Interview donnée par Madame Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, au journal Sud-Ouest le 7 septembre 2018.
La ministre Jacqueline Gourault détaille aujourd'hui aux maires de la communauté d'agglomération les avantages et les conditions à mettre en œuvre pour la création des "communes nouvelles".
Pourquoi le gouvernement incite-t-il les communes à se réunir en créant des « communes nouvelles » ?
Le gouvernement n’incite personne et n’a pas d’objectifs chiffrés en la matière. La création de communes nouvelles est basée sur le volontariat. Notre action est le prolongement de ce qui a été décidé en 2010 sous Nicolas Sarkozy et François Fillon puis pendant le mandat de François Hollande via la loi Jacques Pélissard (LR), loi d’initiative parlementaire qui a amélioré le régime des communes nouvelles par des mesures fiscales incitatives.
Le gouvernement actuel n’a donc rien fait sur ce point ?
Il n’a pas légiféré, mais notre loi de finances a élargi le soutien financier aux communes dont la population atteint 150 000 habitants. C’est un élargissement considérable de la mesure en vigueur précédemment qui ne concernait que les communes de 1 000 à 10 000 habitants.
Quels sont les principaux freins à lever pour que davantage de communes fusionnent ?
Dans notre pays, l’attachement au clocher est très fort, viscéral. Il ne faut pas le combattre car cela fait partie de notre richesse, mais aujourd’hui, beaucoup de communes, surtout les plus petites, n’arrivent plus à mettre en place les politiques qu’elles se sont fixées par manque de moyens. Elles ne parviennent plus à répondre aux demandes des habitants et aux exigences des néo-ruraux par exemple. Dans ce cadre, une fusion permet de solutionner beaucoup de choses en mutualisant les moyens.
La Charente-Maritime a peu de nouvelles communes. Comment l’expliquez-vous ?
Si l’on compare avec La Manche, le Maine et Loire, l’Eure ou la Bretagne, il est vrai que la différence est grande. Mais il y en a quand même cinq en Charente-Maritime et 27 départements français n’en ont aucune. Ce qui est certain, c’est que le nord-ouest du pays est très en avance sur le reste du territoire. C’est le poids de l’histoire. Sur ce secteur, la mutualisation est une tradition ancienne. C’est là-bas que les premières coopératives agricoles ou les premières banques mutualistes sont nées.
Que préconisez-vous pour que ces territoires « moins mobilisés » passent la vitesse supérieure?
Je ne juge pas ces statistiques ! Ce que je peux dire, c’est que la valeur de l’exemple est très importante. Des nouvelles communes qui fonctionnent peuvent déclencher des volontés tout comme l’action ou le discours de certains hommes. Claude Bellot (NDLR, actuel maire de Jonzac et ancien président du Conseil général de la Charente-Maritime) a été très moteur il y a quelques années sur les défis de l’intercommunalité.
Allez-vous faire œuvre de pédagogie devant les élus de la communauté d’agglomération rochelaise (CDA) ?
Oui très clairement. Je vais expliquer comment cela se passe ailleurs, donner des exemples, être très transparente. Je vais aussi expliquer qu’une fusion, ce n’est pas uniquement obtenir une aide financière : il faut avant toute chose bâtir un projet.
En Charente-Maritime et Charente, un projet de fusion entre Archiac et Saint-Palais-du-Né est dans les cartons. La procédure diffère-t-elle ?
Oui. C’est plus compliqué. Encore une fois, il y a l’aspect « psychologique » car épouser un département et en quitter un autre ce n’est pas facile à accepter. Ensuite, il faut redessiner les frontières entre les deux départements si le projet aboutit et cela doit être validé par les Conseils départementaux. Mais ce type d’union est possible, il a par exemple déjà vu le jour entre Manche et Calvados.
Peut-on envisager des fusions entre des communes de plus de 200 000 habitants ?
Oui. Deux villes de cette taille peuvent fusionner. Mais à partir du moment où leur population dépasse 150 000 habitants, il n’y a plus d’accompagnement financier.
En cas de fusion, comment la Dotation générale de fonctionnement (DGF) évolue-t-elle ?
Elle est majorée de 5% pendant trois ans pour les communes jusqu’à 150 000 habitants. Par ailleurs, les préfets peuvent également aider ces communes via la dotation d’équipement destinée aux territoires ruraux.
La fronde des collectivités territoriales à l’égard du gouvernement ne s’est pas vraiment calmée....
C’est injuste car pour la première fois depuis 4 ans, notre gouvernement a stabilisé le montant global de la dotation globale de fonctionnement (DGF) après des années de contribution au redressement des finances publiques ! Certes, la répartition de l’enveloppe globale peut avoir entraîner des évolutions locales (suivant que le nombre d’habitants d’une commune ou que ses ressources propres aient évolué par rapport à l’année précédente) , mais ce système de répartition est le plus juste : avant, toutes les collectivités voyaient leur DGF baisser, cette année 53 % des communes y ont gagné !
Dominique Bussereau a plusieurs fois éreinté le gouvernement sur la baisse des moyens pour les Départements...
Il y a eu des incompréhensions et des maladresses mais nous avançons. Dominique Bussereau, en tant que président de l’ADF (NDLR, Assemblée des Département de France) a dû composer avec des avis divers et il est monté au créneau. Le dialogue est en train de reprendre, il faut que l’on se mette d’accord rapidement sur un diagnostic pour améliorer, par exemple, la prise en charge des mineurs isolés ou la péréquation entre des territoires favorisés et d’autres exposés à des difficultés structurelles. Mais soyez tranquille, le département de la Charente-Maritime est très bien géré.
Propos recueillis par Pierre-Emmanuel Cherpentier