Création d’un fichier d’appui à l’évaluation de minorité

28 février 2019

Le décret autorisant la création d’un fichier d’appui à l’évaluation de minorité a été publié au JO le 31 janvier 2019.


Il va permettre aux conseils départementaux, en charge d’évaluer la minorité et l’isolement des personnes qui se déclarent mineures et qui sollicitent l’aide sociale à l’enfance (ASE) de demander aux services de l’État la vérification de certaines informations de nature à faciliter l’évaluation. L’évaluation de la minorité demeure pleinement de la compétence des départements. Ce nouveau fichier, qui a naturellement fait l’objet des consultations prévues par la réglementation, vise avant tout à la protection de l’enfance.

Opéré sous le contrôle de la CNIL, il apporte toutes les garanties de protection des données individuelles par le strict encadrement de ses modalités de consultation comme par l’encadrement de la durée de conservation des données.

Il sera expérimenté dans un premier un temps dans trois préfectures (le Bas-Rhin, l’Essonne et l’Isère) puis généralisé à l’ensemble du territoire au printemps 2019.

Depuis le début de la crise migratoire, le nombre de personnes se déclarant mineures non accompagnées (MNA) sur notre territoire et sollicitant les services de protection de l’enfance a fortement augmenté. En 2018, 17 022 mineurs ont été placés à l’ASE après orientation par les services centraux de la justice. Ils étaient 5 990 en 2015, soit près de 3 fois plus en 4 ans. Cette évolution traduit la présence d’un nombre préoccupant de mineurs isolés dans les flux migratoires. Ceux-ci sont potentiellement en danger et peuvent être victimes de réseaux de traite et de passeurs. Leur prise en charge rapide et leur mise à l’abri sont une priorité du gouvernement.

Outre la hausse du nombre de personnes se déclarant mineures se présentant aux services des conseils départementaux, on observe :

  • Que la majorité des personnes qui se présentent sont reconnues majeures par le conseil départemental à l’issue de l’évaluation, ce qui témoigne d’une tentative de contournement dont ce dispositif fait l’objet
  • Que ces personnes, mineures ou majeures, sont très mobiles d’un département à un autre : or, faute d’une information au niveau national, chaque demande à un nouveau conseil départemental implique de reprendre la procédure d’évaluation dans son intégralité
  • Ainsi, en 2017, sur les 54 000 demandes d’évaluation de minorité, seules 17 000 ont conclu que le jeune était effectivement mineur

L’Assemblée des départements de France (ADF) avait fait part de son inquiétude face à cette hausse. Dans un communiqué du 17 mai 2018, elle s’est prononcée en faveur des propositions du Premier ministre relatives aux mineurs non accompagnés : un concours renforcé de l’État à l’évaluation de minorité, via la création d’une base nationale centralisée (alimentée et consultée par des agents de l’État). Le législateur a autorisé l’État à créer un tel fichier par l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018.

En fiabilisant et en facilitant l’évaluation de la minorité, le dispositif d’appui à l’évaluation des mineurs permettra de mieux garantir la protection de l’enfance, en diminuant la charge et l’engorgement de l’ASE, pour recentrer celle-ci sur les personnes qui y sont effectivement éligibles, en évitant son utilisation détournée par des individus majeurs incités par des filières à se déclarer mineurs, et en luttant contre la fraude à l’identité et la fraude documentaire.

Dorénavant, les conseils départementaux pourront, s’ils le souhaitent, demander à la préfecture de recevoir la personne se déclarant mineure pour aider à son identification. La préfecture interrogera alors les applications existantes qui permettent de savoir, notamment, si une demande de titre de séjour (AGDREF) ou de visa (VISABIO) a déjà été déposée par le demandeur. Elle renseignera également ce nouveau fichier d’appui à l’évaluation de minorité avec les données d’état civil déclarées et des éléments de biométrie (photo et empreintes) afin de garantir un suivi du mineur et de sa prise en charge, notamment en cas de mouvement entre département. Les conditions d’accès au fichier, de conservation des données, sont étroitement encadrées par le RGPD. Le fichier a été soumis à l’avis de la CNIL et sa mise en œuvre sera réalisée sous son contrôle.

L’évaluation de la situation au regard de la minorité et de l’isolement demeure de la compétence du conseil départemental. Le président du conseil départemental informera, en retour, l’État des résultats de l’évaluation pour compléter les informations collectées dans le fichier d’aide à l’évaluation de la minorité.

L’ensemble des garanties protégeant les droits individuels ont été prises.

Le dispositif apporte des garanties en matière de modalités de consultation du fichier (nombre restreint de personnes habilitées), de durée de conservation des données (effacement automatique au bout d’un an). Si une personne est reconnue mineure a posteriori, les données seront effacées.

La crainte que cette nouvelle étape soit dissuasive pour les MNA de se rapprocher des services départementaux est sans fondement puisque les mineurs avérés se verront pris en charge plus rapidement. Les services de l’État seront vigilants à ce qu’un accueil adapté, rassurant et bienveillant soit prévu pour ces personnes.

Le projet de décret, avant son adoption, a été soumis à l’ensemble des consultations prévues par la réglementation et a fait l’objet d’échanges avec le monde associatif, qui ont permis d’en améliorer la rédaction.

L’ensemble des consultations ont été menées, comme le prévoit la réglementation, permettant de recueillir les avis du CNEN, du CNPE, de la CNIL et enfin du Conseil d’État. La mise en œuvre du fichier sera réalisée conformément aux recommandations de la CNIL et sous son contrôle.

Au cours des travaux le Gouvernement a pris en compte un certain nombre de demandes exprimées par la CNIL et du Conseil d’État. Les ministères de l’Intérieur et des solidarités et de la santé ont invité à des réunions de travail l’ensemble des associations concernées par la protection de l’enfance. Toutes n’ont pas souhaité se déplacer. Des remarques, recueillies à cette occasion, tout comme certaines observations du Défenseur des droits, ont été prises en compte.