Intervention de M. Claude Guéant, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - École militaire
- Seul le prononcé fait foi -
Mesdames et Messieurs les sous-préfets,
Le métier de sous-préfet, votre métier, a été le mien il y a quelques années. Je l'ai exercé, comme vous, avec passion et au service de nos concitoyens. Au-delà de la diversité de vos métiers et de vos affectations, je retrouve en vous la force et l'unité d'une vocation : celle du service de l'Etat. Vous avez connu, depuis cinq ans, de profondes évolutions. Ces évolutions ont confirmé et affermi la place essentielle que vous occupez dans l'administration territoriale de l'État et votre rang, vous qui êtes parmi les rares fonctionnaires en poste en territoriale nommés par décret du président de la République. C'est cette place, votre place, dont je voudrais vous parler aujourd'hui avant de vous fixer les objectifs à venir.
I. Servir l'Etat comme sous-préfet, c'est agir à la croisée des chemins.
(1) Vous agissez, d'abord, là où la tradition rencontre la modernité.
Vous êtes, en effet, issus d'une longue tradition républicaine puisque les sous-préfets ont été institués au même moment que les préfets par la loi du 28 pluviôse an VIII [17 février 1800]. Dès cette date, votre vocation est d'administrer l'État au plus près des citoyens. Dès l'origine, vous êtes ainsi le point de contact primordial de la population avec son administration. Depuis lors, vous êtes, pour chaque Français, des repères de stabilité.
Ce souci de proximité, de permanence et de continuité demeure.
Ne nous trompons pas : la mondialisation de l'économie, l'hyper-information permise par Internet et l'individualisme croissant de nos sociétés ont renforcé la demande d'État. En milieu urbain comme en milieu rural, dans un monde qu'ils jugent incertain voire hostile, nos concitoyens veulent un État protecteur, garant de leur sécurité, de la permanence du pacte républicain et de la cohésion de notre société démocratique.
Ce rôle de protecteur est le premier devoir de l'État.
Pour rester protecteur, l'État doit s'adapter. C'est pourquoi sans changer de raison d'être, l'État, et donc, naturellement, les sous-préfets, doivent continuer à se moderniser.
Nous avons su collectivement prendre ce tournant de la rénovation de l'État territorial.
Au cœur de cette rénovation, il y a, avant tout, un message de confiance : confiance dans l'administration territoriale et dans la capacité des sous-préfets à participer à son animation, auprès des préfets, au mieux des intérêts de nos concitoyens.
Partant de ce message, la réforme de l'État territorial a consisté à profiter des évolutions sociales et techniques survenues au cours des dernières années pour bâtir une administration plus simple, plus efficace, plus réactive et plus accessible.
Nous avons, d'abord, revu notre organisation afin de faire émerger un État territorial resserré, beaucoup plus interministériel. C'est votre terrain d'action ; je vous demande d'occuper ce terrain.
C'est, pour notre administration, un gage d'efficacité :
efficacité, d'abord, grâce à l'émergence de services moins nombreux, véritablement interministériels et tirant parti de la mutualisation des moyens et des compétences ; la direction est donnée et je souhaite que vous en soyez les promoteurs car la tâche, notamment d'explication, n'est pas terminée ;
efficacité, ensuite, grâce à la clarification des compétences de chaque échelon : pilotage de l'action confiée au préfet de région, mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques confiée aux préfets de département et mobilisation des sous-préfets d'arrondissement pour garantir le développement territorial.
Mais cette nouvelle organisation est aussi, pour nos concitoyens, un gage de lisibilité puisqu'elle met à leur disposition un point d'entrée unique, clair et proche avec l'administration.
Deuxième évolution : dans une société habituée à voir les distances et le temps rétrécis par la technologie, nous nous attachons à ce que les délais du travail administratif se rapprochent le plus possible de ce qui est rendu nécessaire par les contraintes de sécurité ou de qualité et ne résultent pas de méthodes de travail archaïques et inadaptées. C'est pourquoi nous continuons à simplifier nos procédures et à tirer parti des possibilités ouvertes par la dématérialisation des démarches. Les délais de délivrance des titres ont ainsi été réduits jusqu'à 60% dans certaines préfectures. En outre, nos concitoyens peuvent effectuer un nombre croissant de démarches par Internet comme l'inscription sur les listes électorales ou, prochainement, les formalités de cession d'un véhicule et de changement d'adresse.
Enfin, nous nous adaptons aux changements de nos territoires en engageant, très progressivement, depuis plusieurs années, un travail sur les limites d'arrondissement au regard des réalités et des enjeux dans les bassins de vie et d'activités. Ce mouvement n'est pas achevé et je vous demande de proposer ces ajustements tout en recherchant le consensus indispensable.
J'ai eu l'occasion de dire que le bouleversement de la carte des arrondissements n'est pas à l'ordre du jour. Je vous le redis aujourd'hui. Pour autant, nous ne sommes pas les tenants de l'immobilisme : dans plusieurs cas des modifications de limites ont été faites et il ne faut pas y renoncer si les tous les acteurs locaux sont d'accord sur ce point. Il est, dans ce cadre, logique de faire évoluer progressivement la carte des arrondissements chef-lieu : le secrétaire général étant de plus en plus tourné vers l'administration générale et les problématiques de gestion des agglomérations, et le sous-préfet d'arrondissement de plus en plus concentré sur l'animation territoriale, il est normal que les arrondissements chef-lieu puissent se concentrer sur les aires urbaines et diminuer, et que les arrondissements qui sont autour, à dominante rurale, s'agrandissent.
Ce mouvement de modernisation, inédit depuis 30 ans, je suis fier de voir combien notre ministère s'est impliqué à en faire une réalité. Aujourd'hui, presque tous nos objectifs de modernisation sont atteints : c'est un résultat dont nous pouvons tous, collectivement, être fiers.
(2) Acteur d'un État moderne, vous faîtes, en outre, la jonction entre les politiques nationales et les réalités du terrain.
Parce que les enjeux structurants de la Savoie ne sont ni ceux de la Vendée, ni ceux des Hautes-Pyrénées, parce que des questions déterminantes à Paris peuvent être annexes en Seine-Saint-Denis, l'État doit adapter ses réponses aux caractéristiques propres à chaque territoire.
Parce que les problématiques de Bar-sur-Aube ne sont pas celles de Nogent-sur-Seine, parce que Redon n'est pas Saint-Malo, parce que Mamers n'est pas Le Mans, vos objectifs sont différenciés, que vous soyez secrétaires généraux de préfecture et sous-préfets de l'arrondissement chef-lieu, ou sous-préfets d'arrondissement.
C'est précisément votre rôle : faire en sorte qu'en passant entre vos mains, les politiques publiques s'adaptent aux territoires, qui ont chacun des points faibles ou des points forts différents, des géographies, des sociologies, des démographies différentes.
Cela concerne, naturellement, la mise en œuvre des politiques publiques : vous devez exploiter votre connaissance du terrain pour déterminer comment les traduire de manière réellement pertinente dans le territoire dont vous avez la charge. Pour vous permettre de remplir ce rôle, l'État vous a ménagé des marges de manœuvres. C'est tout l'objet de la directive nationale d'orientation (DNO) grâce à laquelle nous avons commencé à adapter notre organisation à la diversité des enjeux : au renforcement de la capacité d'administration dans les territoires urbains, densément peuplés, répond ainsi le renforcement des capacités d'animation et d'accompagnement de projets dans les zones rurales.
Mais ce travail d'orfèvre concerne, aussi, l'effort de pédagogie que vous devez faire autour de l'action de l'État. C'est un élément essentiel : une politique publique qui emporte l'adhésion des élus locaux, de la société civile et, in fine, de nos concitoyens, est une politique publique dont l'efficacité est décuplée. Je souhaite donc que vous consacriez une partie non négligeable de votre temps et de votre énergie à expliquer le sens de l'action de l'Etat à nos concitoyens et en faisant de la sous-préfecture, la porte d'entrée des services de l'Etat. Je souhaite notamment qu'une relation efficace se mette en place, si elle ne l'est pas déjà, entre les sous-préfets d'arrondissement, les directions régionales et les directions départementales interministérielles, sous l'égide des préfets.
Mais le sous-préfet est aussi, et peut-être avant toute autre considération, un responsable qui doit connaitre chaque arpent de l'arrondissement dans lequel il a été nommé. Cela signifie que vous devez être mobile, que vous devez vivre au milieu de nos concitoyens afin de les rencontrer, vous en faire connaitre, les écouter et comprendre leurs préoccupations ou leurs attentes. Vous n'avez pas été nommé dans ce remarquable réseau territorial que représentent les sous-préfectures pour rester campés dans vos sous-préfectures. Vous devez toujours et partout, y compris dans les médias, incarner l'Etat dans l'arrondissement.
Vous le voyez, vous le savez, Mesdames et Messieurs les sous-préfets, vous évoluez, avec la réforme de l'État territorial, d'une administration de gestion à une administration de mission.
Cette évolution doit naturellement encore être confortée. Tout à la fois spécialiste de l'administration et connaisseur de vos territoires, vous devez devenir les experts de l'ingénierie territoriale. Je veux que les sous-préfectures s'affirment comme le point d'accès privilégié à l'ensemble des savoir-faire de l'État et que vous, sous-préfets, vous affirmiez comme le moteur de l'attractivité des territoires :
cela signifie, d'abord, mobiliser vos équipes sur ces nouveaux objectifs. Une évolution de cette ampleur est naturellement source d'inquiétudes. À vous, donc, d'accompagner vos collaborateurs dans cette mutation en leur en montrant le sens et les opportunités. À l'image des actions entreprises à Bernay, dans l'Eure, vos équipes doivent trouver plaisir à contribuer à vos côtés au développement de leur territoire ;
cela signifie, ensuite, coordonner les efforts des différents services de l'Etat en les guidant dans chacun de vos territoires, comme cela a été fait à Bellac en Haute-Vienne ;
cela signifie, aussi, assumer un rôle de conseil actif auprès des élus et de la société civile en mettant à leur disposition vos nombreux domaines d'expertise. Votre capacité d'écoute et de conviction sont de précieux atouts comme en témoigne, d'ailleurs, votre mobilisation pour faire face à la crise économique. Les sollicitations fréquentes qui vous sont adressées dans des domaines où l'État ne dispose pourtant ni de compétence propres ni de crédits d'intervention sont autant de marques de reconnaissance de vos capacités à décrypter les forces et les faiblesses de vos territoires et à proposer des solutions impartiales, innovantes et adaptées ;
cela signifie, enfin, que vous devez être, sous l'égide des préfets, garants du respect du droit dans vos arrondissements. La mise en œuvre du contrôle de légalité demeure donc une dimension de votre action. Les nouvelles organisations départementales en ce domaine, qui concentrent l'expertise et l'instruction à la préfecture, ne privent en rien le sous-préfet, dès lors que le préfet le demande, de l'exercice de son influence personnelle, de son autorité, de sa conviction pour faire respecter la loi républicaine.
II. La réforme de l'État territorial vous place plus que jamais au centre de l'action publique dans les territoires. Concrètement, sur quels sujets devez-vous concentrer vos efforts dans les mois à venir ?
(1) Il y a, d'abord, les priorités de l'action gouvernementale que je vous demande de relayer et de mettre en œuvre.
Ces priorités, naturellement, se déclinent différemment suivant les fonctions que vous occupez.
Pour vous, les directeurs de cabinet, qui secondez vos préfets dans la direction et la coordination des forces de sécurité et de sécurité civile, je voudrais insister sur deux points :
- je souhaite, d'abord, que vous renforciez vos efforts en matière de sécurité publique et de prévention de la délinquance :
cela signifie, naturellement, continuer à animer, de manière régulière et résolument opérationnelle les comités locaux de sécurité et de prévention de la délinquance [CLSPD]. Ils permettent d'apporter des réponses adaptées aux problèmes spécifiques à chaque bassin de délinquance et doivent être pleinement exploités ;
cela signifie, aussi, accélérer la mise en œuvre de la réforme des patrouilleurs. Depuis la généralisation de ce dispositif à l'ensemble du territoire le 1er juillet dernier, le nombre de patrouilles sur le terrain a progressé de 5%. C'est un bon début, mais ce n'est pas suffisant. Je vous demande de vous impliquer personnellement dans cette réforme essentielle à l'émergence d'un véritable climat de sécurité dans notre pays ;
- je souhaite, ensuite, que vous restiez particulièrement mobilisés sur les questions de sécurité routière. Vous le savez, nous avons réussi, en réagissant fermement et rapidement, à enrayer le regain de mortalité routière enregistré au début de l'année. Notre détermination ne doit pas faiblir et je vous demande de faire preuve d'une vigilance toute particulière à l'occasion des deux week-ends prolongés de la Toussaint et du 11 novembre, mais aussi, tout au long de l'année, en mobilisant et animant directement l'ensemble des maillons de la chaîne de sécurité routière, de la prévention aux contrôles et sanctions.
À vous, les secrétaires généraux et les secrétaires généraux pour les affaires régionales, je demande d'être attentifs à trois sujets :
- je souhaite, d'abord, que vous continuiez vos actions en faveur de la modernisation de notre administration. Outre les mutualisations encore à réaliser, ou les plans d'actions stratégiques de l'Etat, qui seront bientôt achevés, nous allons entrer dans une nouvelle phase de progrès avec la dématérialisation prochaine de nouvelles procédures comme les déclarations de changement d'adresse ou de perte d'un titre. Comme toujours, je vous demande d'accompagner ce mouvement de modernisation d'un vrai dialogue social, notamment au niveau régional, afin d'associer pleinement chacun de vos agents à la construction de l'État de demain et de leur montrer les opportunités de carrières nouvelles que ces changements leur ouvrent ;
- je souhaite, ensuite, que vous restiez pleinement investi afin d'atteindre l'objectif de 30.000 éloignements que je vous ai fixé cet été. Je connais les efforts que vous avez fournis. Je vous demande de les poursuivre en utilisant toutes les potentialités du nouveau cadre offert par la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et particulièrement le dispositif de l'aide au retour. J'ajoute qu'en 2012, il y aura deux fois moins de suppressions d'emplois dans les préfectures qu'initialement prévu lors de la négociation du premier budget triennal en 2008. Cet effort de l'État profitera directement à vos services puisque 110 de ces emplois seront affectés au déploiement de la nouvelle application de gestion des étrangers AGDREF ;
- je souhaite, enfin, que vous poursuiviez la mise en œuvre de la DNO. Le bilan dressé par les préfets indique que 50% des mandats sont à l'œuvre. Il reste donc des points de vigilance, que j'illustrerai par les deux sujets suivants. Vous devez vous doter d'une vraie stratégie de lutte contre la fraude et animer activement les CODAF ; au niveau régional, les SGAR doivent se doter d'un projet de service.
À vous, enfin, les sous-préfets d'arrondissement, je fixe trois priorités :
- la sécurité, d'abord. Travaillant au plus près des territoires, vous êtes les mieux à mêmes, en particulier, de vérifier le bon déploiement des patrouilleurs sur l'ensemble du territoire ;
- le développement territorial, ensuite, qui doit désormais constituer le cœur de votre métier, surtout en cette période de crise économique où le maintien de l'attractivité et de la compétitivité de chaque territoire revêt une importance stratégique. Par votre connaissance fine de votre arrondissement et votre capacité à vous orienter au sein de l'administration, vous êtes de véritables atouts de développement et ne devez pas hésiter à mettre votre imagination et votre esprit d'initiative au service de votre territoire ;
- la conduite des missions transversales qui vous ont été confiées par plusieurs membres du Gouvernement, enfin. Xavier Bertrand en matière d'emploi, Luc Chatel en matière de lutte contre le décrochage scolaire, Maurice Leroy sur la politique de la ville ou Eric Besson sur les pôles industriels ont souhaité s'appuyer sur vos compétences pour faire progresser leur action sur le terrain. Je sais que votre investissement est à la hauteur de leurs espoirs et à la hauteur, surtout, des légitimes attentes de nos concitoyens dans ces domaines cruciaux.
(2) Aux priorités d'action que je viens de fixer à chacun d'entre vous répondent les engagements que j'ai pris pour vous accompagner dans l'exercice de vos responsabilités.
Plusieurs ministres du gouvernement (emploi, éducation, ville, industrie) vous sollicitent pour déployer des actions au plus près des bénéficiaires. La DMAT a mis en place une mission d'appui pour vous accompagner et recueillir vos attentes.
Les mutations auxquelles vous êtes confrontés au quotidien exigent aussi des formations personnalisées, des conseils, une confiance authentique entre vous et le ministère.
Beaucoup a été fait depuis cinq ans pour progresser dans cette direction. Les préfets du CSATE ont désormais évalué tous les sous-préfets. Ces pairs de haute valeur se portent chaque fois que de besoin auprès de ceux qui souhaitent bénéficier de leurs conseils. Le CSET accueille cette année sa quatrième promotion de sous-préfets et le CHEMI sa deuxième promotion inter-directions. Au-delà des formations à la prise de poste, un programme de formation continue vous est désormais proposé pour renforcer vos compétences sur tel ou tel point particulier en fonction de vos besoins. Enfin, l'entretien de carrière vient d'être lancé.
Enfin, je veux que votre valeur et vos talents soient reconnus.
Vous êtes l'incarnation de l'Etat régalien, de l'unité de notre pays, de l'histoire de la République. C'est pourquoi j'ai souhaité que le caractère unique du corps préfectoral soit préservé (décret du 29 septembre 2011). C'est pourquoi j'ai souhaité que les postes soient reclassés et vos traitements revalorisés. Le détail vous en sera prochainement exposé. L'effort significatif de rattrapage indemnitaire a été quant à lui poursuivi.
Mesdames et Messieurs les sous-préfets,
Vous incarnez l'État au plus près de nos concitoyens.
À ce moment charnière où les tensions de l'économie mondiale engendrent des craintes légitimes et des difficultés bien réelles pour nos concitoyens, je voulais vous tenir un discours de mobilisation. C'est par votre action que le soutien et l'attention que leur porte l'État deviennent concrets et tangibles.
Je sais que vous êtes et que vous resterez, en première ligne de l'action de l'État, un soutien solide pour nos concitoyens les plus fragilisés.
Sachez, à votre tour, que vous n'êtes pas seuls dans ce combat. Vous trouverez toujours en moi un homme attentif aux préoccupations que vous me ferez remonter du terrain et une détermination inébranlable à vous fournir les moyens de votre action. Vous pouvez compter sur moi comme je sais que je peux compter sur vous.