulièrement l'exercice. Mais je veux néanmoins dresser le bilan sur certaines rubriques.
Comme l'ONDRP l'a établi, c'est d'abord la catégorie des AVIP qui connaît, en zone gendarmerie, des variations atypiques. A tel point qu'on ne peut, aujourd'hui, distinguer ce qui relève d'une véritable progression des violences de ce qui est imputable à un effet technique
Cela étant dit, je reste lucide. Nous faisons face à la persistance, et parfois l'aggravation, de certaines formes de violences.
Je dis bien persistance car certains, dans l'opposition, feignent de découvrir ce phénomène. Pourtant, les violences ont augmenté de 27,1% sur les dix dernières années !
Les vols avec violences commis sur la voie publique, notamment à l'encontre des femmes, sont parmi les faits les plus préoccupants. Ils ont augmenté de 8,9%, en 2012. Les vols à l'arraché de bijoux en or en sont une des raisons principales.
Pourtant, des actions concrètes sont menées : les circuits de revente de l'or sont davantage réglementés et contrôlés ; les forces de sécurité ont mis en place des dispositifs de voie publique performants qui permettent, chaque jour, de réaliser des interpellations en flagrant délit.
Les violences sexuelles enregistrées sont caractérisées par une progression de 12,2%.Les femmes en sont victimes dans neuf cas sur dix.
Les enquêtes de victimation que nous devons utiliser de plus en plus devront établir si cette hausse tient à la seule libération de la parole. Les victimes hésitent moins à porter plainte ; il faut s'en féliciter. Il faut l'encourager. C'est le but du renforcement des dispositifs d'accueil et de prise en charge dans les commissariats et les brigades de gendarmerie.
Les violences sexuelles sont intolérables. Ce sont des crimes. La puissance publique doit apporter une réponse déterminée. La ministre des Droits des femmes et moi l'avons rappelé, la semaine dernière, lors de l'installation de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et de la visite du commissariat d'Ermont.
Je n'oublie pas certaines formes nouvelles de violences : les violences des plus jeunes, des mineurs, dans le milieu scolaire, et avec Vincent PEILLON, nous voulons agir dans ce domaine.
Le bilan 2012, c'est aussi le niveau d'homicides le plus bas jamais atteint dans notre pays avec 665 faits.
Le recul global de la violence mortelle est cependant assombri par l'augmentation significative des tentatives de meurtre. C'est le cas depuis plusieurs années.
Parmi les homicides, le nombre de règlements de comptes mortels entre malfaiteurs demeure limité et représente 63 meurtres, contre 57 l'an dernier. Dans cet ensemble, Marseille et la Corse pèsent lourd : 24 règlements de comptes à Marseille et 16 en Corse.
Les atteintes aux biens connaissent elles-aussi une évolution contrastée.
Les cambriolages de résidences principales, en hausse de 8,5%, constituent la plus forte augmentation en volume, de l'année 2012. Cette nouvelle progression des cambriolages intervient après plusieurs années de hausse, dont une augmentation spectaculaire de 17 % en 2011.
Un cambriolage constitue une intrusion dans l'intimité du foyer. Les victimes le ressentent comme une atteinte profonde. De nouvelles initiatives doivent être prises selon trois axes.
Le recours aux moyens de la police technique et scientifique doit être systématisé. Les prélèvements de traces sur les scènes d'effraction sont une des clés de l'élucidation. Les efforts de coordination entrepris au sein des cellules anti-cambriolages (CAC), doivent être poursuivis. Il faut démanteler ces équipes rôdées, ces filières souvent étrangères, spécialisées dans la délinquance sérielle et itinérante.
Une réflexion sur le niveau de protection des habitations est utile. Le développement de la prévention pour les commerces semble porter ses fruits : le nombre de faits est en baisse de 5,2% en 2012.
Je souhaite qu'une conférence d'experts et de praticiens se réunisse au premier semestre pour renforcer l'analyse et formuler un plan national d'action contre les cambriolages. Typologie des auteurs, des victimes, évolutions des modes opératoires, motivations du passage à l'acte, filières de recel, mesures préventives : policiers, gendarmes, magistrats, assureurs, industriels de la sécurité, chercheurs doivent pouvoir travailler ensemble sur un tel sujet. Je proposerai à la chancellerie et à l'ONDRP d'être étroitement associés à ces travaux.
En 2012, les vols à main armée ont reculé de 7,1% ; ceux commis avec une arme blanche, dont les particuliers sont le plus souvent victimes, baissant de 6,4%.
Je veux souligner ces résultats car il s'agit là de délits particulièrement traumatisants pour nos concitoyens ; notamment les commerçants, qui aspirent à exercer sereinement leur activité. Depuis plusieurs mois, un travail soutenu a été mené en direction des bijoutiers, des débitants de tabac ou encore des transporteurs de fond. Et il reste encore beaucoup à faire.
J'ai tenu à la transparence sur le nombre des véhicules brûlés à l'occasion de la Saint- Sylvestre. Brûler une voiture ou incendier des biens publics, comme à Amiens, cet été, ou plus récemment, à Mulhouse, sont des actes graves qu'on ne doit pas cacher car ils reflètent une réalité.
Je suis allé à Mulhouse. J'ai vu la souffrance et le désespoir des habitants. Les forces de l'ordre, les pompiers, les agents des services publics sont en première ligne... L'Etat ne reculera pas !
En 2012, les incendies de biens publics et de biens privés ont reculé, respectivement, de 14,1% et de 6,1%. Cette tendance rejoint l'indicateur national des violences urbaines qui diminue de 5,3 %. Il faudra recouper ces statistiques avec celles des assureurs. Ce résultat encourageant montre aussi que rien n'est inéluctable.
Cet indicateur de l'ONDRP a connu une évolution totalement erratique depuis deux ans en raison du changement des modes d'enregistrement décidé - bien opportunément ! - en août 2011.
Quoi de plus simple, en effet, que de ne pas comptabiliser les escroqueries sur internet pour améliorer la statistique globale ? Voilà encore des méthodes auxquelles je veux mettre un terme. Je saisirai ma collègue Garde des sceaux afin que le sujet soit réexaminé et que les Français puissent à nouveau porter plainte, conformément aux recommandations constantes de l'ONDRP.
Pour mieux assurer la sécurité des Français, il faut faire évoluer nos méthodes. J'ai donc décidé la mise en place d'un nouvel outil reposant sur deux piliers : d'une part, une présentation renouvelée des statistiques et, d'autre part, une refonte complète des indicateurs de suivi de l'efficacité des services.
Cette évolution m'apparaissait indispensable pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la présentation des statistiques de la délinquance, dans sa forme actuelle, repose sur des indicateurs trop globaux, trop imprécis et trop hétérogènes.
L'an dernier, à la même période, à cette même place, mon prédécesseur vous a présenté le chiffre unique de la délinquance, tout en reconnaissant, je le cite, que « dès l'an prochain [donc cette année], il serait bon de ne retenir que la méthodologie de l'ONDRP ». Et pour cause depuis dix ans, l'ONDRP et les chercheurs en soulignent l'absence totale de pertinence.
Et bien cette année, je mets en place ce que l'on n'osait pas faire depuis 10 ans car il était tellement commode d'annoncer à l'avance un objectif de baisse de la délinquance générale - autrement dit du chiffre unique - et de constater, un an plus tard que l'objectif était atteint au prix d'ailleurs de diverses contorsions...
Ce chiffre unique dont finalement mes prédécesseurs ne se sont jamais départis, malgré leurs déclarations, j'y mets donc un terme. Et à ceux qui me diront que je casse à dessein le thermomètre, je réponds que j'aurais plutôt eu intérêt à garder ce chiffre unique puisqu'en 2012, il aurait été en baisse !
La réforme de l'outil statistique s'impose également car il ne rend pas compte de plusieurs phénomènes tels que les délits routiers, les violences intrafamiliales, ou encore la cybercriminalité.
La réforme s'impose aussi car on ne présente, aujourd'hui, que les faits poursuivis pénalement. Ce n'est pourtant qu'une part de l'activité des services. Il faut aussi présenter leurs missions de présence et de régulation des différends et plus généralement l'étendue des missions de service public qu'ils assument quotidiennement.
La réforme s'impose, enfin, car il faut cesser de mesurer l'efficacité des services à l'aune d'indicateurs manipulables. Je pense au taux d'élucidation global qu'il était facile d'améliorer artificiellement en portant les efforts sur les interpellations facilement constatées et donc facilement élucidées !
La nouvelle présentation des statistiques de la délinquance a été élaborée en étroite concertation avec l'ONDRP. Elle est composée de 14 agrégats, qui, pour certains, contiendront, non seulement, le chiffre des infractions constatées pénalement, mais aussi le nombre d'interventions effectuées par les services.
Parmi ces agrégats, on retrouve les indicateurs historiques de l'ONDRP. Il y aura donc une continuité statistique.
La construction de certains indicateurs ne sera pas possible avant plusieurs mois. Ce délai est nécessaire pour déployer le nouveau logiciel d'enregistrement dans la police nationale.
Je laisse à chacun d'entre vous le soin d'examiner la maquette des 14 rubriques. Je vous propose de balayer rapidement, avec vous, les principales évolutions.
1) Un indicateur spécifique aux violences intrafamiliales est créé, comprenant notamment les violences conjugales. Alors que toutes ces violences qui se cachent dans l'intimité des foyers constituent un enjeu majeur des politiques publiques, l'état 4001 ne permet pas d'en assurer la comptabilisation.
2) Un agrégat sera consacré à la grande criminalité afin de suivre les crimes et les délits les plus graves : homicides, règlements de compte entre malfaiteurs, grands trafics de stupéfiants.
3) A l'heure où internet et les réseaux sociaux font partie de notre quotidien, l'outil actuel ne permet pas de quantifier la délinquance qui y sévit. Un agrégat intitulé « cybercriminalité » viendra pallier ce manque. J'ai évoqué cette question très concrètement, avec Fleur PELLERIN, la semaine dernière.
4) La lutte contre l'insécurité routière est une politique publique prioritaire. Le niveau de la délinquance routière fera l'objet d'un indicateur dédié.
5) Enfin, un nouvel agrégat dénommé « comportements portant atteinte à la tranquillité
publique » est créé. Il sera composé d'infractions ou d'incivilités qui, si elles ne sont pas toutes forcément graves, nuisent au quotidien des habitants, pourrissent leur vie. C'est une évolution importante qui correspond à une aspiration profonde de nos concitoyens.
Le second pilier de ce nouvel outil consiste en un tableau de bord regroupant plusieurs indicateurs d'efficacité.
Il s'agit, en premier lieu, de mesurer la capacité des services à élucider les infractions les plus préoccupantes pour nos concitoyens : les cambriolages, les vols d'automobile ou encore les vols avec violences.
Il s'agit, également, d'avoir une vision complète des actions menées contre certains fléaux, et notamment les trafics de drogue. Des trafics qui contaminent la vie de nos quartiers, qui alimentent une économie parallèle, qui accaparent l'espace public et abiment une part de notre jeunesse. Des trafics qui se soldent par des règlements de compte, comme dans les quartiers Nord de Marseille. Ils nous obligent à une très grande coopération internationale. Le 25 janvier prochain, je serai au Maroc pour un sommet Maroc-Espagne-Portugal-France, car c'est par le renfort de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée que l'on pourra casser les autoroutes de la drogue.
La quantité n'est pas tout ; il faudra faire de la qualité. Des indicateurs sur l'utilisation des techniques policières sont ainsi créés. Ils permettront notamment de suivre les activités de la police technique et scientifique et de mesurer son apport dans la résolution des affaires.
Ce nouvel outil redonnera du sens et de la fiabilité aux statistiques de la délinquance et de l'activité des services. Mais il faut aller plus loin. Les Français doivent avoir l'assurance que la statistique publique de la délinquance est contrôlée en toute indépendance.
L'ONDRP doit donc être renforcée dans ses prérogatives. Il doit pouvoir bénéficier d'une complète autonomie, c'est-à-dire de ressources et de personnels qui lui sont propres mais aussi d'un renforcement du statut du président de son conseil d'orientation. Son processus de désignation doit permettre d'en faire une autorité incontestable. Stéfan LOLLIVIER, inspecteur général de l'INSEE, que je tiens à saluer, a été nommé cette semaine à cette fonction par le Premier ministre. Je veux remercier Alain BAUER pour le travail accompli et les évolutions qu'il a initiées. Elles nous sont précieuses.
Le fait qu'un inspecteur général de l'INSEE, spécialiste de la statistique publique, arrive à la tête de l'ONDRP, n'a rien d'un hasard. Conférer une véritable indépendance à l'ONDRP passe, nécessairement, par le renforcement de son autorité en matière de statistiques.
En accord avec le Premier ministre, les principes européens et nationaux de la statistique publics seront inscrits dans les statuts de l'ONDRP. Chaque année, ses travaux seront soumis à l'Autorité de la statistique publique.
De même, les liens entre le conseil d'orientation de l'ONDRP et le conseil national de l'information statistique seront renforcés. Le conseil d'orientation de l'ONDRP intégrera davantage de personnalités issues du monde universitaire.
Les statisticiens de l'ONDRP pourront être associés aux contrôles des règles d'enregistrements des faits par les services.
Cette réforme de l'ONDRP sera entreprise avant la fin du premier semestre. Elle tiendra compte des conclusions du rapport de la mission d'information parlementaire de l'Assemblée nationale dirigée par Jean-Yves LE BOUILLONNEC
Je souhaite que le rôle de service statistique ministériel que joue l'ONDRP pour le compte du ministère de l'Intérieur soit conforté. Son caractère extérieur ne peut que renforcer son indépendance. Je demanderai au président de l'Autorité de la statistique publique de voir à quelles conditions une telle labellisation pourrait être accordée.
L'année 2013 doit être celle du déploiement des réformes amorcées depuis huit mois.
Cette année débute dans un contexte qui réclame toute notre vigilance. La menace terroriste n'est pas nouvelle, mais elle est particulièrement élevée en ce moment.
Le plan VIGIPIRATE, qui demeure en niveau rouge, a été renforcé. Les policiers, les gendarmes, les services de renseignement, partout sur le territoire, sont mobilisés, avec le soutien de l'armée. Ils doivent intégrer cette nécessité dans leur activité quotidienne.
Une activité qui sera guidée en 2013 par quatre grands principes.
D'abord, l'occupation ou la réappropriation du terrain. La proximité, c'est la vocation des forces de l'ordre ! Les policiers et les gendarmes doivent assurer une présence plus visible, plus dissuasive. Une présence, également, rassurante pour la population.
La coordination entre les services, entre tous les savoir-faire des forces de sécurité
(sécurisation, ordre public, investigation, renseignement, police technique et scientifique) sera renforcée.
Il convient également de travailler à un meilleur ancrage des stratégies de lutte contre la délinquance dans les contextes locaux. Les priorités doivent être bien identifiées, les cibles bien déterminées, les moyens évalués au cas par cas.
Enfin, les liens entre les forces de l'ordre et la population doivent être pleinement restaurés. Il ne faut pas se le cacher : dans certaines zones, la fracture est réelle et la tâche est de taille.
Ces quatre grands principes sont d'ailleurs au cœur du fonctionnement des zones de sécurité prioritaires. 64 ZSP ont d'ores et déjà été créées : 15, dès l'été dernier, puis 49 autres, au mois de décembre.
J'ai récemment demandé aux préfets concernés par les 15 ZSP initiales de me faire part des premiers enseignements. Ils sont positifs. L'ancrage local du dispositif a permis de renouveler l'action partenariale en créant une réelle dynamique portée par l'ensemble des acteurs locaux de la sécurité.
Les 49 ZSP créées en décembre seront déployées progressivement au cours du premier semestre. Certaines sont déjà opérationnelles. D'autres nécessitent d'affiner encore leur diagnostic et leurs méthodes.
De nouvelles ZSP seront créées au cours des prochaines années. Elles bénéficieront de l'effet d'expérience des ZSP déjà en place. A ce titre, le 8 avril, se tiendra un grand séminaire de travail sur les ZSP, associant l'ensemble des acteurs concernés qui me feront part de leurs remontées du terrain.
La lutte contre la circulation et les trafics d'armes
Depuis quelques années, des armes de guerre circulent dans certains quartiers. Elles se retrouvent dans les mains de jeunes qui n'hésitent pas à s'entretuer pour régler leurs différends. Cette situation est intolérable.
Il faut mener, dans le cadre d'une coopération européenne renforcée, une lutte déterminée contre les réseaux mafieux qui acheminent ces armes depuis les Balkans.
Je souhaite aussi que l'utilisation du fichier sur les armes monte en puissance, afin d'interdire les possibilités d'acquisition pour les personnes à risque en raison, notamment, de leurs antécédents judiciaires.
Une stratégie doit s'appuyer sur des organisations solides.
Un terme a été mis à l'hémorragie qui s'est traduite par la suppression de 10 700 policiers et gendarmes depuis 2008. 3 200 auraient dû l'être en 2013. Ce sont au contraire 480 postes supplémentaires qui seront créés cette année. Ce mouvement se poursuivra sur cinq ans.
La hausse des effectifs n'est pas tout. D'autres pistes doivent être explorées pour renforcer la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain. Des réformes structurelles locales doivent notamment être mises en œuvre. Je pense à la mutualisation, dans certaines agglomérations urbaines, des fonctions de soutien (logistique, secrétariat, informatique, ou encore état-major). Cette démarche de mise en place de districts plus intégrés doit être développée là où c'est possible et pertinent.
Les réorganisations doivent également porter, de façon plus large, sur le rapprochement et la répartition territoriale entre police et gendarmerie. En 2013, la logique d'agglomération sera poursuivie progressivement et des transferts de compétences seront effectués, au cas par cas.
La filière logistique de la police et de la gendarmerie sera progressivement réorganisée. Au niveau central, d'ici au 1er janvier 2013, les deux sous-directions de l'équipement et de la logistique de la police et de la gendarmerie seront fusionnées. Par ailleurs, les deux directions générales ont engagé un programme volontariste de mutualisations.
L'échelon local, a un rôle déterminant dans les efforts de réorganisation. Ce n'est pas qu'une question de rationalisation administrative, c'est également une nécessité opérationnelle. Par exemple, en matière de renseignement, il est indispensable de privilégier les échanges d'information en local. Dans les départements, une coordination opérationnelle entre les services de renseignement intérieur et ceux de sécurité publique a été mise en place, afin de renforcer les dispositifs de détection et d'exploitation des signaux faibles. C'est essentiel en matière de lutte contre la menace terroriste.
Pour la première fois, je réunirai au 1er trimestre l'ensemble des responsables des services départementaux d'information générale.
Enfin, l'année 2013 se traduira par l'aboutissement de plusieurs dossiers majeurs concernant les relations forces de l'ordre-population.
Le premier concerne le retour - c'était le cas dans le passé - du numéro d'identification sur l'uniforme des policiers et des gendarmes. Après réflexion et concertation, il est apparu que la délivrance d'un récépissé n'était pas une bonne solution. Elle aurait créé des contraintes excessives pour les forces de sécurité, déjà confrontés à une réalité difficile sur le terrain. En revanche, en portant sur eux un signe d'identification, les policiers et les gendarmes aborderont leurs concitoyens dans le cadre d'une relation apaisée car personnalisée.
La refonte du code de déontologie est un facteur de confiance supplémentaire. Commun aux policiers et aux gendarmes, ce nouveau code de déontologie sera publié en avril. Il constituera le socle des valeurs sur lesquelles ils s'appuieront au quotidien. Des valeurs qui constituent autant d'obligations, mais qui disent aussi le dévouement et l'engagement dont font preuve les policiers et les gendarmes.
Au-delà des réflexions sur le numéro d'identification et le code de déontologie il fait s'interroger sur les modes d'intervention, notamment dans le cadre des missions de terrain les plus complexes.
A ma demande, les deux directions générales organiseront un rendez thématique consacré à l'intervention anti-délinquance et la recherche du flagrant délit. Les instructions d'emploi seront révisées pour tenir compte des conclusions de ce rendez-vous, qui interviendra début février avec de nombreux fonctionnaire de BAC et de PSIG.
Les relations forces de l'ordre population sont aussi au cœur des nouveaux plans de formation de la police et de la gendarmerie. J'aurai l'occasion de préciser la doctrine et les grandes lignes du ministère le 7 février, à l'occasion des Assises de la formation de la police nationale.
Enfin, le début de l'année 2013 sera marqué par le déploiement, dans tous les départements, de la pré-plainte en ligne. Ce projet a longtemps été suspendu par la crainte, encore une fois, de susciter des dépôts de plaintes additionnels. C'est une logique, vous l'aurez compris, que je récuse. Ce qui compte c'est l'amélioration de l'accueil du public car elle aura nécessairement un effet positif sur l'image que nos concitoyens ont de leurs policiers et de leurs gendarmes à qui je veux rendre hommage.
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Avec ce nouvel outil statistique c'est donc une étape importante qui est franchie. Elle contribuera à mettre en œuvre cette exigence qui anime les forces de l'ordre et qui mérite reconnaissance et considération : assurer la sécurité des Français.
Je veux des résultats : sur les violences contre les personnes, contre les femmes, sur les cambriolages, sur les trafics de drogue, sur les règlements de compte, sur la cybercriminalité. Des résultats : voilà le cap !
L'année 2013 qui s'annonce est une année qui nécessitera de l'engagement et des efforts. Je renouvelle à chacun d'entre vous mes vœux de santé et de bonheur personnel et je nous souhaite d'avoir l'énergie et la volonté de mener à bien nos missions.
Je vous remercie.
Je suis prêt à présent à répondre à vos questions.