La Provence - Jacqueline Gourault : "Je me demande s’il n’y a pas d’anciens réflexes politiques"

12 octobre 2018

Interview de madame Jacqueline Gourault accordé à La Provence le Jeudi 27 septembre


Vous attendiez-vous à une telle fronde ou êtes-vous désormais habituée ?

J’arpente chaque semaine les territoires. J’ai été maire pendant 25 ans, sénatrice, conseillère départementale et régionale. Je connais bien l’état d’esprit des élus locaux. Ils ont besoin d’être rassurés. Mais chacun de mes déplacements se passe dans le calme et le respect, même dans les territoires où il y a des tensions. Ce ressenti du terrain est sans commune mesure avec l’expression des associations d’élus. Je ne globalise pas. Mais je vois bien que les démarches unies cachent des intérêts différents. Je peux comprendre que les Départements ayant des soucis financiers attendent des réponses du gouvernement. Même si je regrette le malentendu du mois de juillet. Mais il y a d’autres associations dont on se demande d’où vient leur mécontentement.

Vous pensez aux Régions ?

Oui. Leurs représentants ne parlent que de recentralisation. Mais à quoi cela correspond-t-il réellement ? Il y a de quoi s’interroger. Dans la loi NoTre, les Régions ont à peu près eu tout ce qu’elles réclamaient comme compétences. Elles voulaient un impôt dynamique. Elles l’ont obtenu avec la TVA. Grâce à elle, les recettes des Régions ont augmenté de 262 millions par rapport à 2017 où la dotation globale de fonctionnement était fixe. Elles ont les compétences et les moyens financiers pour agir.

Leur grogne est-elle purement politicienne ? Ou n’y a-t-il pas de vrais débats comme sur l’apprentissage et la formation ?

Il y a un vrai débat sur ce sujet. Il y a nécessité à mettre en adéquation les formations et les métiers, à associer les acteurs de l’économie. Hervé Morin était d’accord pour cela. Aujourd’hui, lorsque les présidents de Régions disent que l’Etat récupère les compétences, ce n’est pas vrai. Sur l’apprentissage, le Gouvernement a fait le choix de faire confiance aux entreprises et aux branches, qui connaissent leurs besoins, tout en maintenant les régions à bord pour assurer la présence des CFA dans les zones les plus fragiles. Sur la formation professionnelle, non seulement elles gardent les compétences mais l’Etat augmente leurs moyens financiers grâce aux moyens du plan d’investissement dans les compétences (1,5 Md€ en 2018 ; 3 Mds€ en 2019). Même chose  pour l’orientation.

La contractualisation est un autre point d’achoppement. Comment expliquez-vous que certaines collectivités ne veuillent pas signer ?

Pendant quatre ans, toutes les collectivités ont été frappées par la baisse unilatérale des dotations, de la plus petite commune à la grande Région. Onze milliards d’euros ont ainsi été prélevés de façon arbitraire. Cela avait conduit à une baisse de l’investissement dans les territoires et poussé le précédent gouvernement à créer un fonds d’investissement pour les collectivités locales. Après une telle démarche injuste et conflictuelle, nous avons fait le choix de la confiance, par une méthode contractuelle. Nous proposons ainsi aux 322 collectivités représentant 2/3 de la dépense locale en France de maîtriser l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement à hauteur de 1,2% par an. Il est légitime que chacun participe à l’effort de la maîtrise de nos dépenses publiques. Chacun peut comprendre qu’il n’y a pas d’un côté les collectivités, de l’autre l’Etat mais que nous appartenons tous à un même ensemble, la Nation France. Quand j’entends l’association des maires crier au feu, alors que plus de 70% des 322 collectivités ont signé, et que seul 1% des communes n’est concerné, je me demande s’il n’y a pas d’anciens réflexes politiques.

Les présidents des associations sont tous chez Les Républicains…

Oui et je me souviens du programme de François Fillon qui était beaucoup plus sévère que celui d’Emmanuel Macron : 20 milliards d'euros d’économies étaient demandés aux collectivités locales ! Quand certains disent que nous voulons faire disparaitre des communes, les bras m’en tombent. L’an prochain, l’Etat versera 48,2 milliards d’euros aux collectivités locales. Un concours financier auquel s’ajoutent 2,1 milliards d’investissements pour les territoires ruraux, dont 1,8 milliard aux communes.

Certains élus réclament, au-delà des financements, un assouplissement des règles pour la fonction publique territoriale…

Le président de la République voulait confier la gestion de la fonction publique territoriale aux élus locaux. Mais il n’a pas rencontré l’adhésion escomptée. Peut-être préfèrent-ils que l’Etat continue de se charger de ces schémas complexes qui touchent aux statuts ou à la durée du temps de travail.

Doit-on s’attendre à un discours à une congre attaque d’Edouard Philippe ce jeudi à Marseille ?

Le Premier ministre va se livrer à un exercice de pédagogie et sans doute rappeler certaines vérités. N’oublions pas que nous avons créé la conférence des territoires à la demande des élus locaux. Il est dommage que cette démarche de dialogue qui permet de garantir les moyens aux collectivités locaux, débouche sur la situation d’aujourd’hui.