Intervention de M. Claude Guéant, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Montfermeil
- seul le prononcé fait foi -
Monsieur le Maire,
Mesdames et messieurs,
Je remercie Xavier LEMOINE, maire de Montfermeil, qui nous accueille aujourd’hui. Chacun sait le remarquable travail qui est le sien dans sa commune.
Montfermeil est un lieu emblématique des transformations sociales et urbaines se manifestant sur notre territoire depuis plusieurs années et des réponses apportées par les collectivités publiques aux défis qu’elles représentent.
Le récent rapport de l’Institut Montaigne écrit sous la direction du professeur Gilles KEPEL, « Banlieue de la République », a étudié ces questions en se fondant sur de nombreux témoignages de terrain. Ce rapport nous donne une image précise des villes de Clichy et Montfermeil, et de leur population. Il nous invite à réfléchir posément, sans a priori ni dogmatisme à la situation et aux choix que nous devons faire.
Le rapport fait clairement apparaître l’émergence d’un risque, d’un grand risque pour notre société. Ce risque, c’est celui de la création de communautés étrangères refermées sur elles-mêmes, fidèles aux règles qui caractérisent leur culture ou leur religion, mais peu soucieuses, voire peu informées des lois de la République et des principes essentiels qui structurent notre vivre ensemble. Ce risque, c’est celui du communautarisme.
Eh bien, le choix que fait le gouvernement est de refuser le communautarisme. C’est de ne pas accepter que l’avenir de notre société soit dans la juxtaposition de communautés isolées les unes des autres, qui obéissent chacune à leurs propres règles sans se soucier de la règle commune.
Nous ne refusons pas la différence, mais nous refusons les comportements incompatibles avec la règle commune.
La ligne du gouvernement est claire. Les étrangers qui sont admis à vivre en France doivent adopter nos règles de vie. Ils doivent apprendre notre langue. Bref ils doivent s’intégrer, et cela ils doivent le faire parce que nous le souhaitons, mais aussi pour se donner les meilleures chances de réussite pendant leur séjour chez nous. Comment voulez-vous trouver facilement du travail, si vous ne parlez pas le français ? Comment voulez-vous suivre la scolarité des enfants si vous ne pouvez les accompagner dans leur parcours scolaire ? Et je vais plus loin : ceux qui sont autorisés à s’installer durablement dans notre pays, jusqu’à demander la naturalisation doivent viser l’assimilation. Ce mot n’en n’ayons pas peur, il est inscrit dans notre loi, le Code Civil depuis 1945. Il n’est pas un reniement de ses origines. Il est une invitation à faire sien notre pays, sa culture, ses valeurs.
Pour réussir l’intégration , il faut combiner deux efforts :
S’agissant de l’effort de l’Etat et des collectivités publiques.
La politique de rénovation urbaine en est un exemple réussi. L’énergie déployée pour transformer nos quartiers les plus sensibles a permis de réhabiliter plus de 300 000 logements sociaux, d’améliorer le cadre de vie de plus de 3 millions d’habitants, grâce à plus de 12 milliards d’euros investis. Cette « révolution urbaine » débouche sur la création de nouvelles opportunités économiques, sociales et culturelles.
Comme nous avons pu collectivement le constater aujourd’hui à travers la visite de l’ancien « quartier des Bosquets », le territoire de Clichy-Montfermeil témoigne de notre mobilisation pour réussir l’intégration. Il y a été mis en œuvre, depuis la fin de l’année 2004, le plus important plan de rénovation urbaine de France, à hauteur de 600 millions d’euros. Nous avons essayé de personnaliser ces lieux en remettant la vie quotidienne de quartier en leur centre, par les écoles, par la pharmacie, par la halte-garderie. La politique de la ville a été notre première réponse au phénomène de « ghettoïsation » de certains quartiers, pour renforcer la mixité sociale et mettre fin à la spirale, selon les mots du Haut conseil à l’intégration, de la « ségrégation ». C’est un travail dans lequel l’agence nationale de la rénovation urbaine, sous l’égide de Maurice LEROY, s’implique avec l’ensemble des acteurs locaux, comme l’illustre la qualité de nos échanges tout à l’heure à la « maison de l’habitat ».
Autre exemple de notre mobilisation, nous avons fait beaucoup pour réformer la dotation de solidarité urbaine (DSU), qui est un levier financier démultiplicateur indispensable aux projets urbains et sociaux. Les montants de la DSU ont augmenté dans des proportions inédites ces dernières années. Après la réforme intervenue en 2004, portée par l’actuelle majorité, le montant accordé, au sein de la dotation globale de fonctionnement, à la dotation de solidarité urbaine est passé d’une moyenne de 600 millions d’euros par an à plus de 1,3 milliard d’euros en 2011. Cet effort bénéficie directement aux communes qui en ont le plus besoin.
Mais je le dis clairement, pour l’Etat, une autre exigence s’impose.
Nous devons proportionner nos flux migratoires à nos capacités d’accueil. Il s’agit de la première condition pour réussir l’intégration des personnes étrangères déjà présentes sur notre territoire.
Avec 24% des étrangers non-communautaires au chômage dans notre pays, notre devoir consiste à insérer dans l’emploi les demandeurs déjà présents en France, français ou étrangers d’ailleurs. Nous avons plus de 2,7 millions de demandeurs d’emploi : il est donc inexact de dire que nous avons dans tous les domaines un besoin d’immigration professionnelle. Les chiffres de l’INSEE montrent que notre population active va continuer d’augmenter, durablement, d’environ 110 000 personnes par an. Nous ne pouvons pas faire venir des migrants pour qu’ils soient au chômage.
Ce principe de bon sens oriente mon action vers une réduction du flux d’immigration régulière. Maîtriser les entrées régulières améliore les chances d’intégration des personnes immigrées déjà présentes sur notre territoire. Ces préconisations sont partagées par le Haut conseil à l’intégration. Dans son rapport remis au Premier ministre en avril dernier, par son président, Patrick GAUBERT, le Haut conseil à l’intégration aborde cette question sans tabou.
En ce qui concerne les personnes immigrées aussi, nous devons être exigeants. Nous sommes fiers de notre histoire. Elle est un élément essentiel des valeurs qui sont les nôtres. Eh bien, nous devons demander aux personnes immigrées de la connaitre. Il est parfois de bon ton de moquer les manifestations de patriotisme. Connaître et chanter l’hymne national, connaître nos symboles républicains, cela rend hommage à ceux qui ont construit et défendu la France, cela rappelle les sources de notre identité et cela sert l’intégration des personnes immigrées.
Ces éléments fondamentaux, je m’efforce de les réintroduire lors de la naturalisation. Nous avons commencé par élever le niveau de français demandé pour acquérir la nationalité par mariage ou par naturalisation. A partir du 1er janvier 2012, chaque postulant devra prouver qu’il a acquis le niveau de connaissance de notre langue correspondant à la fin de scolarité obligatoire. Dans le même esprit, chaque postulant à la naturalisation devra, à partir du 1er janvier 2012, signer une charte des droits et devoirs et prouver un niveau de connaissance minimale en histoire. Cette charte des droits et devoirs servira aussi de trame à l’entretien d’assimilation en préfecture. C’est bien le minimum, quand on souhaite devenir citoyen français, que de connaitre l’histoire de France et de parler français.
Cette haute idée de la nationalité française constitue le premier remède au problème reflété par ce constat de Gilles KEPEL selon lequel, parmi certains jeunes de nationalité française, « plusieurs relativisent très profondément leur qualité de Français, sur un mode résigné et désabusé. » Ce constat résonne avec tristesse et nous ne pouvons nous en satisfaire.
La France est l’un des pays d’Europe qui dépense le plus pour enseigner gratuitement le français aux personnes immigrées, près de 60 M€ pour l’Etat, près de 150 M€ avec les efforts des collectivités locales. Nous devons nous en féliciter. Dans certains pays européens, ces cours peuvent être à la charge de la personne immigrée. Cet effort de l’Etat doit se traduire en retour – au nom de cette approche équilibrée dont je parlais – par un effort similaire des personnes immigrées. Pour cette raison, j’ai souhaité que celles souhaitant devenir françaises prouvent leur connaissance de notre langue.
Autre exigence : nous devons encourager les personnes étrangères récemment arrivées sur notre territoire à fréquenter avec assiduité nos programmes d’intégration.
Nos services publics de proximité – crèches, écoles maternelles, cantines scolaires, bibliothèques municipales – favorisent l’intégration des familles arrivées récemment sur notre territoire.
Or, sur le terrain, certaines familles immigrées en difficulté ne se font connaître que tardivement, généralement lorsqu’il s’agit de contrôler si la scolarisation obligatoire des enfants à six ans est respectée.
Chaque année, 24 000 personnes se voient prescrire, à l’issue d’une évaluation personnalisée réalisée par les agents de l’OFII, une formation linguistique au moment de la délivrance du premier titre de séjour. Environ 5 500 personnes qui doivent suivre ces cours de français ne suivent pas cette formation. Certains apportent des justifications à ce défaut d’assiduité. D’autres ne souhaitent tout simplement pas faire l’effort de suivre ces formations.
Quand il y a défaut avéré d’assiduité à nos programmes d’intégration, notre droit prévoit des sanctions. Elles peuvent porter sur le renouvellement du droit au séjour, comme le réaffirme la loi du 16 juin 2011. Dans ce même esprit, nous augmenterons le niveau de la taxe payée lors du renouvellement du titre de séjour lorsqu’il y a défaut d’assiduité à nos formations linguistiques et civiques.
En cas de mauvaise volonté avérée, les conseils généraux ont déjà la possibilité de mettre en œuvre le contrat de responsabilité parentale et, au cas par cas, de suspendre le versement d’une partie des prestations familiales. La mise en œuvre du contrat de responsabilité parentale est peu utilisée actuellement. Il faut pouvoir inviter les présidents de conseils généraux à mettre en œuvre ce mécanisme. Dans cet esprit, je proposerai au Premier ministre de doter les préfets d’un pouvoir de substitution en cas de carence dans la mise en œuvre du contrat de responsabilité parentale.
Je suis persuadé que nos compatriotes sont prêts à renforcer leur implication dans la bonne intégration de toutes les populations sur notre territoire.
Chacun s’accorde aujourd’hui à prôner un renforcement de nos politiques éducatives et de l’emploi en direction des zones urbaines sensibles. Ces orientations sont celles, encore, du Haut conseil à l’intégration comme de l’Institut Montaigne.
L’agence nationale de la rénovation urbaine, et l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, travaillent dans cette direction : aide à la parentalité, développement des places en crèches, meilleures associations des parents à la vie scolaire, programmes d’insertion spécifiquement destinés aux femmes dont le rôle est si important.
Le ministère de l’intérieur apporte sa pierre à ces politiques. Nous les développerons encore à l’avenir.
Notre politique d’intégration mérite un débat public exigeant et dépassionné.
Ce débat est central pour l’équilibre de notre pays, pour lutter contre les extrémismes, pour bâtir l’avenir de ceux qui viennent chercher en France un avenir, des valeurs, un engagement au côté des Français.
Ce débat ne doit stigmatiser personne, et certainement pas les premiers à souffrir de cette situation : c’est-à-dire les personnes immigrées elles-mêmes.
J’appelle les responsables politiques de tout bord à le mener en conscience, dans le strict souci de l’intérêt général. Je veux croire qu’aucun responsable ne peut se satisfaire de voir des portions du territoire adopter un système de valeurs qui ne soit pas complètement celui de la République.
Je vous remercie.