Séance de questions d'actualité au Gouvernement du 30 octobre 2014

Séance de questions d'actualité au Gouvernement du 30 octobre 2014

Jeudi 30 octobres, Bernard Cazeneuve a répondu à M. Eric Jeansannetas, sénateur de la Creuse lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement au Sénat.


Gérard Larcher, président du Sénat :

La parole est maintenant à notre collègue Éric Jeansannetas, pour le groupe socialiste. Vous avez la parole.

Éric Jeansannetas, sénateur PS de la Creuse :

Merci Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les ministres, chers collègues, Monsieur le ministre de l’Intérieur, un jeune homme de vingt et un ans est mort. « Quelles que soient les circonstances, quand un jeune disparaît, meurt, la première des attitudes, la première des réactions, c’est celle de la compassion. Ce qui s’impose en premier à lieu à tous, c’est la compassion pour la douleur de sa famille et c’est la solidarité. Nous témoignons tous de notre solidarité à cette famille. » Ces mots sont ceux du président de la République et du Premier ministre et je les fais miens aujourd’hui. La mort d’un jeune homme, quelles qu’en soient les causes, est bien sûr une tragédie et je veux exprimer ici à mon tour toute ma compassion pour l’incommensurable chagrin de sa famille, de ses amis en mon nom et au nom de la représentation nationale dans son ensemble. Ce drame de Sivens nous interpelle tous. Il nous interpelle sur la difficulté croissante du dialogue démocratique dans notre société. Les collectivités territoriales portent des projets structurants, des projets d’équipements, prévoient l’avenir de leur territoire et ce heureusement. Mais – nous le constatons – les infrastructures nouvelles font de plus en plus souvent l’objet d’une contestation forte organisée, médiatisée, parfois violente, souvent portée par des associations militantes de site en site extérieures aux territoires concernés. Le droit de ne pas être d’accord avec les pouvoirs locaux, oui, c’est tout à fait entendable. Le droit de manifester, oui, bien sûr, c’est une liberté fondamentale. Le droit de s’opposer par tout moyen légal, oui. C’est l’essence même de notre République. Mais la violence, l’utilisation de la force, l’organisation des semaines durant d’actions qui s’apparentent à de la guérilla contre les forces de police ou de gendarmerie ne sont jamais acceptables. Ces situations tendues génèrent des risques accrus pour les forces de l’ordre et pour les manifestants eux-mêmes. Tout élu de la République a le devoir de condamner ces méthodes pour mieux défendre la liberté de manifester. Quelles que soient ses convictions et ses engagements, personne ne devrait mourir pour un projet de barrage. C’est ce qu’a exprimé notre collègue Thierry Carcenac, président du conseil général du Tarn, qui est dévasté par cette tragédie et à qui nous apportons aussi tout notre soutien. Monsieur le ministre, après ce drame – vous l’avez évoqué vous-même –, il y a un devoir et une exigence de vérité. Vous avez immédiatement suspendu, dès la mise en cause des jets de grenade par la gendarmerie, l’emploi des grenades offensives. L’enquête en cours doit permettre de faire toute la lumière sur les responsabilités personnelles ou collectives. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des éclairages sur cette situation ? Merci.

Gérard Larcher :

Pour vous répondre, la parole est à Monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Vous avez la parole Monsieur le ministre.

Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur :

Monsieur le sénateur, vous avez, dans votre propos, indiqué la dimension dramatique des événements qui se sont produits à Sivens dans la nuit de samedi à dimanche et je veux, avec vous, comme l’a fait d’ailleurs Ségolène Royal, avoir une pensée pour la famille, pour les amis de Rémi Fraisse. Je l’avais fait à l’Assemblée nationale mardi et dans un communiqué dans la journée de lundi parce que, dans ces circonstances, alors que la tristesse – vous l’avez dit – est insondable, incommensurable, les manifestations de solidarité et de sympathie comptent. Ensuite, il y a un devoir moral pour l’État, celui de la vérité. Nous avons indiqué, dès les premières heures après le drame, que nous souhaitions bien entendu que cette vérité advienne et advienne vite. C’est la raison pour laquelle l’ensemble des administrations de l’État et notamment la mienne s’est mis à la disposition de la justice pour que la vérité soit possible et que tous les éléments lui soient communiqués. Le juge investigue, enquête et les premiers éléments qu’il a communiqués témoignent de la détermination de tous à savoir. Ensuite, je veux apporter des éléments de réponse aux critiques et aux interrogations légitimes qui ont été formulées. D’abord, est-ce que la présence des forces de l’ordre était nécessaire à Sivens alors que le chantier avait été débarrassé vendredi ? La présence des forces de l’ordre se justifiait pour deux raisons. La première raison, c’est qu’il y avait des risques de contre-manifestation. Et si ces contre-manifestations s’étaient produites avec des affrontements produisant des morts en nombre plus important encore, on aurait demandé : « Où sont les forces de l’ordre ? » Et puis il y avait eu aussi des violences. Depuis le 1er septembre dernier, cinquante-six gendarmes ont été blessés, quatre-vingt-une procédures judiciaires ont été ouvertes. Et moi, je veux aussi dire à ces gendarmes qui font leur travail avec des valeurs et un sens profond de la République mon soutien, ma reconnaissance et ma gratitude pour le travail qu’ils font parce que dans la République, cela doit aussi être dit. Enfin on m’a reproché encore ce matin de manquer de cœur et de ne pas avoir de compassion. Je suis devant la représentation nationale et je veux, sur ces sujets, m’exprimer en sincérité. J’ai, au cours des dernières années, eu à connaître des drames dans ma propre circonscription. Je pense notamment à l’attentat de Karachi où il y a eu quarante morts, quatorze morts, pardon. J’ai conduit sur cette affaire-là des investigations loin des caméras car on peut être dans la compassion sans être devant les caméras. Et lorsqu’un événement de ce type se produit et que vous êtes ministre de l’Intérieur, vous interrogez votre conscience et les choses au plus profond de vous-même, vous essayez de trouver les mots justes et vous les adressez à ceux auxquels vous devez les adresser avec pudeur. Voilà ce que j’ai essayé de faire, voilà comment j’essaie de me comporter face à cette épreuve pour la famille de Rémi Fraisse qui est aussi – je veux vous le dire – une épreuve pour moi et je regrette que certains profitent de cet événement non pas pour que la vérité l’emporte, mais pour faire de la politique en abaissant tout.


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