18.11.2011 - Vernissage de l'exposition photos organisée pour les 40 ans de la BAC de Seine-Saint-Denis.

18 novembre 2011

Intervention de M. Claude Guéant Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Bobigny


- seul le prononcé fait foi -

    Monsieur le Préfet,
    Monsieur le Directeur,
    Mesdames et Messieurs,
    Nous sommes réunis aujourd’hui pour un anniversaire, le  40ème anniversaire de la brigade anti-criminalité [BAC] de Seine-Saint-Denis.
    Ces quarante années de missions au service de nos concitoyens, vous avez voulu les rendre visibles et palpables au-travers d’une exposition photos. C’est une initiative que je salue et dont j’ai pu apprécier, il y a quelques minutes, toute la qualité.
    Au fil des clichés exposés, en effet, se dessine progressivement un portrait fidèle de la BAC de Seine-Saint-Denis et, à travers elle, de l’ensemble des BAC de France : portrait de leurs missions, naturellement ; portrait de leurs moyens et de leurs modes d’intervention, bien sûr ; mais aussi, et c’est là le plus remarquable, portrait de l’esprit qui les anime, du courage et de l’engagement des hommes et des femmes qui les composent.
    Ce qui ressort de ces photos, ainsi, ce n’est pas un exposé froid de l’action des BAC mais le récit passionnant de l’histoire d’une unité qui a su, par sa compétence, son efficacité et les qualités de ses membres, s’imposer comme indispensable.
   
    Les BAC se sont imposées, d’abord, en réponse à un besoin précis.
    La Seine-Saint-Denis au début des années 1970 constitue en effet un territoire à part dans le paysage français de la fin des Trente Glorieuses. Bassin industriel touché de plein fouet par le premier choc pétrolier, territoire populaire où cohabitent nouveaux logements HLM et derniers bidonvilles de notre pays, ce département est le premier à voir émerger une nouvelle forme de délinquance, urbaine et violente, souvent nocturne et largement centrée sur les vols de voitures et les atteintes aux personnes.
Comme vous l’avez rappelé, capitaine Prévot    , la toute jeune direction départementale de la sécurité, alertée par des hommes de terrain comme l’officier de la paix principal Claude DURAND, a pris immédiatement conscience, non seulement de l’originalité de cette nouvelle forme de délinquance, mais aussi de la nécessité d’y apporter sans délai une réponse spécifiquement calibrée. C’est ainsi que voit le jour, le 1er octobre 1971, la brigade anti-criminalité de Seine-Saint-Denis.
    Dès l’origine, elle se distingue par son souci d’adapter la réponse policière à la réalité du terrain. L’objectif est simple : faire en sorte que ce ne soit pas les voyous qui exercent impunément une pression sur la population mais bien les forces de l’ordre qui exercent une pression dissuasive sur les voyous. Avec la généralisation progressive des BAC sur tout le territoire national, la peur change de camp.

    Depuis l’origine, tout a été mis en œuvre pour faire des BAC une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des voyous :

  • en termes de missions, d’abord, ces brigades s’attachent, par leur présence et leur réactivité sur le terrain, à rendre la tâche impossible aux délinquants :
     
    • de manière proactive, elles centrent leurs patrouilles sur les secteurs les plus criminogènes, afin de perturber, de déranger et, donc, d’entraver la délinquance d’habitude, de proximité, celle qui est la plus traumatisante pour nos concitoyens ;
    • en matière de répression, les BAC se sont spécialisées dans la recherche d’infractions, notamment de voie publique, et dans l’interpellation en flagrant délit de leurs auteurs ;
  • en termes d’organisation, ensuite, elles s’efforcent de se fondre au maximum dans le terrain pour pouvoir surgir, par surprise, au moment le plus opportun : les membres des BAC travaillent ainsi en civil, dans des quartiers dont ils connaissent en profondeur les ressorts et la topographie pour y avoir déjà travaillé avant leur intégration en BAC. Par ailleurs, ils concentrent leurs interventions sur les plages horaires où se commettent le plus grand nombre d’infraction, c’est-à-dire, souvent, en soirée et de nuit.

    Présent dès l’origine, ce souci de réactivité et d’adaptation au terrain a toujours été – et reste encore aujourd’hui – le trait caractéristique des BAC :

  • toujours axées sur le flagrant délit et la tranquillité de la voie publique, les BAC ont progressivement élargi leur champ d’intervention en fonction des évolutions de la délinquance. En plus de la lutte contre la petite et moyenne délinquance de voie publique, les BAC contribuent aujourd’hui à combattre les violences urbaines, les violences de bandes et la délinquance itinérante ;
  • en 1995, dans le cadre du plan national d’équipement des BAC, les membres de ces brigades ont été les premiers policiers de France à recevoir des tonfas puis des flash-balls et les premiers à se voir individuellement dotés de gilets pare-balles à port discret ;
  • pour répondre à l’utilisation croissante, notamment par les braqueurs et les trafiquants de drogue, de voitures à la motorisation puissante, la BAC reçoit, dès le milieu des années 1990, des véhicules rapides et banalisés pour lutter à armes égales avec les voyous. Je souhaite aujourd’hui qu’un effort particulier soit apporté à la gestion des moyens mobiles qui vous sont dédiés. Cela pourra être rendu possible l’année prochaine dans le cadre des du plan complémentaire d’équipement exceptionnel que j’ai décidé, et qui permettra d’acheter 2200 véhicules pour la Police Nationale. Je veillerai à ce que les besoins spécifique de vos services soient pris en compte.  

    Mais, au-delà de ces qualités d’organisation, le succès des BAC se fonde aussi, et peut-être surtout, sur l’engagement des hommes et des femmes qui les composent.
    Intégrer une BAC n’est pas un engagement anodin.
    C’est, d’abord, une démarche volontaire, ouverte à des agents aguerris, responsables et compétents.
    Outre cette expérience de terrain minimale que j’évoquais tout à l’heure, tout policier postulant à la BAC doit ainsi se distinguer par sa condition physique, ses compétences professionnelles et sa force morale.
    Évaluées au moment du recrutement, ces qualités sont ensuite régulièrement testées afin de s’assurer que chaque agent est toujours au mieux de sa condition pour remplir sa mission en brigade anti-criminalité.
    Intégrer une BAC exige, ensuite, une rigueur déontologique absolue. Face à des voyous dont la violence et l’irrespect sont autant de provocations, les BAC comme l’ensemble des forces de sécurité ont le devoir de la fermeté mais pas le droit à la colère. C’est une obligation morale autant qu’une nécessité pratique :

  • obligation morale car, comme forces de l’ordre, vous représentez l’autorité de la loi, vous garantissez la cohésion de notre société et défendez la paix sociale. Ces valeurs, vous ne devez pas seulement les faire respecter ; vous devez les respecter vous-mêmes, les incarner par votre attitude irréprochable. C’est à cette condition et à cette condition seulement que vous serez le rempart des victimes et des plus vulnérables contre l’injustice ;
  • mais nécessité pratique, aussi, car chaque écart porte atteinte non pas seulement à l’image de notre institution, mais aussi à l’efficacité de votre action puisque tout manquement à ces règles déontologiques est susceptible de placer le délinquant en position de victime.

    Avoir cette rigueur déontologique demande, j’en suis conscient, une vraie force de caractère. Je sais que c’est une qualité partagée par l’ensemble des membres des BAC.
    Le travail en BAC requiert, enfin, un engagement personnel total.
    C’est ce que, depuis bientôt 10 ans, nous apprécions particulièrement avec le président de la République. Notre estime pour les BAC, notre estime pour votre travail, vient, bien sûr, de votre efficacité ; mais elle vient, aussi, de votre sens du service et de la conscience que nous avons des sacrifices que vous consentez dans votre vie personnelle et familiale pour mener à bien votre mission.
    Intégrer une BAC, c’est, en effet, accepter de se confronter à des conditions de travail exigeantes :

  • c’est apprendre, d’abord, souvent, à gérer le travail de nuit, c’est-à-dire à évoluer dans un environnement plus inquiétant et souvent plus dangereux qu’en journée, mais aussi travailler de manière plus autonome, savoir prendre des initiatives et réagir à des situations d’urgence sans le contrôle immédiat et rassurant de sa hiérarchie et enfin réussir à concilier des horaires décalés avec le maintien d’une vie sociale et d’un équilibre familial ;
  • c’est apprendre, ensuite, à gérer le temps très particulier des patrouilles de BAC, c’est-à-dire être capable, à la fois, de maintenir un haut niveau de concentration dans les phases, parfois longues, de calme et ne pas se laisser submerger par la pression dans les phases, nécessairement soudaines, d’action et de danger.

    Ces contraintes, les membres des BAC les surmontent ensemble. Signe de cette cohésion et de cette solidarité, les brigades anti-criminalité se signalent d’ailleurs fréquemment par le fort esprit de camaraderie qui règne en leur sein. Cette cohésion est gage d’efficacité. Le succès des BAC est vraiment, d’abord, celui de leurs agents. Que tous soient remerciés pour leur investissement.
    Fortes de cette histoire et de ces qualités, les BAC sont, aujourd'hui, un maillon essentiel de notre dispositif de sécurité.
    Vous le savez, j’ai développé, depuis mon arrivée place Beauvau, une réforme destinée à rendre plus visible et plus sensible la présence des forces de sécurité sur le terrain, la réforme des patrouilleurs.
    Cette réforme ne remet pas en cause l’existence des BAC.
    Elle ne remet pas en cause les missions des BAC.
    Elle ne remet pas en cause, non plus, la philosophie d’action des BAC. 
    Ce qu’opère la réforme des patrouilleurs, en effet, ce n’est pas changer mais élargir, compléter notre politique de sécurité.
    Notre objectif reste inchangé : assurer la tranquillité de nos concitoyens.
    Pour cela, il faut, premièrement, assumer de réprimer les crimes et les délits et oser faire peser le plus de pression possible sur les délinquants. C’est, notamment, la mission des BAC. C’est une mission nécessaire. C’est une mission indispensable.
    Mais cette action n’est pas suffisante. La tranquillité de nos concitoyens se nourrit, aussi, de nos efforts pour accroître le sentiment de sécurité de la population. C’est pourquoi, nous devons, en parallèle de notre action répressive, multiplier les contacts avec la population et décupler la présence, visible et rassurante, des forces de sécurité sur la voie publique. C’est, vous l’aurez compris, l’objectif de la réforme des patrouilleurs.
    Parce que nous recherchons un juste équilibre, les BAC ont donc bien, comme les patrouilleurs, toute leur place dans notre dispositif de sécurité.
    Des conditions de travail exigeantes, des missions délicates autant qu’exposées et une contribution reconnue à la tranquillité de nos concitoyens, voilà en quelques mots, Mesdames et Messieurs, le portrait d’une BAC.
    C’est l’image que renvoie de ces brigades l’exposition de photos que je suis venu inaugurer aujourd’hui.
    C’est, surtout, la réalité que je constate, chaque jour, comme ministre de l’intérieur en charge de la sécurité de nos concitoyens.
    Il manque pourtant, encore, un dernier trait à cette description : ce trait, je l’ai retrouvé avant même d’entrer dans ce bâtiment, sur le monument aux policiers morts en service devant lequel nous sommes passés en arrivant au Commissariat.
    Ce trait, c’est celui d’un dévouement poussé à l’extrême, jusqu’à accepter que l’engagement pris au service de nos concitoyens puisse exiger de vous, un jour, le sacrifice de votre vie.
    Cet engagement, vous le réitérez chaque jour, chaque fois que vous vous portez avec votre brigade au-devant du danger.
   
    C’est un engagement admirable. Il mérite notre respect autant que notre reconnaissance.