Conférence de presse du lundi 20 janvier 2014 - Ministère de l'Intérieur.
Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le président Armand JUNG,
Monsieur le délégué adjoint à la sécurité et à la circulation routières,
Mesdames, messieurs,
La sécurité est l'affaire de tous. Et c'est encore plus vrai pour la sécurité routière. Bien sûr, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, des services de police, des unités de gendarmerie, des gestionnaires de voirie, des associations et de l’ensemble des acteurs de la sécurité routière d’agir. Mais c'est à chacun d'entre nous, conducteurs, passagers, piétons de nous prendre en main pour faire reculer le nombre de morts et de blessés sur nos routes. Nous ne devons jamais relâcher les efforts.
Le bilan de l’année 2013 est encourageant : le nombre de tués sur les routes est en baisse de 11%. Cette baisse est une amplification de celle de l’an dernier qui était de – 7,8%.
En 2013, 3 250 personnes ont perdu la vie dans un accident de la circulation routière. C’est un niveau bas historique. Le plus bas depuis 1948, année des premières statistiques.
Un point important doit être souligné : contrairement à 2012, la baisse de la mortalité concerne, en 2013, toutes les catégories d’usagers. Après une année 2012 difficile, l’évolution de la mortalité des piétons et des cyclistes reprend une tendance favorable avec une réduction de l’ordre de 7%. C’est un point important car la sécurité routière, c’est la sécurité de tous les usagers de cet espace public partagé qu’est la route.
Les deux catégories les plus préoccupantes dont j’ai fait une priorité lorsque j’ai relancé le Conseil national de la sécurité routière – les motocyclistes et les jeunes de 18 à 24 ans – présentent, comme l’année dernière, une mortalité en baisse, respectivement de - 3% et - 10%.
Si 403 vies ont pu être « épargnées » cette année, ce seul chiffre de « près de 9 morts par jour sur nos routes » montre combien nous devons nous mobiliser.
La baisse du nombre des victimes s’accompagne d’une baisse de 6,6% du nombre d’accidents et d’une baisse de 4,7% du nombre des blessés hospitalisés. 25 876 personnes l’ont été en 2013 à la suite d’un accident de la circulation routière.
Le bilan de l’année est donc encourageant. Il ne peut être satisfaisant. La route connaît encore trop, beaucoup trop de drames, qui brisent des vies, brisent des familles. Les routes, les transports, sont faits pour relier des femmes et des hommes, pour permettre notre vie en collectivité. Faisons en sorte qu’elles ne soient pas des lieux de morts.
Je suis convaincu qu’il n’existe pas de seuil ni de fatalité, et qu’il est encore possible de progresser en agissant sur les principales causes de la mortalité routière. L’objectif, je l’ai posé clairement : moins de 2 000 tués sur les routes d’ici 2020.
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La vitesse est toujours la cause principale de 25% des accidents mortels, juste avant l’alcool qui compte pour 20% des cas.
Les conducteurs de 18 à 24 ans ayant consommé de l’alcool sont impliqués dans un accident sur deux entre minuit et 6h du matin, les samedis et dimanches. Cette information terrible, doit impérativement orienter l’activité des services. Mais gardons-nous des images trop simplistes : des conducteurs de tous âges causent des accidents mortels du fait de l’alcool.
Un chiffre parle de lui-même : le risque d’être impliqué dans un accident corporel grave est multiplié par 8,5 pour les conducteurs ayant un taux d’alcool au-dessus du taux légal.
L’usage des stupéfiants est la cause principale de 4% des accidents mortels. Mais la consommation de stupéfiants est très souvent liée avec celle de l’alcool, multipliant alors le risque d’avoir un accident mortel par 14.
Mais à ces causes il faut également ajouter le manque de vigilance, la fatigue, l’agressivité parfois au volant qui sont autant de facteurs d’insécurité routière. Pour soi et pour les autres.
Les résultats obtenus en 2013 sont fragiles. Si l’on veut changer les comportements, sur le long terme, il est indispensable de faire comprendre les risques, d’expliquer la nécessité des règles et de s’assurer qu’elles sont respectées.
Il faut agir sur tous les leviers : la formation, la communication et la prévention, les contrôles et donc, bien évidemment, la sanction.
Si le contenu de la formation a toute son importance, un déroulé cohérent dans le temps est essentiel.
Aujourd’hui, le délai moyen d’attente entre deux présentations à l’examen pratique du permis de conduire est de 100 jours ; c’est inacceptable. Cette situation place bon nombre de candidats dans une situation difficile, notamment parce que pouvoir conduire, c’est pouvoir obtenir un emploi. Nous sommes arrivés à un tel point que certains n’hésitent plus à braver la loi en prenant le volant sans permis. Il fallait donc prendre des mesures adaptées.
C’est pourquoi j’ai confié à madame Florence GILBERT, présidente de la commission « jeunes et éducation routière » du CNSR, la responsabilité d’animer un groupe de travail. Des premières mesures m’ont été proposées. Je les ai validées. Elles seront mises en œuvre dès cette année et permettront :
- le recrutement d’une promotion de 25 inspecteurs du permis de conduire ;
- l’octroi d’une enveloppe de 60 000 examens supplémentaires ;
- le recours à des délégués et inspecteurs à la retraite pour la surveillance de l’épreuve du code.
Ces mesures sont des mesures d’urgence. J’ai également demandé que des solutions pérennes sur la question des places d’examen me soient proposées d’ici à la fin du premier semestre 2014.
La communication en matière de sécurité routière, les messages qui sont transmis et relayés, sont également essentiels.
Je veux ici souligner la pertinence de la dernière campagne « Quand on tient à quelqu’un, on le retient ». Pour la première fois, la Sécurité routière interrogeait directement les consciences de l’entourage du conducteur et incitait à l’action : face à celui qui a perdu sa faculté de discernement à cause de l’alcool, il n’y a pas d’autre choix que d’agir à sa place.
Cette campagne, largement diffusée à la télévision et accompagnée de spots radio et d’un dispositif sur Internet et les réseaux sociaux doit prendre toute son ampleur.
Notre société est celle de la communication de masse. Un service public moderne doit savoir pleinement s’adapter aux réalités de son époque. Et je crois beaucoup à l’importance des campagnes de sensibilisation qui, grâce à des formats, et parfois même à une audace dans le ton, doivent pouvoir atteindre leur cible et faire passer des messages. Je crois notamment qu’il y a beaucoup à apprendre de certaines campagnes menées à l’étranger.
Nous devons savoir utiliser tous les médias : les médias traditionnels, mais aussi bien sûr les réseaux sociaux, et les opérations dans l’espace public, au contact des populations, en visant tous les âges, et quel que soit les moyens de transport. Il faut par exemple savoir parler aux jeunes conducteurs, mais aussi aux personnes qui font du vélo en ville, ou bien encore aux personnes âgées, celles qui conduisent encore ou se déplacent à pied.
Aux actions de formation, de communication et de prévention, doivent s’ajouter celles de contrôle. Dans ce domaine, la politique du contrôle automatisé a donné des résultats très nets et cela très rapidement.
En une décennie, le déploiement des radars a fait baisser la vitesse moyenne de plus de 10%, contribuant ainsi à réduire le nombre de morts sur nos routes. Je rappelle : plus de 8 000 en 2000, moins de 4 000 en 2010, 3 250 aujourd’hui.
En 2013, la mise en service des 79 premiers radars permettant de contrôler les véhicules dans le flot de circulation a incité plus encore les conducteurs à respecter les limitations de vitesse.
Mais il ne s’agit pas de multiplier le nombre des radars à l’infini. On peut même dire qu’avec près de 4 100 équipements installés aujourd’hui et une centaine de plus en 2014, nous sommes arrivés à maturité du déploiement.
Il s’agit désormais, pour continuer d’agir efficacement sur le comportement des usagers, d’engager une phase de diversification et de modernisation des moyens.
Ainsi les équipements les plus anciens seront progressivement remplacés par des modèles de nouvelle génération tels que les dispositifs permettant d’identifier un véhicule en excès de vitesse dans sa voie de circulation, ceux contrôlant la vitesse moyenne, ou encore des radars semi fixes pour les zones de travaux.
Le contrôle est fait pour vérifier si les règles sont respectées. Dans le cas contraire, des sanctions doivent intervenir. Des sanctions qui permettent d’empêcher les individus dangereux de nuire à la sécurité de tous ; qui permettent une réelle prise de conscience chez ceux qui n’ont pas respecté le code de la route.
La garde des Sceaux a annoncé, il y a quelques jours, sa volonté de réduire le champ des infractions correctionnelles au titre de la modernisation de la justice pénale. Que les choses soient claires : il ne s’agit aucunement, comme j’ai pu l’entendre ici ou là, d’une proposition de « dépénalisation » des infractions routières les plus graves.
Il s’agit au contraire, par la contraventionnalisation de certains délits routiers, de rechercher la certitude, la fermeté et la rapidité de la réponse pénale. C’est cet enchaînement qui rend la sanction efficace.
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Contrairement aux pratiques antérieures, je considère que la préparation des mesures de sécurité routière doit s’appuyer sur une véritable réflexion, associant tous les acteurs. C’est pourquoi, je voudrais revenir avec vous sur la concertation et le travail engagés par le Conseil national de la sécurité routière.
Quand j’ai décidé de réinstaller le CNSR en novembre 2012, il n’avait pas été réuni depuis 2008 ! La concertation avait fait défaut et il était donc urgent de la relancer.
Je veux ici remercier le président Armand JUNG et l’ensemble des membres de cette instance pour le travail accompli depuis plus d’un an. Ils ont leur part dans les résultats obtenus.
Le comité des experts a ainsi remis un premier rapport à l’occasion de la séance plénière du 29 novembre dernier. Ses propositions, notamment la réduction des vitesses sur certaines voies, seront examinées par les commissions du CNSR cette année. Il faut se donner le temps de la réflexion. A ce jour rien n’est décidé. Un second rapport sur les différents axes d’amélioration de la sécurité routière sera également remis au CNSR au cours de l’année 2014.
De la même manière, les travaux engagés autour des éthylotests anti-démarrage, des enregistreurs de données routières ou bien encore de la circulation inter-files pour les deux roues motorisés se poursuivront au premier semestre de cette année.
L’ensemble de ces travaux permettra ainsi de préparer un comité interministériel de la sécurité routière avant l’été sur la base d’une expertise scientifique et d’une concertation la plus ouverte et la plus approfondie. C’est le gage de mesures adaptées nous permettant à tous, collectivement, de progresser.
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En quarante ans, la mortalité routière a été divisée par quatre.
L’amélioration de la sécurité des véhicules, l’aménagement des routes et surtout l’évolution des comportements au volant ont contribué à cette baisse.
Le bilan de l’accidentalité routière de l’année 2013 s’inscrit dans cette tendance. Bien sûr, elle est multi factorielle. Et la crise que nous connaissons fait que l’on roule moins générant ainsi une moindre exposition au risque. Mais c’est une raison parmi d’autres.
Car il n’en reste pas moins que l’action des pouvoirs publics est déterminante. Tout relâchement se traduit immédiatement par des conséquences négatives. Notre rôle, notre mission, est de tenir un message clair, un message ferme.
Avec un seul objectif pour l’année à venir : celui de réduire encore davantage le nombre de morts et de blessés sur nos routes.
Je suis prêt à présent à répondre à vos questions.
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