Vœux de la Police Nationale

Vœux de la Police Nationale
10 janvier 2018

Discours de M. Gérard Collomb, Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur, prononcé lors des vœux de la Police Nationale, à l'Hôtel de police de Rouen (Seine-Maritime) le 10 janvier 2018


- Seul le prononcé fait foi -

Madame la Ministre,

Madame la Préfète de région,

Mesdames et Messieurs les préfets,

Monsieur le Préfet, Directeur général de la Police nationale,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Monsieur le Président du Conseil départemental,

Monsieur le Président de la Métropole Rouen Normandie,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les Directeurs centraux de la police nationale,

Monsieur le Directeur Départemental de la Sécurité publique,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires,

Mesdames et Messieurs les représentants des organisations syndicales,

Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur de présider pour la première fois cette cérémonie de vœux de la Police nationale.

Si j’ai tenu à ce qu’elle se déroule à Rouen, c’est bien sûr parce que cette ville parle à notre imaginaire à tous, avec son patrimoine exceptionnel, sa cathédrale, ses paysages magnifiques surplombant les boucles de la Seine.

C’est aussi pour souligner que la Police nationale agit avec la même détermination dans tous les territoires de la République, à Paris comme dans sa banlieue, dans les grandes agglomérations régionales comme dans les villes moyennes.

C’est au fond pour dire aux Français que, partout, la Police nationale est là pour les protéger.

Elle est là pour les protéger du terrorisme.

Et comment ne pas rappeler ici le courage de vos collègues qui, à St Etienne du Rouvray, sont intervenus alors qu’ils pensaient avoir affaire à des individus lourdement armés, et ont, ce jour de juillet 2016, sauvé la vie de nombreux paroissiens.

Comment ne pas souligner le rôle de la BRI de Rouen cet été, dans l’arrestation sur l’autoroute A16 du terroriste de Levallois-Perret, ayant blessé 6 militaires de l’opération Sentinelle.

La Police Nationale est aussi là pour démanteler les réseaux criminels.

Et je veux saluer l’arrestation en mars dernier de 21 individus inculpés pour proxénétisme aggravé et cambriolages, responsables de plusieurs centaines d’infractions dans la région.

Comme je tiens à rappeler l’interpellation en novembre, à l’issue de près d’une année d’enquête, de 12 personnes impliquées dans un vaste réseau de trafic de stupéfiants.

La Police Nationale est là encore, pour permettre à tous nos compatriotes de se cultiver, de se divertir, de se déplacer en tout sérénité.

Si, au printemps, les habitants de Seine-Maritime ont pu, comme partout en France, exercer leur droit démocratique dans les meilleures conditions, ils vous le doivent.

Si, en novembre, ils ont pu assister au Havre au départ de la Transat Jacques Vabre, ils vous le doivent.

Si, en décembre, ils ont, pu partager des moments de bonheur sur les places de nos villes à l’occasion des fêtes de fin d’année, ils vous le doivent aussi.

Alexandre DUMAS écrivait – je cite - « un pays sans police, est un grand navire sans boussole et sans gouvernail ».

Et c’est vrai.

Par son action, la Police française est une boussole pour notre Nation.

Toujours présente quand tout semble vaciller.

Toujours présente quand tout menace de s’effondrer.

Toujours présente pour garantir l’unité de notre Nation.

Mesdames et Messieurs,

Votre engagement au service des Français inspire le respect.

Et ce d’autant plus que, dans l’accomplissement de vos missions, vous prenez tous les risques. 

En cet instant, j’ai une pensée pour tous les policiers blessés en service au cours de l’année écoulée, pour votre collègue plongeuse de la brigade fluviale de la Préfecture de police, disparue jeudi dernier.

Je tiens aussi rendre hommage, à Xavier JUGELE, Raphaël BALTRES, Philippe CIPOLLA, Romain LEMMEL, décédés dans l’exercice de leurs missions.

J’y associe Ahmed MERABET, Franck BRINSOLARO, Jessica SCHNEIDER et Jean-Baptiste SALVAING, ainsi que la policière municipale Clarissa JEAN-PHILIPPE, tous fauchés par la folie terroriste.

Oui, vous prenez tous les risques.

Oui, vous mettez en péril votre vie pour protéger vos compatriotes.

Alors quand vous êtes mis en cause sans fondement, quand vous êtres agressés sans autre motif que de porter l’uniforme, je veux ici vous garantir que je serai toujours à vos côtés.

Argenteuil, Aulnay-Sous-Bois, Champigny sur Marne : nous avons tous à l’esprit les images des agressions qui ont hélas émaillé ce début d’année. Nous avons tous à l’esprit ces mots employés par certains, qui ont blessé toute votre communauté.

Jamais nous ne l’accepterons.

Jamais la République n’acceptera que l’on roue de coups une policière.

Jamais la République n’acceptera qu’on insulte des femmes et des hommes qui consacrent leur existence à servir leurs compatriotes.

Ce déferlement de haine, ce n’est pas la France.

De tels actes seront donc toujours poursuivis avec la plus grande fermeté.

Ils seront – et j’y travaille personnellement avec la Garde des Sceaux – toujours durement et sévèrement punis.

***

Mesdames et Messieurs,

Depuis que j’ai pris mes fonctions Place Beauvau, je suis venu à votre rencontre dans de nombreux commissariats.

Partout où je suis allé, j’ai dialogué avec des femmes et des hommes extraordinaires, animés d’un sens de l’État remarquable.

J’ai vu à Magnanville et aux Mureaux – c’était un de mes premiers déplacements – des policiers encore choqués par l’assassinat de leurs collègues, mais qui avaient trouvé la force et l’énergie de se relever.

J’ai rencontré à Viry-Châtillon, des policiers encore affectés par l’agression sauvage de plusieurs des leurs, mais déterminés à assurer l’ordre public dans cette zone si difficile. Et j’ai encore gravée dans ma mémoire l’exceptionnelle dignité de votre collègue grièvement brûlé, à qui j’ai rendu visite à l’hôpital où il allait subir une nouvelle intervention.

A la Rochelle, à Bordeaux, j’ai perçu chez tous les fonctionnaires, une volonté farouche d’aller de l’avant, d’innover, de tisser des liens avec les policiers municipaux, avec les acteurs locaux, comme vous le faites si bien, ici à Rouen.

Et puis Place Beauvau, j’ai découvert des fonctionnaires dévoués, répondant présent à chaque fois que survenait une crise, sachant aussi porter une vision de long terme que ce soit pour armer la France face aux cybermenaces ou pour faire entrer la police dans la révolution numérique.

Mesdames et Messieurs,

C’est tout cela, la Police nationale.

Des femmes et des hommes souvent confrontés au pire, à la face la plus noire de la société, mais qui jamais ne sont découragés, qui toujours cherchent à se renouveler.

Des femmes et des hommes engagés avec la volonté si belle, si forte, de servir et de protéger.

Si j’ai accepté en mai dernier de devenir Ministre de l’Intérieur, c’est parce qu’élu local, je connaissais ce grand professionnalisme, et parce que, dans mes nouvelles fonctions, je savais pouvoir compter sur vous.

Les huit mois qui viennent de s’écouler m’ont pleinement conforté dans cette conviction.

Ils me donnent aussi une grande confiance en l’avenir.

Une grande confiance en notre capacité à relever les défis qui sont devant nous. Pour 2018 et pour les années suivantes.

  • Le premier de ces défis sera évidemment celui de la lutte contre le terrorisme, qui constitue la première préoccupation de nos compatriotes.

Je l’ai souligné à plusieurs reprises, la menace a beaucoup évolué.

Hier exogène, orchestrée depuis les théâtres de guerre étrangers, elle est devenue de plus en plus endogène, œuvre, comme à Saint Etienne du Rouvray, d’individus radicalisés soudainement et qui finalement commettent le pire.

Pour nous adapter à ce nouveau contexte, notre combat prioritaire, sera de poursuivre la transformation du renseignement.

La DGSI et le Renseignement Territorial continueront à être confortés dans leurs moyens. Nous veillerons aussi à améliorer toujours les échanges d’informations.

Mais c’est toute la Police qui doit se saisir de cette grande cause, en se montrant attentive à toute information émanent du terrain, en utilisant, dès que cela est nécessaire, les outils mis en place par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, adoptée le 30 octobre dernier par le Parlement.

150 000 femmes et hommes, déployés partout sur notre territoire, aguerris aux meilleures techniques : voilà notre réponse au terrorisme.

Voilà nos forces pour lutter contre Daech, pour faire reculer les idéologies de violence et de haine.

Voilà nos vigies pour déceler les signaux faibles qui indiquent l’imminence du passage à l’acte d’un individu.

Voilà notre meilleur atout pour éradiquer le fléau terroriste qui menace de semer division et discorde dans notre société.

  • Notre deuxième défi sera celui du maintien de l’ordre public.

Avec près de 20 000 opérations de maintien de l’ordre l’année dernière, le niveau de sollicitation a été particulièrement important.

Si je forme bien sûr le vœu que l’année 2018 ne soit pas marquée par une activité aussi intense, je sais néanmoins qu’elle sera dense.

Il y aura quelques rendez-vous exceptionnels.

Je pense, dans les semaines à venir – et ce quelle que soit la décision qui sera prise par le gouvernement – au retour à la normale à Notre-Dame des Landes où, aux côtés des gendarmes, la Police nationale devra évidemment jouer tout son rôle.

Je pense, dans un tout autre registre, à des événements qui attireront beaucoup de personnalités internationales, un large public, comme la célébration du centenaire de la fin de la Première Guerre, où la France accueillera le monde.

Et puis il nous faut voir plus loin, en préparant la sécurisation de ce qui sera un des grands événements de la décennie à venir : je pense bien sûr aux jeux Olympiques de 2024 à Paris.

De notre capacité collective à assurer la réussite de cet événement, dépendra en effet une bonne part de l’image et de l’influence de la France dans le monde.

Là encore, je ne doute pas que vous saurez vous montrer à la hauteur, pour que la France montre au monde le visage d’une nation ouverte, et conquérante, qui ne renoncera jamais à sa vocation universelle.

  • Notre troisième défi sera, Mesdames et Messieurs, le défi migratoire.

Vous le savez, cette question est très souvent caricaturée dans une opposition factice entre tenants de la générosité et tenants de la fermeté.

En réalité, comme l’a souvent rappelé le Président de la République, l’une ne va pas sans l’autre.

Et chacun sait bien qu’il ne peut y avoir de générosité vis-à-vis de ceux qui sont persécutés dans leur pays, sans une certaine fermeté vis-à-vis de ceux qui n’ont pas vocation à rester sur notre sol.

Quand, dans des conditions extrêmement difficiles, la Police lutte contre les réseaux de passeurs qui font trafic des êtres humains, quand elle interpelle des étrangers en situation irrégulière en vue de les éloigner du territoire national, quand elle prononce des non-admissions aux frontières, elle n’est donc pas, comme on voudrait parfois le faire croire, dans une forme de répression aveugle.

Bien au contraire, elle contribue - vous contribuez - à préserver le droit d’asile dans notre pays, elle contribue - vous contribuez - à faire vivre cette part de générosité qui fait depuis des siècles l’identité française.

Car si la Police n’était là pour appliquer la loi, alors c’est tout le système d’asile qui imploserait. Si la Police n’était pas là pour appliquer le droit, c’est l’équilibre-même de la société française qui se verrait mis en cause.

En 2017, vous avez obtenu des résultats remarquables, avec près de 300 filières de passeurs démantelées, avec +14% d’éloignement contraints, avec 85 000 non-admissions aux frontières prononcées. Et je veux vous en féliciter.

En 2018, cet effort devra encore être amplifié.

C’est pour cela que la Police aux frontières verra ses moyens accrus.

C’est pour cela que nous ouvrirons de nouvelles places de Centres de Rétention Administrative qui vous éviteront de parcourir la France pour éloigner un certain nombre de personnes en situation irrégulière.

C’est pour cela aussi que la loi asile et immigration vous offrira davantage de latitude d’action.

Enfin, l’année 2018 sera bien sûr celle de la mise en place de la Police de Sécurité du Quotidien, cette révolution qui suscite tant d’attentes parmi les forces de l’ordre comme parmi les Français.

Une grande consultation vient de s’achever.

J’ai souhaité qu’elle ne concerne pas seulement les États-majors, les syndicats, les élus, les universitaires, l’ensemble de ceux qui théorisent la sécurité, mais qu’elles vous associent vous, les forces de l’ordre, vous les praticiens de la sécurité, engagés sur le terrain.

Au moyen d’un questionnaire détaillé, nous avons donc cherché à recueillir vos aspirations, vos préoccupations, sans filtre, en toute transparence, en allant à la racine des choses.

Eh bien, je dois dire, Mesdames et Messieurs, qu’il s’agit là d’un réel succès.

Par le nombre de participants d’abord : 70 000 policiers et gendarmes ont répondu au questionnaire que nous avons envoyé. C’est tout simplement du jamais vu !

Il s’agit d’un grand succès aussi, par la clarté de ses résultats.

Ainsi apprend-on par exemple que 74% d’entre-vous souhaitent la suppression d’un certain nombre de tâches indues.

Ainsi apprend-on que pour 73% d’entre-vous, l’allègement des contraintes administratives est devenue une vraie urgence.

Vous êtes aussi les deux tiers à demander une réforme ambitieuse de la procédure pénale aujourd’hui jugée trop complexe.

Mesdames et Messieurs,

Avec des messages aussi nets, formulés par des dizaines de milliers d’agents : j’ai conscience qu’après cette consultation, nous n’avons pas le droit de décevoir.

C’est pourquoi je veux, à l’occasion de cette cérémonie de vœux, prendre quelques engagements simples.

En réaffirmant d’abord que oui, nous engagerons une réflexion autour des fameuses tâches indues.

Parce que, quand on la chance de pouvoir compter sur des policiers formés aux situations les plus extrêmes, aux techniques les plus éprouvées, on ne saurait épuiser cette richesse en missions pour lesquelles l’expertise de la police n’est pas indispensable.

Ce sera là, un des grands buts de la mission parlementaire sur le continuum de sécurité que je nommerai dans les semaines à l’avenir.

Avec un seul mot d’ordre : ne rien s’interdire.

Oui, nous réformerons aussi la procédure pénale.

Extension du pouvoir des officiers de police judiciaire, simplification des cadres d’enquête, forfaitisation de certaines infractions : dans les discussions que nous avons actuellement avec la Chancellerie, tout est aujourd’hui sur la table.

Avec la Garde des Sceaux, nous travaillons dans un climat de confiance réciproque.

Et cela est essentiel.

Car quand on a la chance de compter dans ses rangs parmi les meilleurs enquêteurs du monde, on n’a pas le droit de les décourager avec des procédures trop complexes, qui mettent en risque la sécurité juridique des enquêtes.

Nous serons également au rendez-vous des moyens humains, car c’est une condition essentielle pour répondre à une aspiration partagée par vous comme par les Français : que des policiers soient à nouveau présents sur le terrain.

7500 postes, dont 1400 dès 2018, seront créés dans la Police, au cours des cinq ans à venir, ce qui permettra de dépasser enfin la capacité opérationnelle de 2007.

Nous poursuivrons par ailleurs l’effort de substitution de personnels opérationnels par des personnes administratifs spécialisés, qui permettront de dégager du temps de présence sur le terrain aux policiers.

C’est là, en période de baisse des effectifs publics, un effort significatif.

Mais il est à la hauteur de votre engagement.

Enfin, Mesdames et Messieurs, l’État améliorera vos moyens matériels.

Ma conviction est simple : on ne peut vous demander un engagement de tous les instants, parfois au prix de sacrifices dans vos vies personnelles, vos vies familiales sans vous offrir des conditions de travail décentes.

C’est pourquoi un grand plan de rénovation des commissariats sera déployé, non seulement sur l’année, mais sur toute la durée du quinquennat. 196 millions d’euros de crédits annuels y seront consacrés, ce qui représente une hausse +5% par rapport en 2017.

J’annoncerai courant janvier les territoires concernés. Mais en réalité, toutes les zones – sans exception - verront leur situation s’améliorer parce que j’ai aussi souhaité qu’une enveloppe de 45 millions d’euros soit déconcentrée aux acteurs locaux pour de petites rénovations.

Un effort particulier sera également fourni pour le renouvellement et la montée en gamme des matériels et équipements, avec l’achat en 2018 de 50 000 tablettes numériques, de 10 0000 caméras-piéton, de 3000 véhicules, d’armements et de protections.

La police du XXIème siècle sera, on le sait, une police toujours mieux équipée, une police à la pointe de la révolution technologique.

C’est pourquoi 150 millions d’euros par an seront consacrés à ces investissements, un budget en augmentation de +50% par rapport à la moyenne des années précédentes.

***

Mesdames et Messieurs,

Il y a trois ans presque jour pour jour, les Français descendaient par millions dans les rues de toutes les villes du pays.

Pour dire « je suis Charlie ».

Pour applaudir aussi leurs forces de sécurité – et nous avons tous en tête ces images des manifestants enlaçant un policier, dans une émouvante fraternité.

Quelques jours après le drame de Champigny, je veux vous dire solennellement que c’est cela le vrai visage de la France.

Une population qui aime sa police.

Une société qui a pleinement conscience que sans vous, sans les 150 000 policiers qui la tiennent unie et apaisée, elle ne serait que l’ombre d’elle-même.

Ce n’est donc pas seulement au nom du Gouvernement que je vous adresse mes meilleurs vœux pour l’année 2018.

Mais au nom de tous les Français, reconnaissants envers leurs policiers qui contribuent à faire de notre nation ce pays de liberté admiré partout dans le monde ; des Français fiers de leurs héros, fiers de vous qui portez si haut les valeurs de notre République.  

Vive la Police nationale !

Vive la République !

Et vive la France !

Je vous remercie.