Mieux prendre en charge les femmes victimes de violences

Mieux prendre en charge les femmes victimes de violences
5 mars 2018

Intervention de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, en clôture du colloque « L’action du ministère de l’Intérieur dans l’accueil et la prise en charge des femmes victimes de violence », prononcé à l'Amphithéâtre Lumière, site du Ministère de l’Intérieur, Paris 12ème, le lundi 5 mars 2018, 11h30.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet, Secrétaire général du Ministère de l’Intérieur, Haut fonctionnaire à l’égalité des droits,
Madame la Préfète de région,
Madame la Préfète, Haute Fonctionnaire adjointe à l’égalité entre les femmes et les hommes,
Monsieur le Préfet, Directeur général de la Police nationale,
Mon Général, sous-directeur de la sécurité publique et de la sécurité routière, représentant le directeur général de la gendarmerie nationale
Madame la représentante de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de clôturer ce colloque sur l’accueil et la prise en charge des femmes victimes de violences.

J’ai tenu, en cette semaine qui sera marquée jeudi par la journée internationale des droits des femmes, à ce qu’une telle manifestation puisse se tenir pour la première fois.

Parce qu’au moment où la parole des femmes se libère enfin, le Ministère de l’Intérieur se doit d’encourager, d’accompagner ce mouvement.

Parce qu’au moment où l’égalité entre les femmes et les hommes a été érigée en Grande Cause nationale du quinquennat par le Président de la République, nous devons, au sein de notre Ministère comme dans l’ensemble de l’appareil d’État, interroger nos pratiques, nos modes d’organisation ; nous devons nous demander comment apporter notre pierre à la réussite de cet engagement présidentiel.

Les différents intervenants qui m’ont précédé ont évoqué l’ampleur du phénomène des violences faites aux femmes, en s’appuyant notamment sur le remarquable rapport paru à la fin de l’année 2017 par l’Observatoire National de la Délinquance et de la Réponse Pénale.

Si j’ai comme vous tous été frappé par ce rapport, je voudrais rappeler ici que la grande étude, publiée la semaine dernière par l’IFOP, aboutit aux mêmes conclusions.

On y lit en effet que 50% des femmes interrogées affirment avoir déjà été victimes d’insultes à caractère sexiste, 43% d’attouchements sexuels, quand 12% d’entre-elles – oui 12% ! - disent avoir été victimes de viol.

Ces quelques chiffres, Mesdames et Messieurs, montrent que le sujet des violences sexuelles et sexistes n’est pas - comme certains ont longtemps voulu le faire croire - un sujet périphérique, à la marge.

C’est une vraie question de société.

C’est une question qui concerne l’ensemble des Français.

Pour répondre à cet enjeu fondamental, le Président de la République a détaillé le 25 novembre dernier un plan ambitieux comportant d’abord des mesures fortes en matière d’éducation parce que c’est là, à l’école, au collège, que les choses se jouent et qu’il est possible d’inculquer une vraie culture de l’égalité entre les sexes.

D’importantes campagnes de communication seront également mises en œuvre parce que c’est aussi comme cela qu’il est possible de faire changer en profondeur les mentalités.

Je suis pour ma part venu ce matin vous dire que le Ministère de l’Intérieur, qui a joué un rôle décisif dans l’élaboration du plan présidentiel et qui  - vous l’avez constaté ce matin – a d’ores et déjà pris un grand nombre de mesures, va porter dans les années à venir une attention particulière à la lutte contre ce fléau, que représentent les violences faites aux femmes.

***

1) Nous voulons d’abord agir davantage sur le plan de l’éducation.

Car si cette tâche relève principalement du Ministère de mon collègue Jean-Michel Blanquer, nous avons aussi un rôle décisif à jouer.

Je pense par exemple à notre réseau de 3000 policiers et gendarmes intervenant dans les établissements scolaires, collèges, lycées.

Qui mieux que ces femmes et ces hommes incarnant l’autorité de l’État pour indiquer clairement à nos jeunes ce qu’est le harcèlement, l’atteinte sexuelle, le viol et les sanctions encourues par les auteurs de ces délits et de ces crimes ?

Qui mieux que ces femmes et ces hommes peuvent alerter nos collégiens, nos lycéens, sur des phénomènes comme le cyber-harcèlement dont on sait combien, à l’adolescence, ils peuvent détruire des existences et conduire certaines jeunes femmes au pire ?

S’il revient au Ministère de l’Intérieur de sanctionner, de traquer les délinquants et les criminels – et nous le ferons par exemple en renforçant nos capacités de cyberenquêteurs, nous devons aussi sensibiliser les victimes potentielles.

Et nous nous y engagerons avec détermination.

2) Un second axe structurant le plan défini par le Président de la République est la prise en charge des victimes de violences sexuelles ou sexistes, un thème au cœur des échanges de cette matinée.

Il est une évidence que, sur ce sujet, il est toujours important de rappeler : c’est que les victimes de violences sexuelles ou sexistes ne passent pas naturellement la porte des commissariats et des gendarmeries.

L’étude IFOP que j’évoquais montre ainsi que, s’agissant des viols, seules 15% des victimes portent plainte.

Et vous qui le savez bien, sur le terrain, vous traitez au quotidien cette problématique: souvent les victimes renoncent non seulement à aller en justice, mais même à parler de ce qu’elles ont vécu.

Parce que leur agresseur est souvent un proche, parfois son partenaire et qu’au traumatisme de la violence sexuelle ou sexiste, s’ajoute la peur que sa parole soit décrédibilisée.

Parce qu’elles éprouvent souvent un sentiment de honte.

Eh bien, ce que nous voulons, c’est que la honte puisse changer de camp.

Dans la situation actuelle, les violeurs, les agresseurs, vivent trop souvent dans un sentiment d’impunité.

Ce n’est pas acceptable.

Voilà pourquoi, notre mission, la mission du Ministère de l’Intérieur, est de tout faire pour faciliter la prise de plainte.

  • Cela passe d’abord par la multiplication des canaux de prise en compte de la parole des victimes.

Lorsqu’elles ont subi des violences, certaines femmes se rendent directement aux urgences pour permettre le recueil des preuves.

Nous devons être capables de prendre systématiquement leur plainte dès l’hôpital pour éviter un déplacement supplémentaire.

La révolution numérique est aussi un levier puissant pour libérer la parole.

C’est pourquoi, comme s’y est engagé le Président de la République, nous lancerons dans les toutes prochaines semaines une plateforme de signalement des violences sexuelles qui sera disponible en ligne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Il ne s’agira pas d’un portail Internet de dépôt de plainte.

Mais bien d’un tchat qui permettra aux victimes d’entrer en relation avec des professionnels spécialement formés, pour connaître les démarches à suivre et, le cas échéant, bénéficier d’un rendez-vous dans un commissariat ou dans une gendarmerie.

  • Il y a ensuite la prise en charge physique des victimes dans nos commissariats et nos gendarmeries.

Elle doit pouvoir se faire dans un cadre adapté.

Lors de la présentation de la Police de Sécurité du Quotidien, j’avais souhaité, chère Stéphanie Cherbonnier, que vous présentiez l’ensemble des dispositifs d’accueil que, dans vos fonctions précédentes, vous aviez mis en place pour permettre un meilleur accueil des victimes avec des horaires dédiés, des lieux dédiés, des personnels spécialement formés, et puis un lien étroit avec des associations d’aides aux victimes.

C’est ce type de solutions, innovantes, qu’avec l’appui de préfets engagés, chère Nicole Klein, nous allons généraliser dans l’ensemble des régions et départements.

Face au phénomène des violences sexuelles et sexistes, les policiers, les gendarmes, ne doivent pas se trouver seuls pour accueillir des femmes souvent traumatisées, qui ont besoin d’une réelle prise en charge psychologique.

Dans le cadre de la mise en place de la Police de Sécurité du Quotidien nous veillerons donc à assurer partout un accueil sur-mesure.

3) Troisième axe d’action enfin, Mesdames et Messieurs, la répression des délinquants et des criminels.

Il ne peut y avoir qu’une tolérance zéro ! Les auteurs d’agressions sexuelles et sexistes doivent savoir que, dans notre République, ils seront fermement à chaque fois recherchés, détectés, mais sévèrement sanctionnés.

Je ne parle pas seulement ici des auteurs de viols ou d’atteintes sexuelles graves – même si un effort spécifique sera mis en œuvre pour les poursuivre et les condamner.

Mais de tous ceux qui se rendent coupables d’injures et d’agressions à caractère sexuelles ou sexistes.

Car laisser passer ne serait-ce qu’une injure, une invective, c’est laisser se développer un climat qui, d’une certaine façon, légitime d’aller plus loin.

  • Le Président de la République avait, durant sa campagne, pris l’engagement de mettre en place une sanction plus efficace pour les outrages sexistes ces paroles outrancières, ces sifflets trop souvent perpétrés sur la voie publique à l’encontre des femmes et qui rendent la vie de certaines de nos compatriotes difficile.

Nous allons tenir cet engagement.

Un rapport parlementaire sur le sujet m’a été remis la semaine dernière, en présence de Nicole Belloubet et de Marlène Schiappa, qui préconise la mise en place d’une contraventionnalisation de 4e classe pour ce type de délit, c’est-à-dire une amende allant de 90 à 750 d’euros.

Le Gouvernement retiendra le principe de cette infraction forfaitisée qui permettra à nos forces de sécurité de sanctionner fortement et rapidement les auteurs de tels actes.

Celle-ci verra le jour dans les mois à venir.

  • Nous allons aussi agir – et ce sera l’objet du projet de loi présenté fin mars par Marlène Schiappa en Conseil des Ministres – à l’autre bout du spectre en renforçant notre arsenal législatif s’agissant des viols.

Ainsi, et afin d’en finir avec une imperfection insupportable de notre droit, les sanctions pour le crime d’atteintes sexuelles envers un mineur de moins de quinze ans seront alourdies.

En accord avec la Garde des Sceaux, nous allongerons également de 20 à 30 ans le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur les mineurs.

On sait en effet que les victimes de tels crimes durant l’enfance ou l’adolescence peuvent, à l’âge adulte, voir ressurgir tardivement des traumatismes.

Certes, de tels délais rendent évidemment difficile le recueil de preuves et de témoignages.

Mais nous avons considéré qu’il était de notre devoir d’envoyer un message de fermeté vis-à-vis des agresseurs et de donner la possibilité aux victimes de mener un combat judiciaire qui s’avère souvent décisif dans les processus personnels de reconstruction.

***

Mesdames et Messieurs,

Éducation, accompagnement des victimes, répression : tels sont donc les trois piliers du plan que le Ministère de l’Intérieur entend déployer pour lutter contre les violences faites aux femmes.

A ce titre, je souhaite que le colloque qui s’est tenu aujourd’hui puisse être pérennisé chaque année afin de réaliser un point d’étape de la mise en œuvre de ce plan et, le cas échéant, de traiter d’autres thèmes ayant trait à l’égalité entre les femmes et les hommes comme l’égalité salariale ou encore la question des plafonds de verre qui gênent parfois les progressions professionnelles des femmes et qu’ils nous faut hélas, encore percer.

C’est Simone De Beauvoir qui écrit
« Change ta vie dès aujourd’hui. Ne parie pas sur le futur. Agis maintenant, sur le champ ».

Oui, Mesdames et Messieurs, nous avons sur le sujet des violences sexuelles et sexistes, un impérieux devoir d’action.

C’est pourquoi vous pouvez compter sur moi pour porter, avec vous, ce beau combat.

Merci à l’ensemble des intervenants !

Merci de votre attention.