Cérémonie de sortie de la 16ème promotion de l'Ecole nationale supérieure des officiers de police

2 juillet 2012

Cannes Ecluse - vendredi 29 juin 2012 - Allocution de Manuel Valls, ministre de l'Intérieur


Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Directeur général de la police nationale,
Monsieur le Préfet,
Messieurs les Directeurs,
Monsieur le Directeur de l'ENSOP,
Mesdames, Messieurs les officiers,

Nos vies sont faites de moments qui marquent nos destins personnels. De moments qui, même s'ils ne durent qu'un instant, déterminent ce que nous serons pour les années à venir.

Le moment que vous vivez - et que j'ai le plaisir de vivre avec vous - est de ceux-là. Aujourd'hui, vous devenez des officiers de police. La mission de haute importance qui vous est confiée, à cette occasion, établit ce que sera votre engagement quotidien au service de la nation.

C'est la troisième sortie de promotion que j'ai l'honneur de présider cette semaine. J'étais, lundi matin, à l'Ecole nationale supérieure de la police (ENSP), pour la sortie de sa 62e promotion. Mardi, je me suis rendu auprès de vos collègues gendarmes, pour la cérémonie de fin de scolarité, à l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN). Je suis, aujourd'hui, avec vous.

Les sorties de promotions sont des moments chargés d'émotion et de fierté. Emotion et fierté, pour vos familles, qui sont présentes, et que je salue. Emotion et fierté, pour la direction, les formateurs et les personnels de l'école, qui vous voient partir, avec un sentiment de mission accomplie. Emotion et fierté, enfin, pour le ministre de l'Intérieur que je suis, devant cette nouvelle génération que vous représentez.

Emotion car, à travers cette cérémonie, transparaît la grandeur de cette institution que représente, pour notre pays, la police nationale. Fierté car, vous toutes et vous tous représentez ce qu'est la police aujourd'hui, et ce qu'elle sera demain. Je l'ai dit, cette semaine, à plusieurs reprises, je vous le dis également : soyez fiers de votre uniforme ! Ayez pleinement conscience de ce qu'il représente : la force de la loi de notre République.

Pour vous, et tous les policiers, revêtir l'uniforme est l'expression d'une double exigence. Celle qui, à travers votre personne, s'exprime vis-à-vis de la société, c'est-à-dire le respect de la loi. Et celle, qu'en tant que policier, vous devez avoir vis-à-vis de vous-même, c'est-à-dire le strict respect de la déontologie.

Le moment qui nous rassemble est l'aboutissement d'une scolarité de 18 mois durant laquelle vous avez découvert, ou mieux connu, l'institution policière. Vous avez suivi une formation de haut niveau, couvrant toutes les composantes de votre métier d'officier de police : management, ou conduite d'un service, commandement opérationnel, contrôle et évaluation des unités, techniques procédurales et policières.

D'ici quelques jours, vous allez pouvoir, dans vos affectations respectives, mettre pleinement en application ces acquis théoriques et pratiques. Vous vous apprêtez à prendre vos fonctions dans différentes unités : sécurité publique, compagnies républicaines de sécurité, police aux frontières, renseignement, police judiciaire. La diversité des métiers qui ont été proposés à votre promotion, en sortie d'école, traduit la richesse des missions de la police nationale.

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Diversité des métiers, diversité des compétences : votre promotion est à l'image de ce que doit être la police. Elle doit être un cadre propice à une mise en synergie - et en particulier sur le terrain - des différents services qui concourent à un objectif commun de sécurité pour l'ensemble de la population.

Officiers de police, formés à cette logique de nécessaire articulation entre les services, vous allez en être les rouages essentiels. Notamment dans le cadre de la mise en place de zones de sécurité prioritaires.

Les premières de ces zones, de l'ordre de 50 à 60, dont 30 à 40 en zone de police, seront créées, dès la rentrée de septembre. Elles doivent reposer sur une logique de coordination des savoir-faire et permettre, ainsi, en agissant sur plusieurs leviers, de répondre à des phénomènes de délinquance, durablement ancrés.
Sécurisation, investigation de proximité, renseignement opérationnel, recherche du flagrant délit : tous ces modes d'action devront être utilisés. Chacun d'entre eux porte une partie de la solution ; il faut qu'ils s'accordent pour aboutir à une réponse opérationnelle, la plus efficace.

Dans vos missions d'officiers de police, vous serez les moteurs de cette coordination des différents services impliqués sur le terrain. Par votre esprit d'initiative, par votre force de proposition, c'est vous qui ferez en sorte que les dispositifs opérationnels, déployés sur ces zones de sécurité prioritaires, soient fluides.

Ce qui vaudra pour les officiers affectés dans ces zones vaudra pour vous tous, officiers de police et ce, tout au long de votre carrière. Appropriez-vous les objectifs qui vous sont assignés ! Organisez vos unités en conséquence !
Utilisez au mieux les compétences de vos collaborateurs !
Montrez l'exemple, expliquez, motivez, évaluez et, si nécessaire, proposez les adaptations que vous jugerez utiles pour mieux faire fonctionner les services !

L'enjeu de votre action, c'est la qualité du service rendu à nos concitoyens, qui attendent beaucoup de la police nationale. En particulier dans ces secteurs, déjà fragilisés sur les plans social et économique, et dans lesquels vient s'ajouter une insécurité. La République, celle que symbolise votre uniforme, doit être partout. Il n'y a pas une ville, un quartier, une rue, un square, un hall d'immeuble où la loi du plus fort, celle des caïds, celle de la violence larvée, celle de l'intimidation perpétuelle, ne doit venir se heurter aux lois de la République. Votre uniforme, c'est précisément cela qu'il signifie. La présence continue de l'autorité publique, garante de l'ordre républicain.

A ce titre, j'attends de vous un comportement de cadre, pragmatique, proche du terrain et des citoyens. Il vous faudra être toujours soucieux d'assurer une présence visible et rassurante de la police.

Dans vos missions, vous devrez, constamment, veiller à entretenir cet indispensable lien de confiance entre la police et la population. Un lien qui ne peut être garanti que par une absolue exemplarité des forces de l'ordre.

L'uniforme que vous portez, je le disais, est l'expression d'une exigence vis-à-vis de vous-mêmes. Je sais que l'immense majorité des policiers sont irréprochables et accomplissent leurs missions, avec rigueur et professionnalisme. Ils ont toute ma confiance. Pour autant, nous ne pouvons occulter certains modes d'intervention inappropriés, aux effets contre-productifs à long terme.

Les contrôles d'identité réalisés sans discernement, le tutoiement, les palpations effectuées au vu des passants : tout ceci peut être vécu comme dégradant si ces actions ne sont pas justifiées par un comportement délinquant.

Que l'on ne s'y trompe pas : il ne s'agit pas de remettre en cause le principe et la nécessité des contrôles. Ils sont essentiels pour vos missions de sécurité publique et de lutte contre la délinquance.

Cependant, le contrôle d'identité n'est pas toujours le seul moyen d'agir. C'est un acte juridique qui ne peut être ni banalisé, ni généralisé. Comme tel, il doit être motivé, proportionné. Et d'ailleurs, au quotidien, vous pratiquez beaucoup d'interventions de police, de prises de contact, voire de manifestations d'autorité qui n'impliquent pas la mise en jeu formelle d'un contrôle d'identité.

Parmi les doléances concernant les contrôles figure régulièrement le besoin d'explication, de justification.
Lorsque la situation s'y prête, n'hésitez jamais à demander aux personnels que vous encadrez d'expliquer ou de motiver vis-à-vis des personnes présentes la nature d'une intervention. Si ce n'est pas possible immédiatement à cause des impératifs de sécurisation de la situation, faites-le rapidement après coup.

Croyez bien que je n'ignore rien de l'irrespect, de l'arrogance, voire de l'hostilité que certains individus manifestent à l'endroit des forces de l'ordre. Et je sais que l'énervement, ou le réflexe d'obstruction à l'action de la police, ancré chez certaines personnes, ne s'évanouit pas toujours face à une explication rationnelle.

Mais il importe de conserver, en toutes circonstances, sang-froid, gestion professionnelle et pédagogie. Car cela contribue à souder autour de vous l'immense majorité de la population. Dit autrement : à créer du respect.
Et une police respectée, c'est une police confortée dans ses prérogatives. C'est donc une police plus efficace.

Votre rôle de commandement est, à ce titre, essentiel. Sur le terrain, je vous donne la consigne d'être sévères avec les attitudes de vos subordonnés qui ne seraient pas conformes au strict respect de la déontologie.

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Si je souhaite que la police et les policiers soient exemplaires, j'entends, en retour, que les policiers bénéficient du soutien infaillible de l'Etat.

Votre promotion a choisi comme nom celui du lieutenant de police Eric Lalès, et d'honorer ainsi sa mémoire.

Le lieutenant Eric Lalès est décédé, le 8 décembre dernier, à la suite de blessures par balles infligées par des délinquants en fuite. La brigade anti-criminalité d'Aix-en-Provence à laquelle il appartenait est à l'image de toutes les BAC de France. Elles accomplissent des missions d'interpellations périlleuses, souvent marquées par l'imprévu. Le courage dont a fait preuve Eric Lalès est un symbole pour vous tous, policiers.

Aux membres de la famille d'Eric Lalès, je veux dire tout mon soutien. A travers vous, ses parents et proches, qui honorez cette promotion de votre présence, je veux adresser des pensées toutes particulières à la compagne d'Eric Lalès, Delphine, et à leurs deux filles, Cyrielle et Maëlis. Je veux les assurer que le nom d'Eric Lalès restera, à jamais, gravé dans la mémoire collective de notre nation. Et en premier lieu, dans la mémoire de toutes celles et tous ceux qui, appartenant à cette 16e promotion, ont le devoir de se montrer dignes, au cours de leur carrière, de ce nom qui exprime ce que doit être leur engagement de policiers.

Une délégation du commissariat d'Aix-en-Provence où était affecté Eric Lalès est présente, également. Je lui fais part de mon soutien et la charge de transmettre un même message à l'ensemble de celles et ceux qui ont travaillé aux côtés d'Eric Lalès.

Policiers, vos missions ne sont jamais faciles.
Généralement, elles sont complexes. Souvent, elles sont risquées. Il m'apparaît donc nécessaire que vous bénéficiez d'une meilleure protection, dans le cadre de vos fonctions.

Le 21 avril 2012, à Noisy-le-Sec, un policier a tiré sur un homme, soupçonné d'avoir commis un vol à main armée. Celui-ci est décédé quelques heures plus tard.

Mis en examen pour homicide volontaire, le policier, du fait du contrôle judiciaire dont il fait l'objet, et alors même qu'il bénéficie, comme tout justiciable, de la présomption d'innocence, ne peut plus exercer sa profession.

Cette affaire a, je le sais, provoqué un profond émoi au sein de la police. Il ne m'appartient pas, cependant, de la commenter sur le fond. C'est à la justice de se prononcer.
Il convient, toutefois, de ne pas en rester là et d'étudier dans quelle mesure les policiers, mis en cause dans une affaire où leur faute personnelle n'est pas avérée, peuvent bénéficier d'une meilleure protection juridique. Une commission que j'ai installée, dans les jours qui ont suivi ma nomination, est au travail. Constituée d'experts reconnus, pour la plupart indépendants, elle remettra ses conclusions fin juillet. Il conviendra, à la suite, d'envisager les évolutions qui s'imposent.

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A vous, lieutenants de Police - c'est ce que vous êtes à présent ! -, j'adresse mes vœux de réussite dans la carrière qui s'ouvre devant vous.

Cette carrière sera nécessairement faite de moments difficiles. De moments où vous serez confrontés à ce qu'il y a de plus dur dans notre société. La violence, l'urgence, la détresse surgiront, souvent d'ailleurs au moment où vous vous y attendrez le moins. Vous pourrez compter, alors, sur le soutien de vos collègues. Un même soutien que vous devrez, vous aussi, leur apporter. C'est cela qui assure la grandeur de l'œuvre collective que tous les policiers accomplissent au service de notre nation.

Dès demain, vous êtes appelés à accomplir votre devoir.
Ayez confiance. Vous avez reçu la formation qui vous assure d'être pleinement opérationnels.

Gardez en tête le souvenir de cette journée qui marque celle d'un engagement - le plus beau qui soit -, pour votre pays.

Soyez fiers, enfin, chaque jour de votre uniforme. Il ne dit pas simplement ce que sont nos lois. Il ne dit pas simplement ce qu'est notre République. Il dit aussi ce qu'est la France.

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