Allocution de Manuel Valls, ministre de l'Intérieur - lundi 13 mai 2013 à Lyon.
Seul le prononcé fait foi
Madame la ministre,
Monsieur le sénateur-maire,
Mesdames, messieurs,
Assurer la sécurité des Français, sur l'ensemble du territoire, réclame des dispositifs adaptés permettant une action ciblée et efficace. Parmi les engagements du président de la République figurait la création de zones de sécurité prioritaires afin de lutter contre une délinquance enracinée dans des quartiers, des villes, des zones péri-urbaines, des territoires ruraux.
Cet engagement a été tenu : 64 ZSP ont d'ores et déjà été créées. Il fallait en effet agir.
Notre société, vous la savez comme moi, fait face à une délinquance en perpétuelle mutation. Elle est de plus en plus violente ; elle implique des individus de plus en plus jeunes, souvent très déterminés ; elle se dirige vers de nouveaux territoires jusqu'à présent plus ou moins épargnés.
Cette mutation de la délinquance doit se traduire par des adaptations dans les stratégies et les moyens mis en œuvre afin de mieux la combattre. C'est la raison de notre rencontre ici, à Lyon, dans le cadre des Journées de la sécurité.
J'ai voulu que nous nous rencontrions aujourd'hui pour faire un premier bilan mais surtout pour que nous échangions et que nous puissions tirer ensemble les enseignements de notre action.
Je souhaite, en effet, que se mette en place un échange régulier de bonnes pratiques pour faire en sorte que ce qui marche dans certains territoires profite à l'ensemble. Mettre en commun les succès pour qu'ils deviennent des sources d'inspiration collectives ; mettre au service d'une stratégie nationale, l'intelligence et l'innovation locales, voilà la politique que j'entends conduire.
Ces échanges de bonnes pratiques permettront d'être plus efficaces encore, dans la durée. Car c'est en agissant avec constance, sur le long terme, que nous obtiendrons les résultats que les Français attendent.
Je tiens à vous remercier de votre présence. Dans cet amphithéâtre, vous êtes plus de 500 : parlementaires, élus locaux, policiers, gendarmes, magistrats, bailleurs sociaux, transporteurs publics, associations, venus des quatre coins de France. Cette diversité des acteurs montre – s'il le fallait encore – combien les enjeux de sécurité doivent nous rassembler et nous mobiliser.
Je salue la garde des Sceaux, Christiane Taubira, dont la présence ici, aujourd'hui, témoigne de ce que nous faisons, chaque jour, depuis un an, côte à côte : faire travailler ensemble les forces de l'ordre et la Justice. C'est là une condition première de l'autorité de l'Etat. C'est là le gage de notre réussite collective.
La présence dans cet auditoire, aux côtés des cadres de la police et de la gendarmerie, des nombreux procureurs généraux et procureurs de la République illustre, avec force, cette nécessaire complémentarité. Je tiens à les en remercier.
Je salue, également, les parlementaires présents. Si le dispositif des ZSP n'est pas, au sens strict, de la compétence du législateur, il doit intéresser la représentation nationale. C'est à elle notamment d'évaluer l'action menée et d'en rendre compte à nos concitoyens.
Acteurs de la sécurité et de la prévention, les maires sont également très engagés dans les ZSP. Je remercie donc les élus locaux d'être venus nombreux, au-delà des appartenances politiques. Les questions de sécurité transcendent les clivages partisans. La sécurité n'est ni de gauche, ni de droite. La sécurité est une valeur de la République. Et même s'il s'agit d'une réforme voulue par la majorité, les ZSP sont avant tout une mesure de service public qui concourt à améliorer le quotidien des Français.
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Mesdames, messieurs,
J'évoquais la diversité de vos horizons professionnels et géographiques. Elle est la traduction de l'esprit qui anime les dispositifs mis en place dans les zones de sécurité prioritaires.
Les ZSP ne relèvent pas, en effet, d'une réforme rigide, monolithique, dont les modalités seraient dictées par l'échelon central. C'est une question de bon sens.
Les territoires couverts par les ZSP ne sont pas homogènes. Ils ne subissent pas tous les mêmes problématiques de délinquance : cités sensibles frappées par les violences urbaines, comme à Amiens ; quartiers de grandes villes victimes de nuisances inacceptables tels que le quartier Château-Rouge, à Paris ; zones péri-urbaines où se développent les cambriolages, comme à Lunel et Mauguio… Autant d'environnements différents, autant de phénomènes différents, qui appellent des réponses différentes. Des réponses sur mesure, ancrées dans la réalité des territoires et adaptées aux préoccupations des habitants.
Les ZSP sont des dispositifs construits pour répondre aussi à des problématiques locales. Les acteurs locaux, parce qu'ils ont une connaissance précise du terrain sont donc impliqués en premier lieu.
Pour être fructueuse, une journée de travail consacrée aux zones de sécurité prioritaires devait donc, nécessairement, reposer sur les contributions de celles et ceux qui les animent au quotidien. C'est tout le sens des ateliers qui se sont tenus ce matin, dont nous venons d'entendre les restitutions. C'est tout le sens, également, des débats qui ont jalonné l'après¬midi, et dont je tiens à saluer et la sincérité et la richesse.
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Les ZSP reposent, avant tout, sur un principe de proximité. Je sais que ce terme de proximité est beaucoup employé au risque parfois de le vider de son sens. Il a été dans le passé, moqué, disqualifié, à tort. Je veux donc préciser ce que j'entends par là. La proximité, c'est tout simplement le pragmatisme, c'est-à-dire la capacité à s'adapter aux spécificités du terrain.
Un des acquis majeurs des ZSP est justement d'avoir permis de redonner du souffle à l'initiative locale.
Cet aspect ressort nettement des travaux de la journée. C'est également ce qui m'a particulièrement marqué, à chaque fois que je me suis rendu dans une zone de sécurité prioritaire.
Dans celle de La Duchère, ici à Lyon, où je me suis rendu, ce matin, avec le maire de Lyon, une cellule de lutte contre le « petit caïdat » a été créée où travaillent ensemble l'information générale, les enquêteurs et les services fiscaux.
Dans le Val d'Oise, des enquêtes d'opinion sont menées auprès de panels de personnes représentatives, afin de mesurer l'impact des actions déployées sur les ZSP du département.
A Marseille, la « méthode globale », que le préfet de police des Bouches du Rhône nous a exposée tout à l'heure, est exemplaire de ce que l'on peut faire en matière de coordination des actions répressives, dissuasives et préventives.
A Marseille, depuis des décennies, on a laissé des quartiers à l'abandon, frappés par le chômage, la pauvreté et livrés à l'emprise des trafics de drogue. De très jeunes trafiquants se livrent à une véritable guerre des territoires. Ces nouveaux barbares, sans foi ni loi, guidés par l'argent roi doivent être combattus avec la plus grande détermination. A cette situation exceptionnelle, nous avons apporté une réponse exceptionnelle, celle de la fermeté, avec des moyens supplémentaires et une nouvelle méthode de reconquête des 40 cités concernées. Nous obtenons déjà des résultats significatifs.
Je pourrais ainsi multiplier les exemples. Ils démontrent que les zones de sécurité prioritaires sont une nouvelle façon d'agir pour la sécurité. D'Amiens à Saint-Gilles, de Strasbourg à Bordeaux, de Nice à Kourou, leur déploiement a permis de renouveler les méthodes, de modifier les schémas, d'apporter des changements profonds.
Le premier d'entre eux, c'est le renforcement de la coordination des forces de sécurité intérieure. Pour être cohérente et efficace, une politique de sécurité doit, effectivement, s'appuyer sur tous les savoir-faire de la police et de la gendarmerie.
Sécurisation de proximité, rassurante au quotidien, et dissuasive en cas de tensions ; action anti-délinquance ciblant les multiréitérants ; recueil et partage du renseignement, notamment sur les bandes violentes ; investigations de long terme pour lutter en profondeur contre les trafics ; actions de prévention pour inscrire les efforts dans une perspective de long terme. Toutes ces compétences doivent être coordonnées si l'on veut faire reculer durablement la délinquance.
Sous l'autorité conjointe des préfets et des procureurs de la République, dans toutes les zones de sécurité prioritaires, des structures de pilotage ont donc été créées. Elles garantissent que tous les services de police, toutes les unités de gendarmerie, joignent leurs efforts. Souvent de manière innovante.
Ainsi, dans la ZSP des quartiers du Neuhof et de la Meinau, à Strasbourg, les enquêteurs de la sûreté départementale et de la police judiciaire enquêtent ensemble pour mieux démanteler les trafics de stupéfiants.
A Corbeil-Essonnes, sur la ZSP des Tarterêts, un fonctionnaire du service d'information générale, spécialiste des techniques de renseignement, a été détaché au commissariat local pour aider à identifier les leaders des bandes et travailler sur l'économie souterraine.
Favoriser les échanges d'information, constituer des équipes communes, décloisonner les pratiques : voilà ce qu'ont permis les ZSP. Il s'agit d'une évolution majeure, fondamentale.
Cependant – c'est un deuxième point – l'action des policiers et des gendarmes doit se joindre à celle de tous les acteurs qui concourent, directement ou indirectement, à la sécurité. D'ailleurs, la cartographie des zones de sécurité prioritaires recoupe assez largement celle des groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD), pilotés par les procureurs de la République, celle de la politique de la ville, ou encore celle des zones d'éducation prioritaires.
Agir ensemble est indispensable. Des dispositifs de partenariat mis en place dans certaines collectivités ont fait la preuve de leur efficacité. Les ZSP doivent donc s'appuyer sur la force des liens déjà tissés entre les forces de l'ordre et les autres acteurs locaux de la sécurité : maires, services sociaux et éducateurs, bailleurs, établissements scolaires, associations…
A Nantes, par exemple, l'action remarquable menée par les médiateurs sociaux figure parmi les leviers d'action utilisés dans le cadre de la ZSP.
A Argenteuil, où lutter contre la délinquance des mineurs est l'un des objectifs de la ZSP, l'action s'appuie sur des groupes de travail associant policiers, agents de la protection judiciaire de la jeunesse et juges des enfants.
Je veux m'arrêter un instant sur la délinquance des plus jeunes. Non pas pour ouvrir le débat vain et récurrent sur la nécessité ou pas de réformer l'ordonnance de 1945 ; non pas pour répéter ce lieu commun selon lequel notre jeunesse n'est pas celle de 1945. Simplement, pour dire que nous faisons face à des jeunes, âgés de 16 à 25 ans, souvent multi-récidivistes, qui donnent le sentiment de mettre en échec les forces de l'ordre et la Justice.
Et c'est vrai, nous ne pouvons plus ici nous contenter des concepts de coordination, d'articulation, d'équilibre mesuré entre prévention et répression. Nous devons être plus concrets, plus précis. Nous devons formaliser des méthodes de travail entre parquets et forces de sécurité, nous devons construire localement des indicateurs communs pour évaluer nos résultats ; nous devons systématiser désormais sur tout le territoire ce que beaucoup d'entre vous font déjà avec succès.
Ces jeunes multi-récidivistes, appelés tour à tour, les « incasables », les « noyaux durs » nous posent difficulté parce qu'ils nous obligent à travailler autrement. Ils nous obligent, dès le stade de l'enquête, à intervenir de façon très concertée, à mutualiser toute l'information dont nous disposons sur chacun d'eux ; ils nous obligent à une analyse commune de leur parcours délinquant pour construire une stratégie individualisée, de la constatation des faits par les policiers et gendarmes, jusqu'à l'exécution de la peine par l'autorité judiciaire.
Ils nous obligent donc à inventer, à revisiter nos façons de voir, de penser, d'agir, à dépasser nos réflexes corporatistes, nos logiques institutionnelles parfois trop cloisonnées, certains clivages idéologiques périmés et inefficaces. N'ayons pas peur d‘abattre ces murs …
Dans d'autres territoires, la mise en place des ZSP a donné un nouveau souffle au partenariat. Ici, les acteurs locaux ont renouvelé les modalités de leur coopération pour la rendre plus opérationnelle. Là, des partenariats nouveaux ont été tissés, souvent très novateurs, afin de renforcer la connaissance des territoires et y faire reculer les incivilités et la petite délinquance.
Sur la ZSP de Montpellier, par exemple, les bailleurs sociaux et les services de sécurité publique ont joint leurs efforts pour mieux lutter contre les atteintes à la tranquillité publique.
Le déploiement des zones de sécurité prioritaires contribue, ainsi, à renouveler la façon de concevoir et d'utiliser la force des partenariats. Je souhaite que la mise en place d'actions très opérationnelles s'accélère notamment en matière de suivi individualisé et de prévention de la récidive. Le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance en a fait l'un des objectifs phares de sa nouvelle stratégie nationale, validée en réunion interministérielle. Ce sera aussi un des axes forts des propositions que nous ferons la semaine prochaine au Premier ministre, Christiane Taubira et moi-même.
Il y a aux côtés des services de sécurité et des partenaires locaux, une troisième catégorie d'acteurs : la population, pour qui nous agissons.
Il ne faut pas se voiler la face : dans certains quartiers, les habitants ont un sentiment de désarroi face à des pouvoirs publics qu'ils jugent impuissants. Parfois, la crise de confiance est plus profonde encore. Les relations avec la population doivent donc, elles aussi, faire l'objet d'un véritable changement.
Il faut, d'abord, savoir rendre compte de l'action menée. La police et la gendarmerie déploient toute l'étendue leur savoir-faire, mais sans doute doivent-elles aussi mieux faire savoir. Il est indispensable de communiquer et d'expliquer auprès de la population, les actions entreprises dans le cadre des ZSP. Les actions entreprises et aussi les résultats obtenus.
La préfecture de la Somme, par exemple, a édité une brochure au sujet de la ZSP déployée sur les quartiers Nord d'Amiens. A Nantes, des réunions d'information sont régulièrement menées auprès des riverains.
Cependant, si la communication est importante, le renforcement des liens avec la population passe nécessairement par une véritable prise en compte de ses préoccupations et attentes. C'est pourquoi, dans toutes les ZSP, les phénomènes délinquants à combattre en priorité ont été identifiés, non seulement grâce à la connaissance de terrain des policiers et des gendarmes, mais aussi, et surtout, à partir des doléances de la population. Ce principe d'écoute des attentes doit être pérenne.
Je veux souligner quelques initiatives qui m'apparaissent utiles.
Dans les deux ZSP de Toulouse, des questionnaires sont soumis à la population par les services de police et de gendarmerie.
A Dreux, des marches exploratoires sont menées aux côtés des habitantes pour recueillir leur sentiment face à l'insécurité.
Je souhaite que de telles démarches soient multipliées. Il peut s'agir de sondages, de comités de quartier, d'exploitations systématiques des courriers de doléances, ou, tout simplement, d'une prise en compte effective des attentes qu'émettent les habitants lors de leurs prises de contact avec les policiers et les gendarmes.
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Mesdames, messieurs,
Les ZSP constitue un changement : dans les méthodes, dans l'approche partenariale, dans les relations avec nos concitoyens. Tout ceci avec un seul objectif : améliorer en profondeur, durablement, le quotidien des habitants des territoires les plus confrontés à l'insécurité. En d'autres termes ; il s'agit d'obtenir des résultats.
La culture du résultat, ce n'est pas la politique du chiffre, c'est-à dire la recherche du chiffre pour le chiffre ; elle a conduit à des manipulations… Je ne vous annoncerai pas : « dans les ZSP, la délinquance générale baisse de tant ». Une telle façon de présenter les choses n'aurait aucun sens.
Dans chaque ZSP, en effet, deux, trois, ou quatre priorités ont été fixées, en fonction des caractéristiques locales de la délinquance et des aspirations de la population – je viens de l'évoquer.
Par exemple, la lutte contre l'économie souterraine, et notamment les trafics de stupéfiants, est un objectif commun à 60 ZSP sur 64. La lutte contre les nuisances, les incivilités et les atteintes à la tranquillité publique concerne 39 ZSP. 24 ont identifié comme prioritaire la lutte contre les vols avec violences, 15 la lutte contre les cambriolages et 9 celle contre les violences urbaines. Certaines ZSP ont également des objectifs plus spécifiques tels que la lutte contre les marchands de sommeil, à Cayenne et Perpignan, ou encore la délinquance transfrontalière, à Annemasse.
Chaque zone de sécurité prioritaire s'est ainsi fixé des objectifs qui lui sont propres, adaptés à son contexte, à ses spécificités. Les responsables locaux ont défini des indicateurs à même d'en suivre l'évolution. Les résultats obtenus dans les ZSP doivent donc, avant tout, être appréciés à l'échelon local. C'est, incontestablement, le niveau le plus pertinent.
Ce qui a du sens, c'est de pouvoir dire aux riverains des quartiers Nord d'Amiens, fréquemment secoués par des épisodes de violences urbaines : « sur les six premiers mois d'existence de la ZSP, ces faits ont diminué de 32% ». Ce qui a du sens, c'est de pouvoir dire à la population de Saint-Ouen, dont la qualité de vie quotidienne est gangrenée par le marché de la drogue : « depuis que la ZSP existe, 83% de trafics supplémentaires ont été démantelés ». Ce qui a du sens, c'est de dire aux habitants de Vauvert et Saint Gilles, frappés par une augmentation des vols ces dernières années : « dans vos communes, les cambriolages ont diminué de 28% depuis la création de la ZSP ». Et sans même évoquer de chiffres, ce qui a du sens, c'est de dire aux habitants du quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, qu'une bande à laquelle on peut imputer pas moins de 30 vols avec violences dans le quartier a été démantelée.
Voilà ce que j'entends par « résultats » dans les ZSP : le recul de phénomènes délinquants qui y étaient ancrés depuis longtemps – depuis trop longtemps. C'est cela qui parle aux habitants concernés, bien plus que la confection de chiffres au niveau national. Un bilan d'étape complet a donc été dressé, au bout de six mois d'expérimentation, dans chacune des 15 zones de sécurité prioritaires de la première vague de déploiement. Je demande aux préfets concernés d'en diffuser largement les éléments auprès des habitants.
Cependant, la mise en place des ZSP constitue bien une politique publique, dont bénéficient un grand nombre de nos concitoyens. Il me paraît donc légitime qu'elles fassent l'objet d'une évaluation menée au niveau national. C'est tout le paradoxe soulevé par la quatrième restitution : comment mener une telle démarche, alors que les résultats doivent s'apprécier au niveau local ?
J'examinerai avec attention les conclusions de cet atelier de travail. Une chose me paraît claire : on ne saurait agréger au niveau national, plus ou moins artificiellement, les indicateurs très hétérogènes choisis dans chacune des ZSP. Peut-être la bonne solution consiste-t-elle à définir un cadre d'évaluation pour les quelques objectifs communs à plusieurs ZSP – j'ai cité certains de ces objectifs tout à l'heure. Ou peut-être convient-il de confier la démarche d'évaluation à un tiers, qu'il s'agisse de l'inspection générale de l'administration ou même d'un organisme indépendant. C'est tout l'intérêt de cette journée : avoir permis de soulever des questions légitimes. J'y apporterai des réponses.
Le déploiement des ZSP constitue une politique prioritaire. Des territoires ont été sélectionnés, sur la base de critères objectifs, dans le cadre d'une concertation interministérielle.
Ces territoires, marqués par une délinquance enracinée ou le développement rapide de l'insécurité, connaissent souvent d'autres difficultés d'ordre économique ou social. Les habitants y subissent une injustice supplémentaire, la délinquance. Ils demandent donc une intervention particulière des pouvoirs publics. C'est une question d'égalité entre les territoires. Le gouvernement assume donc pleinement les choix qui ont été faits.
Il est donc normal que les zones de sécurité prioritaires bénéficient de moyens dédiés.
Il s'agit, en premier lieu, de moyens humains. Il est indispensable que les ZSP bénéficient d'une présence forte et affirmée des forces de l'ordre, rassurante pour les habitants, dissuasive pour les délinquants.
C'est pourquoi les 500 créations de postes de policiers et de gendarmes décidées par le président de la République vont, en priorité, bénéficier aux ZSP. Pour 2013, 288 policiers et 192 gendarmes sont ainsi en cours de recrutement et de formation. Mais ils ne seront déployés sur le terrain qu'en 2014. J'ai conscience que ce délai est long. Trop long pour certains territoires où le déficit de personnels est criant.
J'ai donc décidé d'affecter, d'ici deux mois, 100 policiers en renfort dans une douzaine de territoires. Par ailleurs, avant la fin de l'année, une centaine de policiers sera également déployée au profit des autres circonscriptions de police accueillant une ZSP. Des renforts sont également en cours d'affectation dans les zones de sécurité prioritaires situées en zone gendarmerie ou en zone mixte, à hauteur de 70 militaires.
Au total, ce sont donc 270 effectifs supplémentaires qui viendront renforcer les rangs des ZSP à brève échéance. Je tiens à rappeler que ces mouvements s'ajoutent aux renforts envoyés à Marseille à la fin de l'année, dans les deux ZSP des quartiers Nord et Sud.
Aux moyens humains s'ajoutent des moyens financiers. J'évoquais, tout à l'heure, l'importance du partenariat, notamment en matière de prévention. Développer des actions opérationnelles, portées par des acteurs dynamiques, nécessite qu'une aide leur soit apportée, notamment pour ce qui est des financements. Le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), dans sa composante hors vidéoprotection, a donc été abondé d'une enveloppe de 3 millions d'euros directement destinée aux zones de sécurité prioritaires.
Enfin, les modalités d'emploi des crédits du FIPD consacrés à la vidéoprotection ont été revues pour bénéficier prioritairement au financement de projets en ZSP. D'ores et déjà, pour le premier trimestre de l'année 2013, 278.000 euros ont été débloqués au bénéfice de cinq projets qui représentent un total de 43 nouvelles caméras. Je tiens à appeler l'attention des élus ici présents : si la vidéoprotection est considérée comme un levier pertinent de lutte contre la délinquance dans la ZSP installée sur votre commune, et c'est souvent le cas, vous pouvez solliciter l'examen d'une demande de subvention. Je vous y encourage.
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Madame la Garde des Sceaux, chère Christiane,
Signe de notre volonté continue de travailler côte à côte, vous avez bien voulu m'adresser en « avant-première» la circulaire ZSP diffusée, ce matin, à tous les parquets. Je vous remercie de cette confiance.
Mesdames et messieurs les procureurs généraux et les procureurs de la République,
Vous pouvez compter sur l'engagement de toutes les forces de sécurité, pour construire, avec vous, des diagnostics précis, pour formaliser des méthodes de travail adaptées aux formes de délinquance que vous traitez, enfin pour bâtir, en commun, des indicateurs rendant compte auprès de nos concitoyens de l'efficacité de votre travail.
Vous pouvez aussi compter sur le souci constant du ministre de l'Intérieur de rappeler la force du droit et la nécessité d'un maintien de l'ordre adossé à la loi.
Nous avons depuis maintenant un an appris à nous connaitre. Vous le savez, je crois à l'urgente nécessité de rénover nos méthodes de travail, de construire en étroite concertation entre magistrats et forces de sécurité de véritables stratégies de lutte contre la criminalité. Je crois à l'urgente nécessité de déployer des méthodes d'intervention spécifiques entre enquêteurs et parquets pour que nous n'ayons pas un jour à voter, l'épée dans les reins, des lois spéciales.
Nous avons le devoir de combattre cette violence qui gangrène certains quartiers. Sans cela, le travail social, les politiques d'insertion et d'intégration ne pourront se déployer pleinement.
Le temps n'est plus entre nous aux querelles sémantiques et au marquage des territoires. Tous mes déplacements le montrent : vous toutes et vous tous avez su faire de la gravité de la situation un atout en répondant par la cohésion des institutions au délitement du lien social, en répondant par la pacification des rapports entre justice et police aux discours visant à les opposer ; vous avez encore répondu par la ténacité, la constance et votre professionnalisme à ceux qui mettent en cause votre engagement, vos compétences et votre détermination.
Vous avez réussi à imposer une autre vision de la sécurité et de la justice en évitant l'impasse des postures idéologiques. Cette journée en est l'éclatante démonstration.
Mesdames, messieurs,
64 zones de sécurité prioritaires sont aujourd'hui déployées. 49 d'entre elles viennent d'être créées. Les 15 premières qui existent depuis six mois ont permis d'obtenir de premiers résultats.
Des résultats qui ne sont pas le fruit du hasard. Ils démontrent qu'une action de fond a été entreprise. Les ZSP ne sont pas un dispositif de façade. Ce ne sont pas des opérations « coup de poing » sans lendemain. Il s'agit bien d'une réforme structurelle, je dirais même culturelle… Renouvellement des méthodes de travail, meilleure coordination entre les services de l'Etat, avec le concours des collectivités, ancrage de l'action dans la réalité locale, en prise directe avec les préoccupations des habitants, présence des forces de l'ordre renforcée, dissuasive pour les délinquants, mais rassurante pour la population : voilà quelles en sont les principales composantes.
Des premiers résultats sont constatés, il faut s'en féliciter, mais gardons-nous de tout triomphalisme. En matière de sécurité, de lutte contre la délinquance, contre les trafics, seuls la persévérance, la mobilisation, l'engagement font que l'on parvient à l'objectif fixé.
Je compte donc sur vous toutes et vous tous pour que les efforts soient amplifiés. Et je vous donne d'ores et déjà rendez-vous, avant la fin de l'année, pour un état des lieux concernant, cette fois, l'ensemble des 64 ZSP. A l'issue, une troisième vague de déploiement pourra alors être lancée.
Mesdames, messieurs,
Le président de la République a fait de la sécurité des Français une priorité. Depuis un an, une nouvelle politique de sécurité se met en place, conformément à ce que j'ai annoncé le 19 septembre 2012, lors de mon discours cadre sur la sécurité :
Mais on ne bâtit pas sur rien. Je m'appuie sur l'engagement des policiers et des gendarmes qui, quotidiennement, et avec courage, accomplissent leurs missions. Cet engagement paye et nous obtenons des premiers résultats, même s'il faudra du temps pour les pérenniser.
Au cours de cette année, j'ai beaucoup rencontré les policiers et les gendarmes sur le terrain et je sais combien notre Nation doit être reconnaissante envers les forces de l'ordre.
Notre société fait face à la violence. Une violence qui, je le répète, prend des formes nouvelles, qui est le fait d'individus de plus en plus jeunes, très déterminés. Elle se nourrit des trafics qui gangrènent des dizaines de nos quartiers. C'est pourquoi la lutte contre la drogue et la diffusion des armes est une priorité.
Cette violence, j'entends la regarder en face, la révéler dans toute son ampleur, pour mieux la combattre, partout, sur l'ensemble du territoire. Il n'y a pas un seul espace où l'ordre républicain ne s'impose.
Certains ont pu dire que je serai jugé sur Marseille. Non, je serai jugé sur tout. Et je veux agir sur tout. Sur les incivilités, comme sur les règlements de compte.
C'est par une action dans la durée que l'on obtient de résultats et je ne me laisserai pas détourner de cet objectif.
Donnons toute leur force à ces zones de sécurité prioritaires, outils au service de cette priorité qui nous rassemble : assurer la sécurité des Français.
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