Intervention de M. Claude Guéant, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Charenton
- seul le prononcé fait foi -
Monsieur le Directeur Général,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord rendre hommage à Mme Anne PAVAGEAU, gardienne de la paix affecté à la DDSP du Cher, décédée, dans des circonstances dramatiques, des suites de ses blessures, vendredi dernier à la préfecture du Cher.
Je vous remercie de bien vouloir observer une minute de silence en son honneur et en sa mémoire.
Le moment de recueillement que nous venons d’observer nous rappelle à la fois la grandeur de votre métier mais aussi ses dangers.
Dans la lutte contre la délinquance et l’insécurité, la vigilance est quotidienne et la mobilisation permanente. Je le sais, vous le savez.
Notre rencontre de ce matin est l’occasion de revenir sur la feuille de route ambitieuse que le Gouvernement vous fixe pour les prochains mois. Il s’agit – rien de moins – que de relever le défi de la 9e année consécutive de baisse de la délinquance dans notre pays.
Votre mobilisation s’est traduite par huit années consécutives de baisse de la délinquance et ce, alors que la population française dans le même temps augmentait de 3,2 millions d’habitants, soit plus que la seule ville de Paris.
Ces résultats nous obligent à poursuivre nos efforts en dépit de difficultés auxquelles nous devons faire face aujourd’hui. Et je dois dire que ce n’est certainement pas parce qu’il y a l’an prochain des élections que nous devons relâcher nos efforts. Les attentes de nos compatriotes demeurent. C’est notre devoir d’y répondre.
Si au mois de septembre, et je vous en félicite, la délinquance générale a reculé dans vos circonscriptions de 4,5%, comme la délinquance de proximité qui recule de 6,7%, le début de l’année a démarré de façon plus contrastée et par conséquent impacte les résultats d’ensemble.
Je sais que la tâche est difficile, d’autant que je vous demande en parallèle de développer les initiatives des services, qui continuent d’augmenter de 7,58% (123 104 faits en 2011 contre 114 430 faits en 2010) sur les 9 premiers mois de 2011, et "pèsent" en conséquence sur la délinquance générale.
Pourtant, obtenir une 9e année consécutive de baisse de la délinquance dans notre pays n’est pas une option, ni une hypothèse de travail, c’est une obligation. Imaginez que nous annoncions dans les premiers jours de janvier prochain une augmentation, certes très réduite, mais une augmentation tout de même de la délinquance. Ce serait un choc pour nos compatriotes.
C’est donc un défi ambitieux, mais il est à notre portée ! Mais ma conviction demeure qu’en matière de sécurité, il y a deux objectifs à poursuivre : faire reculer la délinquance et rassurer nos concitoyens. Et c’est la raison pour laquelle nous devons compléter nos efforts par une nouvelle dimension qualitative, celle de la visibilité qui rassure et en outre a des effets mécaniques sur la petite délinquance de proximité, qui est celle qui préoccupe nos concitoyens.
Il y a les résultats, il y a le climat de sécurité. Nos concitoyens sont encore plus sensibles au climat, au sentiment de tranquillité qu’ils peuvent éprouver, qu’aux seuls résultats chiffrés. Et les Français ont le droit à la tranquillité, c’est-à-dire le droit de vivre sans avoir à redouter des violences.
C’est bien de la visibilité de l’action de la police que naît la tranquillité de nos concitoyens.
Pour gagner en visibilité sur le terrain, un effort d’adaptation de notre organisation est nécessaire.
En patrouillant par deux, en uniforme, aux lieux et horaires les plus sensibles de vos circonscriptions en matière de délinquance, les patrouilleurs assument de manière particulièrement visible la sécurisation de la voie publique et apportent une réponse immédiate aux préoccupations de nos concitoyens depuis la plus petite incivilité jusqu’au délit qualifié.
Les résultats sont très encourageants. De juin à septembre, le nombre de patrouilles sur le terrain a progressé de plus de 17% ce qui représente plus de 25 000 patrouilles supplémentaires.
Mais le déploiement des patrouilleurs n’est pas simplement le passage de 3 à 2 policiers. La politique de présence sur la voie publique doit passer par une réforme ambitieuse du service général. La police nationale souffre d’un trop grand cloisonnement de ses services. La multiplication des unités spécialisées, de taille variable, disperse les efforts et devient quelque fois incompréhensible pour les non-initiés comme pour les spécialistes.
C’est pourquoi, j’ai demandé au Directeur Général de me proposer un plan d’action pour impulser cette dynamique de simplification devenue indispensable.
Il faut aussi mieux utiliser toutes les potentialités de notre organisation actuelle pour être plus présent et plus visible.
Cela signifie impliquer davantage les unités de force mobiles dans les missions de sécurisation à vos côtés. Ainsi depuis le 5 octobre, trois compagnies républicaines de sécurité sont engagées en sécurisation sur les cinq départements de la Haute Garonne, de la Drôme, de l’Hérault, du Gard et de l’Isère qui ont été identifiés comme prioritaires par votre direction centrale. Nous adapterons naturellement régulièrement ce déploiement en fonction des besoins.
Cela signifie, également, apporter aux policiers déployés sur le terrain le renfort de volontaires :
En termes de priorités, cette politique de présence doit bénéficier selon moi – et je vous demande d’y prêter attention – à la lutte contre tout ce qui insupporte nos concitoyens : la mendicité agressive, les sollicitations aux carrefours, la prostitution visible, les tapages nocturnes, y compris ceux causés par les deux roues débridés. Nous réfléchissons du reste dans ces domaines à quelques instruments juridiques nouveaux.
Car pour gagner en visibilité sur le terrain et améliorer notre présence sur la voie publique, il faut également lever les obstacles administratifs et procéduraux qui pèsent sur votre quotidien
J’ai entendu vos inquiétudes quant aux réformes en cours.
Je pense naturellement, d’abord, à la réforme de la garde à vue qui a modifié sensiblement la procédure pénale policière et donc l’exercice de la police d’investigation.
Depuis le 1er juin, la réforme n’a fait qu’ajouter des formalités supplémentaires, au détriment des enquêteurs. La mesure de garde à vue n’est plus la consécration d’une enquête mais désormais une simple étape de la mise en l’état de l’enquête avant que l’autorité judiciaire ne rende sa décision. Le surcroît de formalisme se traduit par la rédaction de 10 PV supplémentaires en moyenne. A cela s’ajoute la délicate gestion de l’assistance de l’avocat.
Cela impacte lourdement le travail des enquêteurs qui s’en trouve pénalisé. A titre d’illustration, par rapport à Juin dernier, le nombre de personnes mise en cause au mois de septembre diminue de – 6,71% pour la police nationale (247 247 MEC en 2011 contre 265 019 MEC en 2010), tout en dégradant le taux d’élucidation perdant plus d’un point (34,69% en 2011 contre 35,74% en 2010).
Une mission d’évaluation conjointe de l’IGA et de l’IGPN rendra bientôt ses conclusions. Mais soyez assurés que, je ferai tout ce qui est possible pour faire en sorte que l’amélioration des droits de la défense ne se traduise pas par une baisse de l’efficacité de l’enquête et par conséquent par un recul des droits des victimes.
Ce qui d’ores et déjà apparaît :
Je pense, aussi, à la réforme de la médecine légale. Dans sa forme actuelle, cette réforme n’a pas répondu à l’attente des services de police et n’est donc pas satisfaisante. Dans le même esprit, je pèserai pour qu’avec le Garde des Sceaux nous puissions parvenir rapidement à une solution mobilisant le moins possible vos effectifs.
Il faut également, sans doute, aller plus loin dans le transfert des charges indues et arrêter avec la multiplication des tâches, toutes chronophages et consommatrices en effectifs.
Cela signifie libérer vos services d’un certain nombre de tâches indues afin de les redéployer sur le terrain dans des missions relevant véritablement de leur cœur de métier.
C’est pourquoi j’ai souhaité le transfert de la charge des translations et extractions judiciaires du ministère de l’intérieur à celui de la justice.
Attendue depuis des années mais expérimentée depuis le 5 septembre 2011 en Auvergne et en Lorraine, cette réforme va progressivement s’étendre à l’ensemble du territoire. Je n’ignore pas les difficultés qui sont apparues à cette occasion. Les préfets m’en en rendu compte. Nous avons donc convenu avec le Garde des sceaux, le 28 septembre dernier, d’un calendrier de transfèrement : au 1er mars prochain, ce sont au total 4 régions administratives qui seront transférées. Les engagements du ministère de la Justice devront être tenus.
La visibilité de la police se traduit enfin nécessairement par une meilleure communication de l’institution
Une police appréciée et légitime est avant tout une police comprise pour son action par nos concitoyens. Je vous demande donc de saisir toutes les opportunités pour mettre en avant l’élucidation des affaires, pour expliquer le sens et la portée de vos actions de police dans les médias.
Je pense notamment aux affaires de saisies des avoirs criminels. C’est un effort supplémentaire que je vous demande mais les résultats sont très perceptibles par l’opinion publique et, comme chacun le sait, la peine principale pour les criminels c’est la sanction financière, l’emprisonnement étant, parfois, considéré comme la peine accessoire… Valoriser à chaque fois que possible les belles affaires en la matière, c’est attendu de nos concitoyens et cela revêt un caractère dissuasif pour les apprenti-délinquants.
Il faut enfin donner les moyens humains et financiers pour exercer vos missions
Au-delà des réformes évoquées, j’aimerais, enfin, vous dire un mot du budget 2012.
Les tensions qui traversent aujourd’hui l’économie mondiale nous imposent de faire preuve d’une responsabilité accrue dans la maîtrise de nos dépenses publiques. Le désendettement est une priorité nationale.
Le budget 2012 est un budget responsable et assumé par le Gouvernement. Comme les autres services de l’Etat, nous prenons notre part de l’effort de maîtrise des dépenses publiques : en 2012, ce sont ainsi 1 682 emplois qui ne sont pas renouvelés dans la police nationale. La baisse est circonscrite à moins de 1%.
Alors que, depuis 2009, les efforts portaient principalement sur la réduction du format des forces mobiles et du réseau des écoles et des centres de formation, ce sont désormais les services administratifs et les fonctions de soutien qui seront les plus sollicitées, en raison des gains de productivité rendus possibles par la dématérialisation, la subsidiarité, les efforts de réorganisation interne et la mutualisation des services.
Mais au-delà de ces efforts, notre ministère conserve les moyens de remplir ses missions et poursuit sa modernisation.
Cette modernisation passe, d’abord, par le lancement de deux plans exceptionnels, non prévus initialement par le budget triennal 2011-2013 :
Mais la modernisation passe, aussi, par la poursuite des programmes d’équipement de la police technique et scientifique qui mobilisent 75 millions d’euros dans le budget 2012. C’est d’autant plus important que la réforme de la garde à vue nous conduit à accentuer les efforts pour entrer dans une culture de la preuve.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs les Directeurs, l’État fait en 2012 dans un contexte qui est contraint, un effort budgétaire significatif pour la sécurité car notre contribution globale n’impacte ni la police ni la gendarmerie. Cet effort est le reflet de la considération que le Gouvernement porte à votre travail.
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Le travail que nous conduisons ensemble depuis 2002 n’est pas achevé et doit se poursuivre. Les résultats exceptionnels que nous avons obtenus par votre action, sous l’impulsion du Président de la République, doivent encore nous mobiliser.
Je vous l’ai déjà dit mais les Français attendent beaucoup de vous. Je sais pouvoir compter sur vous, et l’ensemble de la police nationale, pour être encore plus efficace dans la lutte contre l’insécurité.