Allocution de Manuel VALLS, ministre de l'Intérieur, le 18 octobre 2012 à Toulouse - Préfecture de Région.
- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le ministre, cher Kader ARIF,
Monsieur le préfet de région, Mesdames,
Messieurs les maires, Mesdames,
Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs,
Chers concitoyens,
Partout sur notre territoire, les préfectures sont le symbole de la présence continue de l'Etat, le symbole, aux côtés des mairies, de notre République. Elles sont habillées de ses couleurs, de son drapeau, elles en portent la devise, en font vivre les valeurs et en organisent l'action.
Je suis heureux de me trouver, aujourd'hui, devant vous, à Toulouse, dans cette préfecture de la Haute-Garonne, pour un moment républicain. Un moment qui marquera vos vies de femme et d'homme. Et qui est aussi marquant pour moi, comme ministre de l'Intérieur, naturalisé il y a trente ans.
Toulouse est la quatrième ville de France. Elle est à l'image de la France. Elle est faite de diversité. Elle est le résultat de cultures, d'influences qui, au fil des époques se sont rencontrées, se sont côtoyées, se sont enrichies. Toulouse est un carrefour et une destination. Au cours de son histoire, elle a vu se succéder les vagues d'arrivants. Au siècle dernier, ces arrivants vinrent notamment d'Espagne, d'Amérique du Sud, d'Italie, du Maghreb ou encore de l'Afrique subsaharienne.
Toulouse est un creuset. C'est-à-dire que chacun apporte mais que tous se retrouvent dans un idéal commun. Celui "d'être de Toulouse et de sa région", bien évidemment, mais aussi et surtout d'être citoyen Français. C'est justement ce que vous vous apprêtez à devenir avec cette cérémonie de remise des décrets de naturalisation.
Cette cérémonie qui marque le passage du statut d'étranger au statut de français est solennelle. Elle doit le rester. C'est une marque de respect fraternel que la République témoigne à l'endroit de celles et ceux qui la rejoignent. C'est aussi, nécessairement, un moment où les naturalisés, les nouveaux Français, expriment leur attachement profond aux valeurs de la République. Leur attachement à la France.
La France, notre pays, a vu naître les Droits de l'Homme. Elle a voulu, un jour, parler au nom de l'humanité toute entière, en proclamant cette exigence qui veut que "les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits". Si la France a parlé au monde, elle ne doit en tirer aucune fierté déplacée. Elle doit néanmoins être pleinement consciente de ce que sont ses valeurs. Les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, celles que représentent les trois couleurs de notre drapeau, synthèse de la monarchie et de la Ville de Paris. Les valeurs également de laïcité et de solidarité. Des valeurs que notre République doit savoir affirmer et faire vivre, dans l'intérêt de tous.
Les définitions de la France ne manquent pas. Des penseurs, des écrivains, des poètes ont pu souligner - non sans emphase - les qualités de notre pays. Romain GARY a notamment bien raconté, alors qu'il fuyait une terre hostile en compagnie de sa mère, combien, dans les yeux de celle-ci, la France était cette terre lointaine où "les plus belles histoires du monde arrivent vraiment".
Pour dire ce qu'est la France, ces mots de Paul VALERY peuvent être utiles qui affirment qu'il n'est pas de "nation plus ouverte, ni sans doute plus mystérieuse que la française ; point de nation plus aisée à observer et à croire connaître du premier coup".
Ce qui caractérise la France ce sont les contrastes qu'elle a su faire vivre en son sein. Des contrastes qui apparaissent aussi bien à travers les accents de sa langue, la géographie de sa terre que les visages de celles et ceux qui la peuplent.
La France est une terre d'accueil. J'aime ce pays qui, un jour, a fait de moi l'un des siens.
Un pays qui est dès lors pleinement le vôtre et que vous aimez !
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Comme vous le savez, ces dernières années, l'accès à la nationalité française a été entravé, empêché. Des obstacles qui n'ont jamais fait l'objet d'un débat ont touché des étrangers installés régulièrement et depuis longtemps en France. Des étrangers, parfaitement insérés dans la société française, qui ont fait le choix de devenir Français et à qui on a opposé un refus.
Ce refus vient de loin. Il est la résurgence d'une crainte ancienne, celle d'une France qui doute, qui regarde le monde avec méfiance et cède, alors, à la tentation du repli. Il renvoie à ce vieux débat sur ce qu'est une nation. Un débat, qu'au cours de son histoire, la France a déjà tranché. Il n'y a donc aucune raison de le rouvrir. L'appartenance à la Nation française n'est pas que le résultat de la naissance. Elle est l'expression d'un attachement, d'une adhésion. Nous connaissons bien la formule d'Ernest RENAN qui a pu parler d'un "plébiscite de tous les jours". Mais cela demande plus que cela : l'adhésion, l'attachement à la nation, comme a pu l'expliquer Mona OZOUF, sont le résultat d'un parcours, fait de passions et de convictions, d'une suite de choix réfléchis.
Dans la lignée d'une pensée conservatrice, certains ont voulu raviver la peur de l'autre, réinstallé la vision d'une nation fermée. Une nation qui ne serait plus le fruit de choix et d'engagements individuels mais l'acceptation d'un déterminisme. Ce n'est pas cela la France !
La France a fait venir à elle le monde. De partout, les nouveaux arrivants ont convergé avec l'espoir d'une vie meilleure, avec une envie d'épouser un destin commun. Etre Français, c'est l'être par la filiation, par le mariage ou par la naturalisation. Une naturalisation qui doit demeurer la conclusion logique d'un parcours d'intégration réussi. C'est la conception du Président de la République. C'est celle que j'entends mettre en œuvre.
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La politique conduite par le gouvernement précédent s'est traduite par une baisse de 30 % du nombre de naturalisations entre 2010 et 2011 et de 45 % entre 2011 et 2012. Cette chute résulte de consignes de durcissement, transmises sans publicité et appliquées par les services, jusque parfois même dans la manière d'accueillir les postulants en préfecture.
Ce constat, je veux le regarder en face.
Le Président de la République veut sortir - et le Premier ministre l'a rappelé dans son discours de politique générale - de cette défiance. Une défiance qui, dans les paroles et parfois dans les actes, a pu prendre les traits d'une hostilité. Nous devons retrouver l'apaisement.
La nationalité française ne doit être ni bradée ni réservée à une élite. La Nation française doit être fière d'accueillir de nouveaux citoyens. Cette fierté doit se traduire dans les conditions d'accueil dans les préfectures de celles et ceux qui ont la volonté de rejoindre la communauté nationale.
Ma mission est claire : refaire de l'accès à la nationalité un véritable moteur du sentiment d'appartenance à notre Nation. Une force pour notre Nation. Ce travail, essentiel, je veux l'engager sans délai.
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Je ne veux pas ouvrir de nouveaux débats - notre pays n'en a pas besoin ! - en bouleversant l'ensemble du dispositif d'accès à la nationalité. Il s'agit simplement, sereinement, de prendre toutes les mesures afin de rendre ce dispositif plus juste, plus transparent, plus efficace.
Cela implique un travail important : il faut d'abord revenir sur l'ensemble du processus d'instruction des demandes et sur les critères. Rendre la naturalisation accessible, c'est aussi repenser le dispositif d'information, améliorer l'accueil des postulants dans les préfectures et encourager les initiatives de préparation des candidats. Ce travail ne peut s'accomplir en quelques semaines.
Je vais donc procéder en deux temps. L'urgence tout d'abord : redresser la courbe du nombre de naturalisations, en revenant sur les critères les plus discriminants qui sont à l'origine de près de 70% des refus. Je viens d'adresser à cet effet, à l'ensemble des préfets, une première circulaire dont l'impact sera important et changera les pratiques.
Cette circulaire cible d'abord les modalités d'appréciation de l'insertion professionnelle. Jusqu'à maintenant, cette appréciation ne permettait de prendre en compte ni les CDD, ni le passage par l'intérim. A lui seul, ce critère représente plus de 40% des refus. Je refuse l'idée que seuls les détenteurs d'un CDI puissent devenir Français.
Cette circulaire modifie également le traitement réservé aux jeunes de moins de 25 ans ayant effectué tout ou partie de leur scolarité en France. Elle traite aussi le cas des médecins étrangers. Dès à présent, la méthode du questionnaire à choix multiples relatif à la connaissance de l'histoire et de la culture et de la société françaises est abandonnée. On ne devient pas Français en répondant à un QCM !
Etre Français, c'est nécessairement parler le Français. Le niveau exigé qui correspond à un niveau exigé à la fin de la classe de troisième sera donc maintenu. Aujourd'hui, ce n'est pas ce niveau qui est discriminant, mais bien la façon dont il est évalué et comment les conditions spécifiques de certaines personnes sont prises en compte.
L'appréciation du niveau de langue ne doit pas être à la charge des agents des préfectures. Le principe d'une attestation délivrée par un organisme agréé ne sera donc pas remis en cause. Nous allons procéder à la labélisation de nouveaux organismes de formation en veillant à un maillage satisfaisant de tout notre territoire. Ces organismes, financés par les pouvoirs publics, pourront ainsi fournir les attestations de niveau gratuitement - c'est important !
Cette circulaire est une première étape, mais je le redis, elle aura un impact considérable.
La seconde étape est en préparation. Elle doit aboutir au début de l'année prochaine. Elle se traduira par une circulaire-cadre qui remettra à plat tous les critères et leur condition d'appréciation. Elle précisera l'esprit dans lequel l'accès à la nationalité doit se dérouler. Elle encadrera également le contenu et la forme de l'entretien dit"d'assimilation".
D'ici là, des concertations vont être organisées pour faire des propositions concrètes et la mission parlementaire (dont M. Patrick MENNUCCI est le rapporteur) aura rendu ses conclusions. Je saurai aussi tirer les conclusions de la mission d'inspection que j'ai ordonnée sur la déconcentration des décisions de rejet.
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Mesdames, Messieurs,
Aujourd'hui, en devenant Français, vous devenez les dépositaires d'un héritage tout autant que les continuateurs d'un projet. Vous apportez avec vous vos origines, vos racines, vos aspirations.
Vous êtes, dorénavant, des citoyennes et des citoyens. A ce titre, vous bénéficiez, toutes et tous, des mêmes droits que l'ensemble des Français ; des mêmes droits, mais également des mêmes devoirs.
A partir de ce jour, vous avez notamment le droit de voter à toutes les élections, d'être éligible ou encore d'accéder à la fonction publique.
La nationalité française vous impose également des devoirs et, en premier lieu, le respect des lois de la République. Votre contribution personnelle au fonctionnement des institutions nationales passe par l'impôt mais aussi la transmission à vos enfants des valeurs qui fondent notre République.
La France est une république laïque. Le peuple, qui choisit ses élus, est formé d'une infinité de sensibilités et d'attachements à tel ou tel courant de pensée, à telle ou telle culture, à tel ou tel idéal. Cette diversité fait la richesse de notre nation. Mais elle s'exprime dans le respect de ce qui unit et dépasse les Français : le sentiment d'appartenance à la même communauté nationale et l'engagement d'en garantir la cohésion par des comportements citoyens.
La citoyenneté française à laquelle vous accédez s'exprime, d'abord, par l'adhésion, exigeante, à la devise de la République : liberté, égalité, fraternité.
La liberté est la base de la démocratie. Croyances, cultures et différences y ont toute leur place mais aucune ne peut prétendre s'imposer aux autres. Chaque français est libre de ses opinions mais chaque français doit respecter celles des autres dans le cadre défini par la loi.
Vous avez décidé d'adopter les règles qui régissent notre société. La laïcité en est une. Elle garantit à chacun le libre exercice de son culte, à condition que cet exercice ne gêne pas les convictions d'autrui.
Nous sommes citoyens d'abord. Aucune appartenance, ethnique, religieuse, idéologique ou autre, ne peut remettre en cause le principe fondamental d'égalité. Egalité entre les hommes et les femmes. Egalité des droits entre les citoyens. Egalité des devoirs.
Le respect conjoint de ces deux principes de liberté et d'égalité est la condition de l'accès à cette valeur supérieure qu'est la fraternité.
La devise républicaine n'a pas été donnée ; elle a été conquise au fil de l'histoire de notre pays, marquée par des combats pour faire prévaloir des idéaux.
En ce jour particulier qui marque votre accession à la nationalité française, je veux formuler un souhait : que nos institutions républicaines forment le cadre propice de votre épanouissement personnel et qu'elles vous permettent d'être pleinement citoyen Français.
La République a sa devise, a son drapeau. Elle a son hymne : la Marseillaise que je vous invite, dès à présent, à chanter ensemble.
Vive la République, vive la France !