Installation de M. Bernard Boucault, préfet de police

26 juin 2012

Préfecture de police - 26 juin 2012 - Allocution de M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur


Seul le prononcé fait foi

Monsieur le préfet de police,
Monsieur le maire de Paris,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les préfets,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames et messieurs,

J'ai le plaisir de m'exprimer, pour la première fois, devant vous, dans cette enceinte, au moment toujours particulier pour la Préfecture de police qu'est l'arrivée, à sa tête, d'un nouveau chef. Aujourd'hui, il me revient d'installer Bernard Boucault dans ses nouvelles fonctions, pour diriger cette belle institution.

Servir l'Etat est une mission d'une grande noblesse. Elle impose rigueur, droiture et souci permanent de l'intérêt général. C'est la règle dans la maison où nous nous trouvons, qui tire sa force à la fois de sa capacité à s'adapter, à se reformer, mais également à s'inscrire dans une continuité, celle de Michel Gaudin à qui vous succédez, Bernard Boucault, et à qui je rends hommage.

Une maison chargée d'une longue histoire qui se mêle intimement, vous le savez mieux que moi, cher Bertrand Delanoë, à celle de Paris. Cette cour du 19 août nous le rappelle. C'est ici que les Parisiens, après des heures sombres, ont mené un dur combat pour leur libération.

Une histoire qui est, aussi, particulièrement liée à celle de l'Etat. La Préfecture de police, par ses compétences et son champ d'action, est, en effet, une institution unique, atypique, dans le paysage administratif français.

Elle est, cependant, un élément de l'institution préfectorale, cette colonne vertébrale de notre République. Une institution qui a été, ces derniers temps, trop peu considérée. J'entends lui redonner toute sa place. Je le dis ici, je le dirai aussi, et surtout, en province.

Cette institution préfectorale, vous la connaissez très bien, Bernard Boucault, vous qui avez été préfet de département, notamment en Haute-Corse et en Seine-Saint-Denis, préfet de région à Toulouse et à Nantes. Vous avez également été un proche collaborateur de deux ministres de l'Intérieur, Pierre Joxe puis Daniel Vaillant. Vous avez les connaissances, l'expérience et toutes les qualités pour exercer, avec succès, vos nouvelles fonctions.

Homme de bien, de dialogue et d'écoute, vous avez mis votre talent au service de la France en n'ayant de cesse d'entraîner, derrière vous, des femmes et des hommes vers le meilleur d'eux-mêmes. Vos cinq années passées à la direction de l'Ecole nationale d'administration ont véritablement transformé cette école. Si je mentionne cette étape, c'est qu'elle a, une nouvelle fois, démontré vos capacités à enrichir les institutions qui vous sont confiées.

Vous êtes un homme d'action, de passion, de persuasion et de caractère. Ces qualités vous seront utiles pour accomplir vos nouvelles missions qui auront pour cadre une ville, capitale de notre Pays, une agglomération composée de quatre départements, et aussi une région, l'Ile-de-France, qui compte plus de 12 millions d'habitants.

Pour accomplir ces missions, vous pourrez compter sur la mobilisation et le haut degré de professionnalisme des personnels de la Préfecture de police.

A vous, policiers, fonctionnaires de l'Etat, personnels relevant des administrations parisiennes, militaires de la brigade des sapeurs-pompiers, je veux dire toute ma reconnaissance et toute ma confiance. Je connais votre valeur et la diversité de vos savoir-faire. Ces compétences sont une ressource de qualité sur laquelle vous pourrez, Monsieur le préfet de police, faire reposer votre action.

Cette action devra se faire selon trois axes que je souhaite développer ici.

**

Le premier axe est celui de la sécurité des personnes et des biens. La délinquance qui frappe, au quotidien, nos concitoyens, souvent les plus fragiles et les plus exposés, doit être combattue sans relâche.

A ce titre, je souhaite un renforcement de la lutte contre les trafics de stupéfiants. Pour cela, il convient de redynamiser le plan de lutte contre les drogues. Au-delà du démantèlement des réseaux, les trafics de quartier doivent faire l'objet de toute votre attention. Les quantités saisies ne doivent pas être le seul critère d'appréciation. Rendre une physionomie normale à un hall d'immeuble, à une rue, à un square, en faisant cesser les trafics, constitue des objectifs qui ont, tout autant, leur importance. Car il s'agit de redonner une vie normale aux habitants là où la loi du plus fort a pu supplanter la loi de la République.

Je souhaite, également, que vous intensifiez la lutte contre les violences faites aux personnes, sur la voie publique mais aussi dans le cadre domestique. La progression des actes de violences, très significative au cours des dernières années, n'a jamais été véritablement inversée en tendance - même si, à Paris intra-muros, des résultats ont été obtenus, l'année passée. Il faut donc aller plus loin.

Enfin, je souhaite que la Préfecture de police poursuive son investissement dans la lutte contre les cambriolages. L'amélioration constatée à Paris, depuis quelques mois, ne s'est pas vérifiée dans les autres départements de l'agglomération. Là aussi, des progrès sont donc nécessaires.

Afin de mieux lutter contre ces trois formes de délinquance (trafics, violence, cambriolages), vous aurez à mettre en place, très prochainement, des zones de sécurité prioritaires. Il s'agit de territoires bien ciblés au sein desquels une stratégie globale de lutte contre la criminalité sera mise en œuvre. Elle consistera à fédérer et à coordonner tous les moyens des services de police, à impliquer l'autorité judiciaire, et à associer les partenaires - élus, bailleurs, transporteurs - dans un cadre opérationnel renforcé. La police judiciaire et les services d'information générale s'y investiront fortement.

Je sais que la Préfecture de police a su innover en utilisant ce type de méthodologie dans la mise en œuvre du plan de lutte contre les drogues et du plan de lutte contre les bandes. Il s'agit d'engager une démarche similaire sur certains territoires spécifiquement ciblés, que je vous demande d'identifier. A l'issue de premières zones, qui auront, de fait, valeur expérimentale, d'autres zones de sécurité prioritaires seront déterminées, afin de lutter contre différents phénomènes délinquants.

La sécurité des personnes et des biens est une priorité. Au-delà de la délinquance, j'associe, dans une perspective plus large, la protection des réseaux et infrastructures vitales de l'Ile-de-France, le secours aux personnes, ainsi que la gestion du risque urbain avec les questions de sécurité sanitaire, alimentaire, des bâtiments et environnementale.

*

Pour répondre efficacement à l'ensemble de ses missions, la Préfecture de police doit être en mesure de toujours adapter ses structures et ses modes de fonctionnement. C'est le second axe sur lequel il vous faudra avancer.

La création de la police d'agglomération, avec l'élargissement de la compétence territoriale de la Préfecture de police aux départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, est un symbole de ces adaptations nécessaires. Désormais, les unités d'ordre public de Paris peuvent intervenir dans toute la petite couronne. Le territoire est mieux couvert de nuit, comme de jour, par des policiers qui disposent de moyens d'actions mutualisés et plus modernes.

Une première étape a été franchie, il y a trois ans. Il faut, aujourd'hui, tirer les enseignements de cette réforme et dégager de nouvelles voies d'amélioration.

Aussi, je souhaite, Monsieur le préfet de police, que vous lanciez, en lien avec vos collègues de la petite couronne, un audit du fonctionnement actuel de la police d'agglomération. L'harmonisation des méthodes de travail est-elle achevée ? Les décisions sont-elles prises au niveau le plus efficace ? La mobilité et la répartition des effectifs au sein de l'agglomération, ou même dans Paris intramuros, sont-elles satisfaisantes ? Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, la réorganisation des fonctions support permettrait-elle des redéploiements de moyens au profit du terrain ? La coopération inter-directions sur des objectifs territoriaux est-elle réelle et concrète ? Autant de questions cruciales. A l'issue de ce travail, je souhaite que vous me proposiez les évolutions que vous jugerez nécessaires.

Il conviendra, dans vos réflexions, de veiller, en particulier, à la cohérence du dispositif destiné à renforcer la présence des policiers sur le terrain, au contact de la population. Je pense, également, à une stratégie de développement de la vidéoprotection à de nouveaux secteurs de l'agglomération, en complémentarité avec le Plan parisien. Je veillerai à ce que le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) soutienne cette stratégie. Ce développement se fera, nécessairement, dans la concertation et le respect des libertés individuelles.

Je souhaite que la réflexion sur le territoire d'action aille au-delà des frontières de la petite couronne. Je pense, notamment, à la question des transports en commun et à l'inter-modalité. Il s'agit de garantir une même sécurité à tous les usagers, sur l'ensemble des réseaux.

La Préfecture de police connaît également une organisation spécifique dans le domaine du renseignement. Au moment où la France voit resurgir le spectre terroriste sur son sol, la continuité des missions de renseignement intérieur et la fluidité dans l'échange de l'information opérationnelle doivent être, plus que jamais, assurées. De même, les liens avec les services territoriaux d'information générale ou de police judiciaire doivent être resserrés pour garantir ce qu'il est convenu d'appeler la "détection des signaux faibles".

Si l'adaptation à l'évolution de la délinquance passe par une réflexion sur la compétence territoriale, elle nécessite, aussi, une adaptation des structures administratives.

Dans ce domaine, la Préfecture de police doit être exemplaire et montrer la voie de la réforme. Sa spécificité juridique, l'imbrication de ses compétences régaliennes et locales, la multiplicité de ses établissements, doivent faire l'objet d'un examen approfondi en termes de coût et de recherche de performance. Je souhaite, en ce sens, qu'un travail de rationalisation soit mené, en lien avec les élus et les organisations syndicales, pour que le service rendu à nos concitoyens le soit au coût optimal. L'objectif restant de maintenir et d'améliorer la qualité de la relation au public et ce, notamment, par le biais des technologies de communication.

*

Les Parisiens et les Franciliens ont, vis-à-vis du service public que vous tous, ici, représentez, des attentes fortes. Nos concitoyens attendent beaucoup, et notamment beaucoup en matière de sécurité.

C'est pourquoi, Monsieur le préfet de police, la question de l'efficacité des services, et de la mesure de cette efficacité, doit former le troisième axe de votre action.

Les dernières années ont vu le moyen - le chiffre, prescrit à l'avance ! - se substituer aux fins - la protection, la sécurité. Cette politique exclusive du chiffre n'est pas une bonne approche, car elle fait perdre de vue la réalité du métier de policier. Les indicateurs sont utiles mais ils doivent rester des outils. Une façon loyale et sincère d'établir les statistiques est, à ce titre, essentielle.

Je veux passer d'une politique (quantitative) du chiffre à une exigence (qualitative) de sécurité pour tous les citoyens.

Chaque année, la Préfecture de police voit passer, dans ses locaux, plus de deux millions d'usagers. Des progrès en termes d'accueil et d'information du public ont été réalisés, aussi bien dans les services administratifs que dans les commissariats. Certaines directions se sont inscrites dans des démarches de qualité, avec l'obtention de la certification ISO 9001. Je ne peux que saluer ces efforts, mais il reste tant à faire ! La prise en compte du public et des usagers doit être une exigence permanente.

Vous l'avez compris, je souhaite que votre action soit pleinement respectée de tous. Elle doit, pour cela, être respectueuse de chacun. Il y a là un intérêt immédiat : une institution respectée, c'est une institution consolidée dans ses prérogatives, et donc une institution plus efficace.

*

Sécurité des personnes et des biens, adaptation des structures, parfaite efficacité des services, voilà, Monsieur le préfet de police, les trois axes qui doivent guider votre action.

Cette action se fera dans un cadre institutionnel qui doit être caractérisé par l'écoute et le dialogue, avec la population, les acteurs locaux et, bien entendu, les élus. Je pense, en premier lieu, au Maire de Paris et au Conseil de Paris, mais également aux Maires d'arrondissement et des villes de l'agglomération parisienne.

Une agglomération qui devient le cadre renouvelé de l'action de la Préfecture de police. Ceci, marque une page nouvelle de son histoire.

J'ai toute confiance en vous, Monsieur le préfet de Police, et en l'ensemble de vos services, pour faire de cette page, une page emplie d'actions, de reformes et de succès, au service de la collectivité parisienne, au service de l'Etat, au service de la France.

***