« La mise en cause systématique du monde agricole est inacceptable », a estimé, devant les députés ce mardi 25 février, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, alors que se tient justement à Paris le Salon international de l’agriculture. Pour « améliorer notre coordination avec le monde agricole et la protection que nous devons aux agriculteurs », la cellule « Demeter » en gendarmerie et des observatoires départementaux de l’agribashing ont ainsi été mis en place pour assurer au quotidien la sécurité des agriculteurs et les défendre. L’exemple dans le département des Vosges, qui accueillait le 20 février dernier le comité interministériel aux ruralités, présidé par le Premier ministre.
Avec pas moins de 2 000 exploitations agricoles réparties sur l’ensemble du département, les Vosges concentrent une population importante d’agriculteurs. « Or, ces agriculteurs subissent de plus en plus des actes de malveillance, déplore le colonel Brice Mangou, commandant le groupement de gendarmerie départementale. En 2019, sur notre territoire, on a ainsi enregistré 65 vols simples et 15 dégradations. Si, en définitive, ces chiffres ne sont pas énormes, ils illustrent néanmoins la nécessité de renforcer nos actions et nos partenariats avec cette catégorie importante de la population ».
Car en effet, rapportées à l’échelon national, les atteintes au milieu agricole sont bel et bien en progression, comme l’a rappelé le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, à l’Assemblée nationale le 25 février dernier : « En 2019, ce sont 7 500 faits de vols et plus de 1 600 cambriolages qui ont touché spécifiquement le monde agricole, quelque fois à travers des filières organisées ». Pour y faire face, le ministère de l’Intérieur s’est donc mobilisé en mettant en place en octobre dernier, au sein de la direction générale de la Gendarmerie nationale, une cellule « Demeter » – du nom de la déesse grecque des moissons -, chargée du suivi de ces atteintes au monde agricole.
Dans les Vosges, les objectifs de la déclinaison locale de la cellule Demeter se traduisent par une action à tous les échelons. « Au premier échelon, il y a les brigades territoriales : les gendarmes y assurent, chaque jour, sur le terrain, un contact concret avec les agriculteurs. Il s’agit de leur offrir une écoute, d’abord sur les questions de sécurité, mais aussi d’entendre leurs préoccupations, qu’elles soient d’ordre économique ou bien relatives aux contraintes réglementaires qu’ils ont à appréhender. Il peut y avoir aussi parfois un sentiment d’incompréhension, voire d’injustice », explique le patron de la gendarmerie départementale, régulièrement confronté à des situations de détresse. « C’est aussi pour nous l’occasion de recueillir, à la source, du renseignement : les agriculteurs sont au cœur de nos campagnes, parmi les meilleurs veilleurs de nos territoires dont ils connaissent tous les recoins », observe-t-il, se félicitant de cette « co-production de sécurité », citoyenne et responsable.
« Le contact avec les représentants syndicaux des agriculteurs se fait quant à lui au niveau des compagnies et du groupement », explique le colonel de gendarmerie qui a présenté l’organisation et les missions de la cellule Demeter aux représentants de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), des Jeunes Agriculteurs, de la « Confédération paysanne » et de la « Coordination rurale ». « Ces rencontres à plus haut niveau sont l’occasion de mettre en place un certain nombre de dispositifs, comme la création d’un réseau « d’agriculteurs vigilants » qui permet aux exploitants qui le souhaitent d’adhérer à une chaîne d’alerte par SMS ou d’être destinataires de mails de prévention », précise-t-il.
Placé auprès du commandant du groupement de gendarmerie départementale, un officier adjoint chargé des partenariats et de la prévention a également pour tâche de recevoir, sur une boîte mail dédiée, toutes les remontées directes et les interpellations des agriculteurs. « Ce contact sans intermédiaire permet de donner des instructions claires et rapides à nos unités, sur le terrain, pour répondre aux attentes et aux besoins des agriculteurs ». Toujours sur le volet « prévention », des référents sûretés, désignés au sein de chaque compagnie, effectuent des audits de sécurité sur les exploitations. « Il s’agit de faire le tour des fermes, avec leur propriétaire, pour déceler les failles de sécurité et préconiser toutes les mesures nécessaires pour éviter ou limiter les infractions : moyens de vidéo-protection, éclairages et alarmes, contraintes de sécurité passive, barrages et autres bons réflexes », se félicite Brice Mangou.
Côté police judiciaire, l’officier adjoint PJ, avec l’aide de la brigade d’appui judiciaire (BAJ), assure le suivi et la coordination de tous les actes de malveillance pour faciliter les recoupements judiciaires, mieux appréhender les phénomènes émergents et les regroupements criminels et, au bout du compte, faciliter la résolution des enquêtes.
Vient enfin le volet « renseignement », qui permet, avec la mobilisation des équipes spécialisés et la diffusion d’axes de recherches, d’analyser et d’identifier, principalement sur les réseaux sociaux, les mouvements cherchant à intimider, à dégrader, à insulter les agriculteurs et leurs exploitations. « Notre investissement sur ces questions de renseignement a pour but d’anticiper la menace pour mieux protéger nos exploitants », affirme le colonel Mangou.
Mais la création de la cellule Demeter s’inscrit dans un plan plus ambitieux encore pour la sécurité du monde agricole.
C’est ainsi que, dans le cadre de la stratégie déployée par le Gouvernement en faveur de la communauté agricole, le ministère de l’Intérieur participe également activement à la mise en place des « observatoires de l’agribashing » - c’est-à-dire « la mise en cause massive et généralisée qui revient à contester en bloc les pratiques agricoles, leur utilité sociale et même jusqu’à leur existence » -, créées à l’initiative du ministère de l’Agriculture. « Dans les Vosges, nous avons installé cet observatoire départemental avec le procureur de la République d’Épinal le 27 janvier dernier », explique quant à lui le préfet du département, Pierre Ory, particulièrement mobilisé sur les questions de sécurité qui touchent le monde rural. Cette instance rassemble autour d’une même table les services de l’État concernés (préfecture et sous-préfectures, police et gendarmerie, DDT, DDCSPP), la Justice, la chambre départementale d’agriculture, et les représentants des organismes professionnels agricoles. « Complémentaire de la cellule Demeter, cet observatoire doit permettre, dans les Vosges, à travers le partage de l’information, l’identification des menaces et la communication, de dresser un état des lieux exhaustif des problèmes de sécurité rencontrés par les professionnels du monde agricole, et d’élaborer des solutions concertées et adaptées, basées sur la prévention, l’échange des bonnes pratiques et la réponse judiciaire », conclut le préfet.