Intervention de M. Claude GUÉANT, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Hôtel de Beauvau
- Seul le prononcé fait foi -
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de souhaiter la bienvenue à chacune et à chacun d'entre vous pour cette 9ème journée de rencontre avec les associations de victimes et d'aide aux victimes.
Je me réjouis que ce rendez-vous se concrétise aujourd'hui.
Pourquoi ?
Parce qu'à mes yeux, ignorer les victimes, c'est affaiblir le corps social :
Pour qu'un individu devienne une victime, en effet, il faut qu'à un moment donné, il ait été soustrait à la loi de l'Etat et soumis à la loi du plus fort. Dans chaque agression, dans chaque atteinte physique ou morale, ce n'est pas seulement la personne de la victime qui se trouve attaquée mais, à travers elle, la société.
Accepter de reconnaître comme telle une victime, ainsi, ce n'est pas seulement réparer un drame personnel, mais bien lui redonner la place qui est la sienne, de droit, au sein de la société.
Reconnaître une victime comme telle, c'est lui rendre sa qualité de citoyen, l'autoriser à redevenir acteur de son destin, lui permettre, en un mot, de sortir de son statut de victime et de se reconstruire.
Cette conviction, c'est celle du président de la République qui rappelait, en 2009, dans ses vœux aux acteurs de la sécurité, que « le pacte social, le pacte républicain [ne] peut fonctionner [que] s'il y a de la justice ». Or, la justice, c'est se préoccuper plus de ceux qui sont plus faibles : c'est donner la priorité aux victimes. Pourtant, comme le soulignait le président de la République dans ce même discours, « pendant longtemps, nul ne s'est vraiment intéressé à leur sort. [Au contraire], on se passionnait pour les délinquants ».
Cette situation était inadmissible. Joindre le manque d'égards au choc de l'agression, c'était, en effet, ajouter l'injustice à l'injustice. Cela ne pouvait plus durer.
C'est précisément pour réfléchir aux moyens de redonner la parole aux victimes que le président de la République a voulu instituer des journées annuelles de rencontres avec les associations.
Ce processus avait été interrompu l'année dernière. J'ai voulu le relancer et c'est la raison pour laquelle nous sommes réunis ici aujourd'hui :
Associations, Défenseur des droits, ministères, avec une telle mobilisation, toutes les conditions sont réunies pour faire de cette journée un véritable laboratoire d'idées quant aux évolutions à apporter à notre politique d'aide aux victimes.
Mais si je suis confiant quant à la réussite de cette journée de rencontres, c'est aussi que je connais les avancées rendues possibles par nos précédents échanges.
Depuis 2002, ces échanges ont nourri la réflexion du Gouvernement et ont permis de remettre les victimes au cœur de la politique de sécurité. Je pense, par exemple :
C'est précisément parce que vous, les associations, ne jouez pas seulement un rôle essentiel dans l'accompagnement des victimes mais aussi dans la construction des politiques publiques destinées à les prendre en charge, que nous vous devons un soutien sans réserve.
Ce soutien ne se démentira pas.
Je voudrais, d'ailleurs, profiter de notre rencontre pour faire taire les rumeurs qui ont circulé récemment sur l'aide financière que vous accorde l'État.
Vous le savez, jamais l'effort de l'État en faveur de l'aide aux victimes n'a été aussi conséquent :
Vous m'avez d'abord suggéré, dans la phase préparatoire de cette journée de rencontre, un certain nombre de pistes de réflexion qui méritent d'être approfondies.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé au Premier ministre qu'il désigne auprès de moi en qualité de parlementaire en mission sur l'aide aux victimes, Madame Marie-Louise FORT, députée de l'Yonne. Elle me remettra ses conclusions au début de l'année prochaine afin que je puisse, en concertation, engager rapidement les actions nécessaires.
Sa mission s'articulera, plus précisément, autour de deux grands axes.
Premier axe, je souhaite que son enquête permette d'identifier les moyens susceptibles de placer véritablement la victime au cœur de l'enquête de police et de gendarmerie, dans la phase pré-judiciaire.
Marie-Louise FORT aura ainsi pour objectif de réfléchir à tous les dispositifs susceptibles de rendre confiance aux victimes :
Ce ne sont là, naturellement, que quelques pistes de réflexion qui devront être enrichies par vos travaux d'aujourd'hui mais aussi par un travail de politique comparée avec les dispositifs développés par nos partenaires européens.
Parallèlement à ce premier axe de recherche, je souhaite que Marie-Louise FORT travaille à l'évaluation et à la mise en cohérence des dispositifs d'aide aux victimes spontanément mis en place par certains commissariats de police ou brigades de gendarmerie.
L'accompagnement des victimes a en effet tout à gagner de la diffusion et de la généralisation des bonnes pratiques déjà testées sur le terrain.
Au-delà de la mission confiée à Marie-Louise FORT, il y a des domaines dans lesquels nous pouvons agir sans attendre.
Je pense, d'abord, à l'amélioration des conditions matérielles d'accueil des victimes.
Il est déjà suffisamment difficile, pour une victime, de faire face au traumatisme qu'elle vient de subir pour ne pas avoir en plus, lorsqu'elle se rend dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie, à se retrouver face à son agresseur.
C'est une préoccupation qui me tient particulièrement à cœur et j'ai pu constater, dans les bâtiments que j'ai inaugurés cette année au Havre ou à Avignon, que les locaux réservés à l'accueil des victimes étaient désormais bien isolés de ceux destinés à l'audition des délinquants.
Il ne faut pas non plus que ces victimes soient obligées de faire de longues distances pour rencontrer les médecins légistes qui vont déterminer leurs préjudices physiques et psychologiques. Et que dans les Unités Médicales Judiciaires, lorsqu'elles existent, leur accueil soit aménagé pour protéger leur dignité. Je sais que Michel Mercier est sensible comme moi à cette préoccupation.
Deuxième axe d'action, j'ai entendu vos demandes quant à la prise en charge des victimes les plus vulnérables, et notamment des personnes âgées.
Les personnes âgées constituent des cibles privilégiées pour les délinquants : perçues comme plus fragiles, elles ont de surcroît plus de difficultés à dénoncer les injustices dont elles sont victimes en raison de leur faible mobilité et de l'isolement social dans lequel elles peuvent se trouver.
Pour rompre cet isolement et redonner la parole aux personnes âgées, j'ai décidé de charger une partie des 270 volontaires qui choisiront d'effectuer leur service civique au sein des services en charge de la sécurité de missions de contacts auprès de nos aînés. En allant à la rencontre des personnes âgées, ces jeunes pourront non seulement leur rappeler quelques réflexes élémentaires de prudence, mais également se faire le relai de leurs préoccupations et les accompagner dans leurs démarches.
Toujours pour rompre l'isolement des personnes âgées, je souhaite que se multiplient les possibilités de prise de plainte à domicile. En outre, comme vous le découvrirez au cours de la journée, nous testons dans les départements des Yvelines et de la Charente-Maritime un dispositif de pré-plainte en ligne destiné à faciliter les dépôts de plaintes en créant immédiatement un lien sécurisé entre les services de police et la victime. Un rapport d'évaluation me sera également remis afin de déterminer l'opportunité d'étendre au plan national ce dispositif innovant.
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Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, les victimes sont au cœur des priorités du Gouvernement.
Notre politique de sécurité, c'est ainsi, d'abord, 500 000 victimes évitées grâce au recul continu de la délinquance depuis 2002.
Mais notre politique de sécurité, c'est, aussi, toutes ces victimes qui retrouvent la parole grâce à l'attention spécifique que nous leur portons à vos côtés.
Notre partenariat porte ses fruits.
Notre partenariat doit vivre. C'est l'enjeu des débats auxquels vous participerez aujourd'hui. C'est l'enjeu, aussi, du soutien que je vous demande d'apporter dans les prochains mois à la mission de Madame Marie-Louise FORT.
Notre débat doit se poursuivre au-delà de ces échéances et c'est pourquoi je vous donne d'ores-et-déjà rendez-vous, très rapidement, pour de nouveaux échanges.
D'ici là, je vous souhaite une bonne journée et d'excellents débats.