Inauguration des nouveaux locaux de la Direction Régionale de la Police Judiciaire (DRPJ), 36 rue du Bastion

19 octobre 2017

Allocution de M. Gérard Collomb, Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur, à l’occasion de l’inauguration des nouveaux locaux de la Direction Régionale de la Police Judiciaire (DRPJ), 36 rue du Bastion, Paris 17ème, le jeudi 19 octobre 2017.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet d’Ile de France,
Monsieur le Préfet de Police,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance,
Monsieur le Procureur de Paris,
Monsieur le Directeur Général de la Police Nationale,
Madame la Directrice de la Police Judiciaire,
Monsieur le Directeur de Police judiciaire parisienne,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Il est des moments particulièrement importants dans l’exercice des fonctions de Ministre de l’Intérieur.

L’installation dans leurs nouveaux locaux de services reconnus comme les fleurons de la police française en fait évidemment partie.

Je suis donc très heureux d’être parmi vous pour cette cérémonie, entouré de Monsieur le Préfet de police, de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance, de Monsieur le Procureur, de l’ensemble des dirigeants des forces de sécurité du pays, ainsi que de tous les agents – policiers, personnels administratifs, scientifiques et techniques – qui font l’excellence de la DRPJ.

Ce matin, nous n’inaugurons pas seulement un bâtiment.

Nous mettons à l’honneur une belle et grande famille, celle de la Police judiciaire parisienne, celle de brigades spécialisées dont l’action, les succès, font partie de l’imaginaire, j’allais dire de la vie des Français.

Il y a bien sûr la Crim’, ce groupe d’élite célèbre pour la résolution des affaires les plus complexes de l’histoire et qui, doté d’une Section Anti-Terroriste, est aujourd’hui en charge des enquêtes sur les attentats ayant hélas frappé notre pays.

Il y a les Stups’, cette brigade connue de tous pour sa lutte inlassable contre les trafics de drogues et qui s’est illustrée récemment par la saisie de 6 tonnes de résine de cannabis et la mise au jour d’un important trafic de produits dopants.

Il y a la BRB, admirée des plus anciennes générations pour la traque de Jacques Mesrine durant les années 1970, redécouverte par les plus jeunes avec l’arrestation en janvier dernier des auteurs du vol à main armée contre la star américaine Kim Kardashian.

Il y a aussi la brigade de répression du proxénétisme, qui poursuit tous ceux qui font commerce des corps ; celle de la protection des mineurs, dont le savoir-faire en matière d’accompagnement des victimes inspire toutes les polices du monde.

Il y a encore la brigade de l’exécution des décisions de justice recherchant sans relâche tous les fugitifs, et notamment les fameux Cold Case, ces criminels arrêtés dans les derniers jours qui précèdent la prescription d’une affaire.

Comment ne pas citer enfin les brigades de la sous-direction des affaires financière, poursuivant tous ceux qui trichent, tous ceux qui fraudent, l’ensemble de ces délinquants en col blanc attirés par l’appât du gain ?

Oui, ces brigades sont légendaires.

Elles font rêver tous les élèves de nos écoles de police.

Elles sont aimées de nos compatriotes.

Ces brigades sont légendaires.

Mais les lieux dans lesquels elles étaient jusque-là installées le sont sans doute autant. 

Quel Français en effet n’a pas lu un livre, visionné un film ou une série, mettant en scène le 36 quai des Orfèvres, son clocher surplombant l’île de la Cité, ses bureaux où souffle l’esprit de générations d’enquêteurs, ses 148 marches gravies par tant de grands noms de la PJ, de Célestin Hennion à Martine Monteil, en passant par le commissaire Francis Jacob – celui qui arrêta Thierry Paulin, ou encore Pierre Ottavioli, décédé cette année ?  

Quel journaliste ne connaît pas les immeubles du 122 rue du Château des Rentiers, devant lesquels tant de reporters ont patienté, à l’affût d’une information sur les affaires impliquant des personnalités de l’élite financière, économique ou politique ?

Quel policier ne se souvient pas du 12 quai de Gesvres, ce lieu tragiquement célèbre pour avoir fait l’objet, le 9 juillet 1986, d’un attentat commandité par Action Directe, qui coûta la vie à l’inspecteur Basdevant, un des fonctionnaires de la BRB ? 

Oui, Mesdames et Messieurs, ces adresses sont chargées d’histoire et je mesure combien les quitter a pu représenter pour vous un déchirement.

Car on ne tourne pas une telle page sans émotion, sans une pensée pour tous ces anciens qui firent l’histoire de la Police Judiciaire de Paris, souvent au péril de leur vie.

En même temps, vous partagiez tous le constat que ces locaux n’étaient plus adaptés aux belles et nobles missions que vous remplissez.

Parce que vos conditions de travail y étaient difficiles : des bureaux exigus, des températures extrêmes l’été ou l’hiver venu.

Parce qu’une bonne surveillance des prévenus ne pouvait y être garantie.

Parce qu’il n’était pas possible d’y assurer votre sécurité alors même que, par les enquêtes dont vous avez la charge, vous êtes, on le sait, très exposés.

Il devenait donc urgent de changer.

Urgent de vous doter, comme l’avait par exemple fait la Grande-Bretagne avec le New Scotland Yard, d’un lieu adapté à l’exigence de vos missions, à l’étendue de votre professionnalisme.

Et je crois que ce nouveau bâtiment est à la hauteur de toutes les attentes.

  • Ce qui m’a frappé d’abord, c’est la beauté de son architecture, dont les lignes ont été imaginées par une grande agence, Valode & Pistre, que je connais bien puisqu’elle est l’auteur de la plus haute tour de Lyon.

Sur un site symbolique correspondant à un des points stratégiques de protection de la capitale au XIXème siècle, les concepteurs du « Bastion » ont en effet dessiné un immeuble magnifique qui, inspiré des forteresses de Vauban, se distingue par une impression de légèreté, rendue possible par le jeu de miroirs créé par les façades vitrées.

L’extérieur impressionne.

Mais l’intérieur, la luminosité des bureaux, la simplicité des perspectives, l’ingéniosité de l’agencement, marquent également.

  • Et, quand on dialogue avec vous, on se rend compte effectivement que ce bâtiment est tout à fait fonctionnel.

Avec 4000 m2 de surfaces en plus par rapport aux locaux précédents, il vous offre un confort de travail accru.

Avec les infrastructures sportives et le stand de tir installés en sous-sol, il vous permet de vous entraîner, de vous maintenir en forme, dans les meilleures conditions.

Surtout, tout a été pensé pour faciliter le travail d’enquête.

Terminés les interrogatoires difficiles à mener : les cellules de gardes à vues et les salles d’audition ont été conçues pour faciliter votre travail.

Oubliées ces situations où les prévenus se croisaient de manière incongrue : le plan de circulation à l’intérieur du bâtiment a précisément été conçu pour distinguer les flux. 

Quant à la fluidité des relations entre police et justice, elle pourra, grâce au conduit souterrain reliant le Bastion au nouveau TGI, être préservée, et même, cher François Molins, développée.

C’est là, un aspect essentiel.

Car la proximité entre officiers de police judiciaire et magistrats a toujours constitué la marque de fabrique de la police parisienne, ce qui fait qu’elle est si efficace, élucide tant d’affaires, est crainte de tous les criminels et délinquants.

  • Fonctionnel, ce bâtiment est enfin doté des technologies les plus avancées.

J’évoquais les cellules de garde à vue : elles sont pour la plupart vidéoprotégées.

Mais ici, la technologie est présente partout.

Technologie dans la sécurisation des lieux : je rappelle que la façade est blindée, que l’accès se fait par empreinte digitale, que 300 caméras de vidéoprotection ont été installées aux abords du bâtiment.

Technologie dans l’équipement informatique des agents : fini le matériel ancien, les lenteurs logicielles qui hier pouvaient retarder les investigations.

Technologie également au sein des services de l’identité judiciaire, qui, grâce aux outils de pointe dont ils disposent désormais – et je pense en particulier à cette cabine cyanoacrylate unique en France, pourront, plus encore qu’ils ne le font déjà, favoriser une progression des rapide des enquêtes.

Mesdames et Messieurs,

Des bureaux spacieux et fonctionnels, des infrastructures d’entraînement, une technologie présente partout : au fond ce nouveau bâtiment est à l’image du mouvement que ce Gouvernement entend impulser pour la Police de notre pays.

Car l’exigence de modernité qui a guidé les concepteurs du « Bastion », nous voulons qu’elle soit la règle partout, dans les services centraux comme dans les commissariats de terrain, dans les grandes métropoles comme dans les villes moyennes.

C’est pour cela que, dans le projet de loi de finances 2018, nous avons décidé d’augmenter le budget consacré à la rénovation et à la construction des commissariats de plus de 5%, à près de 200 millions d’euros.

C’est pour cela aussi que nous avons choisi de consacrer une enveloppe significative à l’équipement de nos forces : plus de 150 millions d’euros quand elle n’avait jamais dépassé 100 millions d’euros.

C’est pour cela enfin que nous portons un effort significatif sur les outils numériques à la disposition des forces de sécurité, pour les rendre plus connectées et ainsi plus efficaces.

Il y a, Mesdames et Messieurs, ces aspects financiers, et je pourrais y ajouter la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires sur la durée du quinquennat.

Mais il y a aussi, plus essentielle encore, la question du sens de vos missions, des marges de manœuvre dont vous disposez pour mener votre action au quotidien.

Sur ce point, j’ai pleinement conscience des inquiétudes qui ont pu se faire jour récemment parmi les officiers de police judiciaire.

Et laissez-moi vous dire que je partage votre diagnostic.

Oui, vous êtes trop souvent freinés dans vos enquêtes par des procédures administratives lourdes.

Oui vous êtes trop souvent empêchés d’exercer ce pour quoi vous vous êtes engagés : investiguer, traquer les criminels.

Ma volonté est donc claire : je veux, dans les mois à venir, alléger vos contraintes.

Il ne s’agit pas là d’une déclaration d’intention.

Mais d’un travail quotidien, que nous sommes en train de mener avec ma collègue Garde des Sceaux.

Car ce qui peut changer par rapport aux situations antérieures, c’est qu’avec Nicole Belloubet, nous portons une vision commune, nous avons une ambition partagée.

C’est pour cela que je suis confiant dans notre capacité à simplifier demain les cadres d’enquête, devenus aujourd’hui trop complexes.

Pour cela que je suis confiant dans notre capacité à prendre des mesures concrètes pour faciliter le quotidien des enquêteurs, lever les blocages, faire en sorte que votre action puisse être toujours plus fluide.

Tout cela fera l’objet de cette réforme de la procédure pénale qu’a annoncé hier le Président de la République et qui sera présentée au Parlement dès le premier semestre 2018.

Vous serez, l’ensemble des officiers de police judiciaire y seront associés.

Et je m’engage à aller vite.

Car nous avons trop attendu, nous avons trop tergiversé.

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais pour conclure m’adresser une nouvelle fois aux 1700 agents qui sont désormais installés ici.

En leur disant d’abord que j’ai bien entendu les préoccupations qui se sont exprimées sur les conditions du déménagement au Bastion.

Je suis en effet conscient que, parce que l’ensemble des services du Tribunal de Grandes Instance n’ont pas encore déménagé, parce que les travaux de prolongement du métro ne sont pas achevés, certaines démarches ont pu être difficiles ces derniers mois.

Soyez-sûrs que nous faisons tout pour corriger ces désagréments. J’ai demandé au Préfet de police, à votre directeur, de me faire remonter toutes les difficultés. Je prendrai les mesures nécessaires pour y remédier.

Mais je tiens aussi, Mesdames et Messieurs, à vous délivrer un message d’optimisme.

Car dans quelques années, vous serez, ici, dans le quartier des Batignolles, au centre du Grand-Paris, dans un espace ultra-connecté.

Les problèmes d’accessibilité qui peuvent se poser aujourd’hui seront donc de lointains souvenirs.

Par-dessus tout, au-delà des désagréments ponctuels qui accompagnent tout projet d’ampleur – et j’en sais quelque chose comme élu local qui en a porté de nombreux - vous avez avec ce « Bastion » un formidable outil de travail qui vous fera très vite oublier les contrariétés des débuts.

Ici, vous allez ainsi pouvoir exprimer tout votre talent en matière d’investigation, de techniques d’enquête.

Ici, vous allez pouvoir résoudre des affaires complexes, de celles qui ont fait les lettres de noblesse de cette Maison.

Ici, vous allez pouvoir au fond vous battre pour ce en quoi vous croyez : la protection de nos concitoyens contre les criminels, contre les délinquants, la défense de cet Etat de droit sans laquelle la République ne peut vivre.

Ce que je vous demande donc, c’est que l’esprit qui vous a toujours animé au 36 quai des Orfèvres, au 122 rue du Château des Rentiers, au 12 quai de Gesvres, continue à souffler entre ces murs du quartier des Batignolles.

Un des illustres prédécesseurs de Christian Sainte à la direction de la police judiciaire parisienne, Claude Cances, disait que « ce sont les hommes qui fabriquent la mémoire de la pierre, et non pas le contraire »

Eh bien je compte sur vous pour que, par vos enquêtes, par les affaires que vous y résoudrez, le « Bastion » devienne demain un lieu légendaire.

Vive la police judiciaire de Paris !

Vive la République

Et vive la France !
Je vous remercie.