Utilisation de l'Internet à des fins terroristes : plan d'actions franco-britannique

14 juin 2017

Le Président de la République a reçu hier soir le Premier ministre britannique, Theresa May, à l’Elysée, en présence du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb et de la ministre de l’Intérieur britannique Amber Rudd.


À cette occasion, la France et le Royaume-Uni se sont accordés sur un plan d’action conjoint pour lutter contre l’utilisation de l’Internet à des fins terroristes, placé sous la responsabilité des ministres de l’Intérieur Gérard Collomb et Amber Rudd.

La France et le Royaume-Uni se coordonneront avec les pays de l’Union européenne et du G7 sur ces questions, et appellent notamment à l’organisation prochaine d’une réunion des ministres de l’Intérieur du G7 pour élargir le soutien au plan d’action.

Gérard Collomb recevra prochainement les grands acteurs de l’Internet pour faire le point sur les progrès réalisés et les défis encore à relever pour lutter contre l’utilisation d'Internet à des fins terroristes.

Texte du Plan d’action franco-britannique pour lutter contre l’utilisation de l’internet à des fins terroristes :

Les terroristes et les personnes qu’ils influencent utilisent Internet, des sites web, des messageries ou des réseaux sociaux, afin de se documenter, de s’organiser, de diffuser de la propagande et des modes opératoires, d’envoyer et de recevoir des instructions ou encore de revendiquer leurs actes.

La réunion de la Premier Ministre Theresa May et du Président Macron à Paris le 13 juin 2017 leur a permis de s’accorder sur une initiative franco-britannique conjointe pour faire en sorte qu'Internet ne puisse pas servir d’espace sécurisé pour les terroristes et les criminels.

La France et le Royaume-Uni se coordonneront avec les pays de l’Union européenne et du G7 sur ces questions.

Sur ces bases, les quatre points suivants paraissent prioritaires :

Améliorer le retrait des contenus illicites de l’internet

Si des efforts de la part des opérateurs ont été constatés en matière de retrait de contenus terroristes, il est nécessaire que ces opérateurs aillent au-delà de la suppression rapide a posteriori des contenus qui leurs sont signalés, pour permettre l’identification des contenus en amont afin de prévenir leur publication sur leurs plateformes.

Propositions :
Encourager les entreprises de l’Internet à mettre en place un forum, qu’elles animeraient elles-mêmes, et dédié à la lutte contre l’extrémisme en ligne, comme convenu lors du G7, afin d’élaborer des solutions techniques et des mesures communes pour supprimer rapidement les contenus terroristes d'Internet. Cela complèterait les efforts déployés par nos unités de signalement respectives, l’Unité de signalement des contenus sur Internet d’Europol et le Forum de l’UE sur l’internet.

Le forum devra :

  • permettre d’automatiser la détection et la suspension ou le retrait de contenus, en fonction de la personne qui publie et de la teneur de la publication (les entreprises doivent par exemple geler, suspendre, bloquer ou supprimer les catégories de comptes/utilisateurs en fonction d’identifiants déterminés)
  • appuyer les entreprises les plus récentes pour qu’elles bénéficient de l’expertise et de l’expérience des entreprises établies plus anciennement
  • appuyer les efforts des organisations de la société civile pour promouvoir un contre-discours

Pour appuyer cette initiative, il pourrait toutefois être nécessaire de définir clairement ce qui constitue un contenu en ligne illicite, si nécessaire par une réglementation.

En particulier, nous devons imposer le retrait rapide des contenus haineux et radicaux sur Internet (déclinaison du Code de conduite de l’UE adopté le 31 mai 2016, relatif aux discours haineux illégaux en ligne, qui doit être renforcé), tels que définis par les autorités publiques, en prévoyant des sanctions en cas de non-respect. Les contenus terroristes doivent être supprimés de manière permanente (conformément au principe « Notice and Stay Down »).

La France et le Royaume-Uni continueront de jouer un rôle moteur dans la lutte contre les contenus terroristes sur l’internet francophone et anglophone respectivement.

Soutenir les efforts des organisations de la société civile pour promouvoir un contre-discours

  • Former et soutenir les acteurs de la société civile qui encouragent des contre-discours pertinents, notamment dans le cadre du Forum de l’UE sur l’internet et du réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RAN).
  • Promouvoir leurs référencements tout en ciblant le bon public et en réorientant les contenus positifs en tant que de besoin.
  • Mieux protéger les acteurs de la société civile qui tiennent des contre-discours, et notamment les comptes parodiques, par exemple en certifiant ces comptes et en les inscrivant sur une liste blanche.

Travailler ensemble pour contribuer à garantir l’accès de nos pays aux données à des fins d’investigation

Préserver la conservation et l’accès aux données de trafic et de localisation : en l’état de la menace terroriste, la capacité à conserver les données utiles aux enquêtes restera essentielle.

Permettre l’identification du titulaire d’un abonnement en toutes circonstances : une adresse IP est susceptible d’être partagée entre plusieurs centaines d’abonnés qui accèdent à l’internet ou à des plateformes sociales via leur smartphone. Il peut être important de disposer d’informations techniques complémentaires à l’adresse IP, en particulier lorsque des suspects ont accès à un contenu terroriste.

Proposition :

Partager l’expertise et l’expérience législative sur ces questions, y compris avec Europol, afin d’intensifier le dialogue avec les entreprises du secteur.

Permettre l’accès au contenu chiffré : lorsque les technologies de chiffrement sont utilisées par des groupes criminels, voire terroristes, il doit exister une possibilité d’accès au contenu des communications et à leurs métadonnées (entourage d’un suspect, IP de connexion, sélecteurs techniques de l’utilisateur, etc.). Il n’est pas question ici de « portes dérobées » ou d’interdiction du chiffrement, mais de permettre que les gouvernements et les entreprises développent des solutions conjointes sur ces questions.

Améliorer l’accès aux preuves numériques aux delà des frontières

Nous devons travailler ensemble pour faire en sorte de pouvoir accélérer l’accès aux données et aux contenus des communications au-delà des frontières, quel que soit l’endroit où celles-ci sont stockées.

Proposition :

Saluer l’engagement du gouvernement et du Congrès des États-Unis d’adopter une loi supprimant les obstacles qui subsistent dans la législation américaine à cet égard et permettre la signature d’accords bilatéraux.

Perspectives :

La France et le Royaume-Uni :

  • demanderont une réunion rapide des ministres de l’Intérieur du G7, comme indiqué dans la Déclaration de Taormine sur la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, afin d’élargir le soutien à ce plan d’action
  • encourageront les entreprises dans le domaine des technologies à répondre à nos ambitions concernant le forum du secteur dédié à la lutte contre le terrorisme et à présenter des mesures concrètes à l’occasion de la réunion des ministres de l’Intérieur du G7
  • reconnaissant que la coopération volontaire ne suffira pas nécessairement pour que les entreprises prennent des mesures, envisageront ensemble la possibilité d’instaurer une responsabilité des entreprises, par exemple en réglementant ou en légiférant
  • prendront la tête d’un groupe de pays intéressés pour assurer le suivi des initiatives du G7 et élaborer de nouvelles mesures en tant que de besoin
  • saluent l’engagement du gouvernement et du Congrès des Etats-Unis à rechercher l’adoption d’une loi supprimant les entraves dans le droit américain et permettant la conclusion d’accords bilatéraux
  • encourageront une accélération des travaux de l’UE sur la mise en oeuvre du Code de conduite, le réexamen de la directive «Services de médias audiovisuels», le chiffrement, la preuve électronique, le réexamen de la directive sur le commerce électronique ; soutiendront le renforcement des moyens d'Europol, en particulier de son unité de signalement des contenus sur Internet
  • coordonneront leurs stratégies sur le défi de l’accès aux contenus chiffrés et leurs échanges avec les principaux fournisseurs de services de communication.

Communiqué de presse de Gérard Collomb, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, en date du 14 juin 2017