Intervention de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Congrès de la direction centrale du renseignement intérieur - Maison des arts et métiers, mardi 22 novembre 2011.
- Seul le prononcé fait foi -
Mesdames et messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je réponds aujourd'hui à votre invitation à venir m'exprimer devant votre deuxième congrès.
Dans notre pays, vous êtes bien placés pour le savoir, les métiers du renseignement sont souvent entourés d'un halo de mystères.
Loin des fantasmes, la réalité est pourtant tout autre.
Ce qui caractérise nos services de renseignements, en effet, ce n'est pas cette image sulfureuse mais bien leur professionnalisme et leur modernité.
Professionnalisme car le renseignement en France, c'est d'abord un ensemble de compétences : à la DCRI se mêlent ainsi savoir-faire policiers, capacités d'analyse géostratégique et aptitudes psychologiques.
Mais modernité, aussi, car, au cours des quatre dernières années, nous avons su adapter notre organisation aux nouveaux défis du XXIème siècle.
Ces défis, quels sont-ils ?
Ce sont, bien sûr, ceux de l'hyper-terrorisme, des groupes de pression ou des Etats voyous. Ce sont, aussi, ceux d'individus isolés prêts à recourir aux formes les plus extrêmes de la violence, ceux des réseaux d'information et de communication vecteurs de progrès autant que de menaces, ceux des conflits régionaux qui s'exportent au hasard des déplacements de leurs acteurs ou encore ceux posés par des idéologies en lutte contre la démocratie et ses valeurs.
Loin d'être exhaustive, cette liste donne à voir le changement qui s'est opéré dans le monde ces dernières années : d'une situation monolithique, nous sommes passés à une ère d'incertitudes marquée par des fluctuations extrêmement rapides. Dans l'actualité récente, les bouleversements politiques du monde arabe, la crise du pouvoir en Syrie ou l'intensification de la cybercriminalité sont autant d'exemples flagrants de cette évolution.
C'est pour appréhender cette réalité aux multiples facettes que le renseignement intérieur a été réformé. Cela s'est traduit, en particulier, par la création en juillet 2008, de la direction centrale du renseignement intérieur dont j'ai attentivement suivi et accompagné la construction progressive.
Aujourd'hui je constate avec satisfaction que ce service a consolidé sa position vis-à-vis de ses partenaires étrangers.
Mais je me réjouis aussi de voir qu'il s'est engagé, au niveau national, sur la voie d'une coordination étroite avec les autres services de renseignements, conformément aux réflexions menées dans le cadre de la rédaction du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Désormais, ainsi, dans le cadre du Conseil national du renseignement, les orientations stratégiques font l'objet d'une réflexion commune entre les services. Sous l'égide du Coordonnateur national du renseignement, les directeurs des services ont tous œuvré à cette ouverture qui s'est aussi concrétisée par des mutualisations techniques importantes et par des échanges de cadres.
Suivant la ligne dressée par le président de la République dès le premier conseil national du renseignement, je continuerai à défendre ce choix, ce choix de services non pas uniformisés mais coordonnés pour que les qualités et les atouts de chacun profitent au travail de tous.
Dans cette optique, j'ai reçu la semaine dernière les auditeurs du cycle supérieur de l'académie du renseignement. C'est un signe supplémentaire que la communauté du renseignement se construit. Vous devez en être les acteurs convaincus.
Cette académie du renseignement est un merveilleux outil, qui, au-delà de sa vocation de formation, doit contribuer à rendre plus perméable le monde du renseignement et la société civile. La société française doit changer son image des services qui souffrent d'être considérés comme des officines de barbouzes.
C'est aussi pour cela que j'ai tenu à venir auprès de vous aujourd'hui. Je déplore les attaques répétées que votre direction - et votre directeur en première ligne - ont eu à subir ces derniers temps.
Vous avez agi, dans l'affaire à laquelle je fais référence, sans dissimulation et en toute légitimité, avec les outils dont vous disposiez. Même si elle aura permis de clarifier les conditions de l'utilisation de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, la réalité reste assez éloignée de ce que les journaux nous donnent à lire. Sachez que vous disposez, en la matière, de mon entier soutien.
Si cette affaire a défrayé la chronique, peu de publicité est faite, en revanche, sur le travail que vous, hommes de l'ombre, accomplissez efficacement et en silence.
Ce travail, c'est, d'abord, celui du contre-espionnage. Si le grand public peut parfois peiner à en mesurer la dimension stratégique, le Gouvernement, qui est amené à prendre des décisions politiques, diplomatiques ou économiques qui engagent la France, est bien convaincu de son utilité.
Il nous permet en effet de garder intacte notre autonomie, tant en matière d'analyse politique que de contrôle du déroulement des crises. Il constitue, donc, un véritable enjeu de souveraineté, même si - et nous ne l'oublions pas - nous appartenons aussi à un espace européen qui s'est fortement développé. Plusieurs orientations fortes ont d'ailleurs été données par le président de la République à l'occasion des divers conseils restreints : le contre-espionnage, cœur de métier de la direction, reste d'actualité et stratégique pour la défense des intérêts français, et la sécurité économique, vitale dans un univers où la concurrence est de plus en plus forte et où la captation de savoir-faire est une pratique courante dont il faut à tout prix savoir se protéger.
Votre travail c'est aussi, naturellement, la lutte contre le terrorisme, domaine dans lequel votre expertise n'est plus à démontrer.
Depuis le début de l'année, plusieurs filières de djihadistes ont été démantelées grâce à vos efforts. Je pense, notamment, à l'affaire NIAZ, du nom de cet ingénieur indien qui avait organisé l'acheminement de combattants vers le Pakistan et qui en préparait d'autres à partir. Je pense, aussi, à l'arrestation récente, en Bulgarie, de Monahem GOUJIH, franco-tunisien parti dans les zones tribales et dont les intentions pour son retour en France étaient particulièrement inquiétantes. Je pense, enfin, au succès de l'opération que vous avez menée il y a quelques semaines contre les structures de financement du PKK en France. A ce titre, votre compétence judiciaire spéciale constitue un atout.
Ces capacités de veille et de riposte, vous les mobilisez contre toutes les formes de terrorisme, et pas seulement pour le suivi des filières djihadistes :
- vous les mobilisez pour la sécurisation de grands événements, comme le G8 ou le G20 qui se sont déroulés dans de parfaites conditions de sécurité ;
- vous les mobilisez pour empêcher l'expression violente, dans notre pays, d'extrémismes politiques comme ceux qui ont durement frappé la Norvège cet été et qui inquiètent l'Allemagne aujourd'hui ;
- vous les mobilisez, aussi, à l'extérieur de nos frontières, soit pour aider certains de nos partenaires, notamment au Sahel, à construire leur sécurité, soit pour projeter le renseignement intérieur sur des théâtres sensibles - et j'ai ici une pensée toute particulière pour vos officiers de liaison qui exercent parfois leur métier dans des conditions difficiles, comme par exemple à Damas en ce moment.
Votre travail, c'est, enfin, la lutte contre des menaces moins spectaculaires mais tout aussi dévastatrices que le terrorisme, visant notre économie ou détournant les moyens modernes de communication.
Elles sont les grandes menaces de demain. Face à l'évolution des technologies de l'information et de la communication, vos différents services doivent faire front et se compléter dans les outils et les savoir-faire développés.
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Mesdames et Messieurs,
Les réussites que je viens d'évoquer, vos réussites, ne sont pas le fruit du hasard.
Elles sont la traduction de votre implication, de votre professionnalisme et de votre sens de l'intérêt général.
Elles sont aussi la conséquence de votre rigueur, de votre réactivité et des efforts que vous déployez pour couvrir l'ensemble de vos sujets en alliant un maillage territorial étroit et de solides partenariats avec les services étrangers.
Ces réussites nous obligent pour l'avenir. Il va de la sécurité de nos concitoyens, de notre économie et de notre pays que nous sachions sans cesse les réitérer. C'est tout l'objet du plan national d'orientation du renseignement qui fixe à votre travail un cadre et des objectifs précis. Je sais pouvoir compter sur votre engagement et votre professionnalisme pour que le ministère de l'Intérieur que je dirige apporte une contribution déterminante à sa bonne réalisation.