Mercredi 7 décembre 2011, Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, est intervenu à deux reprises lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement, à l'Assemblée nationale. Il a ainsi répondu à Jean-Christophe Lagarde, sur la sécurité du nucléaire et à Jean-Pierre Nicolas sur le droit de vote des étrangers.
Jean-Christophe Lagarde, député Nouveau Centre de Seine-Saint-Denis
Ma question s'adresse à Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Lundi dernier, les opérations commando lancées par Greenpeace afin d'infiltrer différentes centrales nucléaires françaises lui ont permis d'atteindre des zones sensibles et d'y rester pendant plusieurs heures. Ces opérations ont donc mis en évidence de graves failles dans la sécurité des installations en question.
La réaction d'EDF, l'exploitant de ces sites, qui prétend que tout a toujours été sous contrôle, n'est pas acceptable. Les militants ont pu se promener librement pendant quelques minutes dans certaines centrales et plusieurs heures dans d'autres. Quel danger n'aurions-nous pas encouru si ces personnes avaient été plus mal intentionnées !
Les intentions de ces intrus, on les connaît : remettre en cause la stratégie de l'industrie nucléaire française, mais ce n'est pas notre sujet. Il ne suffit pas de dénoncer, il faut être capable de remédier à ces failles.
La sécurité des centrales nucléaires françaises est assurée par des pelotons spécialisés de la gendarmerie nationale, financés par EDF.
Vous avez reconnu ces failles et indiqué votre volonté d'y remédier. Je ne doute pas que vous vouliez le faire et que vous soyez à même de commencer à agir en ce sens.
Pour le groupe Nouveau Centre, il faut cependant aller plus loin. Premièrement, même si le règlement de notre assemblée ne nous le permet plus, à nous - je m'adresse donc également à tous les groupes de cette assemblée -, les parlementaires doivent être associés aux travaux d'une commission d'enquête pour déterminer où sont effectivement les failles, sans se reposer sur le seul Gouvernement. Deuxièmement, nous pensons qu'il faut créer un organe de contrôle permanent, sous l'autorité du Parlement, pour permettre un audit annuel de la sécurité publique de nos installations nucléaires. Troisièmement, Monsieur le Ministre, il faut évidemment qu'une autorité unique, votre ministère, soit responsable de cette sécurité, sans mélange des genres entre les différentes problématiques de la sûreté nucléaire. Enfin, puisque l'on peut s'approcher si facilement de nos centrales, la présence de forces militaires est également nécessaire pour en assurer la sécurité, comme au centre spatial de Kourou, en Guyane.
Claude Guéant, ministre de l'intérieur
Monsieur le député, je veux d'abord faire deux observations.
D'une part, la gendarmerie a bien évidemment fait le choix de ne pas utiliser la force à l'égard des intrus, c'est-à-dire de ne pas mettre leur sécurité en danger.
D'autre part, à aucun moment l'intégrité physique des centrales n'a été menacée. En particulier, personne n'a pu pénétrer sur les lieux de production de l'énergie nucléaire.
Cela étant, il est exact que plusieurs personnes sont entrées à l'intérieur de la centrale de Nogent-sur-Seine, ce qui traduit un dysfonctionnement. Ce n'est pas acceptable...et il nous faut bien sûr tirer toutes les conséquences, toutes les leçons, de ce qui s'est passé.
Dans la journée même de lundi, le Premier ministre a organisé une réunion au cours de laquelle plusieurs décisions ont été prises. La première, c'est de faire en sorte que les mesures de protection passive de l'ensemble de nos centrales nucléaires soient durcies. La deuxième, c'est de revoir la directive nationale de sécurité concernant les installations sensibles, nucléaires et autres que nucléaires. La troisième, c'est de renforcer encore la coordination entre les différents directeurs dans ce domaine.
Ajoutons qu'une enquête interministérielle à laquelle concourent les diverses inspections générales compétentes a immédiatement été ouverte, qui doit permettre de formuler des propositions techniques précises. À cet égard, vos suggestions méritent toute considération. Je note cependant que les suites qui leur seront données dépendent tout autant de l'Assemblée nationale que du Gouvernement. En tout cas, il nous faut bien entendu intervenir tout de suite et c'est ce que nous faisons.
Jean-Pierre Nicolas, député UMP de l'Eure
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Monsieur le ministre de l'intérieur.
Sur l'initiative du groupe socialiste Europe Écologie les Verts du Sénat, préfiguration du cartel électoral constitué entre ces deux formations politiques..., une proposition de loi visant à accorder le droit de vote et l'éligibilité aux élections municipales aux étrangers extracommunautaires sera discutée demain par la Haute Assemblée.
Après le retour dans le programme socialiste des emplois jeunes et du « travailler moins », l'opposition nous ressort une autre vieille marotte. Mais personne n'est dupe. Comme par hasard, cela arrive à quelques mois des élections, pour faire monter l'extrême droite : vieille technique bien connue sous les années Mitterrand !
Mais aujourd'hui, même Jean Pierre Chevènement ne veut pas se laisser instrumentaliser par ce débat, c'est dire !
Pour nous, à l'UMP, c'est clair : pour nous, c'est non ! Le droit de vote est attaché à la nationalité et doit le rester. Si des étrangers résidant en France veulent s'impliquer davantage dans la gestion de la communauté nationale, alors ils peuvent faire la démarche de devenir des citoyens français.
Cette proposition du parti socialiste et des Verts ne facilitera pas l'intégration. Elle est surtout démagogique et vise à ramasser des clientèles communautaires.
Et jusqu'où ira-t-on, puisque le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale précise dans son rapport qu'il est souhaitable que l'éligibilité vaille également pour les fonctions de maire.
Monsieur le Ministre, ma question est simple : pouvez-vous dire à la représentation nationale et à nos concitoyens quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?
Claude Guéant, ministre de l'intérieur
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jean-Pierre Nicolas, la position du Gouvernement est très claire : le Gouvernement est résolument hostile à la proposition de loi qui vise à donner le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales...
Il est contre pour des raisons juridiques, des raisons de principes et des raisons pratiques.
Pour des raisons juridiques, d'abord, parce que, dans notre pays, depuis des siècles, la nationalité va avec la citoyenneté : on vote parce que l'on est citoyen et l'on est citoyen parce que l'on est français.
Pour des raisons de principes, ensuite, parce que notre politique est une politique d'intégration. Nous voulons intégrer les étrangers qui vivent en France. C'est pour cela qu'ils ont d'ailleurs la plénitude des droits associatifs et des droits sociaux.
Au terme du parcours d'intégration, s'ils le souhaitent, ils peuvent devenir français, vous l'avez dit. Il nous semble paradoxal de donner une tranche de citoyenneté à quelqu'un qui ne veut pas devenir français.
Pour des raisons pratiques, enfin, parce que la proposition de loi qui est présentée ne propose pas la possibilité de devenir maire, pour un étranger, mais en revanche, celle de devenir conseiller municipal.
Cela signifie que, dans certains conseils municipaux, l'on peut tout à fait trouver une majorité ou une proportion importante d'étrangers. Cela, je le dis, crée un véritable risque de communautarisme.
En effet, imaginons un débat sur les cantines scolaires : ne risque-t-on pas d'établir des règles contraires au principe de laïcité ? Nous risquons également d'avoir un débat sur la fréquentation des piscines : ne risque-t-on pas de fixer des règles d'utilisation des piscines contraires à l'égalité des droits entre les hommes et les femmes ?
Oui, nous courons ces risques. C'est pourquoi nous sommes hostiles à cette proposition de loi.
Je l'ai déjà dit, la politique d'immigration du Gouvernement est une politique de maîtrise des flux, afin que les Français se sentent bien avec les personnes qu'ils accueillent chez eux et que les étrangers se sentent bien chez nous.
Nous refusons de rendre possibles de nouveaux de clivages et des tensions supplémentaires. Or, le texte proposé ouvre cette perspective.