27.09.2011 - Ouverture de la 9ème journée de rencontre avec les associations de victimes et d'aide aux victimes

27 septembre 2011

Intervention de M. Claude GUÉANT, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Hôtel de Beauvau


- Seul le prononcé fait foi -
 
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi, tout d'abord, de souhaiter la bienvenue à chacune et à chacun d'entre vous pour cette 9ème journée de rencontre avec les associations de victimes et d'aide aux victimes.

Je me réjouis que ce rendez-vous se concrétise aujourd'hui.

Pourquoi ?

Parce qu'à mes yeux, ignorer les victimes, c'est affaiblir le corps social :

  •  l'affaiblir, d'abord, parce que la solidarité et l'attention aux plus fragiles sont au cœur du pacte républicain. C'est la portée du mot fraternité dans notre devise ;
  •  mais l'affaiblir, surtout, parce qu'à travers chaque victime, c'est le fondement même de l'Etat, c'est le caractère incontournable de la loi qui se voit remis en cause.

Pour qu'un individu devienne une victime, en effet, il faut qu'à un moment donné, il ait été soustrait à la loi de l'Etat et soumis à la loi du plus fort. Dans chaque agression, dans chaque atteinte physique ou morale, ce n'est pas seulement la personne de la victime qui se trouve attaquée mais, à travers elle, la société.

Accepter de reconnaître comme telle une victime, ainsi, ce n'est pas seulement réparer un drame personnel, mais bien lui redonner la place qui est la sienne, de droit, au sein de la société.

Reconnaître une victime comme telle, c'est lui rendre sa qualité de citoyen, l'autoriser à redevenir acteur de son destin, lui permettre, en un mot, de sortir de son statut de victime et de se reconstruire.

Cette conviction, c'est celle du président de la République qui rappelait, en 2009, dans ses vœux aux acteurs de la sécurité, que « le pacte social, le pacte républicain [ne] peut fonctionner [que] s'il y a de la justice ». Or, la justice, c'est se préoccuper plus de ceux qui sont plus faibles : c'est donner la priorité aux victimes. Pourtant, comme le soulignait le président de la République dans ce même discours, « pendant longtemps, nul ne s'est vraiment intéressé à leur sort. [Au contraire], on se passionnait pour les délinquants ».

Cette situation était inadmissible. Joindre le manque d'égards au choc de l'agression, c'était, en effet, ajouter l'injustice à l'injustice. Cela ne pouvait plus durer.

C'est précisément pour réfléchir aux moyens de redonner la parole aux victimes que le président de la République a voulu instituer des journées annuelles de rencontres avec les associations.

Ce processus avait été interrompu l'année dernière. J'ai voulu le relancer et c'est la raison pour laquelle nous sommes réunis ici aujourd'hui :

  •  vous, d'abord, les associations de victimes et d'aide aux victimes, présentes dans toute la diversité de vos combats puisque vous êtes 87 à avoir répondu à notre invitation ;
  •  vous, ensuite, cher Dominique BAUDIS, Défenseur des droits tout juste entré en fonctions, qui marquez par votre présence toute l'importance que vous accordez déjà au soutien aux victimes ;
  •  vous, enfin, cher Michel MERCIER, ministre de la justice, et chère Roselyne BACHELOT, ministre des solidarités et de la cohésion sociale dont la présence manifeste la démarche collégiale et interministérielle adoptée par le Gouvernement sur ce sujet. Si le premier réflexe des victimes est souvent de composer le 17 ou le 18, plaçant ainsi le ministère de l'intérieur en première ligne dans leur prise en charge, leur accompagnement sur le long terme ne peut se concevoir sans les actions pilotées par d'autres ministères.

Associations, Défenseur des droits, ministères, avec une telle mobilisation, toutes les conditions sont réunies pour faire de cette journée un véritable laboratoire d'idées quant aux évolutions à apporter à notre politique d'aide aux victimes.

Mais si je suis confiant quant à la réussite de cette journée de rencontres, c'est aussi que je connais les avancées rendues possibles par nos précédents échanges.

Depuis 2002, ces échanges ont nourri la réflexion du Gouvernement et ont permis de remettre les victimes au cœur de la politique de sécurité. Je pense, par exemple :

  •  à la création au sein du ministère de l'intérieur, dès 2005, d'une délégation aux victimes dont le réseau de près de 400 correspondants départementaux coordonne et impulse la politique d'aide aux victimes ;
  •  à la création, en 2009, des brigades de protection des familles, dont on compte, aujourd'hui, plus de 300 unités qui permettent de briser la loi du silence et d'apporter une protection aux plus vulnérables - notamment les enfants et les personnes âgées - jusqu'au cœur de la sphère familiale ;
  •  à la création, également, de 158 postes d'intervenants sociaux et de 49 postes de psychologues au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie afin d'assurer, aussi vite que possible, un soutien optimal à toutes les victimes.

C'est précisément parce que vous, les associations, ne jouez pas seulement un rôle essentiel dans l'accompagnement des victimes mais aussi dans la construction des politiques publiques destinées à les prendre en charge, que nous vous devons un soutien sans réserve.

Ce soutien ne se démentira pas.

Je voudrais, d'ailleurs, profiter de notre rencontre pour faire taire les rumeurs qui ont circulé récemment sur l'aide financière que vous accorde l'État.

Vous le savez, jamais l'effort de l'État en faveur de l'aide aux victimes n'a été aussi conséquent :

  •  en 2009, le FIPD a consacré 3,5 millions d'euros à cette action ;
  •  en 2010, il a encore doublé ce soutien en débloquant 7,5 millions d'euros qui ont profité aux intervenants sociaux en police et en gendarmerie [2,1M€], aux permanences associatives d'aide aux victimes [2,2M€] et à la prévention des violences intrafamiliales [3,2M€] ;
  •  cet effort a été maintenu en 2011 ;
  •  il sera, je m'y engage, maintenu également en 2012. Je précise, d'ailleurs, qu'il sera maintenu dans sa totalité puisque la Chancellerie prendra le relai du ministère de l'intérieur pour assurer le financement des bureaux d'aide aux victimes déployés auprès des 50 principaux tribunaux de grande instance de notre pays.
  • Ensemble, aujourd'hui, nous continuons d'agir pour rendre la parole aux victimes.

Vous m'avez d'abord suggéré, dans la phase préparatoire de cette journée de rencontre, un certain nombre de pistes de réflexion qui méritent d'être approfondies.

C'est la raison pour laquelle j'ai proposé au Premier ministre qu'il désigne auprès de moi en qualité de parlementaire en mission sur l'aide aux victimes, Madame Marie-Louise FORT, députée de l'Yonne. Elle me remettra ses conclusions au début de l'année prochaine afin que je puisse, en concertation, engager rapidement les actions nécessaires.

Sa mission s'articulera, plus précisément, autour de deux grands axes.

Premier axe, je souhaite que son enquête permette d'identifier les moyens susceptibles de placer véritablement la victime au cœur de l'enquête de police et de gendarmerie, dans la phase pré-judiciaire.

Marie-Louise FORT aura ainsi pour objectif de réfléchir à tous les dispositifs susceptibles de rendre confiance aux victimes :

  •  facilitation des contacts avec les populations les plus fragiles afin que la peur ou l'isolement ne condamnent plus certaines victimes au silence ;
  •  amélioration de l'accueil des victimes au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie afin que le climat de sûreté ainsi créé autour d'elles les incite à mieux se confier ;
  •  information des victimes, notamment quant à la progression de l'enquête afin qu'elles n'aient pas l'impression d'être oubliées une fois leur plainte déposée.

Ce ne sont là, naturellement, que quelques pistes de réflexion qui devront être enrichies par vos travaux d'aujourd'hui mais aussi par un travail de politique comparée avec les dispositifs développés par nos partenaires européens.

Parallèlement à ce premier axe de recherche, je souhaite que Marie-Louise FORT travaille à l'évaluation et à la mise en cohérence des dispositifs d'aide aux victimes spontanément mis en place par certains commissariats de police ou brigades de gendarmerie.

L'accompagnement des victimes a en effet tout à gagner de la diffusion et de la généralisation des bonnes pratiques déjà testées sur le terrain.

Au-delà de la mission confiée à Marie-Louise FORT, il y a des domaines dans lesquels nous pouvons agir sans attendre.

Je pense, d'abord, à l'amélioration des conditions matérielles d'accueil des victimes.

Il est déjà suffisamment difficile, pour une victime, de faire face au traumatisme qu'elle vient de subir pour ne pas avoir en plus, lorsqu'elle se rend dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie, à se retrouver face à son agresseur.

C'est une préoccupation qui me tient particulièrement à cœur et j'ai pu constater, dans les bâtiments que j'ai inaugurés cette année au Havre ou à Avignon, que les locaux réservés à l'accueil des victimes étaient désormais bien isolés de ceux destinés à l'audition des délinquants.

Il ne faut pas non plus que ces victimes soient obligées de faire de longues distances pour rencontrer les médecins légistes qui vont déterminer leurs préjudices physiques et psychologiques. Et que dans les Unités Médicales Judiciaires, lorsqu'elles existent, leur accueil soit aménagé pour protéger leur dignité. Je sais que Michel Mercier est sensible comme moi à cette préoccupation.

Deuxième axe d'action, j'ai entendu vos demandes quant à la prise en charge des victimes les plus vulnérables, et notamment des personnes âgées.

Les personnes âgées constituent des cibles privilégiées pour les délinquants : perçues comme plus fragiles, elles ont de surcroît plus de difficultés à dénoncer les injustices dont elles sont victimes en raison de leur faible mobilité et de l'isolement social dans lequel elles peuvent se trouver.

Pour rompre cet isolement et redonner la parole aux personnes âgées, j'ai décidé de charger une partie des 270 volontaires qui choisiront d'effectuer leur service civique au sein des services en charge de la sécurité de missions de contacts auprès de nos aînés. En allant à la rencontre des personnes âgées, ces jeunes pourront non seulement leur rappeler quelques réflexes élémentaires de prudence, mais également se faire le relai de leurs préoccupations et les accompagner dans leurs démarches.

Toujours pour rompre l'isolement des personnes âgées, je souhaite que se multiplient les possibilités de prise de plainte à domicile. En outre, comme vous le découvrirez au cours de la journée, nous testons dans les départements des Yvelines et de la Charente-Maritime un dispositif de pré-plainte en ligne destiné à faciliter les dépôts de plaintes en créant immédiatement un lien sécurisé entre les services de police et la victime. Un rapport d'évaluation me sera également remis afin de déterminer l'opportunité d'étendre au plan national ce dispositif innovant.

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Mesdames et Messieurs,

Vous le voyez, les victimes sont au cœur des priorités du Gouvernement.

Notre politique de sécurité, c'est ainsi, d'abord, 500 000 victimes évitées grâce au recul continu de la délinquance depuis 2002.
Mais notre politique de sécurité, c'est, aussi, toutes ces victimes qui retrouvent la parole grâce à l'attention spécifique que nous leur portons à vos côtés.

Notre partenariat porte ses fruits.

Notre partenariat doit vivre. C'est l'enjeu des débats auxquels vous participerez aujourd'hui. C'est l'enjeu, aussi, du soutien que je vous demande d'apporter dans les prochains mois à la mission de Madame Marie-Louise FORT.

Notre débat doit se poursuivre au-delà de ces échéances et c'est pourquoi je vous donne d'ores-et-déjà rendez-vous, très rapidement, pour de nouveaux échanges.

D'ici là, je vous souhaite une bonne journée et d'excellents débats.