Allocution de Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, à l'Ecole militaire le 19 septembre 2012
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le préfet de police,
Mesdames, Messieurs les préfets,
Mesdames, Messieurs les directeurs,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs,
Notre pays doit faire face à une crise, une crise qui frappe son économie, remet en cause sa cohésion sociale et aiguise les tensions. La période dans laquelle nous aurons à agir, à réformer est donc difficile. L'attente est grande, à la mesure des difficultés et des angoisses.
Et c'est cet enjeu qui a justifié cette journée.
Pourtant, on me demandait, il y a quelques heures, pourquoi ce discours cadre ? Pourquoi maintenant ? La question semble saugrenue… Mais, en réalité, elle est déterminante.
Nous sommes réunis ce 19 septembre, car il y a urgence. Nous sommes réunis, aujourd'hui, car les Français ont placé leurs espoirs dans les mains du Président de la République qui a fait de la sécurité une priorité. Le gouvernement, sous l'égide du Premier ministre s'est entièrement attelé à cette tâche. Nous sommes donc réunis, aujourd'hui, dans ce lieu symbolique de l'école militaire car, de chaque mur ici, transpire la nécessité de la mobilisation, de la cohésion.
Oui, il y a urgence.
L'urgence de redonner de l'espoir, l'urgence de faire reculer les violences, les incivilités, l'urgence de casser les trafics, l'urgence de trouver des solutions pour que la vie des Français change, durablement.
Mais nos concitoyens sont lucides ; ils savent que tout ne se fera pas en un jour, d'un coup de baguette magique. L'urgence qu'ils réclament n'est pas celle des illusions, c'est avant tout celle de l'impulsion et de la mobilisation.
Cette urgence nécessite un cap, elle réclame un rythme et appelle un engagement sans faille.
Et chaque époque en apporte l'exemple. Le Maréchal FOCH, dont cet amphithéâtre porte le nom, est le symbole d'une mobilisation tenace et sans relâche qui permit la victoire. Il menait une guerre. Nous livrons une toute autre bataille. J'en retiens bien volontiers la méthode.
Elu de banlieue parisienne depuis plus de 20 ans, je connais l'intensité de votre engagement professionnel et personnel. Je sais aussi, pertinemment, que cet engagement vient de loin.
Je ne suis pas de ceux qui nient les résultats dus à votre action et vos efforts passés. Je mesure pleinement les vertus de la conversion vers la police technique et scientifique de masse ou le recours à la vidéoprotection.
Mais les faits sont têtus, et je crois aux faits, en tout cas lorsqu'ils sont honnêtement mesurés. Dans une course effrénée au chiffre officiel, les dix dernières années vous ont imposé des statistiques prescrites à l'avance, tout en repoussant sans cesse la modernisation de l'appareil statistique ou l'arrivée de la pré-plainte en ligne – c'est tellement plus commode !
Dans le même temps, la tentation a été forte de vouloir gommer certaines réalités qui ne cadraient pas avec la "politique du chiffre". Je veux parler de la poursuite inexorable de la hausse des violences, de la vive reprise, ces trois dernières années, des cambriolages, de la montée en régime d'une délinquance itinérante, difficile à combattre, parfois liée à des réseaux étrangers, de l'acuité plus forte que jamais du risque terroriste.
Deux échecs patents ont handicapé votre action : d'une part, la tension contre-productive dans la relation avec l'autorité judiciaire et, d'autre part, l'incapacité ou le refus de traiter sérieusement, avec vous, des questions liées à la relation police-population.
Indépendamment de vos mérites, trop de confusions ont entouré, ces dernières années, les questions de sécurité.
Si j'ai souhaité vous réunir, préfets de zone de défense, directeurs départementaux et territoriaux, commandants de groupements ou responsables territoriaux de gendarmerie, c'est que tous, dans vos responsabilités respectives, êtes appelés à décliner et animer la politique nationale de sécurité. J'ai souhaité vous réunir conjointement, car c'est la conjugaison de vos engagements qui permet d'agir plus efficacement.
Je suis le "1er flic de France". Je sais pouvoir compter sur vous dans l'accomplissement de cette mission au service de mon pays. J'assume pleinement la part d'autorité et de fermeté qu'elle requiert. La situation actuelle le réclame.
Oui, il est inacceptable que l'appréhension ou la peur limitent la liberté de nos concitoyens d'aller ou de faire. Il est inadmissible que les incivilités hantent les nuits et pourrissent les journées. Il est intolérable que les trafiquants occupent l'espace, qu'un néo-banditisme ou l'étalage d'une richesse mal acquise corrompent la vie des quartiers et pervertissent les modèles de réussite sociale.
Le champ de vos missions est large. Inutile de s'étendre sur ce point. Vous en faites l'expérience quotidienne. Lutte contre la délinquance, contre les violences infra-familiales, contre le crime, contre les trafics de drogues, véritable fléau, qui abîme une partie de notre jeunesse ; lutte contre les trafics d'armes qui font surgir, au cœur de nos villes, la violence la plus sauvage. Mais aussi lutte contre l'insécurité routière qui doit faire l'objet d'une vigilance de tous les instants. Lutte déterminée, également, contre le racisme et l'antisémitisme ; une lutte qui est essentielle pour la défense des valeurs qui fondent notre République.
Notre mobilisation doit se faire autour d'une vision commune, d'une méthode partagée et d'évolutions qu'il convient de mener. Ce sont ces trois points que je veux développer, aujourd'hui, avec vous.
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Aux fortes attentes exprimées par les Français en matière de sécurité, il convient de répondre avec détermination, mais sans céder à la facilité des effets d'annonce qui s'enchaînent sans lendemain. Ceux-ci ne traitent pas les problèmes durablement et créent de l'insatisfaction chez nos concitoyens, comme parmi vos troupes. Pire, de la lassitude et du désarroi.
Tout d'abord, nous devons franchir une étape vers plus de fiabilité de la statistique publique de la délinquance, et de sincérité dans son maniement. Il faut sortir de l'instrumentalisation politique et médiatique permanente de données, trop hétérogènes pour être significatives, ou trop agrégées pour ne pas être manipulables.
Vous connaissez, mieux que moi, l'art et la manière de piloter habilement un taux d'élucidation global ou un volume "attrape-tout" d'infractions révélées par l'action des services (IRAS) ; les secondes pouvant d'ailleurs servir à gonfler artificiellement le premier. Les reports statistiques du fait d'enregistrements clos le 26ème ou 27ème jour du mois, les déqualifications judiciaires injustifiées, les déperditions entre le logiciel de rédaction de procédures et le logiciel de centralisation statistique : toutes ces pratiques, là où elles avaient cours, doivent cesser sans délai ! C'est une obligation de service public.
J'entends mettre un terme aux pratiques statistiques ayant dérivé vers une "politique du chiffre", devenue pour vous une équation impossible. Des pratiques qui ont pu, d'autre part, vous détourner, vos collaborateurs ou vous mêmes, des missions véritablement prioritaires du traitement de fond des problèmes de délinquance.
A cette "politique du chiffre", je veux substituer une exigence de sécurité pour tous les Français.
Que les choses soient claires : les indicateurs statistiques demeureront un outil de pilotage et d'évaluation, pour vous-même vis-à-vis de vos services, comme pour moi à votre égard. Mais, ces indicateurs seront revus et affinés afin de sortir des travers évoqués. Ils seront complétés par les interventions de régulation des différends recensées en main courante, afin de mieux refléter la qualité du travail que mènent, sous votre autorité, gendarmes et policiers. Enfin, les chiffres ne seront pas utilisés sans précautions méthodologiques, pour vous clouer au pilori au cours de séances médiatiquement trop démonstratives pour être efficaces.
Un groupe de travail associant DGPN, DGGN et préfecture de police vient d'aboutir à un avant-projet de tableau d'indicateurs rénovés. Mais celui-ci ne sera adopté qu'après une large concertation, et si nécessaire amendement. L'ONDRP, l'INSEE, les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, les inspections générales et un panel de chercheurs seront sollicités.
L'objectif est d'adopter le nouvel outil de pilotage à compter du 1er janvier.
Cette échéance s'impose d'autant plus que le déploiement du LRPPN – celui du LRPGN est accompli – redéfinira complètement les processus d'enregistrement. Hélas, le module de "statistiques locales", qui fait partie du projet, n'étant pas prêt en temps et en heure, la généralisation de LRPPN ne pourra sans doute intervenir avant fin 2013 ! Il n'est pas concevable de déployer un dispositif qui omettrait de répondre aux besoins des chefs de service territoriaux.
De plus, l'extension à tous les départements de la pré-plainte en ligne, longtemps suspendue par la crainte de susciter des dépôts de plaintes additionnels, aujourd'hui découragés, sera engagée à compter du 1er janvier. Dans le respect des règles de recevabilité, elle augmentera la satisfaction du public et permettra de mieux réguler les flux d'accueil par rendez-vous.
Pratiques d'enregistrement, nouveaux indicateurs, intégration de la chaîne de rédaction de procédures et d'enregistrement statistiques : sachez que j'ai missionné cette semaine les trois corps d'inspections, IGA, IGPN et IGGN, pour mener un audit des pratiques, valider ou amender la démarche et préparer le basculement. Pour la première fois, l'ONDRP et l'inspection générale de l'INSEE seront associés à ce travail, qui sera adressé, ultérieurement, à la mission parlementaire récemment créée sur ces enjeux.
Enfin, la transparence statistique étant la meilleure garantie d'un débat public lucide et éclairé sur les questions de sécurité, je proposerai à ma collègue Garde des sceaux et au Premier ministre un renforcement des garanties d'indépendance de l'ONDRP.
La juste évaluation de l'action de la police et de la gendarmerie, replacée au sein de l'ensemble plus large que constitue la chaîne pénale, est essentielle. Elle contribuera, en effet, à renforcer le lien entre, d'une part, des forces de l'ordre qui agissent et, d'autre part, une population bien consciente de l'action menée. Bien consciente, notamment, qu'il n'y a pas de zones interdites, ni de zones oubliées qui échappent à l'action des forces de sécurité.
Ce lien de confiance se bâtit également – et en priorité – sur le terrain, par une présence visible et un contact aussi fréquent et diversifié que possible avec les habitants.
Il ne s'agit pas de hiérarchiser ou d'opposer les différents modes d'intervention de police et de gendarmerie, des plus préventifs aux plus coercitifs. Tous sont nécessaires et pertinents, à condition qu'ils soient proportionnés à l'événement, sans contretemps, qu'ils soient bien articulés entre eux et qu'aucun ne supplante les autres.
La tâche peut être difficile par endroits, mais police et gendarmerie doivent s'efforcer de nouer partout, et vis-à-vis de toutes les catégories de la population, une relation de proximité, en s'appuyant sur les relais utiles.
La légitimité que procure un contact régulier constitue un gage d'efficacité dans la résolution des problèmes. Elle permet fréquemment de prévenir les tensions ou de gérer la désescalade en cas de situation difficile. Elle permet d'isoler, y compris dans les quartiers populaires, les comportements inciviques ou délinquants.
La présence sur le terrain nécessite, bien évidemment, des effectifs en nombre suffisant. Conformément aux engagements du Président de la République, il a été mis un terme à la RGPP, qui avait entraîné la suppression de 10 700 postes de policiers et de gendarmes depuis 2008. Si rien n'avait été fait, 3 415 suppressions supplémentaires étaient programmées en 2013.
Les arbitrages budgétaires rendus ont non seulement annulé cette tranche, mais aussi respecté l'engagement présidentiel de créer chaque année de nouveaux emplois.
En 2013, 480 postes supplémentaires seront ouverts : 288 pour la police et 192 pour la gendarmerie. Très concrètement, la police nationale recrutera 2 432 gardiens de la paix l'an prochain, contre 500 ces deux dernières années. La gendarmerie accueillera 3 641 nouveaux sous-officiers, en 2013, contre 3148 cette année.
Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, je veux souligner combien ces choix, ces décisions sont significatifs. Cependant, il me faudra aussi répondre aux difficultés quotidiennes que vous rencontrez : état de certains commissariats et brigades, logements, essence, parc automobile,…
Je souhaite aussi partager avec vous une vision commune des droits et obligations du policier et du gendarme. De ce point de vue, les deux forces partagent un cadre d'action largement commun.
Parmi ces obligations figurent l'accueil et la prise en compte des victimes. Il ne faut jamais perdre de vue le désarroi et l'état de confusion dans lesquels se trouve une victime qui se présente dans un service. Cette victime a besoin d'écoute et de soutien.
Souvent, les personnels qui assurent l'accueil en général, et celui des victimes en particulier, sont peu expérimentés voire non formés pour cela. Le service rendu au public s'en trouve dégradé, alors qu'il s'agit là d'une mission essentielle. Certes, la présence d'intervenants sociaux ou de psychologues dans certains commissariats ou brigades de gendarmerie apporte une aide décisive. Leur nombre doit être cependant renforcé.
Dans le même temps, il est indispensable de consolider la fonction d'accueil et de prise en charge des victimes. Cette mission doit constituer un métier à part entière, et non une tâche secondaire. Je souhaite que les formations adaptées soient développées, et que davantage de personnels en bénéficient. Je souhaite également que la hiérarchie veille à valoriser les fonctionnaires et les gendarmes qui en sont chargés.
Aux obligations, répondent des droits. Dès ma prise de fonctions, j'ai voulu que le dispositif de protection juridique et fonctionnelle soit renforcé. La commission, présidée par le conseiller d'Etat GUYOMAR, a proposé, le 13 juillet dernier, 27 recommandations. Elles garantiront une meilleure sécurité juridique aux agents mis en cause, sans nuire au respect de la déontologie. Policiers et gendarmes ont droit, comme tout citoyen, au respect effectif, y compris matériel, de la présomption d'innocence. Lorsqu'une suspension ou une sanction s'imposent, les délais ne doivent pas se prolonger au-delà du raisonnable. Un travail interministériel est en cours pour vérifier les possibilité et moyens de leur application. Sitôt achevé, ce chantier donnera lieu à une concertation syndicale ou représentative.
En revanche, s'agissant de l'usage des armes, je ne serai pas de ceux qui cherchent à s'acquérir d'éphémères faveurs sur le fondement d'un malentendu. La jurisprudence a, depuis longtemps, écrêté en pratique les différences apparentes de régime juridique. Evitons d'emprunter des chemins aventureux et sans issue.
Je l'ai dit, à plusieurs reprises, notamment à Amiens, après une nuit de violences urbaines, mais aussi à Mulhouse où les forces de l'ordre ont dû faire face à des individus particulièrement déterminés. Je veux le dire, à nouveau, devant vous : il n'y a pas d'ordre sans respect des forces de l'ordre.
Rien n'excusera jamais ceux qui s'en prennent délibérément aux gendarmes ou aux policiers. Ceux qui défient, ceux qui menacent, ceux qui caillassent, ceux qui, parfois, tirent sur les forces de l'ordre doivent s'attendre, en retour, à la plus grande des fermetés. S'en prendre aux dépositaires de l'autorité publique, c'est braver le contrat social. Il n'y a pas une ville, un quartier, une rue, un square, un hall d'immeuble où la loi du plus fort, de l'intimidation perpétuelle, de la violence larvée, des caïds, doive défier les lois de la République. Voilà une ligne essentielle de votre action de terrain.
Si les forces de l'ordre doivent être protégées et respectées, elles doivent être, quant à elles, toujours exemplaires et respectueuses. Je n'ignore rien des situations auxquelles vous êtes confrontés. Certains individus, souvent très jeunes, de plus en plus jeunes, n'ont plus peur de l'uniforme : insultes, crachats, agressions, tirs à balles réelles. La "haine du flic" est une réalité dans certains quartiers. C'est inadmissible, c'est intolérable. Et la justice doit être impitoyable à l'égard de ceux qui se livrent à de tels actes. Pour autant, les comportements des policiers et des gendarmes doivent demeurer professionnels, distanciés et emprunts de discernement. Les contacts avec la population ne sauraient être fondés sur un constant rapport de force ou un sentiment de suspicion qu'alimente, en particulier, l'emploi du tutoiement. Des forces de l'ordre toujours respectueuses, ce sont des forces de l'ordre mieux respectées et donc plus efficaces.
La question des contrôles d'identité, comme outil d'intervention, se pose nécessairement. Elle a fait irruption dans le débat public. Ces contrôles, j'en réaffirme toute la nécessité lorsqu'un acte de délinquance peut être légitimement suspecté sur la base d'éléments contextuels déterminés. Ou bien lorsqu'ils ont une visée préventive en marge d'un événement ou d'un site particuliers. Essentiels à l'activité des services et déterminants dans la lutte contre la délinquance, ces contrôles ne sauraient toutefois être ni abusivement répétées à l'égard des mêmes personnes, ni multipliés sans discernement dans tel ou tel quartier.
Vous tous êtes des professionnels et, grâce à votre enracinement sur le terrain, d'excellents connaisseurs de la sociologie variée de notre pays. Chaque jour, vous êtes au contact de la diversité des citoyens et êtes confrontés à toutes les dimensions de la psychologie humaine. Vous savez les blessures intimes qu'un sentiment d'injustice peut provoquer. Le contrôle d'identité est un acte de police judiciaire qui n'est pas anodin. Il doit demeurer légitime et être perçu comme tel par toute personne de bonne foi.
Le Président de la République a fait de la lutte contre les contrôles ciblés par le faciès un engagement. Il sera tenu. Je vous demande de trouver les voies de sa mise en oeuvre concrète, à travers vos responsabilités hiérarchiques : j'y serai très attentif et tirerai toutes les conséquences des abus qui seraient relevés.
En revanche, après discussions et échanges nourris, il me semble qu'il ne faut pas compliquer, de manière déraisonnable, le travail des policiers et des gendarmes sur le terrain. J'ai du respect pour la sincérité des promoteurs de la délivrance d'un récépissé à chaque contrôle d'identité. Je maintiendrai le dialogue avec eux. Mais, il me semble très difficile de retenir leur proposition, en définitive peu développée à l'étranger. Elle serait beaucoup trop bureaucratique et lourde à gérer, et porteuse de difficultés juridiques nouvelles en termes de traçabilité des déplacements et de constitution de nouveaux fichiers. En outre, partout où elle existe, elle est associée à une classification de la population incompatible avec notre conception républicaine.
Je pense qu'il existe de meilleures façons de traiter sérieusement le sujet de fond, et j'en discuterai prochainement avec le Défenseur des Droits qui a mené une étude sur les expériences étrangères. Le Premier ministre m'a d'autre part chargé de lui faire des propositions qui veillent aux bons rapports entre les forces de l'ordre et la population.
Dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire, le cadre strict d'exercice des contrôles d'identité sera rappelé par les directeurs généraux, y compris s'agissant des modalités de déroulement des contrôles et de recours à la palpation de sécurité. Le code de déontologie sera précisé et complété. Enfin, je proposerai, après concertation avec les partenaires sociaux, de rétablir sur l'uniforme ou le
brassard un élément d'identification, comme le numéro de matricule.
L'éthique et la déontologie doivent être des préoccupations permanentes. Elles doivent se voir accorder toute leur place dans les formations, non seulement par des modules spécifiques mais aussi en irriguant l'ensemble des matières enseignées. Au-delà, dans l'exercice du commandement ou de l'encadrement quel qu'en soit le niveau, tout responsable a un rôle essentiel et permanent pour rappeler, avec pédagogie, mais aussi fermeté, les règles à respecter. Les manquements doivent être rectifiés, et si besoin sanctionnés.
J'ai déjà pris et je prendrai, à chaque fois que nécessaire, mes responsabilités. Je ne tolèrerai aucun manquement.
Insister sur le respect de l'éthique et de la déontologie a son corollaire : vous assurer un cadre juridique pour l'exercice de votre action.
La décision de la Cour de cassation du 5 juillet qui ne donne plus légalement le temps matériel nécessaire pour examiner la situation d'un étranger au regard de son droit au séjour et d'en tirer les conséquences administratives ouvre un vide juridique qu'il s'agit de combler. Car je veux dire les choses clairement : les personnes, en situation irrégulière sur notre territoire, et qui n'ont pas vocation à y rester, doivent regagner leur pays d'origine. Dans le cadre d'un projet de loi présenté à l'automne, un dispositif sera proposé qui garantira un équilibre indispensable entre le respect des libertés individuelles et les exigences de maîtrise des flux migratoires.
Je vous demande de la fermeté en matière de déontologie, j'attends aussi que vous soyez attentifs à la situation de vos personnels.
Leur métier, d'une nature difficile, a nécessairement des implications personnelles lourdes, qui peuvent peser sur la vie privée. L'uniforme ne protège pas toujours du stress ou des angoisses, qu'elle qu'en soit l'origine. Soyez à l'écoute des souffrances exprimées et efforcez-vous de détecter les signes annonciateurs, afin d'actionner les structures d'accompagnement qui existent dans vos directions générales. Une mission d'inspection commune à l'IGA, à l'IGPN et à l'IGGN évalue actuellement les dispositifs de prévention du suicide afin d'en améliorer les dispositifs. Je serai très attentif à ce point. C'est là une expression de la gratitude que la nation doit à ses forces de l'ordre.
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Celle-ci s'appuie, tout d'abord, sur la responsabilisation. Chacune et chacun d'entre vous avez développé une expertise dans votre métier. Une expertise qui peut servir à tous. J'attends de vous que vous preniez des initiatives. Imaginez. Proposez. Innovez. Quand votre sens du service public vous suggère des pistes qui servent l'intérêt général, explorez-les. Et surtout, partagez-les. J'accepte le risque de l'expérimentation tant que celle-ci vise à faire progresser notre ministère.
Votre action doit, bien évidemment, s'inscrire dans le cadre des instructions de vos directions. Il y va de la cohérence et de l'unité de l'action publique sur l'ensemble du territoire. Cependant, exercer des responsabilités ne signifie en rien se contenter d'appliquer des directives. Prenez l'entière mesure de votre rôle. Votre expérience, vos compétences et vos qualités personnelles doivent vous permettre d'exploiter pleinement la marge de manoeuvre dont vous disposez.
En matière de communication, il faut répondre concrètement aux sollicitations auxquelles vous êtes confrontés. L'information continue, l'internet et les réseaux sociaux soumettent toute la sphère publique à la pression médiatique et à son rythme effréné. C'est souvent contraignant, mais vos responsabilités l'exigent.
Je vous demande de vous engager personnellement dans une politique de communication proactive, car l'expérience montre qu'un dialogue sain contribue souvent à empêcher que certaines situations ne dégénèrent. Je pense, en particulier, aux phénomènes de violences urbaines. Je demande expressément aux directeurs centraux d'assouplir les circuits d'autorisation, et même de les suspendre en cas d'urgence, car ils entraînent des délais et des pesanteurs incompatibles avec la réalité. Une erreur de tonalité par-ci par-là, ou la malchance de subir, de temps à autre, une déformation du message formulé, ne justifient aucunement les réticences trop fréquemment rencontrées. Savoir communiquer fait aujourd'hui partie des pré-requis du management, et je vous demande, par conséquent, d'intégrer pleinement cette dimension de votre action.
Ma conviction est que votre mission ne doit pas s'inscrire systématiquement dans un cadre doctrinal, monolithique et rigide, imposé d'en haut. Ce que je souhaite, c'est que vous soyez pleinement réinvestis dans vos responsabilités, conscients de l'esprit des choses au-delà de la lettre. J'ai confiance en votre professionnalisme et mon expérience d'élu local m'a permis de mesurer l'utilité de l'intelligence qui naît du terrain.
Cet ancrage local de l'action est le deuxième élément de méthode.
Vos missions respectives vous amènent, en effet, à être de fins observateurs de vos territoires d'intervention. Les spécificités locales, que le niveau central ne peut maitriser, c'est à vous de les prendre en compte. Je prendrai quelques exemples.
Quand une zone rurale ou périurbaine est touchée par une recrudescence des cambriolages, c'est à vous qu'il revient d'intensifier les efforts en matière de police judiciaire et de police technique et scientifique de proximité. A vous de renforcer, quand les ressources s'y prêtent, l'action des cellules ou des groupes d'enquête de lutte anti-cambriolages (CAC et GELAC).
Quand un quartier urbanisé connaît un développement des trafics de drogue, c'est à vous qu'il revient de coordonner l'action entre les services de sécurité publique et ceux de police judiciaire, appuyée par les GIR, les douanes, la PAF. Il faut alors travailler sur les têtes de réseaux, en profondeur. Il faut aussi agir conjointement, au plus près du terrain, hall d'immeuble par hall d'immeuble, point de deal par point de deal.
Quand un territoire subit l'essor des incivilités et se trouve régulièrement secoué par des épisodes de violences urbaines, c'est à vous qu'il revient d’œuvrer, avec la fermeté nécessaire, au rétablissement de l'ordre républicain. Il faut, alors, y mener des opérations de sécurisation avec l'appui des escadrons de gendarmes mobiles et des compagnies républicaines de sécurité. Il faut, aussi, y développer des partenariats avec la justice, avec les élus, avec les associations, pour travailler sur les situations individuelles problématiques et mieux prévenir la délinquance et la récidive.
L'importance de l'ancrage local de l'action, j'aurai l'occasion de la rappeler, vendredi, à Marseille, alors j'installerai le nouveau préfet de police. Car c'est par une action forte, adaptée aux réalités du terrain, que nous obtiendrons les résultats que les habitants de cette ville attendent.
Les exemples que je viens de parcourir soulignent la nécessité de l'optimisation et de la coordination des ressources. Ceci constitue le troisième point de méthode.
Il m'apparait tout d'abord primordial – et ceci au-delà des considérations budgétaires – que cesse ce réflexe qui a consisté, face à chaque problème rencontré, à créer des unités spécialisées. Des créations qui se font toujours au détriment des effectifs généralistes.
La recherche d'efficacité qui doit caractériser notre ministère impose d'adapter les ressources en fonction des besoins. Et ce, à tous les niveaux : dans chaque direction, dans chaque service, dans chaque unité.
L'emploi des unités de force mobile est, à ce titre, éclairant. Je sais que beaucoup a déjà été entrepris et je tiens à saluer les résultats obtenus. Pour autant, les efforts doivent être poursuivis. Les dispositifs de maintien de l'ordre, tout comme les services d'ordre lors des déplacements d'autorités, doivent être conçus – en intégrant les distances à parcourir – et mis en oeuvre au plus juste des besoins. Ainsi, les CRS et les EGM pourront-ils davantage être mobilisés pour des missions de sécurisation. Je viens d'ailleurs de donner des instructions pour que soit renforcé le plan national de sécurisation auquel les CRS apportent leur concours.
Si des progrès peuvent encore être faits, je sais que l'optimisation des ressources constitue déjà une réalité bien ancrée dans la plupart des services. Les gains d'efficacité découleront donc, principalement, d'une coordination opérationnelle renforcée entre les services.
J'attends des préfets qu'ils veillent quotidiennement à ce que les deux forces – et que chaque force en son sein – coordonnent au mieux leurs actions. Trop souvent, chacun remplit sa propre mission. Certes avec des résultats ! Mais ce sont les opérations menées en synergie qui permettent les avancées les plus significatives.
Les forces de police et de gendarmerie ne sont pas seules pour assurer la sécurité des Français. A leurs côtés, d'autres acteurs interviennent, et en premier lieu, les polices municipales. Avec l'ensemble de ces acteurs, il convient d'agir et partager des objectifs. Notre méthode doit donc reposer sur la mise en place de partenariats solides et efficaces.
La police et de la gendarmerie doivent nécessairement travailler en parfaite intelligence avec la justice. C'est elle, en effet, qui, en bout de chaîne, donne corps aux efforts déployés par les services de sécurité intérieure.
Certains voudraient raviver de vieilles polémiques en les opposant. Cette opposition, je la conteste, avec force. Bien entendu, je peux comprendre la déception, parfois même l'amertume, que peut susciter, chez des policiers et gendarmes, qui se sont engagés et investis sur une affaire, une décision de justice. Pour autant, je n'admets pas que l'institution judiciaire soit systématiquement critiquée comme elle le fut dans un passé récent. Son indépendance doit être affirmée. Ce principe est au cœur de notre démocratie.
Je vous demande donc de toujours veiller à entretenir des rapports constructifs avec les magistrats du siège et du parquet. Travaillez en étroite concertation avec eux, et veillez à ce que ce soit également le cas dans vos services. Je sais que, dans certaines circonscriptions, les relations entre notre institution et la justice peuvent être améliorées.
Je m'appliquerai cet impératif dans l'importante réflexion et le chantier ouvert par la Garde des sceaux en matière de prévention de la récidive présentés ce matin en Conseil des ministres.
Ces quatre points de méthode que je viens de détailler (responsabilisation, ancrage local, optimisation et coordination, partenariats) se retrouvent logiquement dans les zones de sécurité prioritaires. Ces zones, en effet, ne constituent pas un dispositif ou une doctrine de plus dans l'empilement des réformes que vous avez connues ces dernières années. Il s'agit bien de mettre en œuvre, sur des territoires ciblés, car difficiles et caractérisés par une délinquance enracinée, une méthode au service de l'action.
Il s'agit donc de responsabilisation. C'est vous, directeurs, chefs de service, commandants de région et de groupement, sous l'égide des préfets de département, et sous la direction judiciaire des procureurs, qui aurez la responsabilité du fonctionnement de ces zones. C'est vous qui identifierez les objectifs à atteindre. C'est vous qui définirez les moyens à mettre en œuvre et participerez
activement au pilotage des structures de coordination. C'est vous, enfin, qui jugerez des critères d'évaluation de l'action menée.
L'ancrage dans le local a aussi toute son importance. Les phénomènes délinquants diffèrent d'un territoire classé en ZSP à un autre. Les réponses à y apporter sont donc nécessairement différentes et doivent s'appuyer sur des dispositifs adaptés.
Des dispositifs fondés sur une optimisation et une coordination des ressources. Les ZSP mettront en synergie tous les métiers de la sécurité intérieure : sécurité de proximité, intervention, sécurisation, investigation, renseignement. Des métiers qui, pour assurer l'efficacité opérationnelle, seront coordonnés, presque au jour le jour, au plus près du terrain.
Enfin, les ZSP impliquent la mise en place de partenariats. Aux côtés de la police et de la gendarmerie, l'institution judiciaire, les élus, les collectivités locales et les polices municipales, l'Education nationale ou encore les partenaires associatifs auront un rôle déterminant à jouer. Les ZSP donnent ainsi à la logique partenariale une forme renouvelée dans laquelle sont mobilisés les différents leviers de la répression et de la prévention. Elles doivent permettent également une explication de l'action policière aux habitants. Explication qui est souvent vecteur de compréhension mutuelle et de renforcement du lien entre les forces de l'ordre et la population.
Début août, 15 premières ZSP ont été définies. J'ai déjà pu observer la mise en place de deux d'entre elles. L'une, en zone police, la semaine dernière, à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. L'autre, en zone gendarmerie, il y a deux jours, à Saint-Gilles et Vauvert, dans le Gard. Lors de ces deux déplacements, j'ai pu échanger longuement avec les policiers et gendarmes qui ont la charge de la mise en oeuvre de ces ZSP. Les initiatives qui ont été prises sur ces deux territoires, aux caractéristiques très différentes, sont particulièrement intéressantes. Elles doivent permettre un effet d'expérience pour la mise en place des prochaines zones. D'ici un an, 50 à 60 seront déployées, par vagues successives.
Ces zones constituent des territoires d'intervention prioritaires. Elles bénéficieront donc de moyens dédiés.. Les unités de force mobile non engagées dans des actions de maintien de l'ordre seront mobilisées pour y assurer des missions de sécurisation. Une partie des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance sera réservée pour ces territoires et les travailleurs sociaux, en commissariat ou en brigade de gendarmerie, seront recrutés en priorité, sur ces ZSP.
J'insiste sur ce point : les ZSP sont avant tout l'expression d'une méthode. Elles ne sauraient, bien évidemment, résumer la politique de sécurité que j'entends mettre en œuvre. Pour dire les choses simplement : ce n'est pas "ZSP ou rien". Les ZSP ne sont ni l'alpha, ni l’oméga d'une politique. Elles sont des moyens, aux côtés d'autres. Elles doivent être des sources d'inspiration méthodologiques pour votre action quotidienne, dans vos circonscriptions. Je vous y engage ! Pour favoriser cette démarche, je ferai en sorte que les bonnes pratiques mises en œuvre, partout dans les ZSP, soient synthétisées puis partagées, afin de bénéficier à tous.
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Ces chantiers, j'entends les aborder avec pragmatisme et dans un souci constant de la concertation. Je l'ai dit, je le souligne à nouveau : le dialogue sera ma méthode. Car je sais qu'aucun élan ne peut prétendre à la durée si les premiers concernés par les décisions prises ne sont pas consultés.
La première évolution que j'entends mener tient à la formation. Le calendrier a voulu que ma prise de fonction coïncide avec la sortie des écoles. Je me suis ainsi rendu à l'ENSP, à l'EOGN, à l'ENSOP. Cette coïncidence fut heureuse autant que logique. Car c'est avant tout par l'humain qu'il faut commencer quand il s'agit d'insuffler un mouvement.
La formation concerne les jeunes recrues, bien évidemment, mais elle doit également être présente à tous les stades du déroulement d'une carrière. Dans les deux forces, aux formations initiales, s'ajoutent les formations continues qui permettent, à chacun, de renforcer ses compétences en fonction des missions ou des responsabilités confiées.
Pour ce qui est de la police nationale, une réflexion est en cours concernant les nécessaires évolutions des dispositifs. Des assises se tiendront prochainement qui permettront de définir les axes prioritaires de la formation des policiers afin de lui donner un nouvel élan.
La deuxième grande évolution qu'il nous faut mener est celle de la rationalisation de nos organisations.
Il s'agit de garantir et de maintenir la dualité des forces de police et de gendarmerie. Cette caractéristique majeure de l'organisation de notre sécurité intérieure trouve son origine, aussi bien dans l'histoire que dans la géographie de notre pays. Elle est un gage d'efficacité. Je respecterai les principes qui découlent de cette dualité : la parité globale, les spécificités de chacun et l'équilibre police-gendarmerie.
Mais, attention, face aux mutations des territoires et des bassins de délinquance, face au développement périurbain autour des agglomérations et face au renforcement des réseaux de transport, la dualité ne peut être synonyme de conservatisme ou de doublons, au détriment de la performance du service public.
Aussi, de nouvelles évolutions de compétence territoriale seront-elles nécessaires. Elles n'interviendront qu'après une concertation approfondie, avec les élus comme avec les personnels, et à condition qu'elles accroissent véritablement l'efficacité de chacune des deux forces. J'ai demandé aux directeurs généraux de me faire de premières propositions rapidement, afin que les premières opérations soient lancées d'ici à la fin de l'année. Tout personnel concerné aura droit à un examen individuel de situation. Le recours à la passerelle police-gendarmerie, qui n'existait pas précédemment, doit aussi nous permettre d'atténuer les conséquences sociales de ces opérations, pour peu que l'engagement de servir dans l'autre force soit sincère et respectueux du cadre d'emploi.
En matière de mutualisation du soutien logistique, il est possible d'aller plus loin encore que les efforts déjà réalisés, sans que d'ailleurs personne n'ait à s'en plaindre : les deux directions générales y travaillent sereinement.
S'agissant de la PTS, les avancées restent encore trop timides. En ce domaine, dans lequel je souhaite des avancées tangibles, je rassure d'emblée : la mutualisation ne saurait avoir pour objet de réaliser des économies, mais au contraire de prolonger l'amélioration du service rendu aux enquêteurs et à l'élucidation.
La réalisation de tous les effets bénéfiques liés à l'évolution extrêmement rapide des technologies du secteur font que la PTS reste une très belle et très noble frontière à conquérir. Je crois sincèrement que, dans beaucoup de départements, police judiciaire et sécurité publique d'une part, police et gendarmerie nationales d'autre part, pourraient encore davantage s'épauler, dans le respect des identités de chacun. C'est d'autant plus nécessaire que, dans des champs aussi pointus, même au premier niveau, beaucoup d'études démontrent les limites de la polyvalence généralisée.
Rationaliser, c'est aussi concentrer les énergies sur la sécurité des biens et des personnes. Certaines missions, assumées par la police et la gendarmerie, n'ont qu'un lien très lointain avec la sécurité de nos concitoyens. Il faut donc s'interroger sur leur pertinence ou envisager de les confier à une autre administration. C'est notamment le cas pour les missions lourdes de transfèrements, déjà confiées à l'administration pénitentiaire dans cinq régions. Je sais les difficultés que vous avez rencontrées, ou que vous rencontrez encore, pour la mise en place de cette évolution nécessaire. Une mission interministérielle d'inspection (Intérieur – Justice – Finances) est en cours afin d'établir un bilan précis qui servira de base à de nouveaux progrès en la matière.
J'ai aussi proposé au Garde des sceaux que nos ministères rouvrent le dossier de la dématérialisation, grâce à l'arrivée imminente de l'interface Cassiopée / systèmes d'information PN-GN.
Je sais, par ailleurs, que la question du renseignement, dans son acception la plus large, alimente les interrogations. Je veux y répondre.
Concernant tout d'abord l'information générale, j'ai entendu les frustrations exprimées par rapport aux conséquences de la mise en œuvre de la réforme de 2008.
Je tiens à réaffirmer combien des SDIG en bon état de fonctionnement constituent une dimension importante de la politique de sécurité que je veux mener.
Outre les propositions que me feront, d'ici à la fin du mois, les inspecteurs généraux LEONNET et DESPRATS, dans un contexte plus large, un plan d'action concret pour l'ensemble de la filière d'information générale est nécessaire. Je me rendrai très prochainement au siège de la sous-direction et réunirai, avant la fin de l'année, l'ensemble des responsables territoriaux.
Je souhaite qu'un positionnement adéquat soit trouvé, entre autonomie de travail et participation aux enjeux collectifs. Le rôle de l'IG ne saurait être réduit à la prévision d'ordre public et à la surveillance des manifestations de voie publique. Le professionnalisme et le savoir-faire en matière d'acquisition de renseignement ouvert, et parfois dans le recours à certaines méthodes de milieu fermé, doivent être pleinement utilisés et valorisés. Par ailleurs, certaines capacités opérationnelles ont sans doute été sacrifiées à l'excès, notamment au niveau régional ou zonal. Cela s'est produit au détriment des capacités d'identification des bandes impliquées dans les violences urbaines ou de droit commun, dans l'identification des réseaux d'économie souterraine, bref en matière de renseignement opérationnel pré-judiciaire.
Par ailleurs, la mission d'information générale doit davantage mobiliser, ensemble, policiers et gendarmes. DGGN et DGPN disposent d'un réseau de capteurs de signaux faibles sans égal. La filière de l'information générale doit en bénéficier le plus largement possible. Par ses capacités de traitement, d'analyse, de mise en perspective, la filière d'information générale apporte une plus-value incontournable, qui suppose aussi une centralisation par strate successives : régionale, zonale et nationale, tout en redistribuant l'information de manière horizontale. Ces dernières années, police et gendarmerie ont mené en commun de nombreux projets, et fondé des services ou unités mixtes reconnus, comme le service des technologies de la sécurité intérieure. Toutes les marges de coopération renforcée doivent donc être explorées en matière d'information générale.
Le rôle et la meilleure organisation du renseignement intérieur sont également des préoccupations majeures. Le retour dramatique du terrorisme sur notre sol, pour la première fois depuis 15 ans, ne peut rester sans retour d'expérience, sans remise en cause, sans effort d'adaptation à la donne toujours changeante des menaces.
Je veux que nous allions au bout des réflexions déclenchées par l'affaire MERAH. C'est pourquoi j'ai confié à deux inspecteurs le soin de faire la synthèse des débriefings organisés par les différentes directions ou services concernés, et d'apporter leur regard distancié pour formuler des propositions. Propositions qui porteront non seulement sur les évolutions nécessaires en matière de renseignement intérieur, mais aussi sur les relations fonctionnelles entre renseignement intérieur et information générale. Enfin, le lien avec les autres directions sera aussi abordé.
Ces sujets sont éminemment complexes, et il fallait prendre le temps de l'analyse. S'agissant du retour d'expérience administrative lié à l'affaire MERAH, je souhaite que les conclusions soient tirées au plus tard d'ici un mois. Un projet de loi sera d'ailleurs présenté en Conseil des ministres le 3 octobre, qui renouvellera les outils préventifs absolument vitaux pour les services spécialisés, notamment s'agissant de l'accès aux données de connexion électroniques et de consultation des sites internet de la mouvance radicale et djihadiste. Il étendra aussi la compétence des tribunaux français, qui deviendra universelle pour les infractions à caractère terroriste commises par des nationaux en dehors du territoire. La neutralisation judiciaire des djihadistes revenant ou tentant de revenir sur notre sol sera ainsi plus efficace.
Mais la réflexion destinée à préparer l'avenir du renseignement et à consolider son statut ne s'arrêtera pas là. C'est expressément l'un des enjeux stratégiques de l'actualisation du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale. C'est aussi la volonté de la représentation nationale que de travailler à l'amélioration du cadre juridique applicable à l'activité des services. Une mission d'évaluation parlementaire a été créée à cet effet par la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Les radicalismes idéologiques ou religieux, et leurs liens avec des mouvements ou groupes subversifs ou violents, sont un défi aux règles et aux valeurs de la République. Membres des services de sécurité, vous êtes en première ligne dans la réponse publique que nous devons apporter. Avec fermeté, dans le respect des règles, sans faiblesse en cas de débordement, mais sans non plus renoncer à nos valeurs démocratiques, dont l'abandon équivaudrait à conférer la victoire à l'adversaire.
En charge de la sécurité, je serai intransigeant face aux menées inacceptables des groupes radicaux dans l'espace public, comme celles que nous avons connu samedi après-midi, à Paris. En charge de la laïcité et des cultes, je poursuivrai un dialogue étroit et fécond avec les représentants religieux, et notamment ceux de l'Islam de France, en évitant systématiquement tout amalgame entre l'extrémisme et le souhait légitime des Musulmans de France de pratiquer, dans la liberté et la tranquillité, leur religion.
Au-delà des questions de renseignements, le ministère de l'Intérieur est tout particulièrement concerné par la prise en compte des risques et menaces affectant le territoire et les populations. Je pense notamment à la cybermenace, à la lutte contre la criminalité organisée transfrontalière, à la liberté des voies de circulation ou encore au pillage des ressources technologiques et scientifiques françaises.
Je souhaite qu'au travers de ses représentants permanents au sein de la commission dirigé par Jean-Marie GUÉHENNO (DGPN – DGGN – DGSCGC et DCRI), le ministère de l'Intérieur prenne toute sa place dans les enjeux de sécurité nationale et apporte une contribution forte et utile.
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Mesdames, Messieurs,
J'ai commencé mon propos en vous parlant d'une nécessaire mobilisation. Je le conclurai sur ce même ton. Les Français nous attendent. Ils veulent, légitimement, des résultats. J'ai confiance en vous pour mettre en oeuvre les orientations que je vous ai exposées. Elles doivent nous permettre de répondre, mieux encore, aux défis que nous lance notre époque.
Je vous ai parlé des visites que j'ai faites en juin, aux écoles, pour les sorties de promotion. Ces visites, je les poursuis : j'étais, il y a deux jours, à l'ENP de Nîmes. Ce que j'ai dit aux jeunes commissaires, ce que j'ai dit aux jeunes officiers, policiers et gendarmes, ce que j'ai dit aux adjoints de sécurité et aux gardiens de la paix ne diffère pas de ce que je vais vous dire à présent. Soyez fiers ! Fiers de votre uniforme. Il est l'expression de nos lois et de nos valeurs. Il dit la force de l'ordre républicain. Cet ordre dont il vous appartient d'être les gardiens scrupuleux.
Vous tous êtes des dépositaires de l'autorité publique. Cette autorité, celle des policiers et des gendarmes, celle des professeurs ou celle des magistrats, notre société la conteste de plus en plus. A cette tendance qui nuit à la cohésion de notre nation, il faut mettre un terme. Le Président de la République et le Premier ministre sont déterminés à agir en ce sens.
J'ai évoqué, en introduction, le Maréchal FOCH, un militaire. L'équilibre des forces m'invite à convier, en conclusion, un civil, grand homme d'Etat et grand ministre de l'Intérieur. Un homme dont – ce n'est plus un secret – la lecture des écrits m'inspire.
CLEMENCEAU et FOCH, avaient des différences. Des oppositions parfois. Ils se retrouvaient, pourtant, dans un même amour acharné de la France.
En 1917, alors que devant le Sénat, CLEMENCEAU donnait sa définition du courage, qui pour lui consistait à aller droit devant soi, il définissait aussi le cap de son action. Agir pour finalement se dire "J'ai donné à mon pays, tout ce que je pouvais". Donnons donc à notre pays tout ce que nous pouvons.
Je vous remercie.
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